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    Gopal Balakrishnan, L'Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Gopal Balakrishnan, L'Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt Empty Gopal Balakrishnan, L'Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 14 Fév - 12:03

    "Je défends l'idée selon laquelle le soutien que Schmitt a apporté aux nationaux-socialistes, lors de leur prise de pouvoir et après, a entrainé l'émergence d'une dimension radicalement antisémite dans sa pensée, et ce à travers la reformulation de sa conception du droit et de la politique à la lumière menaçante d'une "question juive" soudain devenue centrale. [...] Il est pour le moins difficile à ceux qui affirment la centralité de l'antisémitisme dans les écrits de Schmitt de la période de Weimar de rendre compte de son hostilité à l'égard de la valorisation romantique du Volksgeist allemand. [...] A l'opposé, L'Ennemi conclut que les vues de Schmitt sur les Juifs ne jouent pour ainsi dire aucun rôle dans sa conception de la catastrophe épochale de la vieille Europe, même si les choses changèrent radicalement sur ce point avec l'avènement du régime nazi." (p.14-15)

    "Les écrits de Schmitt inscrivent dans un nouveau cadre certains des problèmes centraux d'ordre politique et juridique qui se sont posés depuis le début des temps modernes jusqu'à notre époque." (p.16)

    "[Schmitt] se montra extraordinairement ouvert intellectuellement, et puisa à loisir dans les traditions de pensée libérale et marxiste, goûtant l'art d'emprunter à ses ennemis." (p.17)

    "Lorsqu'on examine son rapport au catholicisme, il faut prendre en considération un certain nombre d'autres points:
    a): Schmitt était hostile tant aux traditions du droit naturel de l'Église qu'au romantisme politique des écrivains catholiques de droite et il n'appartenait à aucun grand courant intellectuel du catholicisme ; b): l'Église refusa d'annuler son premier mariage, ce qui l'amena à demander une annulation civile, laquelle provoqua ensuite son excommunication ; c): les antipathies personnelles qu'il en conçut pour la "bureaucratie célibataire" rejoignirent peu à peu l'anticatholicisme croissant de ses vues politiques, l'Église romaine lui apparaissant de plus en plus, dans un esprit hobbesien, comme responsable d'un conflit funeste entre domaine séculier et domaine spirituel, d): dans les dernières années de Weimar, Schmitt commença à voir le Centre catholique comme l'un des pilliers du corporatisme weimarien, responsable de tant de dysfonctionnements politiques ; e): après un intérêt "contre-révolutionnaire" initial pour une théologie politique à la Donoso Cortès, Schmitt rejeta résolument, à partir du milieu des années vingt, la vision apocalyptique de l'histoire que cette théologie induisait. L'affirmation selon laquelle Schmitt était un catholique fondamentaliste qui considérait que l'histoire s'acheminait vers un affrontement final entre le Christ et l'Antéchrist non seulement ne peut être étayée par ses écrits, mais il la rejette explicitement
    ." (p.20)

    "Schmitt était un fervent admirateur de Mussolini, et considérait la marche sur Rome comme une éclatante démonstration de la supériorité du nationalisme sur le socialisme en tant qu'identité mobilisatrice." (p.21)

    "Au Gymnasium, Schmitt suivit un cursus humaniste qui allait ébranler son rapport à la doctrine catholique. Même s'il n'épousa jamais pleinement les vues de l'idéalisme allemand, de Charles Darwin ou de la critique biblique pratiquée par le protestantisme libéral, ces influences érodèrent irrémédiablement chez lui la foi simple et aveugle distinguant les croyants de ces intellectuels qui, même réticents à admettre une quelconque idéologie séculière moderne, ne croyait plus aux dogmes littéraux de leur religion.
    Son cursus achevé, Schmitt décida de s'inscrire à la Friedrich-Wilhelm-Universität de Berlin, le fleuron du système universitaire allemand et l'une des plus grandes universités du monde. Il avait envisagé d'étudier la philologie, mais, sur le conseil raisonnable d'un riche oncle lorrain, il opta plus pragmatiquement pour le droit. Tel fut le point de départ contingent d'une carrière singulière et controversée. Berlin était vraiment l'antithèse du monde dans lequel il avait grandi: gigantesque métropole du pouvoir, de l'argent et de la culture moderne, elle heurtait la sensibilité première de Schmitt par son immensité comme par son atmosphère ; une atmosphère non seulement protestante et nordique mais aussi en partie juive, du moins dans l'imaginaire populaire. Il en conserva toujours un rapport profondément ambivalent à cette ville qu'il trouvait fascinante et inquiétante tout à la fois
    ." (p.31)

