https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Feuerbach
https://books.google.fr/books?id=0W5g9cVlI6YC&pg=PT65&lpg=PT65&dq=Principes+de+la+Philosophie+de+l%E2%80%99avenir+feuerbach&source=bl&ots=BgH1iQA7US&sig=eHUpt8J43k9Cs0tx9j1B5q8EpG4&hl=fr&sa=X&ei=vu60VIy_NO7Y7AaR1IGoBQ&ved=0CDcQ6AEwBjgK#v=onepage&q=Principes%20de%20la%20Philosophie%20de%20l%E2%80%99avenir%20feuerbach&f=false
« Le paganisme classique avait pour caractère l’unité ; dualisme, scission, désaccord en toutes choses sont le caractère du christianisme. Le Christianisme […] scission entre Dieu et le monde, entre le ciel et la terre, la grâce et la nature, l’esprit et la chair, la foi et la raison. »
« Renoncer à la vie civile et politique, rejeter comme une vanité pure toutes les occupations, toutes les choses dites mondaines, afin de pouvoir sans distraction, avec un cœur brisé et des yeux pleins de larmes, languir dans l’attente du ciel, tuer tous les penchants, toutes les inclinations naturelles ; se châtrer, se martyriser, voilà en quoi consistaient la religion. »
« L’amour pour Béatrix fit de Dante un poète. Un tel amour, quelque pur et idéal qu’il soit, est en contradiction avec la nature et même avec la doctrine expresse du catholicisme. « N’aime pas l’homme pour lui-même, mais Dieu en lui. », dit un saint. »
« L’amour élève le fini jusqu’à l’infini. »
« Les besoins du corps font autant de révolutions que les besoins de l’esprit. »
« ô chrétiens aveugles ! qui voyez une paille dans les yeux des païens sans savoir qu’il y a une poutre dans les vôtres ! »
« Il sacrifie sans scrupule la vérité à sa foi. »
« Dans toutes les sphères, le Dieu avait repoussé le divin. Giordano Bruno et Spinoza étaient les seuls qui eussent une idée de la vraie vie intime du monde. »
« Ce dont la vie, ce dont l’existence de l’homme dépend, cela est Dieu pour lui. Si les chrétiens n’adorent plus la nature, c’est tout simplement parce que selon leur croyance, leur vie n’a pas sa source dans la nature, mais dans la volonté d’un être surnaturel. Malgré cela ils ne considèrent et n’honorent cet être comme l’être suprême que parce qu’ils voient en lui l’auteur et le conservateur de leur existence et de leur vie. C’est ainsi que l’adoration de Dieu n’est qu’une conséquence, une manifestation de l’adoration de l’homme par lui-même. »
« Dieu est l’être bon et miséricordieux, car il fait luire son soleil pour les méchants comme pour les bons et il laisse tomber la pluie sur les justes et les injustes ; mais l’être qui ne fait aucune différence entre les bons et les méchants, entre les justes et les injustes, qui ne partage point les biens de la vie d’après la valeur morale des individus, et qui ne paraît bon à l’homme que parce que ses effets tels que par exemple, la lumière du soleil et l’eau des pluies, sont la source des sensations les plus agréables et les plus bienfaisantes, cet être, c’est la nature. »
« Tandis qu’au point de vue déiste, l’être humain en général est adoré comme Dieu, parce qu’il paraît différent de l’homme particulier, dans les religions naturelles, au contraire, les êtres différents de l’homme sont adorés comme divins, parce qu’ils paraissent à l’homme entièrement semblables à lui. »
« Dans le besoin, l’homme a la crainte de Dieu, il est humble et religieux ; dans la jouissance, il est fier, orgueilleux, oublieux de la divinité. »
« L’origine du sacrifice, c’est le sentiment de notre dépendance, c’est-à-dire la crainte, le doute, l’incertitude du succès, l’inquiétude de l’avenir, le remords d’une faute commise ; mais le résultat, le but du sacrifice, c’est le sentiment de nous-mêmes, c’est-à-dire le courage, la jouissance, la certitude du succès, la liberté et le bonheur. »
« Labourer, semer, arroser, tout cela dépend de moi ; mais récolter n’est pas en mon pouvoir ; la réussite, la récompense de mes efforts est entre les mains de Dieu. Mais qu’est-ce que Dieu ? Rien autre chose que la nature considérée comme un être que les prières peuvent émouvoir, et par conséquent doué de volonté. »
