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    Flore Gallois, Les 100 concepts de la géopolitique

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Flore Gallois, Les 100 concepts de la géopolitique Empty Flore Gallois, Les 100 concepts de la géopolitique

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 26 Fév - 23:12

    https://fr.book4you.org/book/19170737/27c8d6

    "L’analyse de phénomènes conflictuels."

    "Stéphane Rosière définit ainsi les deux disciplines : alors que la géographie politique est « la description et l’étude du cadre politique » (constitué de territoires, réseaux, pôles et lieux symboliques), la géopolitique est vue comme « l’étude de l’espace considéré comme un enjeu » (pour lequel les rapports de force entre acteurs s’exercent)."

    "Stéphane Rosière définit ainsi les deux disciplines : alors que la géographie politique est « la description et l’étude du cadre politique » (constitué de territoires, réseaux, pôles et lieux symboliques), la géopolitique est vue comme « l’étude de l’espace considéré comme un enjeu » (pour lequel les rapports de force entre acteurs s’exercent)."

    "Un problème géopolitique devient géostratégique s’il y a conflit [...] La géostratégie est ainsi souvent considérée comme un développement spécifique de la géopolitique. [...] La géostratégie est ainsi avant tout une pratique concrète : une action militaire, menée sur plusieurs théâtres d’opération locaux avec comme enjeux des espaces et leurs ressources."

    "L’amiral américain Alfred Mahan (1840-1914) est considéré comme le précurseur de l’école anglo-saxonne. Il définit la puissance d’un État par la domination des mers. Son travail repose sur l’étude des stratégies qui ont permis le contrôle des mers dans l’histoire. Il écrit ses travaux dans un contexte particulier : celui de la fin des conflits internes aux États-Unis, le gouvernement développe alors la doctrine Monroe sur le continent américain, sa « chasse gardée ». Dans le même temps, aux progrès techniques de la navigation (machine à vapeur, blindage, armements plus performants…) s’ajoute l’édification des grands Empires coloniaux qui montre l’importance de la puissance maritime*. Ces théories mahanistes influencent encore aujourd’hui la politique extérieure américaine. Les États-Unis maintiennent une marine importante nécessaire à la projection de sa puissance. Cette projection, en dépit des tentations isolationnistes, se retrouve encore aujourd’hui."

    "Deuxième auteur de la géopolitique anglo-saxonne, Sir Halford John Mackinder (1861-1947), géographe anglais, professeur à Oxford et homme politique, se rattachant à l’école réaliste (par opposition au matérialisme allemand). Avec les concepts fondamentaux de Sea Power*, de Heartland* et de containment (Voir Endiguement*), ce géographe britannique est considéré comme son fondateur. Son objectif est d’entretenir l’« esprit impérial ». Il raisonne dans le contexte suivant : la révolution industrielle où le Royaume-Uni entre en compétition avec d’autres puissances qui émergent, comme l’Allemagne et les États-Unis. La puissance maritime britannique commence à être concurrencée et est en passe d’être dépassée.

    Pour Mackinder, le passé a montré que le cœur du monde se trouvait en Eurasie, où se concentrent ressources minières, énergétiques et grands axes de passages. Ainsi, pour Mackinder, celui qui domine cet espace eurasiatique domine le monde, c’est le Heartland (Democratic ideals and Reality : a study of the Politics of Reconstruction., Londres, 1919). Il analyse les conflits à venir et passés comme une tension entre ce « cœur du monde » recouvrant la Russie et une partie de l’Europe occidentale, par opposition à un anneau périphérique où l’on trouve le Royaume-Uni et les États-Unis. Il conçoit la planète comme un ensemble divisé entre un « océan mondial », une « île mondiale » (Europe, Asie, Afrique), et des « îles périphériques » (Amérique, Australie). Mackinder craint alors que les puissances terrestres l’emportent. Ces craintes sont intenses à la veille de la
    Seconde Guerre mondiale face au risque d’une alliance germano-soviétique."