    "Carl Schmitt, qui avait vingt-six ans au début de la première guerre mondiale, ne partagea pas l'enthousiasme belliqueux initial de ses compatriotes. Ce fait mérite qu'on s'y arrête, ne serait-ce que parce qu'il montre combien Schmitt était détaché de l'expérience fondatrice de sa génération ; rien de ce qu'il écrivit à l'époque n'évoque même allusivement la "mission" de l'Allemagne dans cette guerre, et aucun signe n'indique que cette dernière ait eu à ses yeux une portée historique universelle. [...] Schmitt était beaucoup trop latin pour voir dans les Français les représentants d'une "civilisation" sans âme, en guerre contre la "Kultur" allemande." (p.35)

    "Les écrits romantiques traitant de politique traduisaient une indifférence qui cachait une véritable horreur de l'engagement politique. [...] [Dans Politische Romantik] Schmitt accumulait les citations pour démontrer que les romantiques politiques voyaient la vie comme une "conversation sans fin" où personne n'a jamais à prendre parti, puisque rien ne vaut la peine qu'on se batte. [...] Schmitt affirmait que, jusque dans leurs postures radicales, ils trahissaient par leur gestuelle politique un secret désir de voir perdurer l'ordre des choses." (p.42-43)

    "L'hostilité avérée de Schmitt à l'esthétisation de la politique le différencie nettement de ses contemporains de droite, lesdits "révolutionnaires conservateurs", auxquels son nom est souvent associé." (p.45)

    "Schmitt était un grand lecteur de l'Action Française, journal de Charles Maurras." (p.46)

    "Schmitt ne cessera de recommander le pessimisme lucide et dépassionné de l'esprit classique français comme antidote à cet esprit [romantique] allemand." (p.46)

    "Intellectuellement parlant, Schmitt avait peu très peu en commun avec ceux qu'on appelle les "révolutionnaires conservateurs" de Weimar. Le plus pur spécimen de ce milieu était un certain Moeller Van den Bruck, un homme qui se reconnaissait pleinement dans le romantisme politique." (p.48)

    "L'opposition entre une "dictature commissariale", conservatrice, défendant l'ordre constitutionnel traditionnel, et une "dictature souveraine" révolutionnaire -assemblée législative provisoire agissant au nom du peuple, qui dissout une ancienne constitution pour en établir une nouvelle -est l'épine dorsale de Die Diktatur. Le terme "dictateur" désignait initialement un magistrat extraodinaire de la république romaine, commis pour la durée d'une crise politique, généralement une guerre ou une sédition, afin de rétablir l'ordre en suspendant la procédure légale normale. C'est ce que Schmitt entendait par "dictature commissariale". Cette fonction avait été instituée vers 500 avant J. C. et se perpétua jusqu'à la fin du IIIème siècle. Alors qu'il évoquait, au début de Die Diktatur, la défense de cette institution par Machiavel, Schmitt ne citait pas le passage des Discours où Machiavel posait explicitement que la dictature, loin d'enterrer la liberté républicaine, était essentielle à sa défense." (p.56)

    "La cause monarchomachique avait été soutenue dans un essai intitulé Vindiciae contra tyrannos et publié sous le pseudonyme de Junius Brutus. Il avait été rédigé, après le massacre de la Saint-Barthélemy, par des conspirateurs de cour, émules de Machiavel. Il défendait le droit des magistrats inférieurs à résister contre un monarque impie, c'est-à-dire un tyran, voire à l'assassiner au besoin. Un prince ne gouvernerait qu'en vertu d'un pacte avec le peuple, dont la soumission restait conditionnelle. Un prince gouvernant par décrets, imposant des changements abusifs, mettant à l'écart ses partenaires naturels, convoquant les états à intervalles irréguliers et par pure manœuvre, était un tyran dérogeant à son droit de gouverner. Ses magistrats subordonnés n'avaient plus à lui obéir ; ils étaient même tenus de venger le peuple en déposant le prince." (p.57-58)

    "Plus encore que son peu d'enthousiasme pour Hobbes, c'est cette sympathie pour Montesquieu, figure aux antipodes du "décisionnisme" politique, qui frappe. De nouveau, cela semble montrer que quelque chose, dans la doctrine hobbesienne de la souveraineté, tracassait Schmitt: sa conception purement de la loi pouvait être vue comme directement à l'origine du positivisme légal moderne." (p.60)

    "En posant [dans La Dictature] que le peuple souverain et le pouvoir législatif provisoire agissant en son nom étaient libres d'élaborer à leur gré une nouvelle constitution, Schmitt adoptait une position étonnamment claire: il affirmait la légitimité de la république de Weimar, rejetant explicitement l'argument monarchiste selon lequel le nouveau régime était illégal, car issu d'une procédure qui n'avait pas été légalement entérinée par l'ancienne constitution." (p.60)