« Le vœu […] est une volonté qui n’a pas la force de se réaliser. […] L’essence des dieux n’est pas autre chose que l’essence du vœu ; les dieux sont des êtres supérieurs à l’homme et à la nature ; mais nos vœux sont aussi des êtres surhumains et surnaturels. Suis-je, en effet, encore un homme dans mes vœux et ma fantaisie, lorsque je désire être immortel ou délivré des chaînes du corps terrestre ? Non ! Qui n’a pas de désir n’a pas non plus de dieux. […] Les dieux peuvent ce que les hommes désirent. »
« La nature ne répond pas aux plaintes et aux questions de l’homme, elle le renvoie à lui-même impitoyablement. »
« La religion de la nature est toujours en danger de voir ses illusions détruites ; il ne faut qu’un coup de hache pour la convaincre que de ses arbres vénérés aucun sang ne coule, et que par conséquent aucun être vivant, divin, ne les a choisis pour demeure. Comment se délivre-t-elle de ces contradictions grossières auxquelles l’expose le culte de la nature ? Elle fait de ce qu’elle adore un être invisible. »
« Dieu ne devient le régent du monde, n’est considéré en général comme un être politique que là où l’homme est tellement dominé et fasciné par la nature imposante de la royauté qu’elle lui paraît l’être suprême. »
« Seuls les hommes des villes font l’histoire, car l’histoire a pour principe la « vanité » humaine. Celui-là seul est capable d’actions historiques qui peut sacrifier […] sa vie à son nom, son existence corporelle à son existence dans le souvenir et la bouche de la postérité. »
« Les dieux des païens étaient bien déjà les maîtres de la nature, mais ils n’en étaient pas les créateurs. »
« Comment peux-tu rejeter les conséquences si tu conserves le principe ? »
« Le domaine du hasard, des choses individuelles, incalculables, impossibles à prévoir, tel est le domaine des dieux. »
« Les dieux sont des êtres de fantaisie […] fils de deux puissances suprêmes, l’espérance et la crainte. »
« La seule providence de l’humanité, c’est la culture, c’est la civilisation. Sagesse, bonté, justice ne règlent la vie de l’homme que là où l’homme est lui-même sage, bon et juste. »
« Le temps viendra cependant [où] la pure lumière de la raison éclairera et échauffera l’humanité. »
« Tels sont tes désirs, tels sont tes dieux. Les Grecs avaient des dieux bornés dans leur nature, c’est-à-dire, ils avaient des désirs bornés. Les Grecs ne voulaient pas vivre éternellement ; ils voulaient seulement ne pas vieillir, ne pas mourir, du moins ne pas mourir à la fleurs des ans ou d’une mort violente et douloureuse ; ils ne voulaient pas la félicité, mais le bonheur ; ils ne se plaignaient pas comme les chrétiens d’être soumis à la nécessité de la nature et aux besoins du penchant sexuel, du sommeil, du boire et du manger ; ils n’exaltaient pas leurs vœux au-dessus des limites de la nature humaine ; ils ne faisaient pas de rien quelque chose ; ils ne puisaient pas le contenu de la vie divine et heureuse dans l’imagination, mais dans les richesses du monde réel ; enfin, pour eux, le ciel des dieux était élevé sur le fondement inébranlable de cette terre. Les Grecs ne faisaient pas de l’être divin, c’est-à-dire de l’être possible, le modèle, la mesure et le but de l’être réel, mais de l’être réel la mesure du possible. Même lorsqu’à l’aide de la philosophie ils eurent raffiné, spiritualisé leurs dieux, leurs désirs ne dépassaient pas cependant le domaine de la réalité, de la nature de l’homme. Ainsi les dieux d’Aristote sont d’éternels penseurs, parce le dernier vœu du philosophe est de pouvoir penser sans interruption et sans obstacles. »
« [Le désir des chrétiens, comme du marxisme] est un ciel dans lequel toute limite, toute nécessité de la nature disparaîtront ; dans lequel il n’y aura plus ni besoins, ni souffrances, ni blessures, ni combats, ni passions, ni changements. »
« Vie est égoïsme. Quiconque ne veut pas d’égoïsme veut qu’il n’y ait aucune vie. Mais en quoi diffère l’égoïsme religieux de l’égoïsme naturel ? Ils ne différent que de nom. Dans la religion, l’homme s’aime au nom de Dieu ; en dehors de la religion, il s’aime en son propre nom. »
