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    Christian Jacq, La tradition primordiale de l'Egypte ancienne selon les textes des Pyramides

    Johnathan R. Razorback
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    Christian Jacq, La tradition primordiale de l'Egypte ancienne selon les textes des Pyramides Empty Christian Jacq, La tradition primordiale de l'Egypte ancienne selon les textes des Pyramides

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 27 Oct - 21:22



    "Toute grande tradition spirituelle possède son texte fondateur. Celui de l’Égypte pharaonique est un ensemble de formules symboliques et rituelles que les égyptologues ont appelé « Textes des Pyramides », car ces derniers furent inscrits pour la première fois dans la pyramide du roi Ounas (vers 2375-2345 av. J.-C.), puis dans celles des souverains de la sixième dynastie.

    L’origine de ce texte fondateur est beaucoup plus ancienne et remonte sans doute à la naissance même de la civilisation égyptienne. Ce furent les sages de la ville sainte d’Héliopolis, dont le grand prêtre portait le titre de « grand voyant », qui conçurent et formulèrent cette extraordinaire vision spirituelle. [...]

    Les livres sacrés des religions monothéistes affirment l’existence d’un dieu apparu dans l’Histoire à une date donnée et ils servent de base à des dogmes, prétendant à une vérité absolue et définitive. Rien de semblable dans les Textes des Pyramides ; pour eux, la spiritualité est affaire d’intuition, de perception, d’ouverture du cœur et du regard. Aussi ne se présentent-ils pas comme une révélation intangible ou un enseignement figé, mais comme une suite de formules de connaissance dont la compréhension dépend de l’intensité et de la qualité de notre recherche.

    La vie y apparaît comme une mutation permanente, un perpétuel processus de transformations visibles et invisibles ; plus on les perçoit, plus on est vivant, mieux on accomplit le voyage de la vie en esprit, d’origine divine et stellaire. L’âme du juste ne vit-elle pas parmi les étoiles impérissables, en compagnie des dieux ? En devenant étoile, le ressuscité entre dans la fraternité des puissances de création, s’immerge dans la matrice stellaire où tout se crée, devient un « esprit lumineux impérissable » et vit de la vie de l’univers, de la vie douce de la contrée de lumière.

    Certes, jours, mois et années sont porteurs de mort, car inscrits dans l’existence que les Textes des Pyramides différencient de la vie ; pour que cette dernière ne se limite pas à l’existence inscrite dans le temps, il convient, selon une formule d’une remarquable puissance, de « vivre la vie et de mourir la mort ». C’est en accomplissant simultanément ces deux actes majeurs que Pharaon peut « partir vivant » ; de plus, contrairement à l’opinion communément admise selon laquelle personne ne revient du pays des morts, il est proclamé : « Tu es parti, Pharaon, mais tu reviendras. » Lorsque l’être est devenu lumière, lorsqu’il a retrouvé sa dimension universelle captive dans l’individualité pendant son séjour terrestre, il ne perçoit plus la mort comme une frontière infranchissable. Alors que la vie n’est jamais née et ne peut donc pas mourir, la mort, elle, a pris naissance et mourra."

    "Une formule surprenante indique que cette mort, tant redoutée, est néanmoins bonne pour les hommes ! De fait, ce n’est pas notre humanité qui peut prétendre à la résurrection et à une vie en éternité, laquelle ne se présentera pas comme une béatitude immobile mais comme un voyage incessant à travers les multiples puissances de l’univers. Née dans le temps, l’incarnation humaine est condamnée à disparaître, ce qui n’exclut pas une bonne mort, un accostage heureux à la rive de l’au-delà après une traversée de l’existence accomplie en rectitude."

    "Harmonie et rectitude sont précisément des thèmes majeurs des Textes des Pyramides évoqués par la figure symbolique de la déesse Maât, une femme assise et portant sur la tête une plume d’oiseau, la rectrice, qui permet un vol parfait. Il n’est pas excessif d’affirmer que la civilisation pharaonique naquit de la conscience de Maât et reposa sur elle comme sur un socle de statue, lequel est d’ailleurs l’une des manières d’écrire le terme Maât en hiéroglyphes.

    Maât, qui est à la fois règle éternelle de l’univers, vérité de la vie lumineuse, harmonie, justice et justesse, demeurera après que l’espèce humaine et la terre auront disparu. Ici-bas et parmi les hommes existe une force nommée isefet, tendance naturelle à l’injustice, au mal, au conflit, à la destruction, au mensonge, à la corruption et à leurs conséquences. Entre Maât et isefet, aucun compromis possible ; soit l’on se situe d’un côté, soit de l’autre. Les Textes des Pyramides nous apprennent que le devoir fondamental de Pharaon consiste à mettre Maât à la place d’isefet, l’harmonie à la place du désordre, la justice à la place de l’injustice, la vérité à la place du mensonge, la rectitude à la place de l’iniquité, la lumière à la place des ténèbres, le bien à la place du mal, la paix à la place du conflit. Si cet acte n’est pas accompli en permanence, la société humaine devient invivable. La victoire n’est jamais acquise de manière définitive et, chaque jour, Pharaon doit recommencer la lutte contre les tendances négatives inhérentes à l’espèce humaine. Il sait que son destin se joue dans l’issue du combat entre isefet et Maât dont il est le représentant. Aussi l’état pharaonique n’avait-il, en définitive, qu’une seule fonction déclinée sous des formes multiples, du spirituel à l’économique en passant par le social : faire vivre Maât sur terre."

