"Bloy fut porté par une
indéracinable volonté, spirituelle et sociale, de justice : un incessant désir
d’assister, enfin, à l’irruption terrible du seul Juste, de « Celui qui doit
venir », le Paraclet, préfigurateur du second avènement du Christ, signe de
la Fin des temps et du règne de l’amour. Justicier, il le fut, mais se limitant,
sans duels ni horions 4
, à un joyeux terrorisme de plume – vrai Robin des
bois de la Croix, conspuant les riches, honorant le Christ pauvre.
N’oublions jamais que Bloy est l’une des plumes les plus insoutenablement
drôles de la littérature française, tous siècles et catégories confondus.
La souffrance fut son pain et son vin. Un pain de cendres qu’il ne cessa,
sa vie durant, de mâcher et de remâcher. Un vin lourd dont il s’est sans
cesse abreuvé, voire enivré. Voracité de souffrances spirituelles et
psychologiques, qui n’eut qu’un but : l’imitation de Jésus-Christ. Une
tentative acharnée de configuration à l’« Homme de Douleur », au Christ de
la Passion, livré par Pilate au fouet, aux coups et à la croix. Un dolorisme
entrecoupé, malgré tout, de lassitude et d’exaspération face à une vie
indemne de toute forme de bonheur et de reconnaissance. Car Bloy, tout
conchieur qu’il fut de son siècle bourgeois, souhaita néanmoins d’être lu et
aimé, vivant, mais vainement, dans l’espoir d’un lectorat fervent qu’il ne
ralliera qu’à la toute fin de sa vie."
-François Angelier, Bloy ou la fureur du Juste,