    "Nicolas Spykman (1873- 1943), universitaire, spécialiste de sciences politiques et de sociologie. Il reprend les théories de Mackinder en introduisant une variante. Le fondamental dans l’analyse des grands conflits n’est pas finalement ce que Mackinder appelle le « Cœur du monde », mais les périphéries côtières de l’Europe et de l’Asie, cet anneau extérieur où se concentre l’essentiel des populations, des richesses, qu’il appelle Rimland. La nuance introduite par Spykman dans la géopolitique mondiale est qu’il ne faut pas forcément contrôler le Heartland, mais empêcher que ce dernier domine le Rimland. Cette doctrine géopolitique de Spykman va trouver sa traduction dans la théorie de l’endiguement : il faut empêcher la puissance soviétique de marquer des points en Asie, dans les mers chaudes et en Europe occidentale. On n’attaque pas directement l’URSS mais on l’empêche d’accéder aux zones maritimes. Les conflits de la Guerre froide sont ainsi des conflits périphériques opposants des États-tiers."

    "Le premier géographe à avoir une réflexion dans le domaine de la géopolitique est Élysée Reclus (1830-1905) dans sa Nouvelle Géographie universelle (19 vol., 1876-1894) et L’Homme et la Terre (6 vol., 1905-1908)."

    "Dans l’entre-deux-guerres, le géographe et géopolitologue Jacques Ancel (1882-1943) fit le point sur les travaux français de géographie politique avec la rédaction d’ouvrages comme sa Géopolitique (1936). Il s’impose comme un spécialiste de l’Europe centrale et orientale (Balkans) et fonde le premier enseignement de géopolitique en France à l’Institut des Hautes Études en Sciences Sociales. Son œuvre importante sur les frontières (Géographie des frontières, 1938) est pionnière. Il démontre que les frontières ne sont pas des créations de la nature, mais sont l’œuvre des hommes et des nations.

    Entre 1945 et les années 1970, on assiste à une longue éclipse de la géopolitique en France. Cette éclipse s’explique par le discrédit qui entoure la géopolitique assimilée au nazisme et les grands géographes français des années 1950-1960 ne touchent pas, volontairement, à cette branche. Dans le contexte de la Guerre froide, le raisonnement géographique perd de sa pertinence et les données liées à la géographie paraissent secondaires en cas de conflit nucléaire."

    "L’élection de Theodore Roosevelt en 1901, ami personnel de Mahan, porte ses idées au pouvoir : jadis puissance terrestre repliée sur son pré-carré américain en vertu de la doctrine Monroe isolationniste, les États-Unis se convertissent en une puissance maritime interventionniste, s’emparant d’Hawaï ou des Philippines. L’exécutif américain s’immisce progressivement dans les affaires internationales au nom de la liberté du commerce depuis 1917 (entrée en guerre). Le développement du commerce extérieur des États-Unis doit être garanti et protégé. Il nécessite la constitution et l’entretien d’une flotte puissante et omniprésente."

    "L’entrée en service en 2012 du Liaoning, premier porte-avions chinois, ne signifie pas que la Chine dispose instantanément d’une capacité de projection aéronavale. L’importance des contraintes logistiques oblige à disposer de bases en territoire ami et de navires tels que des pétroliers ravitailleurs, qui assurent le soutien des unités en mer. Une marine sans
    support logistique ne peut servir à ce qui fait l’essence même de la puissance navale : la projection, comprise comme la capacité à agir en force et durablement loin de ses bases. Plus que le Liaoning, c’est la poursuite d’un programme de pétroliers ravitailleurs de près de 40 000 tonnes de déplacement qui manifeste les ambitions chinoises de développer une marine de haute mer capable d’assurer une présence continue depuis 2009 dans l’océan Indien au nom de la lutte contre la piraterie.