« Si l’on examine au point de vue politique et social, la religion n’a pour fondement que la méchanceté des hommes, que le mauvais état des choses et des rapports dans la société humaine. Parce que la vertu n’est pas toujours heureuse et récompensée, parce qu’en général il y a dans la vie mille contradictions, mille maux, mille calamités, il doit y avoir un ciel, il doit y avoir un Dieu. Mais le plus grand malheur de l’homme vient de l’homme lui-même. C’est seulement sur le manque de justice, de sagesse et d’amour dans l’humanité que repose la nécessité de l’existence de Dieu. Dieu est ce que les hommes ne sont pas, -du moins pas tous, -du moins pas toujours, - mais ce qu’ils devraient être. »
« Si je prouve à un homme qu’il n’est pas en réalité ce qu’il croit être en imagination, je suis certainement négatif envers lui, je lui fais mal, je lui ôte son illusion, mais je ne suis négatif qu’envers son être imaginaire, non envers son être réel. Je reconnais avec joie toutes les qualités que d’ailleurs il peut avoir, je ne fais que lui enlever son imagination, afin qu’il acquière la vraie connaissance de lui-même et qu’il dirige ses pensées et sa volonté vers des objets et qui répondent à sa véritable nature et qui ne dépassent pas ses forces. »
« Le vrai penseur, le vrai poète ne peuvent pas plus toujours produire que l’arbre ne peut toujours produire des fleurs et des fruits. »
« Qu’est-ce que le bonheur ? Une vie d’accord avec nos inclinations et nos penchants. »
« Le ciel n’a son fondement que dans notre manque de confiance en nous-mêmes, que dans notre paresse et notre ignorance. »
« En détruisant le mal sur la terre nous renversons les colonnes qui soutiennent le ciel. »
« La vraie négation est celle qui donne une explicitation de son objet, qui le nie indirectement, de manière à n’être qu’une négation involontaire, qu’une conséquence nécessaire. De cette façon, la conclusion négative : « Il n’y a point d’immortalité, » ne fait qu’exprimer tout simplement ce qu’est l’immortalité, exprime que, si on en dévoile la nature, on a pour résultat le rien. »
« L’anthropologie est assez modeste pour avouer qu’elle ne saurait rien de l’homme si l’homme n’existait pas, que toutes ses idées et ses connaissances sur l’homme, les choses et les êtres en général dérivent par abstraction de leur existence réelle. »
« Je suis un tout autre moi dans le chagrin que dans la joie, dans la passion que dans l’indifférence, dans le feu de la sensation que dans le froid de la réflexion, avec un estomac vide qu’avec un estomac plein, en plein air que dans une chambre, en voyage qu’à la maison. […] Je repousse de toutes mes forces cette identité de mon état passé et de mon état présent. […] On pense tout autrement dans un palais que dans une hutte. »
« L’homme ne peut pas, ne doit pas nier les sens ; si pourtant il va jusqu’à les nier en se mettant en contradiction avec sa propre nature, il sera ensuite obligé de les affirmer, de les reconnaître ; mais il ne pourra alors le faire que d’une manière négative, contradictoire et fantastique. »
« Les pensées qui semble le plus nous appartenir se rattachent, bon gré, mal gré, à celles de nos prédécesseurs. »
« Ne vois-tu pas que la pesanteur du corps est le fondement d’une science vraiment solide, vraiment sérieuse ? »
« Ne devrions-nous pas tous, tant que nous sommes, avoir assez de sincérité pour reconnaître aussi que nous sommes indignes de vivre de nouveau ? Comment, en effet, passons-nous cette vie ? Dans des réunions pleines d’ennui, dans des caquets mesquins de petite ville, dans des luttes politiques, au milieu des discordes religieuses, de folles discussions savantes, de tracasseries domestiques, en un mot au milieu de petitesses et d’absurdités de toute sorte. Et pourquoi la passons-nous ainsi ? Parce que nous avons trop peu ? Non ! Parce que nous avons trop de temps. Combien d’hommes vivraient heureusement si le jour était plus court de moitié ! Combien de vieillards retombent dans l’enfance ? Combien d’hommes jeunes encore se survivent, pour ainsi dire, parce qu’ils sont morts de corps et d’esprit ! Que peuvent-ils faire alors de ce superflu de vie qui leur reste, sinon le dissiper misérablement ou l’employer à rendre amère la vie des autres ? Avant de nous demander si nous sommes dignes d’une autre vie, demandons-nous donc d’abord si nous sommes dignes de celle-ci. »
