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    P. Cerrutti, Textes Clés d'histoire de la Philosophie. Idées, Temporalités et Contextes

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    P. Cerrutti, Textes Clés d'histoire de la Philosophie. Idées, Temporalités et Contextes Empty P. Cerrutti, Textes Clés d'histoire de la Philosophie. Idées, Temporalités et Contextes

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 3 Aoû - 14:01



    "Bien que ce soit Hegel qui ait donné sa forme moderne à l’histoire de la philosophie, nous avons si violemment rejeté son héritage que nous ne croyons plus que la philosophie ait à se confronter uniquement aux formes supérieures de la culture, à l’art, à la religion, à la politique, ou aux configurations de l’esprit auxquelles elle se relie par une connexion, non pas simplement extérieure, mais « interne, essentielle, profonde et nécessaire ». Surtout, nous ne croyons plus que la philosophie puisse seule rendre compte d’elle-même et de ses produits. Nous n’osons plus affirmer, comme Hegel et son disciple Gentile, l'identité de la philosophie et de l’histoire de la philosophie, de peur que l’histoire ne finisse par se résoudre entièrement en pensée.

    Mais, l’idéalisme hégélien n’est pas le seul contre lequel les historiens contemporains ont réagi. L’histoire des idées telle que la concevait Lovejoy sert encore de repoussoir à bon nombre de heurs, particulièrement dans le monde anglo-saxon. Cette discipline, pourtant portée sur les fonts baptismaux par l’un des plus grands esprits du XXe siècle, n’a jamais réussi à convaincre." (p.8 )

    "Que dire de l’ironie socratique dans le Ménon ou De la vertu si l’on ignore que Ménon avait livré l’armée grecque aux Perses ?" (p.15)

    "Pour faire de l’histoire de la philosophie, il faut être philosophe, mais aussi historien." (p.17)

    "Pour devenir une science rigoureuse, l’histoire de la philosophe n’a cependant pas eu à se défaire que de l’idéalisme. Elle a dû aussi se détacher de ces formes d’empirisme naïf que sont l’essayisme et la lecture interne, qui représentent pourtant aujourd’hui encore l’essentiel de la production académique (avec cet étrange exercice qui consiste à méditer un texte, c’est-à-dire à le répéter en le reproblématisant). Il fallait en effet qu’elle se dote d’un mode d’approche ou d’une méthode spécifiques, ou plus exactement qu’elle accomplisse ce que Collingwood a appelé sa révolution baconienne." (p.17)

    "À partir du moment où l’on s’accorde avec Bateson pour définir le contexte comme la « structure dans le temps », on est contraint d’historiciser le vocabulaire de la philosophie pour déterminer les usages et les enjeux auxquels il répond. La philosophie devient alors directement tributaire de l’histoire, et pas simplement de sa propre histoire." (p.19)

    "Expliquer la pensée par des causes [...] personne dans la communauté académique n’est préparé à admettre [!]. Or, les approches actuelles pensent se tirer d’embarras en substituant à la notion de contexte causal celle de contexte textuel ou discursif, un « contexte interactif » donnant l’impression d’ouvrir une gamme de possibles plutôt que d'exercer un déterminisme strict. En d’autres termes, il s’agit de replacer chaque idée dans le contexte des usages contemporains du langage et des conventions, dans ce que nous appellerions un contexte rhétorique ou dans ce que Saussure appelait la langue. « Chacun des différents idiomes composant un texte constitue un contexte en lui-même : une façon de parler qui tend à orienter le contenu du discours, qui préexiste et parfois survit à l’acte de langage émis selon ses lois »[J. Pocock]." (p.21)

    "Lovejoy distinguait ainsi jusqu’à vingt-six significations du mot nature dans l’Antiquité." (p.31)

    "L’idée que la diversité puisse avoir une valeur et que le meilleur des mondes possibles puisse être le plus varié, fut longtemps présente dans la tradition platonicienne, et elle y fut même parfois énoncée de façon explicite." (p.32)