    "[Il chercha dans certaines tendances du catholicisme] de quoi nourrir une contre-offensive radicale, au lieu d'accepter avec fatalisme le déclin de la civilisation politique européenne. [Schmitt] commença par examiner s'il était possible de s'opposer frontalement à l'essor des masses en exhumant la tradition contre-révolutionnaire de la pensée politique catholique du XIXème." (p.71)

    "La théorie wébérienne de la rationalité formelle de la loi occidentale se fondait sur l'hypothèse que le capitalisme moderne et la bureaucratie réclamaient des règles légales d'une précision technique. Quoique profondément marqué par la sociologie du droit de Weber, Schmitt soutenait que l'interpénétration croissante entre Etat et société minait la systématicité et la rationalité formelle du processus légal. Pour lui, il n'était plus possible d'isoler entièrement le système légal de la dynamique conflictuelle initiée par certaines questions politiques essentielles.

    [...] Pour Schmitt, la souveraineté est une "notion limite" qui ne peut être correctement comprise qu'à la lumière d'une situation d'urgence, quand l'existence même de la communauté politique est en jeu. La décision "souveraine" détermine ce qui constitue une menace à la sûreté publique dans des situations où la signification de cette dernière est devenue litigieuse
    .
    " (p.73)

    "Chez Joseph de Maistre, la négation polémique de toutes les valeurs libérales -paix, sécurité, raison, liberté et égalité- aboutissait finalement à une profonde ambivalence face au christianisme lui-même, en tant qu'instigateur originel de ces valeurs viciées. Selon Ernst Nolte, les théoriciens contre-révolutionnaires avaient eu du mal, dans les premiers temps, à expliquer l'existence même de la violence révolutionnaire, et avaient cherché à la décrire comme fondamentalement autodestructrice. Maistre, qui mourut avant 1848, était non seulement persuadé qu'une monarchie absolue pouvait être restaurée, mais encore que c'était le seul régime viable. En 1848, il devient clair que l'Ancien Régime ne pouvait plus se reposer sur cette certitude, et le radicalisme de l'Espagnol Donoso Cortès exprime une terreur quasi apocalyptique de voir se dissoudre irrémédiablement les fondements de l'ordre social. Il illustre l'intensification de la pensée contre-révolutionnaire pendant les guerres civiles européennes de 1848. Nolte explique les divergences entre la première et la seconde génération de penseurs contre-révolutionnaires en rappelant que Maistre n'avait connu que la plèbe, tandis que Cortès fut témoin de la naissance du radicalisme prolétarien moderne sous ses formes anarchiques et socialistes." (p.77)

    "Cortès s'était illustré, en 1849, par un célèbre discours au Parlement espagnol, dans lequel il affirmait que la monarchie légitime était morte, car aucun roi n'osait désormais affirmer son droit au trône contre les vœux de son peuple. Selon Schmitt, cette idée intransigeante qu'il n'y a pas de moyen terme, que le pouvoir souverain doit aller soit au roi, soit au peuple, révélait une grande lucidité sur les fondements irréductiblement politiques d'une constitution, faisant ressortir par contraste l'attitude évasive du droit allemand au XIXème siècle, pour lequel ni le roi ni le peuple n'étaient souverains mais plutôt, dans un esprit de compromis, l'Etat lui-même." (p.77-78)

    "Schmitt admettra plus tard que l'opposition à "l'essor des masses" au nom d'une eschatologie contre-révolutionnaire menait à une impasse historique." (p.79)

    "Schmitt n'a jamais adopté la vision sorélienne de la démocratie comme gouvernement de notables médiocres. Cela se rapprochait plutôt de sa vision du libéralisme. Dans la République française, la démocratie pouvait être attaquée en tant que bourgeoise ; c'était moins vrai dans la république de Weimar." (note de la page 363)

    "Durant ses premières années à Bonn, les rapports de Schmitt avec le Centre [Zentrum] furent si cordiaux qu'on crut pouvoir l'amener à représenter le parti au Landtag prussien. Sa candidature fut localement soutenue, entre autres, par les étudiants républicains du Centre, ce qui laisse penser que, même connu pour être proche de l'aile droite du parti, il n'était pas considéré comme un ennemi de la République. Mais il ne devint pas pour autant membre du parti, sans doute par impossibilité de surmonter sa profonde insatisfaction intellectuelle devant le système même des partis politiques." (p.85)

    "Si Schmitt était le seul juriste universitaire du pays à cultiver une identité catholique, ses idées devaient fort peu aux traditions théologiques de l'Eglise. Hostile à l'assimilation du catholicisme au romantisme, il récusait également son association à la tradition thomiste, indéniablement orthodoxe, de la loi naturelle. Dans Römischer Katholizismus und politische Form, saint Augustin et Thomas d'Aquin ne sont nulle part mentionnés. Sa description de l'identité politique de l'Eglise était un cocktail de thèmes empruntés à Dostoïevski, à Léon Bloy, à Georges Sorel et à Charles Maurras." (p.86)

