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    Francis Dupuis-Déri, L’anarchisme entre nationalisme et cosmopolitisme. L’expérience des Juifs israéliens du groupe Anarchists Against the Wall

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Francis Dupuis-Déri, L’anarchisme entre nationalisme et cosmopolitisme. L’expérience des Juifs israéliens du groupe Anarchists Against the Wall Empty Francis Dupuis-Déri, L’anarchisme entre nationalisme et cosmopolitisme. L’expérience des Juifs israéliens du groupe Anarchists Against the Wall

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 11 Mar - 18:25

    https://www.erudit.org/fr/revues/socsoc/2012-v44-n1-socsoc0262/1012150ar.pdf

    "En Israël même, des anarchistes juifs s’opposent à l’érection du mur qui a débuté en 2002 et qui a pour objectif de séparer les populations palestiniennes des territoires occupés de la population israélienne. La discussion des pratiques du collectif Anarchists Against the Wall (AATW) sera ici l’occasion de réfléchir à cette tension qu’entretient l’anarchisme à l’égard du nationalisme. AATW a été fondé en 2003 et compte quelques dizaines de membres, des centaines de sympathisants et une capacité de mobiliser jusqu’à un millier de personnes (Jover, 2007: 39 et 43). Le collectif a mené en territoires palestiniens des actions d’appui à des groupes palestiniens pratiquant la désobéissance civile, en particulier dans le village de Bil’in, mais aussi ailleurs, comme dans le village Beit Ommar." (p.242)

    "D’autres murs, comme celui érigé à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, peuvent être la cible de mobilisations anarchistes." (p.243)

    "Charles Boussinot, qui signe les textes sur le patriotisme dans L’Encyclopédie anarchiste qui paraît en France au début des années 1930, s’évertue à démonter cette conception romantique de la nation ou du peuple comme des produits de la nature. Si l’on pense que la patrie est la « terre où nous sommes nés », alors « notre patrie se limite à bien peu de chose : un village, une ville, quelques arpents de terrain. Elle ne peut pas être à la fois Paris et Marseille, les montagnes de la Haute-Savoie et la lande bretonne »."

    "Cet attachement à des valeurs et des coutumes nationales qui seraient en phase avec l’anarchisme n’entraîne pas pour autant Goldman à prendre le parti de la France et de ses valeurs déclarées («Liberté, égalité, fraternité ») lors de la Première Guerre mondiale. Elle s’oppose même publiquement à ce sujet à Pierre Kropotkine, qui prend le parti de la « civilisation » (la France et ses alliés) contre la « barbarie »." (p.245)

    "Il est donc possible de réduire de manière un peu schématique à quatre tendances les positions anarchistes face au nationalisme :
    (1) la nation est un mythe qui doit être rejeté au profit d’un projet universaliste d’émancipation des classes dominées;
    (2) la nation est un phénomène naturel, mais pas le nationalisme ;
    (3) la nation est un produit de l’État ;
    (4) il faut distinguer les « petites » nations en lutte légitime de résistance face aux « grandes » nations." (p.246)

    "Gustav Landauer considère le nationalisme comme une idéologie développée par les élites pour mieux justifier leur domination, même si la nation lui apparaît un phénomène naturel, conséquence d’une histoire commune. Selon lui, le peuple juif constitue une nation, mais qui n’a pas d’État ni d’attache territoriale, ce qui représente un grand avantage politique : émancipé de fait de l’État-nation, le Juif pourrait d’autant mieux participer des mouvements universalistes de type socialiste et anarchiste." (p.247)

    "Déjà en 1936-1939, alors qu’éclatent des conflits en Palestine, des anarchistes français publiaient des textes dans le journal Le Libertaire pour dénoncer le sionisme comme une entreprise de domination et d’exploitation aux dépens du peuple palestinien." (p.248)

    "AATW s’est formée en 2003, l’année suivant le début de la construction du mur, à la suite d’une expérience de solidarité au village de Mas’ha, alors qu’un Palestinien, Hanni Amaer, ait invité des internationaux à camper sur son terrain. Des centaines ont répondu à l’appel, dont des Juifs israéliens, qui occupent le terrain et manifestent jusqu’à leur éviction, marquée par une cinquantaine d’arrestations [...]
    L’objectif déclaré est d’empêcher les « terroristes » de pénétrer le territoire israélien. Dans les faits, ce qui est nommé « clôture de sécurité » pour les uns et «mur d’annexion » pour les autres est parfois un mur de 8 m de haut, ou une bande d’environ 20 m de large qui compte un complexe de clôtures métalliques avec senseurs, un fossé, une bande de sable (pour recueillir les traces de pieds) et une route au milieu pour les patrouilles. Cette structure a eu pour effet l’appropriation par Israël de nouvelles terres palestiniennes, le ralentissement de la mobilité d’une partie de la population palestinienne, une restriction à l’accès aux terres agricoles, à l’eau, à des écoles et des cliniques médicales
    ." (p.250)

    "Démanteler des blocages de route, couper des sections métalliques de la clôture [...] Depuis 2005, AATW est engagé activement dans les mobilisations du village de Bil’in, qui devient l’incarnation de la résistance palestinienne face à l’emmurement." (p.250)

    "Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est le mur érigé par les autorités israéliennes qui offrira l’opportunité politique pour justifier et dynamiser des rencontres et des mobilisations solidaires entre anarchistes juifs israéliens et des Palestiniennes et Palestiniens en processus de résistance." (p.252)

    "L’initiative dans les territoires vient donc toujours des populations palestiniennes, plus spécifiquement des Comités populaires contre le mur. Au départ, la présence d’anarchistes pouvait paraître problématique, en raison de leurs nombreux tatouages, de leurs piercings, de leurs vêtements dépareillés et souvent usés (la mode postpunk), mais aussi parce que plusieurs ne mangent aucun produit animal, ce qui complique la préparation des repas communs. Et puis, ne consomment-ils pas de l’alcool, de la drogue, sans parler de leurs pratiques sexuelles étranges? Au sujet de ces polémiques, un représentant des Comités populaires contre le mur dira qu’il aura fallu plusieurs réunions dans les villages palestiniens pour calmer les esprits. C’est surtout la participation active des anarchistes aux mobilisations, leur volonté de se mettre en danger et la répression subie qui leur conféreront finalement de la légitimité aux yeux de leurs alliés." (pp.254-255)

    "AATW incarne cette «pensée anarchique » présentée par l’anarcha-féministe Gail Stenstand (1988), soit une pensée sauvage, antisystémique, transgressive des règles et des méthodes, qui reste sensible à la multiplicité des voix, et qui se développe par l’entrée en relation avec des individus compris comme pluriels, équivoques, hétérogènes." (p.256)
    -Francis Dupuis-Déri, "L’anarchisme entre nationalisme et cosmopolitisme. L’expérience des Juifs israéliens du groupe Anarchists Against the Wall", 2012.




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