"L’antiféminisme relève d’une logique plus précise que la misogynie, puisqu’il ne vise pas toutes les femmes, mais particulièrement celles qui espèrent l’émancipation. Celles-ci sont alors la cible d’un discours qui certes puise dans les lieux communs de la misogynie, mais fait aussi œuvre originale. [...]
[L'antiféminisme] s’active pour protéger la domination masculine et donc ralentir, arrêter, voire faire reculer le féminisme, soit le mouvement pour la liberté, l’égalité et la dignité des femmes face aux hommes."
"L’antiféminisme a accompagné toute l’histoire du féminisme, en dénonçant ses excès ou en s’empressant d’en dresser le constat de décès. Il couvre un spectre très large, mais il comprend toujours une dénonciation de la liberté et de l’égalité que revendiquent les féministes pour toutes les femmes. De plus, si au cours des dernières années il a été largement associé au néolibéralisme et à la droite conservatrice, il couvre l’intégralité du spectre politique, la gauche n’ayant eu de cesse de blâmer le féminisme comme « diversion » de la lutte des classes."
"L’analyse mobilise souvent les réflexions d’Albert Hirschman sur les discours conservateur et réactionnaire qui se structurent selon trois principales thèses argumentatives, à savoir la mise en péril, l’inanité et l’effet pervers. Le féminisme est en effet critiqué – par la droite et la gauche – parce qu’il menacerait l’ordre divin, l’ordre naturel, la nation, la famille, les hommes ou les jeunes (thèse de la mise en péril), qu’il ne parviendrait jamais à transformer réellement les hommes et les femmes (thèse de l’inanité) et qu’il serait même nuisible pour les femmes elles-mêmes (thèse de l’effet pervers)."
-Francis Dupuis-Déri & Diane Lamoureux (dir.), Les antiféminismes. Analyse d’un discours réactionnaire, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2015.
"On ne peut pas refuser à Louise Michel son statut de femme libre et transgressive : elle a activement participé au politique, elle a défendu le droit des femmes à être des combattantes et des militantes, elle a refusé de se conformer à certaines normes sociales de son sexe (elle ne s’est pas mariée et n’a pas eu d’enfant). Néanmoins, Louise Michel ne se considérait pas comme féministe et elle ne se reconnaissait pas dans les mouvements féministes de cette fin du XIXe siècle. [...]
D’une part, elle refusait, dans une perspective anarchiste, la revendication du droit de vote des femmes. [...]
D’autre part, Louise Michel ne se reconnaissait pas comme féministe parce qu’elle n’admettait pas la nécessité d’une existence spécifique des luttes féministes parallèlement aux mouvements révolutionnaires et ouvriers. En 1881, des comités anarchistes veulent présenter sa candidature à des élections d’arrondissement. Louise Michel refuse et elle écrit dans La Révolution sociale (journal anarchiste) : « Pour ma part, je ne m’occupe guère des questions particulières, étant, je le répète, avec tous les groupes qui attaquent soit par la pioche, soit par la mine, soit par le feu, l’édifice maudit de la vieille société ! » Et dans un deuxième article : « Je ne puis m’élever contre les candidatures de femmes, comme affirmation de l’égalité de l’homme et de la femme. Mais je dois, devant la gravité des circonstances, vous répéter que les femmes ne doivent pas séparer leur cause de celle de l’humanité, mais faire partie militante de la grande armée révolutionnaire. »
Malgré cela, elle a fait de son vivant l’objet d’un antiféminisme virulent. Elle est dans Le Gaulois « la revendicatrice des libertés féminines » ou « l’apôtre enjuponné du Droit des femmes » dans La Presse. Sa situation de femme publique en fait une cible privilégiée pour les défenseurs du patriarcat."
"Le masculinisme peut s’entendre comme une forme de (re)production et de revendication de la position dominante des hommes dans l’espace social, en parallèle et en reflet à la position dominée dans laquelle les femmes doivent être maintenues. [...]