    "Maurras devait beaucoup à la peinture par Renan du premier christianisme comme un socialisme primitif enflammé par l'esprit sémite d'enthousiasme messianique, une révolte d'esclaves, au fond, contre la Rome aristocratique et païenne. La figure du Christ crucifié répugnait à Maurras, et son idée de l'Eglise comme ordre institutionnellement circonscrit excluait toute promesse eschatologique d'un Rédempteur." (p.87)

    "[Pour le Schmitt de Römischer Katholizismus und politische Form, la] détermination de l'identité européenne passait par un double refus: celui du capitalisme américain comme vague et lointaine menace ; et celui du radicalisme russe comme danger distinct et déjà présent." (p.89)

    "Schmitt n'attaqua jamais ouvertement l'Eglise, et conserva à son égard une attitude de respect apparent. En cela, sa désillusion face à l'Eglise fut beaucoup plus discrète que l'amer rejet du catholicisme par Heidegger." (p.94)

    "Dans le Léviathan, Hobbes avait décrit l'Eglise non pas comme l'héritière mais comme le fantôme de l'imperium romain formulant d'extravagantes prétentions à une autorité indirecte universelle." (p.96)

    "C'est son catholicisme marginal qui avait en partie déterminé chez Schmitt une certaine défiance face au chauvinisme des nationaux-libéraux comme Max Weber, lequel avait un jour proclamé fièrement que son astre directeur était la destiné de l'Allemagne comme grande puissance mondiale. Avant la guerre, Schmitt avait eu du mal à s'identifier sans réserves au protestantisme et au nationalisme prussien officiel. [...] Considéré dans son contexte, et non dans le nôtre, il ne fut jamais un "nationaliste" d'abord et avant tout. [...] Même lorsque la nation devient une catégorie de plus en plus centrale dans ses écrits, il ne renonça pas à l'idée que l'unité politique européenne était souhaitable, et la considéra même au fond comme la seule solution aux guerres fratricides européennes.
    Cette tension entre référence nationale et référence européenne est l'élément le plus distinctement et durablement catholique dans la pensée de Schmitt. Il était même instinctivement porté à voir la crise de son propre Etat dans un plus largement
    ouest-européen." (p.97)

    "Où se situe cette œuvre [Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus ; Parlementarisme et démocratie, 1923] dans l'évolution politique de Schmitt ? L'ambivalence face à l'idée de souveraineté populaire avait jusqu'alors fourni presque toute l'énergie intellectuelle traversant ses œuvres. Dans Die Diktatur [La Dictature] et Politische Theologie [Théologie politique], la souveraineté populaire était décrite comme un pouvoir réclamant d'être jugulé. Dans Politische Theologie, Schmitt était allé jusqu'à citer Cortès avec approbation dans sa peinture des masses comme multitude vile et impie. Même dans Römischer Katholizismus und politische Form [Catholicisme romain et forme politique], le prolétariat était caractérisée comme une masse informe, exigeant d'être dominée.
    La perspective de
    Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus, publié un an plus tard, semble presque diamétralement opposée: loin d'une théologie politique donnant le mauvais rôle à une multitude indisciplinée et séditieuse, Schmitt faisait désormais l'éloge de l'esprit héroïque des mobilisations de masse et, puisant dans l'œuvre du syndicaliste français Georges Sorel, en décelait la force motrice dans de grands mythes politiques. Ce passage d'une "théologie politique" à une "mythologie politique" le révélait de plus en plus ouvert aux possibilités de la politique moderne de masse
    ." (p.100)