    Jusqu’en 1945, les batailles navales se fondent sur un capital ship (navire décisif) : le cuirassé et les croiseurs. Après 1945, l’avènement du porte-avions forme l’ossature des grandes flottes militaires. Le porte-avion permet de projeter la puissance mais aussi de protéger des flottes plus traditionnelles, il est le nouveau « capital ship », notamment le porte-avion équipé CATOBAR, sans tremplin mais avec catapultes, brins d’arrêt et piste oblique. Avec l’allonge des avions modernes (comme le Rafale) et la portée des missiles sol-air, 95 % des zones urbanisées peuvent être frappées depuis la mer. Les États-Unis disposent de 10 de ces porte-avions, tous à propulsion nucléaire. La seule autre marine au monde disposant d’un navire de ce type est la France avec le Charles de Gaulle. Une 3e marine dispose d’un de ces porte-avions : le Brésil, mais il s’agit du Foch français, construit il y a un demi-siècle à propulsion classique. Les autres flottes (Chine, Inde, Russie par exemple) disposent de porte-avions classiques à tremplin. Une autre révolution apparaît : le nucléaire qui permet d’avoir des bâtiments à autonomie quasi illimitée tandis que l’armement nucléaire transporté par les sous-marins lanceurs d’engin (SNLE) s’avère très dangereux à l’heure de la dissuasion nucléaire. Ce type de bâtiments n’est maîtrisé aujourd’hui que par les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et la Russie. Dans les années 2010, la marine américaine reste de loin la plus puissante : son tonnage (3 Mt) représente en 2013 celui additionné de la flotte russe (2e) et de la flotte chinoise (3e)."

    "Le 25 janvier 1904, dans une conférence restée célèbre destinée à localiser le « pivot géographique de l’histoire », le géographe anglais et homme politique Halford Mackinder (1861-1947) prend le contrepied des analyses de l’amiral Mahan : « l’Asie est le pivot de l’histoire. Qui, avec les moyens de la technologie moderne, notamment ferroviaire, la contrôlera, dominera le monde » (Communication à la Société royale de Géographie, « The Geographical Pivot of History », 1904).

    La géopolitique de Mackinder se comprend dans le contexte de compétition entre puissances maritimes britannique et américaine d’un côté et puissance continentale allemande de l’autre. Sa préoccupation majeure est le destin de l’Empire britanique. Mackinder comprend que le monde change et devient clos : le partage des ressources est terminé, les réserves de puissance sont limitées. Comme Ratzel, il pense que l’avenir appartient aux macro-États. La domination du monde par un seul Empire est désormais possible. Il craint d’abord que la balance ne penchât en faveur de la puissance maritime américaine reprenant le rôle historique des Britanniques. Pour Mackinder, le déclin britannique est inexorable, le Royaume-Uni étant incapable de soutenir la concurrence des grandes puissances continentales. Trop petite, ses ressources s’épuisant, elle ne pourrait longtemps s’assurer de la maîtrise des mers. La cohésion de l’Empire comme la sécurité des îles Britanniques sont menacées par l’Empire continental européen en formation derrière l’Allemagne ou la Russie grâce aux nouveaux moyens de transport. Il redoute qu’une alliance germano-russe associant la puissance économique et technologique allemande aux ressources naturelles et humaines de l’Empire russe mette fin à l’hégémonie britannique.

    Pour saisir le poids de ce contexte, la géopolitique de Mackinder recourt à l’histoire, comme l’amiral Mahan avant lui. Selon lui, les rapports terre-mer sont passés par trois phases. Il y eut d’abord la domination des peuples des steppes dont la mobilité terrestre primait sur la mobilité maritime des civilisations nées sur le pourtour de l’Eurasie. Puis vint « l’ère colombienne », inaugurée par le voyage de Christophe Colomb, l’Europe s’assure de la maîtrise des mers et du monde. Enfin, l’avènement du chemin de fer et de l’automobile inaugure une troisième phase dans laquelle la mobilité terrestre rattrape la mobilité maritime. Les nouvelles techniques de transport donnent désormais l’avantage aux États-continents, reliant l’Europe à l’Asie plus rapidement que par voie maritime. La puissance globale ne dépend plus de la maîtrise des mers, mais du contrôle des terres. L’heure est à la colonisation de pans entiers de continents et non plus à la constitution d’un réseau de bases sur les grandes routes maritimes. Les Empires terrestres constitués, butant les uns comme sur les autres, créent tout au long des frontières revendiquées de nouvelles zones de conflits.