Les discours de valorisation de la masculinité et d’affirmation de l’ordre social sexué en cette fin du XIXe siècle ne sont pas similaires au masculinisme contemporain. Ce protomasculinisme ne renvoie pas, en effet, à un mouvement collectif d’hommes qui revendiquent une position et une conscience de classe dominante, à un mouvement social avec ses militants, ses organisations et ses revendications politiques. Mais, dans cette période post-Commune de Paris, se répandent des thématiques et une idéologie masculinistes, portées par certains intellectuels, sans que l’identité masculiniste n’ait émergé ni ne soit revendiquée comme constitutive d’une position collective. [...] logique de « guerre préventive ». Préventive, parce que les avancées des droits des femmes demeurent à cette époque limitées et marginales. C’est plutôt la perspective de la perte de leurs privilèges qui conduit les hommes antiféministes à déployer des stratégies de défense de l’ordre social patriarcal."
"Le 4 janvier 1881, un rapport de police sur une conférence de Louise Michel évoque « une diatribe insensée » qui se « termine par un appel épileptique ». De même, le journal Le Pays insiste dans un article du 11 janvier 1881 sur « le caractère maladif de l’exaltation de Louise Michel ». Si le mot lui-même n’est pas utilisé, l’accusation d’hystérie se comprend rapidement, surtout à une époque – le début des années 1880 – où Charcot développe l’étude de cette maladie. Le 17 mars 1883, Émile d’Outremer emploie le terme pour qualifier les femmes politiques : elles sont, pour lui, « ces hystériques assoiffées de réclame et de popularité, qui opèrent au grand jour et pour la galerie ». Dans un article du Gaulois du 20 octobre 1881, un journaliste l’utilise comme adjectif au sujet de Louise Michel : « Bâillonnez Louise Michel, et Dieu sait sous quelle forme se dépensera son hystérique activité ! » Hystérique, folle, ces accusations permettent de discréditer Louise Michel et ses revendications. Dans un rapport, l’officier de paix Gaillot écrit le 5 février 1881 que « ses excentricités de paroles ne rencontrent guère d’écho qu’auprès de quelques illuminés politiques »."
"Les discours antiféministes sont des discours sur la féminité : critique de la féminité « pervertie » et valorisation de la féminité conventionnelle. Le « beau sexe » et ses atouts si « adorables » sont opposés aux féministes. Les discours antiféministes cherchent à figer et à essentialiser les identités sexuées que les revendications féministes ont mises en mouvement. Par la sauvegarde de l’ordre social fondé sur une hiérarchie entre les sexes, ils proposent une valorisation d’un « éternel féminin » contre le féminisme. Si Louise Michel – et plus largement les féministes – n’est pas une « vraie femme », elle s’oppose donc à toutes celles qui le sont. Les discours antiféministes, en imposant des critères de la « bonne féminité », tentent de diviser les femmes et d’ostraciser les féministes en faisant de Louise Michel une anomalie et une ennemie. Ces stratégies cherchent à faire apparaître les féministes comme déviantes de la féminité, différentes physiquement, moralement et socialement de toutes les autres femmes.
L’attention portée à la physionomie de Louise Michel, considérée comme masculine, donc présentée comme laide, y participe. En effet, comme le souligne Odile Roynette, les discours scientifiques naturalistes qui se construisent à la fin du XIXe siècle s’appuient sur la logique d’une médecine néohippocratique qui associe le physique au moral. Les féministes sont moralement déviantes parce qu’elles sont physiquement laides, et sont physiquement déviantes parce qu’elles sont moralement laides. [...]
Insister sur la physionomie « hommasse » de Louise Michel conduit à affirmer qu’elle n’est pas une « vraie femme », donc ne peut pas permettre aux autres femmes de se reconnaître en elle et dans ce pour quoi elle lutte."
"Louise Michel ne fait pas de façon systématique l’objet d’accusations de lesbianisme. Alors que la lesbophobie se révèle être un outil efficace de l’antiféminisme, il n’est pas ici réellement mobilisé. C’est plutôt la « frustration sexuelle » de Louise Michel, par le biais de la virginité et du célibat, qui est mise en avant."
"Pour s’opposer aux revendications d’égalité, les discours protomasculinistes construisent ainsi une confusion lexicale entre « égalité » et « similitude » qui traduit la peur de l’indifférenciation sexuelle. Lorsqu’ils disent vouloir défendre les différences sexuelles (socialement et culturellement construites) ils renforcent l’inégalité, puisque les femmes se voient, au nom de ces différences, refuser l’accès à certaines sphères sociales et politiques."