    "Il n’est rien de plus essentiel que de s’incorporer au processus de mutation permanent de la lumière, née au cœur de l’océan d’énergie dans lequel baigne l’univers entier. Cet « océan » est de toute éternité, ciel et terre naquirent en lui et de lui ; et c’est cette énergie primordiale qu’utilise le pharaon bâtisseur pour mettre en rectitude le monde sur lequel il règne et offrir l’abondance à son peuple."

    "L’Égypte pharaonique n’a connu aucune guerre de religion, aucune tuerie au nom de Dieu, car elle a vécu Dieu et les dieux, Dieu avec les dieux, la multiplicité des approches de l’unité."

    "C’est en 1881, sur le site de Saqqara, que furent découverts les Textes des Pyramides dont l’égyptologue français Gaston Maspero donna une première édition et une tentative de traduction. Cette entreprise particulièrement difficile trouva son aboutissement dans l’ouvrage intitulé Les inscriptions des pyramides de Saqqarah, paru en 1894, qui réunissait les articles publiés depuis 1882."

    "L’Égypte savait que la mort peut être un complément d’objet direct et que l’on pouvait la mourir comme on vit sa vie ; et c’est précisément cet échec, ce désastre, cette perte de connaissance au sens fort du terme que Pharaon évite grâce aux textes symboliques et rituels qui l’accompagnent tout au long de son incessant voyage dans la vie de l’univers.

    Lorsqu’il est dit : Tu as abordé, (mais) tu vis, le terme utilisé n’est pas met, « mourir », mais meni, « accoster, aborder (après la traversée de l’existence) », donc « être stable, durable » dans l’éternité après avoir subi les fluctuations du monde terrestre. C’est pourquoi Pharaon repose en vie dans l’Occident où il n’est certes pas mort, mais en perpétuel état de mutation.

    Le thème de la vie occupe une place considérable dans les Textes des Pyramides qui nous révèlent ses éléments constitutifs : Pharaon qui naît dans l’énergie primordiale9, le ciel, la terre, « ce qui a été rendu ferme (l’ordre) et le trouble (le désordre) ». Sans ces éléments, la vie manifestée ne pourrait prendre corps et se transmettre. L’ordre est indispensable pour assurer une cohérence, le « trouble » pour entretenir une dynamique.

    Vis, vis, sois puissant (ouash) ! est-il dit au pharaon, la vie est soulevée derrière toi, vis !11, car c’est à lui, qui vit avec sa puissance vitale, de réconcilier ces puissances apparemment opposées et de prolonger chaque jour dans la manifestation la vie principielle dont il est dépositaire."

    "La notion de vie peut également s’exprimer par le concept de kheper, « venir à l’existence », « se manifester », « se transformer »."

    "La mort est venue à l’existence (kheper) : donc, elle n’a pas toujours existé et finira, elle aussi, par mourir. Si elle ne touche pas Pharaon, l’être ressuscité, elle n’épargne pas l’humanité ; mais, selon une formule surprenante, être tenu à l’écart (de la mort) est mauvais pour les hommes. La mort de l’humanité est programmée et fait partie de l’ordre des choses, quoique Pharaon soit capable de dépasser les frontières des morts et d’outrepasser leurs bornes : ainsi, il prouve que la mort n’est ni un obstacle infranchissable ni un terme."

    "Isefet ne possède ni statue, ni temple, ni culte, car il s’agit d’une sorte de vice rédhibitoire du monde manifesté et de l’espèce humaine qui les fait sortir de la rectitude de Maât. « Isefet, écrit Jan Assmann [dans Maât, l’Égypte pharaonique et l’idée de justice sociale, Paris, 1989, p 124-5], représente l’état rudimentaire, le donné et le naturel. La course naturelle des choses, c’est la ruine, la décomposition, la désintégration, la dépravation. Afin qu’il y ait de l’ordre, de l’intégration, de l’harmonie, il faut un effort incessant vers le culturel, le non-donné, l’invraisemblable. C’est l’État (pharaonique) qui se charge de l’effort culturel. Il s’oppose à la “gravitation naturelle” vers le chaos, il chasse isefet. Isefet, l’injustice, c’est la violence, la non-communication, la loi du plus fort… Tout l’État est là pour sauver le misérable et faire pièce à la loi du plus fort… L’homme est incapable de vivre sans Maât. »."