    Le sort du monde est désormais lié à ce « pivot eurasiatique », continental, inaccessible aux puissances maritimes. L’unification et le contrôle de cet espace dépendent des rapports entre puissances russe et allemande. La vision du monde de Mackinder s’organise autour de la domination d’une Île mondiale, le World Island, réunissant en un seul ensemble l’Europe, l’Asie et 1’Afrique. Mackinder considère les autres continents (États-Unis, Australie) comme de simples « îles satellites » (outlying islands) du World Island.

    En 1919, la chute du Second Reich écarte le danger. Mackinder se prononce alors pour la création d’États-tampons en Europe de l’Est séparant l’Allemagne et la Russie. Il affine son analyse après l’arrivée des bolcheviks au pouvoir dans Democratic Ideals and Reality publié en 1919 en introduisant la notion de Heartland, région intermédiaire entre le Coastland (Royaume-Uni, France) et la masse continentale eurasiatique (World-Island). Ce Heartland s’étend de l’Arctique à l’Asie centrale, en incluant l’Europe à l’Est et la Russie. Il affirme alors que la puissance qui règne sur l’Europe de l’Est contrôle le Heartland, celle qui règne sur le Heartland contrôle le World-Island, enfin, celle qui règne sur le World-Island domine le monde."

    "Zbigniew Brzezinski (1928-2018), conseiller pour la sécurité de Jimmy Carter entre 1977 et 1981, reprend dans son ouvrage le Grand Échiquier, plus de quatre-vingt-dix ans après cette thèse de l’Île mondiale. « L’Eurasie constitue l’axe du monde […]. L’évolution des équilibres de puissance sur l’immense espace eurasiatique sera d’un impact déterminant sur la suprématie globale de l’Amérique ». Héritier de la pensée de Mackinder, Brzezinski est persuadé que, même si le flambeau de l’hégémonie globale est aux mains des États-Unis, c’est toujours en Eurasie que se joue son avenir. En conséquence, il plaide pour un engagement durable des États-Unis dans l’« Ancien Monde » afin de pouvoir y contenir l’émergence de nouvelles puissances et ainsi pouvoir espérer maintenir leur hégémonie."

    "Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Spykman renverse la proposition de Mackinder : les régions stratégiques du monde ne sont plus le Heartland mais les zones périphériques du continent eurasiatique avec l’Europe occidentale et l’Asie orientale. Autour du pivot du Heartland, gravitent deux anneaux périphériques. Le premier « intérieur » est « l’anneau de basses terres européennes et sud-asiatiques », relayées par l’Arabie depuis les îles Britanniques jusqu’au Japon. Un second anneau « extérieur » est constitué des îles satellites du World Island et de l’Afrique australe.

    L’anneau intérieur, le Rimland, recouvre une importance stratégique fondamentale. Le balancement des forces entre pouvoir continental et pouvoir maritime dépend de son contrôle. L’enjeu n’est pas pour lui de contrôler le Heartland (le continent) mais le Rimland, c’est-à-dire les anneaux extérieurs ou, autrement dit, les littoraux. La puissance maritime pour s’imposer doit se ménager des plages de débarquement sur ce Rimland. Pour que les États-Unis parviennent à s’imposer sur les Empires européens du Heartland et dominer le monde, ils doivent contrôler les États de ce Rimland."
    -Flore Gallois, Les 100 concepts de la géopolitique, Ellipses Éditions, 2022.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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