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    Anouar Abdel-Malek, L'Islam dans la pensée nationale progressiste + Un itinéraire sociologique : le concept de "renaissance nationale" + Vers une sociologie comparative des idéologies

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Anouar Abdel-Malek, L'Islam dans la pensée nationale progressiste + Un itinéraire sociologique : le concept de "renaissance nationale" + Vers une sociologie comparative des idéologies Empty Anouar Abdel-Malek, L'Islam dans la pensée nationale progressiste + Un itinéraire sociologique : le concept de "renaissance nationale" + Vers une sociologie comparative des idéologies

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 3 Nov - 18:16

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Anouar_Abdel-Malek

    https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1982_num_23_92_4180

    https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1969_num_12_1_1201

    "L'attitude de Rodinson vis-à-vis du marxisme est hardiment critique, au sens philosophique du terme, c'est-à-dire qu'elle tente de définir les possibilités de l'objet sous étude, au lieu de le prendre pour une donnée acquise. Il n'accepte pas le "marxisme institutionnel", bien qu'il fasse fasse usage de ses nouveaux développements créateurs les meilleurs, étant donné que cette variante de marxisme "entrave sérieusement l'essor de la pensée"." (p.116)

    "Ibn Khaldoûn a démontré d'une manière répétée, l'intérêt qu'il porte au commerce, et sa compréhension de cette activité en termes capitalistes, tout au long de sa Muqaddimah qui est du XIVè siècle: "Achète bon marché et vends cher, tu auras fait du commerce." Cette quête du profit se fait sur une base monétaire, l'investissement foncier -toujours sujet aux incursions militaires- étant un moindre bien. Telles sont les vues, très sommaires, de l'homme que [Yves Lacoste] a justement salué récemment comme "le fondateur de l'histoire en tant que science". Qu'en est-il du prêt à intérêt, ribâ ? L'œuvre de Jâhiz, le célèbre conteur irakien du IXe siècle, abonde en histoires ayant trait aux pratiques bancaires privées, à l'usure, aux opérations monétaires ; et l'on trouve la même chose dans le poème du Persan, Nâcir-i-Khosraw, du XIe siècle. Comment se fait-il, alors, qu'une société qui pratiquait des méthodes d'activités aussi notoirement capitalistiques s'est vue, pour ainsi dire, contrainte à faire siennes des prescriptions idéologiques qui contredisent directement sa pratique ? [...] "Les idéologues ne gouvernent pas, même en Islam. Ils expriment seulement l'opinion de Dieu". [...] Dans l'Islam, tout comme dans le christianisme médiéval, -et ici M. Rodinson aurait dû reprendre l'ouvrage classique de R. H. Tawney, Religion and the Rise of Capitalism- c'est "au moment même où les pratiques capitalistes impliquant la nécessité de l'intérêt se développent avec le plus de vigueur que les théologiens et les jurisconsultes religieux se donnent le plus de mal pour théoriser l'interdiction de l'intérêt, la motiver, l'expliquer, prévoir les cas et les exceptions." (p.61-4)

    Un secteur capitalistique [...] existait en force dans le monde médiéval de l'Islam, avec une densité de relations commerciales plus haute que dans l'Europe de ce temps, et un "marché commun", l'ummah, s'étendant entre les frontières de l'empire, secteur dans lequel le capital jouait un bien plus grand rôle vis-à-vis de l'Etat que dans l'empire romain. Dès lors, quels sont les facteurs qui ont freiné l'accumulation du capital et l'ouverture de voies similaires à celles de l'Europe et du Japon ? Ici, nous ne pouvons qu'avancer des hypothèses: la forte densité démographique qui n'incitait pas aux innovations technologiques ; la longue tradition de l'Etat puissamment centralisé, dans les sociétés principalement hydrauliques du monde musulman ; les grandes invasions venant d'Asie. Mais il est clair que nous savons peu de choses (p.71-3). Pouvons-nous tenir l'islam, en tant qu'idéologie, responsable de ce retard, après un départ aussi prometteur ? [...] Pourtant, comme Charles C. Torrey et August Müller l'ont montré, l'islam est une religion hautement rationnelle, car "il est difficile d'imaginer une summa theologica plus purement mathématique". Une étude comparative précise et détaillée des trois grandes religions monothéistes est alors entreprise par M. Rodinson: "L'idéologie coranique nous apparaît faisant intervenir le raisonnement, la rationalité à un plus haut degré que les idéologies reflétées par l'Ancien et par le Nouveau Testament ; comme invoquant l'idée de prédestination à peu près dans la même mesure que ces deux corpus sacrés, mais exhortant nettement à une orientation active dans la vie individuelle et sociale ; enfin, comme subordonnant la technique magique à la volonté divine, exactement comme les deux autres religions révélés, sauvegardant de la sorte les possibilités humaines de faire obstacle à cette technique, si parfaite qu'en ait pu être la manipulation." (p.112-113). Après Mohammad, la tendance à la rationalité s'accroît régulièrement dans la philosophie, la morale, le droit et même l'art -bien plus, en fait, que dans le cadre catholique rigide de la civilisation européenne médiévale. L'exercice du pouvoir d'Etat et de la judicature n'a guère été moins développé qu'en Europe, et souvent même plus. La grande majorité des travaux spécialisés détaillés, de nature comparative, révèle le caractère fondamentalement erroné des thèses "européocentristes" de [Max] Weber. [...]