    "Pour Gueroult, l’important était que ce devenir n’est précisément qu’un fait. Comme il le dit dans le texte que nous rééditons, l’étude des circonstances contingentes qui ont influencé une pensée relève d’une science des faits, pour laquelle il ne faut avoir que dédain. Seule la connaissance de la structure et l’analyse des techniques démonstratives qu’un auteur utilise permettent de comprendre son œuvre et d’en appréhender l’origine. Le seul contexte qui vaille d’être étudié est le contexte interne. D'où le primat, à ses yeux, de l’œuvre faite et surtout, comme le dit ici Victor Goldschmidt, de « l’œuvre assumée » : « quel que soit le prix des inédits, ils ne sont pas, conçus dans un temps seulement vécu, élevés dans le temps logique, qui, seul, permet l’exercice de la responsabilité philosophique. Notes préparatoires, où la pensée s’essaie et s’élance, sans encore se déterminer, ce sont des lexeis sans croyance et philosophiquement irresponsables ; elles ne peuvent prévaloir contre l’œuvre, pour corriger celle-ci, la prolonger, la couronner »." (p.36)

    "On sait avec quelle véhémence Alquié s’est élevé contre la technique d’analyse des systèmes mise au point par Gueroult. La vérité de l’œuvre, antérieure à l’œuvre même, transparaît non à travers ses structures, mais à travers ses démarches. C’est l’existence d’un temps propre à la pensée qui conduit à opposer genèse et structure : « nous avons toujours cru que la vérité d’une œuvre philosophique se découvrait d’abord dans le mouvement de l’esprit qui lui donne naissance, c’est-à-dire, plus encore qu’en sa structure, en sa genèse. Selon nous, la pensée métaphysique ne se comprend qu’en son devenir, et révèle mieux son essence à celui qui, au lieu d’être attentif au seul système où elle se construit et se fixe, considère la réflexion par laquelle elle s’engendre ». Le travail de l’historien est de refaire la genèse. Mais, si les deux approches d’Alquié et Gueroult empruntent des voies différentes, elles sont également aimantées par la même exigence de vérité et de rationalité et répugnent autant l’une que l’autre à transformer en faits, en événements temporels, les pensées vraies. La philosophie est l’œuvre d’une raison transcendante, non d’une raison tombée dans l’histoire : « si on cesse d’y voir l’histoire des systèmes, l’histoire de la philosophie apparaît comme l’histoire même de la raison, ou, plus exactement encore, comme le signe qu’à travers l’histoire des systèmes se retrouve une éternelle raison ».

    Certes, lorsqu’il veut exprimer une vérité, un philosophe tombe sous le coup de toute une série de déterminations, qui, si nous leur accordons trop d’importance, nous font considérer les œuvres de l’esprit comme des choses. Mais ces déterminations n’ont pas la force qu’a la recherche de la vérité, car « une vérité, même non explicitement affirmée, peut amener un philosophe à déplacer le centre de ses perspectives ». On ne peut attendre de l’histoire, comme de n’importe quel fait, qu’elle explique une pensée. On explique une erreur, pas une pensée. Tout au plus les déterminations et les intentions qu’elle rapporte peuvent-elles avoir une valeur négative en faisant apparaître les insuffisances de tel ou tel système. Mais, pour ce qui est de la philosophie proprement dite, elle appartient d’emblée à l’intemporel ou relève, ce qui est le même, d’un temps intérieur à la pensée.

    On ne peut donc comprendre l’histoire et la philosophie en même temps, à moins de comprendre la philosophie par l’histoire, ce qui revient à ne pas la comprendre. Être philosophe, c’est choisir contre le fait et contre le temps, et inévitablement être vaincu par le fait et par le temps. « L'histoire détruit le philosophe sans pour cela le réfuter ».

    Je ne peux être philosophe que si je détache de son contexte la vérité philosophique. Mais il en va de même de l’historien, s’il veut vraiment comprendre ce qu’il lit. Il ne peut comprendre un philosophe sans se faire lui-même philosophe, sans chercher à découvrir, dans les vérités philosophiques, quelque éternité. Car il y a une vérité éternelle de la philosophie, il y a une seule et même vérité : l’objet n’est pas l’Être. Même un matérialiste accorde que l’esprit qui pense est premier par rapport à ce qu’il pense [?]." (pp.38-40)

    "Pour Macintyre, dire qu’un thème central de l’éthique ancienne, l’akrasia par exemple, s’insère dans un contexte culturel ou un ordre moral très différent de celui de la théorie morale normative moderne, ne préjuge en rien de sa pertinence pour nous, ni de sa rationalité intrinsèque." (p.48)
    -Patrick Cerrutti, "Présentation générale", in Textes Clés d'histoire de la Philosophie. Idées, Temporalités et Contextes, Paris, Vrin, 2018, 384 pages.




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

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