    "Selon Schmitt, l'objectif principal du mouvement libéral au XIXème siècle avait été de protéger une société civile individualiste des abus de l'Etat. L'idéal de lois générales -et donc impartiales- votées par des majorités parlementaires était la solution obligée de ce problème. L'objectif principal des mouvements démocratiques modernes, en revanche, avait été d'établir un rapport d' "identité" entre un peuple conçu collectivement et "son" Etat. Même si toute antithèse absolue entre libéralisme et démocratie nous paraît forcément improbable aujourd'hui, il ne faut pas oublier qu'à une certaine époque, le conflit entre eux formait le thème d'une abondante littérature ; l'Anglo-américain sceptique devrait se souvenir que, par rapport à Schmitt, Lord Acton allait sur ce point bien plus loin dans la dichotomie.
    Schmitt admettait que, tant que la démocratie était un mouvement dirigé contre
    l'Ancien Régime, elle avait pu passer des alliances opportunistes avec d'autres courants comme le libéralisme et, plus tard, le socialisme. Mais la démocratie, pour lui, différait de ces autres conceptions politiques en ce qu'elle n'occupe aucune position nécessaire dans le spectre politique, tout entière fondée sur l'idée indéterminée selon laquelle le gouvernement est légitime dans la mesure où son action reflète la volonté du peuple. La démocratie soulève le problème de l'identité du démos, de ses frontières et de son homogénéité. Tel était précisément l'argument de Lord Acton concernant le "principe de nationalité" ; devant les conséquences du Risorgimento, Acton avançait que le nationalisme était l'aboutissement logique de la démocratie, et qu'il sombrerait dans l'autodestruction à cause des exclusions violentes qui seraient nécessaires pour atteindre le but toujours insaisissable -car au fond fantasmatique- de l'homogénéité. Schmitt prédisait un avenir plus prometteur à la démocratie, mais elle était également à ses yeux un phénomène essentiellement nationaliste.
    L'idée que la démocratie réclame l'homogénéité du
    demos paraît dangereuse. En ce sens, les dictatures plébiscitaires, quoique anti-libérales, pourraient plausiblement être décrites comme d'authentiques démocraties. Schmitt affirmait aussi qu'en temps de crise, l'homogénéité de demos devait souvent être assurée par l'exclusion de l' "hétérogène". Rétrospectivement, on pourrait voir dans cette homogénéité l'attribut d'un peuple défini ethniquement ou racialement, comme chez Acton. Mais Schmitt [se distinguant en cela des conceptions völkisch] rejetait explicitement cette vision et faisait valoir que l'homogénéité ne pouvait être constamment définie selon un seul critère, parce qu'il était impossible, dans une démocratie, de stabiliser le sens du terme "peuple", par essence polémique et politique. [...]
    L'identité culturelle
    du demos n'était politiquement signifiante que comme fondement de la "volonté générale", dont il fallait présumer l'existence pour que les lois fussent légitimes dans une démocratie. Sur ce point, Schmitt s'accordait pour l'essentiel avec Rousseau sur l'affirmation que le peuple devait être un groupe suffisamment concentré et homogène pour que la volonté d'une majorité produise des résultats l
    égitimes." (p.104-105-106)

    "Schmitt aimait cette idée selon laquelle un mythe partagé peut faire du peuple un sujet politiquement unitaire. Gramsci, à l'autre extrémité du spectre politique, voyait le mythe sorélien sous une lumière comparable [...] La question décisive de la politique européenne était désormais de savoir quel mythe intégrerait politiquement les masses, et qui en seraient les agents.." (p.108)

    "Schmitt fut très tôt un ardent partisan de Mussolini, l'homme qui avait écrasé dans une bataille ouverte le spectre menaçant de la révolution sociale." (p.109-110)

    "Signe de la profonde impression qu'avait sur lui la crise rhénane, Schmitt affirmait, au milieu des années vingt, qu'une alliance entre nationalistes et communistes devait être envisagée pour lutter contre le système de Versailles. C'est précisément ce que le communiste Radek avait proposé aux nationalistes de droite dans un discours à la mémoire du saboteur Schlageter, qui venait d'être exécuté. Schmitt, pour qui les "Russes" étaient jusqu'alors le principal ennemi de la civilisation ouest-européenne, était maintenant disposé à les voir sous un jour entièrement nouveau, et son attitude face à l' "Est révolutionnaire" allait dorénavant être plus ambivalente que franchement hostile." (p.121)

    "Le problème central de la démocratie moderne était que la majorité non possédante du peuple était maintenant en position d'imposer des charges à la minorité possédante. La solution, selon Schmitt, était de remettre des limites à la souveraineté populaire, dès lors que les institutions libérales, fondées sur une conception plus ancienne des limites du gouvernement, étaient sapés par l'implication croissante de l'Etat dans l'économie nationale." (p.129)

    "Schmitt commençait à se faire à l'idée que l'Etat devait prendre un rôle directeur fort pour suppléer à la main invisible et corriger ses effets." (p.138-139)