"Aux femmes qui pénètrent dans des domaines jusque-là masculins appartient donc la responsabilité du « chaos social », des troubles et des désordres."
"En s’inquiétant d’une prétendue dévirilisation de la société, les rhétoriques protomasculinistes de la fin du XIXe siècle réitèrent donc des discours d’affirmation de la place sociale dominante des hommes. En se proclamant victimes, les hommes se réaffirment tout-puissants."
"Puisque l’antiféminisme impute aux féministes la responsabilité d’une « guerre des sexes », ses réponses se font sur un registre combatif. Un article de La Presse de mars 1883 appelle à remettre les féministes dans le « droit chemin » :
Pour dompter ces amazones, il n’est rien qui vaille un bataillon de maris. Ces guerrières que la mode a armées du corset-cuirasse complété par la tournure blindée, et auxquelles la nature fournit « l’œillade meurtrière », ne sauraient être désarmées que par la seule milice qui jusqu’à ce jour ait su les coucher sur le carreau, c’est-à-dire le régiment des maris.
Pour contrer le féminisme, rien ne vaut un homme qui deviendra un mari. Mariée, une féministe redevient une femme, et tout rentre dans l’ordre. Le mariage constitue donc un moyen de contrôle social sur les femmes et une arme pour asseoir le pouvoir des hommes."
"La domination masculine et le maintien des privilèges des hommes semblent dès lors justifier l’usage de la violence contre les femmes, qui deviennent des ennemies, des rivales hostiles : « [a]ux armes, gardes nationaux ! Le moment est venu d’échanger le canif conjugal contre la baïonnette-épée. Sus à l’ennemi ! La femme a levé le... drapeau de la révolte. L’honneur et la dignité de l’homme sont menacés ». Et par là, il s’agit de réaffirmer un élément constitutif des discours sur la virilité : la violence guerrière des hommes."
"L’acharnement autour de Louise Michel, alors que celle-ci ne s’inscrivait pas dans le mouvement féministe, révèle que l’antiféminisme dont elle est l’objet est lié à un antisocialisme virulent dans une société post-Commune de Paris. Les discours antiféministes qui ont pour cible directe Louise Michel sont aussi contre-révolutionnaires. Pour comprendre la mise en place des rhétoriques protomasculinistes à la fin du XIXe siècle, il faut donc les associer à un système réactionnaire qui s’oppose à l’ensemble des revendications de progrès social et politique. Louise Michel, par son engagement révolutionnaire et anarchiste, incarne le désordre : l’antiféminisme s’entrecroise donc avec l’antisocialisme et se nourrit de la peur de la révolution sociale, morale et politique que cette figure personnifie."
-Sidonie Verhaeghe, "De la réaction antiféministe aux rhétoriques protomasculinistes : le traitement de Louise Michel dans la presse française à la fin du XIXe siècle", in Francis Dupuis-Déri & Diane Lamoureux (dir.), Les antiféminismes. Analyse d’un discours réactionnaire, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2015.
"Les féministes ont depuis longtemps identifié le langage comme un lieu de lutte, que ce soit pour y analyser la production des normes de genre, ou pour sa capacité à nommer de nouvelles réalités potentielles. Cet intérêt postule une compréhension de la langue comme lieu de fabrique du sens, et partant, de la réalité sociale : un lieu de négociation politique du monde.
À l’inverse, divers tenants de l’ordre tendent davantage à penser une langue qui serait le miroir d’un monde profondément essentialisé. La langue ne serait ainsi qu’une fidèle désignation de la réalité."
"Cinq reproches principaux lui sont adressés.
1) Le féminisme est un totalitarisme.
2) Il est un mensonge. Il n’est jamais clairement dit quel est ce mensonge et ce qu’il cache, mais ce mensonge lui permet d’obtenir une légitimité dans la société qui, pour ses détracteurs, n’a pas lieu d’être.
3) C’est une dégénérescence, qui fait écho bien sûr à l’idéal de pureté et d’absolu déjà mentionné.