« L’humanité doit, si elle veut fonder une nouvelle époque, rompre entièrement avec le passé ; elle doit d’abord poser en fait que ce qui a été jusqu’ici n’est rien. Ce n’est que par ce moyen qu’elle peut gagner ardeur, énergie et force pour des créations nouvelles. Tout ce qui se rattacherait à l’état présent des choses ne ferait que paralyser l’essor de son activité. »
« L’époque moderne diffère du moyen-âge en ce qu’elle a élevé la matière, la nature au rang de réalité ou de vérité divine ; en ce qu’elle a compris l’être absolu, non pas comme un être extrasensible, distinct du monde, mais comme un être identique au monde, comme un être réel. Monothéisme, voilà l’essence du moyen-âge ; Panthéisme, voilà l’essence du monde nouveau et de la philosophie nouvelle. Ce n’est qu’à la conception panthéiste de l’univers que nous devons toutes les grandes découvertes et toutes les productions des derniers temps dans les arts et les sciences. Comment en effet l’homme pourrait-il s’enthousiasmer pour l’étude du monde, si ce monde était un être différent de Dieu et séparer de lui, par conséquent un être non divin ? S’enthousiasmer pour une chose, c’est la diviniser ; enthousiasme est divinisation. »
« Il s’agit maintenant avant tout de détruire l’ancienne scission entre le ciel et la terre, afin que l’humanité se concentre de toute son âme et de toutes les forces de son cœur sur elle-même et sur le présent ; car cette concentration seule produira une vie nouvelle, de nouveaux grands hommes, de grands caractères et de grandes actions. Au lieu d’individus immortels, la « nouvelle religion » demande des hommes complets, sains de corps et d’esprit. La santé a pour elle plus de valeur que l’immortalité. »
« L’esprit doit aujourd’hui se délivrer, se rendre indépendant de l’État, comme il s’est rendu indépendant de l’Église. »
« « Que peut-il venir de bon de Nazareth ? » C’est ainsi que pensent toujours les sages et les prudents. »
« Toute idée nouvelle est reçu avec mépris, car elle commence dans l’obscurité. Cette obscurité est son génie protecteur ; insensiblement elle devient une puissance. Si dès l’origine elle en imposait à tous les regards, le Viel ordre des choses mettrait en œuvre tout ce qui lui reste de forces pour l’étouffer dans son berceau. »
« L’histoire ne fait que te montrer la ressemblance d’un phénomène actuel avec un phénomène du passé ; mais elle ne t’en fait point connaître la différence, l’originalité, l’individualité. »
« Ce que tu dois faire, c’est vivre et agir. Les doutes que la théorie ne peut résoudre disparaîtront pour toi dans la pratique. »
« La philosophie consiste non à faire des livres, mais à faire des hommes. »
« Le païen avait son sauveur en lui-même, dans la raison qui n’était pas une faculté abstraite, mais une puissance réelle […] une source de santé morale et même physique. »
« Complètement d’abord avec cet esprit [la haine de l’Art et de la Science dans le christianisme] était l’habitude de gratter les vieux parchemins pour y écrire des livres de piété, habitude qui a causé des pertes irréparables dans la littérature classique. Bruno trouva en 1772 dans la bibliothèque du Vatican une grande partie de Tite-Live et des discours de Cicéron grattés et effacés et à leur place le livre de Tobie. »
« Partout où règne le préjugé de l’autorité, l’esprit est privé d’avance de la faculté de juger. »
« La scolastique au lieu d’étudier la nature étudiait la physique d’Aristote, et au lieu d’Aristote en personne lisait un Aristote traduit. »
-Ludwig Feuerbach, La religion, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1864. Contient la traduction de plusieurs textes dont L’essence de la religion, publié à Leipzig en 1845.