    Après avoir établi clairement l'existence de secteurs capitalistiques substantiellement étendus, durant l'époque médiévale, il s'agit maintenant d'étudier l'émergence de la formation socio-économique capitalistique dans les pays musulmans. L'Egypte ouvre la voie, grâce au monopole d'Etat instauré par Mohammed-Ali dans le commerce et l'industrie, pour ne rien dire de la terre qui demeure l'apanage du vice-roi, jusqu'à la loi foncière sous Sa'îd (1858) ; le mode de production capitaliste, ou mieux la formation socio-économique capitaliste va dominer à partir de 1880, comme l'ont démontré les travaux, tout à la fois des historiens de l'économie les plus compétents de l'Occident, et ceux des théoriciens marxistes égyptiens. Le mirage d'une Égypte "féodale", avant 1952 [...] était tout à la fois non scientifique et opératoire, en ce qu'il était conçu pour réaliser des objectifs politiques caractérisés. La Turquie, qui reste le centre de l'Islam jusqu'à Ataturk, prend du retard durant le XIXe siècle ; il en est de même pour la Perse, et le reste du monde arabe, au Maghreb comme au Moyen-Orient, de même aussi pour l'Indonésie et les régions islamiques de l'Inde. En fait, le processus réel de développement capitalistique sous étude contredit les croyances tacites des spécialistes soviétiques, tels que F. M. Atsamba et V. P. Loutsky, à savoir que "toutes les formes sociales suivant la même évolution, seulement avec plus ou moins de lenteur et de rapidité [...] conception idéologique vis-à-vis de laquelle la pensée de Marx a été hésitante et contradictoire, mais qui s'est implantée puissamment dans le marxisme idéologique à la suite de son développement dans l'idéologie évolutionniste du XIXe siècle." (p.147). Il reste, cependant, qu'il est impossible de décider, dans l'état actuel de la recherche, si les pays du monde musulman auraient pu réaliser un développement capitalistique d'une manière autonome, sans l'impact du matérialisme, du colonialisme et de l'impérialisme occidental. [...]

    Peut-on dire que l'idéologie de l'Islam ait été responsable de l'investissement massif dans la terre, et de l'attitude réticente adoptée par la bourgeoisie ascendante envers l'industrialisation massive ? Après tout, il existe des centaines de fatwâs qui tonnent contre l'usure, les pratiques bancaires modernes et alia. Pourtant -et une fois de plus, c'est l'Égypte qui montre la voie de l'évolution future- c'est le Sheikh Mohammah Abdoûh, l'initiateur du fondamentalisme islamique, qui publie, aux environs de 1903, une fatwâ justifiant le dépôt de fonds dans les nouvelles caisses d'épargne et postales, mises en place par le décret du 14 février 1904 et portant intérêt de 2.5% ; et c'est un musulman, dévôt et pratiquant, Tal'at Harb, qui, en créant la banque Miçr en 1920 -le noyau du futur groupe Miçr- ouvre la voie au capitalisme entrepreneurial.