    "« Le monde, écrit encore Jan Assmann, n’étant pas un système auto-organisant, dépend d’une instance supérieure qui le maintient en marche. Cette instance est la domination, la monarchie divine, qui se réalise au ciel dans la course solaire et sur terre dans l’Etat pharaonique. Si cette instance s’affaiblit, si la solidarité entre le ciel et la terre cesse, le processus cosmique se dirige inévitablement vers isefet. Isefet, c’est l’injustice, le mensonge, le désordre, la guerre, la violence, la rébellion, l’inimitié, le vol, la peine, la maladie, le manque, la mort, toutes les manifestations de l’imperfection qui s’est installée dans le monde et dont le monde a besoin d’être sauvé… Le cosmos est incapable de “vivre” sans Maât… Le cosmos est incapable de “vivre” (de continuer à prospérer) sans l’État pharaonique… L’État pharaonique ne s’entend donc pas comme une institution de force, de violence et d’assujettissement comme il est peint dans l’Exode, mais comme une institution de libération : libération de l’homme de la main de l’homme. »[Maât, l’Égypte pharaonique et l’idée de justice sociale, Paris, 1989, pp.128,127 et 126]."

    "Les deux Ennéades emmènent Pharaon au « champ des offrandes », l’un des paradis célestes, et il descend dans l’Occident, lieu de paix et de plénitude."

    "Pour les anciens Égyptiens, l’univers entier, qu’il soit esprit ou matière, baigne dans un océan d’énergie qui porte le nom de Nou(n). Le terme s’écrit avec une ligne brisée, une onde qui symbolise précisément le flux énergétique et trois vases qui contiennent ce « liquide » primordial, caché aux regards des hommes, mais d’où provient toute vie.

    Or, Pharaon est défini comme « Celui qui est consubstantiel à l’énergie primordiale », et sa naissance a précisément lieu dans ce milieu créateur par excellence.

    Pharaon a été conçu dans l’énergie primordiale, il a été mis au monde dans l’énergie primordiale. Pharaon est né dans l’énergie primordiale avant que ne viennent à l’existence le ciel et la terre.

    Les puissances créatrices qui résident dans l’énergie primordiale4 entourent de vie le pharaon qui s’unit à elles, leur donne des ordres et les guide, alors qu’elles sont rassemblées par le sycomore8.

    Les liens qui pourraient immobiliser le pharaon sont dénoués par les « deux maîtres de l’énergie primordiale » où se trouve le repas destiné au roi, puisque cette énergie anéantit la faim. Animé et nourri, Pharaon se déplace en barque sur cet océan dont il connaît les mouvements parce qu’il a vu – donc connu – le secret de l’énergie originelle.

    Cette dernière semble être contenue dans une caverne à l’intérieur de laquelle sont déposés les « sièges » des puissances créatrices sur lesquelles Pharaon peut prendre place, c’est-à-dire exercer sa souveraineté. Encore faut-il que, sur sa demande, les portes de l’énergie primordiale soient ouvertes pour lui.

    La porte majeure de l’énergie primordiale parle au pharaon : pour qu’elle accepte de s’ouvrir, il doit répondre à ses questions et s’identifier comme un suivant de la lumière divine et non un perturbateur. Elle confie alors le pharaon au principe créateur (Atoum) et lui prend la main pour l’emmener au ciel.

    Une tâche précise est confiée au pharaon :

    L’énergie primordiale élève la main du pharaon vers le ciel pour qu’elle supporte la terre.

    Non seulement Pharaon utilise cette énergie pour mettre en ordre la création et la maintenir dans l’état du « premier instant » tel qu’il s’est inscrit dans l’harmonie cosmique, mais encore est-il relié au « tribunal de l’énergie primordiale », chargé de « juger » les puissances de création, c’est-à-dire de préserver leur hiérarchie et leur équilibre.

    De cet « océan » d’énergie provient une flamme qui doit « tomber », à savoir être apaisée et perdre sa capacité de destruction. Il existe donc un « feu » dans l’ » eau », une étincelle de vie qui anime la masse d’énergie potentielle. Dans l’univers principiel, feu et eau ne sont pas incompatibles, étant deux formes particularisées de l’énergie première."

    "Il vit également du « grand flot » qui est dans le ciel, auquel deux chapitres (344 et 348) sont consacrés :

    Salut à toi, grand flot !

    Échanson des dieux, qui guide ceux qui vénèrent la lumière,

    Apaise hommes et dieux pour Pharaon,

    Qu’ils lui donnent un repas.

     
    Salut à toi, grand flot,

    Échanson des dieux qui guide ceux qui vénèrent la lumière ;

    Apaise les dieux pour Pharaon,

    Qu’ils le rendent florissant,

    Qu’ils l’aiment et le rendent en bonne santé."
    -Christian Jacq, La tradition primordiale de l'Egypte ancienne selon les textes des Pyramides, Paris, Grasset, 2019.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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