    "Pendant sa période munichoise, Schmitt avait suivi les séminaires de Weber, et l'intérêt qu'il continua ensuite de porter aux analyses de Weber sur le capitalisme, la bureaucratie, le droit et les religions lui ménageait des entrées dans le réseau émergent de la sociologie universitaire allemande. Dès 1926, il était en contact avec la Hochschule für Politik (École supérieure d'études politiques) de Berlin, l'une des nombreuses institutions académiques extérieures au système universitaire établi, où on l'encouragea à s'aventurer bien au-delà des horizons de la jurisprudence dominante. Institution largement pro-républicaine, la Hochschule était un cas unique dans le monde de l'enseignement supérieur allemand. [...] C'est dans le cadre d'un cycle de conférences à la Hochschule, en mai 1927, que Schmitt prononça une série de cours dont les textes furent publiés la même année dans la revue Archiv für Sozialwissenschaft sous le titre de Der Begriff des Politischen. Il est révélateur de sa position atypique sur l'échiquier de la vie intellectuelle de Weimar que, étant clairement un homme de droite, Schmitt ait été publié dans une revue contrôlée par des libéraux et même par des marxistes. Dans un pays et une époque où les intellectuels de droite et de gauche ne prenait presque jamais acte des productions du camp opposé, Schmitt était manifestement un cas à part. Ce tissage de réseaux culmina avec son admission en 1928 à l'Association sociologique allemande, qui le mit en contact avec Karl Mannheim. Il est même possible que Schmitt, malgré la distance politique qui l'en séparait, ait eu connaissance de certains projets de l'École de Francfort. En effet Otto Kirchheimer, le plus doué de ses étudiants de Bonn, y fut plus tard attaché et, même en exil, fut considéré comme l'un des membres de sa mouvance. De plus, le jeune Walter Benjamin envoya à Schmitt une copie du manuscrit des Origines du drame baroque allemand en 1930, avec un mot où il reconnaissait sa dette intellectuelle." (p.143-144)

    "L' "État total", dans l'édition de 1932 [de La Notion de politique], portait à l'évidence les connotations négatives attachés à l'embryonnaire Etat-providence européen. [...] Mais Schmitt n'avait pas les mêmes raisons que [Jacob] Burckhardt d'être hostile à l'Etat-providence. Il ne souscrivait pas à la vision conservatrice libérale selon laquelle l'Etat devait se cantonner à la protection de la propriété et de la culture. En fait, jusqu'à une époque beaucoup plus tardive de sa vie, rien n'indique qu'il ait été atteint par la crainte réactionnaire du "nivellement". Pour lui, l'Etat-providence, polycratique et corporatiste, menaçait l'existence de l'Etat comme pouvoir supérieur placé au-dessus de la société, voire comme pouvoir neutre et arbitre impartial des principales classes sociales. L'Etat allemand, en particulier, était en train de perdre sa souveraineté, que se partageaient partis politiques et groupes organisés, en des arrangements précaires et sans cesse renouvelés. On pourrait donc dire que pour Schmitt, l'Etat-providence était la négation non pas du marché, mais de l'Etat lui-même." (p.147)

    "Othmar Spann, dont le point de vue néothomiste, romantique, corporatiste -et plus tard austro-fasciste- résumait presque parfaitement tout ce que Schmitt détestait le plus dans le catholicisme allemand." (p.166)

    "A aucun moment de sa vie [Schmitt] n'eut un mot de louange pour [...] Moeller Van den Bruck." (p.166)

    "Le rapport de Schmitt au fascisme doit être vu comme essentiellement sélectif." (p.168)

    "Dans les dernières années de la république de Weimar, Schmitt allait se rapprocher encore des élites et notamment des chefs de file de l'industrie lourde, qui envisageaient une épreuve de force avec la classe ouvrière et de l'Etat-providence." (p.170)

    "Il semblait à Schmitt que [Ernst] Jünger était différent de presque toutes les autres célébrités littéraires et journalistiques de la droite qu'il avait connues jusque-là, principalement parce que sa vision politique paraissait avoir quelque chose d'authentiquement radical et moderne. Jünger était un peu plus qu'une simple version allemande de Georges Sorel: tout comme Popitz incarnait pour Schmitt l'idéal hégélien du bureaucrate prussien civil, Jünger était la version militaire de ce même idéal, radicalisé par la guerre et la contre-révolution. Les écrits de guerre de Jünger décrivaient l'inhumaine discipline d'une guerre de tranchées mécanisée comme l'antithèse du monde bourgeois agonisant." (p.181)

    "La désintégration interne du camp conservateur allait finalement amener à une désertion catastrophique de son électorat traditionnel au profit des nazis, ses alliés d'autrefois." (p.197)

    "Depuis le milieu des années vingt, [le ministère des Finances] distribuait massivement des subventions à l'industrie lourde, faussant les prix de toute l'économie." (p.201)

    "En 1928, 53% du produit intérieur brut allemand était contrôlé d'une façon ou d'une autre par l'Etat." (p.202)

    "Dans l'atmosphère de guerre civile qui régnait à Berlin pendant l'été 1932, Schmitt acheva un livre intitulé Legalität und Legitimität ["Légalité et légitimité"], dans lequel il affirmait que le gouvernement fédéral devait pouvoir interdire les agissements partis anticonstitutionnels. L'existence de partis disposant de milices de masse, disait-il, avait crée une situation quasi-révolutionnaire, où la distinction entre le normal et l'exceptionnel était si bien brouillé qu'on ne pouvait plus déterminer que politiquement ce qu'étaient les procédures normales." (p.211)

    "C'est épuisé, amer et inquiet que Carl Schmitt fit son entrée dans l'ère hitlérienne. Même si les stratégies qu'il avait soutenues avaient pu contribuer à l'effondrement de la république de Weimar, c'était un résultat que, personnellement du moins, il n'avait pas recherché consciemment." (p.232)