https://books.google.fr/books?id=0W5g9cVlI6YC&pg=PT65&lpg=PT65&dq=Principes+de+la+Philosophie+de+l%E2%80%99avenir+feuerbach&source=bl&ots=BgH1iQA7US&sig=eHUpt8J43k9Cs0tx9j1B5q8EpG4&hl=fr&sa=X&ei=vu60VIy_NO7Y7AaR1IGoBQ&ved=0CDcQ6AEwBjgK#v=onepage&q=Principes%20de%20la%20Philosophie%20de%20l%E2%80%99avenir%20feuerbach&f=false
« Le paganisme classique avait pour caractère l’unité ; dualisme, scission, désaccord en toutes choses sont le caractère du christianisme. Le Christianisme […] scission entre Dieu et le monde, entre le ciel et la terre, la grâce et la nature, l’esprit et la chair, la foi et la raison. »
« Renoncer à la vie civile et politique, rejeter comme une vanité pure toutes les occupations, toutes les choses dites mondaines, afin de pouvoir sans distraction, avec un cœur brisé et des yeux pleins de larmes, languir dans l’attente du ciel, tuer tous les penchants, toutes les inclinations naturelles ; se châtrer, se martyriser, voilà en quoi consistaient la religion. »
« L’amour pour Béatrix fit de Dante un poète. Un tel amour, quelque pur et idéal qu’il soit, est en contradiction avec la nature et même avec la doctrine expresse du catholicisme. « N’aime pas l’homme pour lui-même, mais Dieu en lui. », dit un saint. »
« L’amour élève le fini jusqu’à l’infini. »
« Les besoins du corps font autant de révolutions que les besoins de l’esprit. »
« ô chrétiens aveugles ! qui voyez une paille dans les yeux des païens sans savoir qu’il y a une poutre dans les vôtres ! »
« Il sacrifie sans scrupule la vérité à sa foi. »
« Dans toutes les sphères, le Dieu avait repoussé le divin. Giordano Bruno et Spinoza étaient les seuls qui eussent une idée de la vraie vie intime du monde. »
« Ce dont la vie, ce dont l’existence de l’homme dépend, cela est Dieu pour lui. Si les chrétiens n’adorent plus la nature, c’est tout simplement parce que selon leur croyance, leur vie n’a pas sa source dans la nature, mais dans la volonté d’un être surnaturel. Malgré cela ils ne considèrent et n’honorent cet être comme l’être suprême que parce qu’ils voient en lui l’auteur et le conservateur de leur existence et de leur vie. C’est ainsi que l’adoration de Dieu n’est qu’une conséquence, une manifestation de l’adoration de l’homme par lui-même. »
« Dieu est l’être bon et miséricordieux, car il fait luire son soleil pour les méchants comme pour les bons et il laisse tomber la pluie sur les justes et les injustes ; mais l’être qui ne fait aucune différence entre les bons et les méchants, entre les justes et les injustes, qui ne partage point les biens de la vie d’après la valeur morale des individus, et qui ne paraît bon à l’homme que parce que ses effets tels que par exemple, la lumière du soleil et l’eau des pluies, sont la source des sensations les plus agréables et les plus bienfaisantes, cet être, c’est la nature. »
« Tandis qu’au point de vue déiste, l’être humain en général est adoré comme Dieu, parce qu’il paraît différent de l’homme particulier, dans les religions naturelles, au contraire, les êtres différents de l’homme sont adorés comme divins, parce qu’ils paraissent à l’homme entièrement semblables à lui. »
« Dans le besoin, l’homme a la crainte de Dieu, il est humble et religieux ; dans la jouissance, il est fier, orgueilleux, oublieux de la divinité. »
« L’origine du sacrifice, c’est le sentiment de notre dépendance, c’est-à-dire la crainte, le doute, l’incertitude du succès, l’inquiétude de l’avenir, le remords d’une faute commise ; mais le résultat, le but du sacrifice, c’est le sentiment de nous-mêmes, c’est-à-dire le courage, la jouissance, la certitude du succès, la liberté et le bonheur. »
« Labourer, semer, arroser, tout cela dépend de moi ; mais récolter n’est pas en mon pouvoir ; la réussite, la récompense de mes efforts est entre les mains de Dieu. Mais qu’est-ce que Dieu ? Rien autre chose que la nature considérée comme un être que les prières peuvent émouvoir, et par conséquent doué de volonté. »
