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    Gisèle Sapiro, La responsabilité de l'écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe–XXIe siècle)

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Gisèle Sapiro, La responsabilité de l'écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe–XXIe siècle) Empty Gisèle Sapiro, La responsabilité de l'écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe–XXIe siècle)

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 10 Fév - 16:01

    https://books.google.fr/books?id=_aOEQ7qLvpkC&pg=PT412&dq=Gis%C3%A8le+Sapiro&hl=fr&sa=X&ei=1yraVLqCAdHnaOHWgvAO&ved=0CC8Q6AEwATgK#v=onepage&q=Gis%C3%A8le%20Sapiro&f=false

    "L'apparition de la définition subjective de la responsabilité est le fruit d'un processus historique de spiritualisation et d'individualisation de la faute, en lien avec l'évolution de la conception religieuse du péché. Alors qu'au Moyen-âge les personnes étaient jugées sur des actes, la relation entre l'agent et l'acte pouvant être purement extérieure, à partir du XIIème siècle la morale religieuse catholique déplace l'attention du péché vers le pécheur, de la faute vers l'intention. Une évolution renforcée par la montée de l'individualisme, à laquelle elle contribue en retour par l'institutionnalisation de la confession. Étroitement liée aux procédés de contrôle social, cette subjectivisation de la responsabilité s'observe parallèlement dans le cadre judiciaire, régi à partir de cette époque par le droit canon romain, et où l'aveu est désormais requis.
    Cette nouvelle conception de l'acte et de la culpabilité rompt avec les interprétations magiques du lien entre événement et agent: désormais, un événement n'est qualifié d'acte que si une relation causale interne, c'est-à-dire une intention, le relie à son auteur. Une telle causalité suppose la notion de libre arbitre, sur laquelle se fonde la définition subjective de la responsabilité, déchargeant du même coup les êtres qui en sont privés, à savoir les animaux, les enfants, les aliénés, décrétés irresponsables. La subjectivation de la responsabilité dans le cadre de la morale religieuse va de pair avec l'intériorisation de la peine, qui devient contrition.
    "

    "Kant réaffirme, sous une forme laïcisée, le principe du subjectivisme radical: le choix de la maxime repose sur le libre arbitre, l'autonomie de la volonté fonde la morale à la fois en raison et en liberté."

    "Producteur de représentations collectives et d'une interprétation du monde, généralement assortie d'un message éthico-politique, l'écrivain, comme le prophète, n'est pas mandaté par une institution, à la différence du prêtre ou du théologien. S'il parle au nom de la raison, son talent seul, source de son "charisme", fonde son crédit et ses droits à s'en prévaloir. Or le processus de laïcisation et le combat des Lumières contre les préjugés et le dogmatisme favorisent, dès le milieu du XVIIIème siècle, le transfert de la fonction sacrée du monde religieux au monde des lettres."

    "L'apologie de l'athéisme restera un délit jusqu'à la loi républicaine de 1881 qui lui ouvre l'accès au domaine de l'opinion en abandonnant la protection de la morale religieuse."

    "Contre la logique de rentabilité à court terme (les chiffres de vente), qui régit de plus en plus le pôle de grande production du champ, se forme, vers le milieu du XIXème siècle, un pôle de production restreinte, qui décrète l'irréductibilité de la valeur esthétique à la valeur marchande du produit et la prééminence du jugement des spécialistes (les pairs et les critiques) sur les sanctions d'un public de profanes, selon l'analyse qu'en a proposé Pierre Bourdieu."

    "Flaubert emprunte un autre procédé à la démarche scientifique: l'objectivité. L'écrivain adopte la posture du savant, qui doit se dégager de toute normativité pour observer, représenter, plutôt que juger et prêcher. [...] Selon Zola, Flaubert a bien vu que non seulement l'observation objective, impersonnelle, quasi scientifique, n'est pas incompatible avec l'art, mais qu'elle lui permet d'atteindre un degré de perfection supérieur dans la composition. [...] Le refus de la subjectivité, des émotions, des passions, s'inscrit en faux contre la sentimentalité qui envahit la littérature de l'époque et qui est identifiée aux attentes du public féminin. La référence à la science constitue donc également un marqueur de "virilité" face au romantisme."

    "Du point de vue de l'ethos, de l'hexis corporelle comme de la conduite de vie, la bohème se démarquait des valeurs et du mode de vie bourgeois: au sérieux, à l'utilitarisme, à la morale bien-pensante et à la soumission aux règles de la collectivité, elle opposait le détachement ironique, le désintéressement, le culte de la beauté, l'individualisme forcené ; à la vie active, à la prévision rationnelle du futur, par l'épargne notamment, à la discipline, à la retenue, au puritanisme, à l'endogamie de classe, l'oisiveté et la prodigalité aristocratiques, l'excentricité et la théâtralité, la liberté des mœurs et la transgression des barrières de classe dans le choix du conjoint. La figure du "dandy" réunit nombre de ces traits. Du point de vue de l'esthétisme, le bohème se définit, à la suite du romantisme, contre l'académisme et le classicisme, rompant avec les règles de la composition, le respect des hiérarchies de genres et de thèmes, l'unité du beau, du vrai et du bien."

    "Wilde, comme Baudelaire avant lui, était tiraillé entre un dandysme qui exprimait son désir de faire de l'esthétisme un mode de vie et un ascétisme que commandait sa conception mystique de l'art. Oscillant, comme Baudelaire, entre les figures du dandy et du saint, Wilde en vint, durant sa détention, à opposer l'ethos hédoniste et la discipline nécessaire à la création."
    -Gisèle Sapiro, La responsabilité de l'écrivain. Littérature, droit et morale en France (XIXe–XXIe siècle), éd. du Seuil, Paris, 2011.

    "La littérature prendre de plus en plus les allures de la science."
    -Flaubert, à Louise Colet, en 1853 (Correspondance, II, p.298)


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