    "Schmitt reçut une lettre de Martin Heidegger qui pressait d'adhérer au parti [Nazi], ce qu'il était maintenant prêt à faire ; le 1er mai [1933], les deux hommes se joignirent aux longues files d'attente qui s'étiraient devant les locaux du parti. Malgré l'afflux massif de nouveaux membres, lequel rendit bientôt nécessaire un moratoire, Schmitt et ceux qui, comme lui, prenaient le train en marche faisaient plus que répondre à l'appel du devoir: ni Popitz, ni Jünger, ni la plupart de ses autres amis, ni même une majorité des enseignants en droit ne devinrent membres du parti, et Schmitt n'aurait certainement pas perdu son poste s'il avait choisi de ne pas le faire. Mais, malgré sa brève tentation de retraite politique après le procès, sa condition de simple professeur ne le satisfaisait plus, et, si Popitz appartenait à une vieille élite honorée qui avait encore ses assises dans l'appareil d'Etat, Schmitt, pour sa part, ne pouvait être en prise avec la "marche du monde" qu'en rejoignant le parti." (p 241-242)

    "Schmitt estimait qu'à l'ère de la politique de masse et des prodiges technologiques, il serait totalement anachronique de limiter le pouvoir politique sur la base du droit naturel." (p. 262)

    "En juin 1934, Schmitt publiait un essai intitulé Staatgefüge und Zusammembruch des Zweitten Reiches ["Structure étatique et écroulement du Deuxième Reich"], où il décrivait la "Révolution nationale" comme la victoire de l'esprit militariste prussien sur le libéralisme bourgeois." (p.265)

    "A la suite de l'affaire Röhm [Nuit des Longs Couteaux], [Schmitt] publia un article ["Le Führer protège le droit"] qui célébrait la purge comme une forme de "justice révolutionnaire". Il fut le seul grand juriste du pays à le faire, et il espérait, en se distinguant de la sorte, être lavé du soupçon d'avoir misé sur le camp adverse, ne serait-ce que temporairement." (p.266)

    "Comme Heidegger, Schmitt crut brièvement pouvoir se faire l'architecte intellectuel de l'ordre nouveau." (p.268)

    "Il salua en 1935 les lois de Nuremberg comme fondant "Die Verfassung der Freiheit ["La constitution de la liberté"]." (p.270)

    "L'un des objectifs centraux de Schmitt dans cet ouvrage [Sens et échec d'un symbole politique] était d'établir que Hobbes avait voulu empêcher que l'Etat, tel qu'il le décrivait, puisse être vu par ses sujets comme le simple instrument de leurs buts privés. Encore une fois, il est possible que Schmitt, sur ce point, répondit à Leo Strauss. Ce dernier avait soutenu, dans un livre sur Hobbes paru l'année précédente, qu'en concevant l'Etat comme produit par des individus atomisés, Hobbes avait efficacement posé les fondements essentiels d'une conception libérale ultérieure de l'Etat comme instrument de la société." (p.283)

    "Soucieux de défendre la réputation de Hobbes, Schmitt soutenait que c'était le juif Spinoza qui avait en réalité fourni au libéralisme ses fondements philosophiques originaires. Il l'aurait fait en distillant subrepticement, à partir du prudent programme hobbesien de sécularisation de l'autorité politique, la défense résolue et radicale d'un Etat entièrement neutre et démythifié. En cherchant à faire de la religion une question purement privée, Spinoza avait tout simplement inauguré une série de neutralisations historiques qui allaient finalement laisser l'individu libre de déterminer ses obligations politiques à la froide lumière de ses intérêts personnels." (p.285)

    "Un essai publié en 1936 faisait référence à un discours d'Hitler qui évoquait une "famille de nations" européennes, en l'opposant à la Société des Nations, cadre dans lequel l'Europe n'atteindrait jamais l' "autodétermination"." (p.299)

    "Par l'intermédiaire de Jünger, Schmitt eut le plaisir de rencontrer tous les collaborateurs notoires de la scène littéraire française -Céline, Brazillach, Drieu la Rochelle." (p.310)

    "Cette vision américaine (la doctrine Monroe), remontant au XIXème siècle, d'un monde divisé en continents et en hémisphères ayant chacun leur ordre politique séduisait Schmitt." (p.311)

    "La portée potentielle de cette figure sur la carte intellectuelle contemporaine commence seulement d'être appréciée." (p.343)

    "Le parti gagnant est parfois celui qui sait mobiliser sa base selon une dimension transversale naissante, brouillant un schéma plus ancien d'identification partisane." (p.344)

    "Les aperçus les plus pénétrants sur la démocratie ne sont pas toujours le fait d'amis du peuple. La vérité de l'opposition schmittienne entre libéralisme et démocratie est historiquement variable: dans certaines périodes ces derniers sont les termes d'une alliance historique plus ou moins harmonieuse ; dans d'autres, l'un des termes peut-être vu comme la négation de l'autre." (p. 345)

    "L'une des transformations sociologiques centrales mais peu théorisées, dans les sociétés occidentales des vingt-cinq dernières années a été le déclin des masses." (p.347)
    -Gopal Balakrishnan, L'Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt, Éditions Amsterdam, 2006 (2000 pour la première édition anglaise), 403 pages.