« Le vœu […] est une volonté qui n’a pas la force de se réaliser. […] L’essence des dieux n’est pas autre chose que l’essence du vœu ; les dieux sont des êtres supérieurs à l’homme et à la nature ; mais nos vœux sont aussi des êtres surhumains et surnaturels. Suis-je, en effet, encore un homme dans mes vœux et ma fantaisie, lorsque je désire être immortel ou délivré des chaînes du corps terrestre ? Non ! Qui n’a pas de désir n’a pas non plus de dieux. […] Les dieux peuvent ce que les hommes désirent. »
« La nature ne répond pas aux plaintes et aux questions de l’homme, elle le renvoie à lui-même impitoyablement. »
« La religion de la nature est toujours en danger de voir ses illusions détruites ; il ne faut qu’un coup de hache pour la convaincre que de ses arbres vénérés aucun sang ne coule, et que par conséquent aucun être vivant, divin, ne les a choisis pour demeure. Comment se délivre-t-elle de ces contradictions grossières auxquelles l’expose le culte de la nature ? Elle fait de ce qu’elle adore un être invisible. »
« Dieu ne devient le régent du monde, n’est considéré en général comme un être politique que là où l’homme est tellement dominé et fasciné par la nature imposante de la royauté qu’elle lui paraît l’être suprême. »
« Seuls les hommes des villes font l’histoire, car l’histoire a pour principe la « vanité » humaine. Celui-là seul est capable d’actions historiques qui peut sacrifier […] sa vie à son nom, son existence corporelle à son existence dans le souvenir et la bouche de la postérité. »
« Les dieux des païens étaient bien déjà les maîtres de la nature, mais ils n’en étaient pas les créateurs. »
« Comment peux-tu rejeter les conséquences si tu conserves le principe ? »
« Le domaine du hasard, des choses individuelles, incalculables, impossibles à prévoir, tel est le domaine des dieux. »
« Les dieux sont des êtres de fantaisie […] fils de deux puissances suprêmes, l’espérance et la crainte. »
« La seule providence de l’humanité, c’est la culture, c’est la civilisation. Sagesse, bonté, justice ne règlent la vie de l’homme que là où l’homme est lui-même sage, bon et juste. »
« Le temps viendra cependant [où] la pure lumière de la raison éclairera et échauffera l’humanité. »
« Tels sont tes désirs, tels sont tes dieux. Les Grecs avaient des dieux bornés dans leur nature, c’est-à-dire, ils avaient des désirs bornés. Les Grecs ne voulaient pas vivre éternellement ; ils voulaient seulement ne pas vieillir, ne pas mourir, du moins ne pas mourir à la fleurs des ans ou d’une mort violente et douloureuse ; ils ne voulaient pas la félicité, mais le bonheur ; ils ne se plaignaient pas comme les chrétiens d’être soumis à la nécessité de la nature et aux besoins du penchant sexuel, du sommeil, du boire et du manger ; ils n’exaltaient pas leurs vœux au-dessus des limites de la nature humaine ; ils ne faisaient pas de rien quelque chose ; ils ne puisaient pas le contenu de la vie divine et heureuse dans l’imagination, mais dans les richesses du monde réel ; enfin, pour eux, le ciel des dieux était élevé sur le fondement inébranlable de cette terre. Les Grecs ne faisaient pas de l’être divin, c’est-à-dire de l’être possible, le modèle, la mesure et le but de l’être réel, mais de l’être réel la mesure du possible. Même lorsqu’à l’aide de la philosophie ils eurent raffiné, spiritualisé leurs dieux, leurs désirs ne dépassaient pas cependant le domaine de la réalité, de la nature de l’homme. Ainsi les dieux d’Aristote sont d’éternels penseurs, parce le dernier vœu du philosophe est de pouvoir penser sans interruption et sans obstacles. »
« [Le désir des chrétiens, comme du marxisme] est un ciel dans lequel toute limite, toute nécessité de la nature disparaîtront ; dans lequel il n’y aura plus ni besoins, ni souffrances, ni blessures, ni combats, ni passions, ni changements. »
« Vie est égoïsme. Quiconque ne veut pas d’égoïsme veut qu’il n’y ait aucune vie. Mais en quoi diffère l’égoïsme religieux de l’égoïsme naturel ? Ils ne différent que de nom. Dans la religion, l’homme s’aime au nom de Dieu ; en dehors de la religion, il s’aime en son propre nom. »