    Les obstacles à l'industrialisation étaient lourds. Ce n'était pas pourtant des obstacles "islamiques", car la Chine et le Japon témoignent à l'époque des mêmes attitudes hésitantes et retardataires envers les formes économiques capitalistes modernes : irons-nous incriminer le boudhisme ou le taoïsme ? M. Rodinson insiste longuement sur la pseudo-science de nombreux écrivains, car l'attitude coloniale, "européocentriste" et tacitement raciste demeure puissantes dans les puissances ex-impérialistes ; et sa critique est d'autant plus valable qu'il est l'un des rares théoriciens de premier plan de la gauche européenne qui ne se sente pas mauvaise conscience: "Je n'ai pas la mystique du tiers monde si répandue dans la gauche actuelle et je ne me frappe pas tous les jours la poitrine en me désespérant de n'être pas né dans quelque Congo" (p.7)." (pp.118-121)

    "Le meilleur [de la contribution théorique de ce livre] réside à mon sens dans le champ des problèmes spécifiques des interrelations entre idéologie et société. [...]

    1. - Historicisme et structuralisme, il s'agit, du moins en France, du problème central du corpus entier des sciences sociales. On connaît la situation: une partie importante de l'intelligentsia française est en venu à penser que le "structuralisme", ou plutôt le "panstructuralisme" comme l'appelle justement M. Rodinson, constitue une sorte de nouvelle vague française ou plutôt parisienne, dont Claude Lévi-Strauss, Jacques Lacan, Michel Foucault, mais aussi, d'une certaine manière, Althusser seraient les responsables, tout au moins les maîtres à penser. Il faut bien voir, cependant, que cette nouvelle vague n'est pas nouvelle: elle entretient d'étroits rapports avec l'ensemble de la tradition empiriste, pragmatique, positiviste et néo-positiviste, qui a dominé les deux dernières décades du XIXe siècle, et qui a acquis une plus grande place, sous des modes différents, durant la montée des philosophies irrationalistes en Occident, avant et autour de la première guerre mondiale et de la grande crise économique des années 1929-1932. L'épigone le plus explicite de ces tendances a été et demeure Karl Popper: jusqu'à aujourd'hui, personne n'est allé aussi loin, personne ne s'est exprimé aussi franchement que l'auteur de The Poverty of Historicism (1956), peu connu, il est vrai, en dehors du monde anglo-saxon. Si l'histoire ne doit pas être envisagée comme un processus d'évolution -qui n'est pas seulement unilinéaire nécessairement, comme ses adversaires le souhaiteraient pour rendre les choses "simples", mais très précisément dialectique et foncièrement contradictoire, le développement étant entendu comme le déploiement de ces contradictions à travers un éventail très diversifié de styles, de niveaux et de modes- il nous faudrait donc nous contenter de l'approche "immédiate", de la description "phénoménologique" du donné, l' "intuition" -non l'analyse rationnelle- du sens de ces donnés donnant ses couleurs et son goût à cet "étant". On nous dit qu'il est impossible de rendre compte d'un phénomène à partir de ses sources, de ses origines, c'est-à-dire de son développement génétique. On souhaite ainsi nous décourager objectivement de regarder en avant, c'est-à-dire de découvrir les potentialités des phénomènes, et notamment des phénomènes sociaux. L'objectif de l'école structuraliste dans les sciences sociales -tacite, mais guère explicité- apparaît clairement aux yeux actuellement, comme devant servir à briser, ou à freiner, les progrès du marxisme créateur dans l'ensemble des sciences sociales, au cours de la phase historique actuelle, c'est-à-dire après les conséquences inévitables de la crise et les reformulations, souvent conflictuelles et encore peu convergentes, qui résultent de la mise en accusation du marxisme dogmatique. Car en effet, si les études sociales, si la pensée sociale peuvent être arrêtées au niveau de la description au lieu d'ambitionner l'interprétation, peu de choses, en vérité, peuvent être entreprises pour mettre en place des élaborations théoriques courageuses, faisant appel à la hardiesse de l'imagination scientifique, et portant sur la transformation future des structures sociales existantes. Il y a deux générations, le Bergsonisme jouait, très exactement, ce même rôle de freinage et de découragement, sans pouvoir pour autant compter sur la passivité des penseurs marxistes, alors qu'aujourd'hui leurs héritiers présentent l'étrange tableau d'hommes préoccupés, avant tout, de saluer le structuralisme en tant que nouvelle vague et de trouver un modus vivendi avec le Teilhardisme dans le corps général de la pensée occidentale, hégémonique, idéaliste et conservatrice : la coexistence idéologique à son comble, pourrait-on dire, alors que le globe retentit de conflits très durs qui trouvent leur point culminant dans le génocide au Viet-Nam. Certes, on nous dit, en guise d'encouragement, qu'il