4) Comme l’avaient déjà relevé Devreux et Lamoureux, l’antiféminisme veut faire du féminisme un combat d’arrière-garde. On trouve cette idée d’un féminisme dépassé dans deux textes qui partagent d’autres points communs, le Manifeste et le premier texte de Soral.
5) Enfin, son caractère violent est affirmé.
Il faut également relever l’idée récurrente que les féministes ne sont pas des femmes : « Peut-on d’ailleurs parler de femmes féministes ? » « Ne devrait-on pas parler d’hommes dégénérés déguisés en femmes ? » ; « Les féministes ne sont pas des femmes ».
Dans un procédé de l’insulte qui consiste à dénier à un individu son appartenance à une catégorie perçue comme essentielle, ces discours cherchent donc à exclure les féministes de la partition traditionnelle de l’humanité."
"Le féminisme est anathème au nom de différentes valeurs. On trouve trois types d’associations :
1)Dans « Feminazi », le titre est assez explicite pour montrer l’association féministe/nazi par un mot-valise. Dans Harakiri, la même association féminisme/nazisme est faite pour les rejeter ensemble du fait de leur caractère discriminatoire.
2)Le « Manifeste antiféministe », lui, combat le « féminisme » et « l’homosexualisme » au nom de la lutte contre la « barbarie ». L’argument civilisationnel se retrouve aussi chez Durandal.
3) Enfin, Soral attaque de front la « gauche » et le « féminisme » en en faisant un seul et même ennemi.
Ces articulations de valeurs révèlent l’accord des discours. Toute argumentation nécessite d’être précédée par un accord entre l’orateur et l’auditoire projeté, point de départ de la discussion qui peut alors prendre place sur la base de prémisses communes censées être admises, soit par une assistance particulière (qui partage des valeurs communes avec l’auteur ou l’orateur), soit par une assistance universelle, c’est-à-dire censément tout individu raisonnable. La projection d’une assistance universelle renvoie généralement à des valeurs de vérité, tandis que celle d’une assistance particulière se situe davantage dans le domaine du préférable (nous, un groupe particulier qui partageons certaines valeurs qui sont préférables à d’autres). La première fonctionne donc comme une pratique homogénéisatrice dans un univers binaire (tout le monde préfère le bien au mal, le juste à l’injuste, etc.) dans lequel il faut démontrer que la cause défendue appartient au pôle positif. Dans le second cas, c’est une logique d’hétérogénéité puisque, dans un espace où circulent différents discours et valeurs, on choisit de défendre une opinion, une doxa particulière, que celle-ci soit hétérodoxe ou orthodoxe. C’est le royaume des valeurs, des hiérarchies et des lieux.
Les trois associations de valeurs ci-dessus révèlent des accords et des projections de l’auditoire différents : le premier groupe appuie sa critique sur un idéal de démocratie, de liberté, de vérité et de justice, valeurs universelles et universalistes qui trouvent peu d’ennemis. C’est donc un discours qui s’appuie sur un auditoire universel, partant du principe que tout le monde désire plus de démocratie, de liberté et de justice. Des appels seront même lancés aux ennemis pour les ramener à la raison. Le deuxième groupe s’appuie sur des valeurs plus particulières. Durandal adosse son discours sur la famille, l’autorité, la civilisation et l’hétérosexualité comme cohésion du corps social. Soral, qui illustre la troisième tendance, met en place un espace discursif où l’essentialisme, l’absolu, la nature, la convenance et l’ordre originel forment l’accord avec un auditoire plus particulier."
"En convoquant une analogie entre le nazisme et le féminisme, l’antiféminisme trouve donc le moyen de se situer contre, tout en restant au centre de la société pour bénéficier de la légitimité de cette position.
La seconde stratégie, au contraire, postule un féminisme central qui a déjà gangrené la société. Il faut donc parler de l’extérieur, depuis la marge, puisque les voix de la centralité ont été usurpées. Ce lieu sera précisément l’extrême droite. Il y a donc une déclinaison de l’antiféminisme sur un axe centralité/extrémité, qui tantôt revendique la légitimité de la centralité, tantôt renvoie le féminisme au discours dominant de la centralité pour se faire une place dans l’extrémité, parler depuis la marginalité. Deux mécanismes qui cherchent à légitimer du pouvoir."