« Si l’on examine au point de vue politique et social, la religion n’a pour fondement que la méchanceté des hommes, que le mauvais état des choses et des rapports dans la société humaine. Parce que la vertu n’est pas toujours heureuse et récompensée, parce qu’en général il y a dans la vie mille contradictions, mille maux, mille calamités, il doit y avoir un ciel, il doit y avoir un Dieu. Mais le plus grand malheur de l’homme vient de l’homme lui-même. C’est seulement sur le manque de justice, de sagesse et d’amour dans l’humanité que repose la nécessité de l’existence de Dieu. Dieu est ce que les hommes ne sont pas, -du moins pas tous, -du moins pas toujours, - mais ce qu’ils devraient être. »
« Si je prouve à un homme qu’il n’est pas en réalité ce qu’il croit être en imagination, je suis certainement négatif envers lui, je lui fais mal, je lui ôte son illusion, mais je ne suis négatif qu’envers son être imaginaire, non envers son être réel. Je reconnais avec joie toutes les qualités que d’ailleurs il peut avoir, je ne fais que lui enlever son imagination, afin qu’il acquière la vraie connaissance de lui-même et qu’il dirige ses pensées et sa volonté vers des objets et qui répondent à sa véritable nature et qui ne dépassent pas ses forces. »
« Le vrai penseur, le vrai poète ne peuvent pas plus toujours produire que l’arbre ne peut toujours produire des fleurs et des fruits. »
« Qu’est-ce que le bonheur ? Une vie d’accord avec nos inclinations et nos penchants. »
« Le ciel n’a son fondement que dans notre manque de confiance en nous-mêmes, que dans notre paresse et notre ignorance. »
« En détruisant le mal sur la terre nous renversons les colonnes qui soutiennent le ciel. »
« La vraie négation est celle qui donne une explicitation de son objet, qui le nie indirectement, de manière à n’être qu’une négation involontaire, qu’une conséquence nécessaire. De cette façon, la conclusion négative : « Il n’y a point d’immortalité, » ne fait qu’exprimer tout simplement ce qu’est l’immortalité, exprime que, si on en dévoile la nature, on a pour résultat le rien. »
« L’anthropologie est assez modeste pour avouer qu’elle ne saurait rien de l’homme si l’homme n’existait pas, que toutes ses idées et ses connaissances sur l’homme, les choses et les êtres en général dérivent par abstraction de leur existence réelle. »
« Je suis un tout autre moi dans le chagrin que dans la joie, dans la passion que dans l’indifférence, dans le feu de la sensation que dans le froid de la réflexion, avec un estomac vide qu’avec un estomac plein, en plein air que dans une chambre, en voyage qu’à la maison. […] Je repousse de toutes mes forces cette identité de mon état passé et de mon état présent. […] On pense tout autrement dans un palais que dans une hutte. »
« L’homme ne peut pas, ne doit pas nier les sens ; si pourtant il va jusqu’à les nier en se mettant en contradiction avec sa propre nature, il sera ensuite obligé de les affirmer, de les reconnaître ; mais il ne pourra alors le faire que d’une manière négative, contradictoire et fantastique. »
« Les pensées qui semble le plus nous appartenir se rattachent, bon gré, mal gré, à celles de nos prédécesseurs. »
« Ne vois-tu pas que la pesanteur du corps est le fondement d’une science vraiment solide, vraiment sérieuse ? »
« Ne devrions-nous pas tous, tant que nous sommes, avoir assez de sincérité pour reconnaître aussi que nous sommes indignes de vivre de nouveau ? Comment, en effet, passons-nous cette vie ? Dans des réunions pleines d’ennui, dans des caquets mesquins de petite ville, dans des luttes politiques, au milieu des discordes religieuses, de folles discussions savantes, de tracasseries domestiques, en un mot au milieu de petitesses et d’absurdités de toute sorte. Et pourquoi la passons-nous ainsi ? Parce que nous avons trop peu ? Non ! Parce que nous avons trop de temps. Combien d’hommes vivraient heureusement si le jour était plus court de moitié ! Combien de vieillards retombent dans l’enfance ? Combien d’hommes jeunes encore se survivent, pour ainsi dire, parce qu’ils sont morts de corps et d’esprit ! Que peuvent-ils faire alors de ce superflu de vie qui leur reste, sinon le dissiper misérablement ou l’employer à rendre amère la vie des autres ? Avant de nous demander si nous sommes dignes d’une autre vie, demandons-nous donc d’abord si nous sommes dignes de celle-ci. »