n'est guère question de s'arrêter à des phénomènes singularisés: après tout, le marxisme a, quand même, laissé quelques traces. Derechef, le mot clé est celui de "structure", qui voudrait suggérer l'étude des ensembles dans leur complexité dialectique et leur intégralité génétique. En fait, ce que l'on nous offre, c'est une description de structures statiques, une idéologie froide comme la mort, et brillamment dépeintes par de talentueux essayistes et très au fait de l'esprit du temps, tel qu'il est vécu et senti dans l'Occident, aux lendemains, si difficiles, des anciennes hégémonies et des empires perdus. Et ce n'est point un hasard, certes, si l'essentiel des travaux structuralistes porte sur les sociétés, les ensembles les groupes et les phénomènes marginaux ou marginalisés et que l'on dit par conséquent a-historique- après s'être réclamé de la linguistique saussurienne. "Le projet des "panstructuralistes" de tenter des analyses structurelles, formalisables s'il se peut selon le mode mathématique, des divers systèmes de relations qui contribuent à constituer la vie sociale (mais n'en sont pas la totalité, comme y insiste justement H. Lefebvre) est un projet intéressant qui peut apporter beaucoup à la compréhension de celle-ci. Mais leur postulation (pratiquement) d'une équivalence entre ces systèmes et leur conception de ces systèmes sur le modlèe de la langue sont inacceptables." (p.199). Car s'il en était ainsi, l'Islam en tant que système spécifique de relations sociales, en tant que structure serait très exactement ainsi, et, comme tel, ne saurait être réduit, à une interprétation historique signifiante et cohérente -ce que Rodinson, avec un grand nombre d'autres savants, a démontré comme étant faisable-, pas plus qu'il ne pourrait être comparé ou mis en corrélation avec d'autres systèmes idéologiques [...] A Lucien Sebag qui n'a pas hésité à écrire que les rapports économiques sont tout autant produits de l'esprit que des théories, M. Rodinson répond: "Certes, car toute activité humaine passe par l'esprit humain. Mais les rapports économiques fondamentaux structurent la tâche primordiale de toute la société. Ils forment un système, mais ne sont pas un langage et, dès lors, il est peu probable que la structure de ce système s'avère fondamentalement analogue à celle d'un langage. Une société ne se bâtit pas autour de "significations", mais autour des tâches essentielles sans lesquelles elle ne pourrait se continuer. Et, comme l'individu, la société s'efforce en tout premier lieu à survivre, à perpétuer son existence (plus que son essence). Elle s'efforce ensuite (on pourrait appeler cela ses tâches essentielles secondaires) à maximiser (par la compétition et éventuellement par la lutte) les avantages dont jouissent ses membres, tout particulièrement ses membres privilégiés quand il s'agit d'une société hiérarchisée. Les rapports organisés autour de ces tâches (non la conscience ni la théorisation de ces rapports) ont une répercussion sur toute la vie sociale. Toutes les autres formes de relation et de conscience doivent s'adapter à ces rapports alors que la réciproque n'est pas vraie [...] En ce qui concerne l'idéologie, qui nous intéresse spécialement ici, les rapports de production sont primaires tout simplement parce qu'ils structurent la fonction primordiale de la société, alors que les idéologies, religion, philosophie, etc., pensent la production et la reproduction, leurs structures, la société et bien d'autres choses encore. Cette pensée du monde humain, social et naturel se structure assurément suivant des "codes" qu'il est du plus haut intérêt d'étudier. Et il est bien vrai que plusieurs codes sont toujours disponibles ou possibles et que le type de situation ne préjuge pas toujours du code employé ni entièrement de la façon de l'employer. Mais aussi il est absurde de penser que l'étude du code dispense de l'étude du texte codifié, la remplace, la rend superflue comme toute une école tend à en convaincre actuellement un public séduit. La société doit vivre et fonctionner avant de signifier et les exigences de la fonction ne peuvent se soumettre aux exigences de la signification que par exception et passagèrement. [...] (p.200-1) [...]
    D'où la définition du marxisme par Lucien Goldmann [Recherches dialectiques, Gallimard, 1959] en tant que "structuralisme génétique" -génétique, c'est-à-dire en évolution, historiciste, progressiste." (pp.122-124)
    -Anouar Abdel-Malek, "Vers une sociologie comparative des idéologies", L'Homme et la société, Année 1968, 7, pp. 115-130 : https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1968_num_7_1_1103

    https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1966_num_2_1_974

    https://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1965_num_6_21_2064



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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