    "Même les événements les plus marquants, une révolution et une guerre mondiale, n'ont pas de portée intrinsèque à [leurs] yeux ; ils ne prennent sens qu'une fois devenus l'occasion d'une expérience marquante: un brillant aperçu, ou quelque création romantique."
    -Carl Schmitt, Politische Romantik, 1919.

    "On ne peut parler d'absolutisme que quand ce type de loi naturelle et de limitation religieuse devient caduc, et que l'Etat en tant que tel devient l'instance absolue, le juge ultime du bien et du mal. Théoriquement, il apparaît pour la première fois dans la pensée politique de Hobbes. Son couronnement classique serait le contrat social de Rousseau, pour qui l'Etat, étant fondé avec l'approbation volontaire des citoyens, englobe implacablement tous les domaines de la vie humaine."
    -Carl Schmitt, "Absolutismus" (1925), in Staatslexikon der Görres Gesellschaft, cité par Gopal Balakrishnan, in L'Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt, p.59.

    "Dans tout Etat moderne, le rapport de l'Etat à l'économie constitue l'objet essentiel des questions directement pertinentes de politique intérieure. Il n'est plus possible d'y répondre par le vieux principe libéral de la non-intervention absolue."
    -Carl Schmitt, Der Hüter der Verfassung, 1931, p.81.

    "En Allemagne, depuis 1900, depuis la protestation intérieure contre l'Allemagne officielle de l'époque, sont nés de nombreuses tendances, des courants et des mouvements, des groupes, des cercles, des alliances. Tous ont, d'une manière ou d'une autre, concouru au succès du grand mouvement de masse qui s'est retrouvé dans les mains de Hitler. Ils ont été aussi tous ensemble intégrés d'une manière ou d'une autre. Mais ils étaient ou bien trop profonds, ou bien trop vagues, diversifiées ou trop originaux, pour avoir pu s'édifier en un système de pensée les reliant tant soit peu ensemble."
    -Carl Schmitt, cité dans Gopal Balakrishnan, L'Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt, p.167-168.

    "Les Allemands de l'ancienne génération nourrissaient un sentiment de déclin culturel qui s'exprima dès avant la guerre, sans avoir à attendre l'effondrement de 1918 ni Le Déclin de l'Occident de Spengler. Chez Ernst Troeltsch, Max Weber, Walther Rathenau, il se manifeste en abondance. [...] Une génération allemande s'est identifiée à un siècle européen qui souffrait de la maladie du siècle et attendait la domination de Caliban, ou "Après nous, le dieu sauvage", déplorant l'avènement d'un âge technologique sans âme, ou dans lequel l'âme serait démunie et impuissante. [...] Cette crainte était justifiée, car elle découlait d'une obscure intuition des conséquences finales du processus de neutralisation. [...] D'où la crainte des nouvelles classes, émergeant de la tabula rasa crée par une incessante modernisation. De l'abîme d'un néant culturel et social montaient des masses indifférentes voire hostiles à la culture et aux goûts traditionnels. Mais cette crainte n'était que le doute de cette génération sur sa capacité à manier ces impressionnants instruments de la technologie, alors même que ceux-ci ne demandaient qu'à servir."
    -Carl Schmitt, "Das Zeitalter der Neutralisierungen und Entpolitisierungen.", cité dans Gopal Balakrishnan, L'Ennemi. Un portrait intellectuel de Carl Schmitt, p.177.

    "La conversation porta sur la relation entre Etat et parti, et Mussolini dit, avec une fierté manifestement dirigée contre l'Allemagne nationale-socialiste: "L'Etat est éternel, le parti transitoire ; je suis un hégélien !" J'observai: "Lénine était un hégélien, aussi me permettrai-je la question: où est le siège de l'esprit de Hegel, en termes d'histoire universelle ? A Rome, Moscou, ou toujours à Berlin ?" Il répondit, avec un rire charmant: "Je vous renvoie la question !" A quoi je répondis: "Alors bien sûr il faut que je dise: à Rome... [...] Cette discussion fut un grand plaisir intellectuel et reste pour moi inoubliable dans tous ses détails."
    -Lettre de Schmitt à Jean-Pierre Faye, 5 octobre 1960.







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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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