« L’humanité doit, si elle veut fonder une nouvelle époque, rompre entièrement avec le passé ; elle doit d’abord poser en fait que ce qui a été jusqu’ici n’est rien. Ce n’est que par ce moyen qu’elle peut gagner ardeur, énergie et force pour des créations nouvelles. Tout ce qui se rattacherait à l’état présent des choses ne ferait que paralyser l’essor de son activité. »
« L’époque moderne diffère du moyen-âge en ce qu’elle a élevé la matière, la nature au rang de réalité ou de vérité divine ; en ce qu’elle a compris l’être absolu, non pas comme un être extrasensible, distinct du monde, mais comme un être identique au monde, comme un être réel. Monothéisme, voilà l’essence du moyen-âge ; Panthéisme, voilà l’essence du monde nouveau et de la philosophie nouvelle. Ce n’est qu’à la conception panthéiste de l’univers que nous devons toutes les grandes découvertes et toutes les productions des derniers temps dans les arts et les sciences. Comment en effet l’homme pourrait-il s’enthousiasmer pour l’étude du monde, si ce monde était un être différent de Dieu et séparer de lui, par conséquent un être non divin ? S’enthousiasmer pour une chose, c’est la diviniser ; enthousiasme est divinisation. »
« Il s’agit maintenant avant tout de détruire l’ancienne scission entre le ciel et la terre, afin que l’humanité se concentre de toute son âme et de toutes les forces de son cœur sur elle-même et sur le présent ; car cette concentration seule produira une vie nouvelle, de nouveaux grands hommes, de grands caractères et de grandes actions. Au lieu d’individus immortels, la « nouvelle religion » demande des hommes complets, sains de corps et d’esprit. La santé a pour elle plus de valeur que l’immortalité. »
« L’esprit doit aujourd’hui se délivrer, se rendre indépendant de l’État, comme il s’est rendu indépendant de l’Église. »
« « Que peut-il venir de bon de Nazareth ? » C’est ainsi que pensent toujours les sages et les prudents. »
« Toute idée nouvelle est reçu avec mépris, car elle commence dans l’obscurité. Cette obscurité est son génie protecteur ; insensiblement elle devient une puissance. Si dès l’origine elle en imposait à tous les regards, le Viel ordre des choses mettrait en œuvre tout ce qui lui reste de forces pour l’étouffer dans son berceau. »
« L’histoire ne fait que te montrer la ressemblance d’un phénomène actuel avec un phénomène du passé ; mais elle ne t’en fait point connaître la différence, l’originalité, l’individualité. »
« Ce que tu dois faire, c’est vivre et agir. Les doutes que la théorie ne peut résoudre disparaîtront pour toi dans la pratique. »
« La philosophie consiste non à faire des livres, mais à faire des hommes. »
« Le païen avait son sauveur en lui-même, dans la raison qui n’était pas une faculté abstraite, mais une puissance réelle […] une source de santé morale et même physique. »
« Complètement d’abord avec cet esprit [la haine de l’Art et de la Science dans le christianisme] était l’habitude de gratter les vieux parchemins pour y écrire des livres de piété, habitude qui a causé des pertes irréparables dans la littérature classique. Bruno trouva en 1772 dans la bibliothèque du Vatican une grande partie de Tite-Live et des discours de Cicéron grattés et effacés et à leur place le livre de Tobie. »
« Partout où règne le préjugé de l’autorité, l’esprit est privé d’avance de la faculté de juger. »
« La scolastique au lieu d’étudier la nature étudiait la physique d’Aristote, et au lieu d’Aristote en personne lisait un Aristote traduit. »
-Ludwig Feuerbach, La religion, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1864. Contient la traduction de plusieurs textes dont L’essence de la religion, publié à Leipzig en 1845.