"Nous n’avons pas souligné la dimension particulièrement injurieuse des discours, mais le corpus est ponctué de salopes, minables, pigeons, lavettes, des hyènes galeuses et agressives à la bouche écumante, des dindes, des pauvres gougnottes tarées, etc.
Moralement légitimé par son intimité avec la vérité, le pamphlétaire peut, à la violence de l’imposture, répondre par un terrorisme du verbe."
-Julie Abbou, "« Des hyènes galeuses et agressives à la bouche écumante » : une analyse rhétorique de l’antiféminisme pamphlétaire", in Francis Dupuis-Déri & Diane Lamoureux (dir.), Les antiféminismes. Analyse d’un discours réactionnaire, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2015.
"Lorsque l’antiféminisme prend une forme humoristique, il devient parfois difficile de voir à quel point cette aversion pour le féminisme persiste dans notre société. Comme le souligne Christine Bard, il existe parallèlement à l’« antiféminisme explicite [...] un antiféminisme ordinaire qui doit sa banalité à l’ancienneté des préjugés hostiles aux femmes (voir les dictons populaires) et à son médium privilégié : l’humour, la blague, la caricature, le comique ». Cette observation trouve toute sa portée dès lors qu’on remarque que même les humoristes reconnus pour leur progressisme ont reconduit ce genre de propos depuis les années 1960 (années qui devaient nous débarrasser de l’obscurantisme). Le cas des Cyniques, quatuor qui proposait un humour mordant contre les excès de l’Église et des politiques conservatrices au cours de la Révolution tranquille, ne fait pas exception. Présentés le plus souvent comme des monuments de l’humour québécois à l’abri de toute critique, ils ne se gênaient pourtant pas pour débiter des blagues sexistes et misogynes. Même s’ils visaient surtout les personnalités publiques masculines et qu’on ne peut supposer que « les Cyniques eux-mêmes auraient aujourd’hui envie de (re)faire ce genre de farce », Lucie Joubert observe que, dans l’ensemble de leur œuvre,
Les types féminins les plus évoqués sont des personnages anonymes, mais fortement connotés sexuellement, comme la prostituée, la danseuse, la vierge à conquérir et, agissant comme repoussoirs, la vieille (qui « arrange des vieux restants » en se maquillant [Le Grand Mandrake, 1968]), mais surtout l’obèse."
"Rochefort dit faire de l’humour lorsqu’on le questionne sur ce qui le motive à associer le nazisme et le féminisme."
"Ce présupposé perdure dans les milieux qui se disent féministes. Une militante raconte que les hommes, par l’éducation qu’ils reçoivent, arrivent mieux à « saisir la petite mini ouverture, le petit silence, pour faire une joke qui fait rire tout le monde » et ils s’en servent pour consolider « une sorte de leadership doux ».
Les hommes vont souvent passer par l’humour pour imposer un certain charisme. Je crois que ce n’est pas quelque chose qui est aussi disponible pour les femmes. [Ils] vont, par l’humour, critiquer l’extérieur : la société patriarcale. Mais ils ne vont jamais déconstruire leurs propres comportements dominants. Surtout pas par l’humour. Ils vont surtout s’en servir pour renforcer leur statut d’homme (F-3).
En somme, même s’il n’est pas manifestement antiféministe, l’humour des hommes peut bloquer, par son omniprésence au détriment de l’humour des femmes ou par la distance qu’il permet face aux manières d’agir à l’intérieur d’une collectivité, les avancées du féminisme."
"Il arrive aussi que certaines blagues auxquelles on préfèrerait ne pas rire nous fassent tout de même rigoler. Comme le dit Simon Critchley, « si l’humour te dit quelque chose sur qui tu es, ce peut être un rappel que tu n’es peut-être pas la personne que tu voudrais être ». En entretenant un regard critique à l’égard de ce que nous sommes, l’humour peut nous permettre de prendre conscience que l’on peut, encore et toujours, changer. Se laisser secouer par le rire montre que notre identité et nos vérités sont moins figées qu’on ne le croit."
-Jérôme Cotte, "Les féministes n’ont pas d’humour", in Francis Dupuis-Déri & Diane Lamoureux (dir.), Les antiféminismes. Analyse d’un discours réactionnaire, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2015.