« Parmi tous ses fidèles compagnons, Nietzsche tient la plus grande place. Ce n’est pas par hasard qu’il emporte dans sa musette, en août 14, Ainsi parlait Zarathoustra. » (p.76)
« Il a commencé à le lire dès l’âge de quatorze ans et lui demeura fidèle tout au long de sa vie. » (p.76)
« Il y aurait beaucoup à dire sur la lecture rapide que de nombreux jeunes hommes alors -en particulier parmi ceux qui deviendront fascistes- ont fait de Nietzsche. » (note 2 p.76)
« Drieu connaît bien l’acception nietzschéenne et la reprend dans Interrogation : « Nous nous sommes levés et nous avons surmonté » (p.48) Ceux qui se lèvent ainsi se distinguent des autres, constituent cette caste supérieure qu’il différencie […] Mais ils n’oublient jamais que le but du combat est de protéger les faibles et de défendre leur pays. » (p.84)
« Il a retenu la leçon nietzschéenne de la ville pervertie que l’homme doit fuir, ce lieu où règnent toutes les jouissances qui peuvent relâcher la tension / l’attention du combattant. » (p.88)
« Déjà l’adolescent […] souhaitait […] rompre à temps avec la vie pour ne pas connaître pareil fléeau [la déchéance physique]. Mais là encore, ce qui caractérise Drieu, c’est que cette pensée de jeunesse, fortifiée par la lecture, entre toutes autres, de Nietzsche, ne disparaît pas avec les rides. » (p.96)
« [Il] ne croit plus en Dieu depuis l’âge de quinze ans. » (p.101)
« A l’instar de Marinetti, il prône la destruction de tout ce qui représentait le vieux monde pour indiquer aux jeunes créateurs qu’ils doivent pas chercher de référence dans le passé. » (p.117)
« L’Etat a donc pour devoir d’entretenir l’idée de guerre – « l’instinct de guerre »- chez ses sujets afin que ceux-ci ne s’abandonnent pas à la paix douceureuse. » (p.119)
-Marie Balvet, Itinéraire d’un intellectuel vers le fascisme : Drieu La Rochelle, Paris, PUF, 1984, 231 pages.
« Le recueil des chroniques quotidiennes qu’il [Barrès] a données à L’Echo de Paris entre 1914 et 1918 nécessitera pas moins de quatorze volumes… » (p.7)
« Né le 3 janvier 1893 dans le Xe arrondissement de Paris. » (p.16)
« A défaut de quartier de noblesse, il revendique en effet un enracinement dans les traditions de la vieille France de l’Ouest. Une fierté liée à ses origines normandes qui le rattachent au monde celte et germanique apparaît de façon précoce sous sa plume. » (p.20)
« Une des manifestations de cette soif de distinction se retrouve dans l’étrange occultation par Drieu de la profession de pharmacien exercée par plusieurs générations de la branche paternelle. […] Au début des années 1920, son oncle paternel possédait encore une officine installée rue La Fontaine, dans le XVIe arrondissement. Le nom de Drieu la Rochelle s’affichait sur l’enseigne de la boutique. Jean Cocteau, arbitre des élégances du Tout-Paris, se faisait un plaisir d’y conduire certains amis pour se moquer des prétentions aristocratiques d’un rival peu apprécié. […] Mépris pour tout ce qui s’apparente au monde de la boutique, du commerce et à la manipulation de l’argent […] Drieu la Rochelle n’a pas perçu l’histoire des siens comme un mouvement d’ascension sociale menant à l’aisance matérielle une famille de petite bourgeoisie mais, au contraire, comme processus de déclin au terme duquel une lignée autrefois pleine de sève s’affadit progressivement. Les tensions familiales qui ont marqué ses premières années n’ont fait qu’accentuer ce sentiment de déclin qui, transposé ensuite au niveau national, sera une des clefs de sa sensibilité politique. » (p.22-23)
« Infidélités conjugales et déboires financiers constituent dès lors la toile de fond d’une chronique familale jalonnée de cris, de dispute et de pleurs. Eugénie quitte parfois le domicile conjugal pour trouver refuge chez ses parents […] En 1905, elle demande une séparation de biens pour tenter de protéger les intérêts de ses enfants -un deuxième fils, Jean, est né en 1903. Elle n’ira jamais pourtant jusqu’à la rupture. Au-delà des conventions bourgeoises qui répugnent à étaler à l’extérieur le malheur conjugal, un lien intangible, qui fascine et irrite son fils, l’attache à un homme dont elle ne peut se déprendre. Eugénie revient toujours vers son mari, qui, inconscient ou indifférent au mal qu’il fait, reprend immanquablement les mêmes chemins. Mari adultère, père lointain, affairiste malchanceux, Emmanuel n’en continue pas moins à se considérer comme un défenseur des valeurs traditionnelles : culte de l’armée et de la patrie, défense de la religion, respect des hiérarchies sociales. Dans Rêveuse bourgeoisie, c’est le contraste entre la volonté obstinée de dignité et de reconnaissance d’un Camille Le Pesnl, toujours prêt à jouer les pères nobles et à plaider sa bonne foi, et l’accumulation des signes de son échec qui donne au personnage une dimension tragique et laisse entrevoir, derrière le mépris du fils, une tendresse blessée. » (pp.24-25)
« Souvent malheureux parmi les siens, le petit garçon rêve de fuir le foyer familal et s’imagine enfant trouvé ignorant tout de ses origines. […] Fascination éprouvée lorsqu’à l’âge de sept ans il a entendu parler pour la première fois du suicide. Cette découverte est l’occasion d’un nouveau jeu dangereux. L’outil en sera un petit couteau à dessert pointu. Avec lui il se perce le bout du doigt et joue à regarder son sang qui s’échappe goutte à goutte. » (p.28)
« Le passage par un collège mariste développe une imprégnation religieuse sans le hausser à une véritable ferveur. » (p.29)
« A quatorze ans, alors qu’il se promène avec sa mère avenue de l’Opéra, un volume publié sous la couverture jaune du Mercure de France attire son attention dans la vitrine d’un libraire : Ainsi parlait Zarathoustra. […] Il est conforté dans son rejet des visions providentielles ou progressistes de l’histoire et du rationalisme jugé désséchant hérité du XVIIIe siècle. » (p.43-44)
« Dès l’enfance, la lecture façonne de façon plus décisive l’imaginaire du jeune garçon et son rapport au monde. L’épopée impériale sera l’un des premiers objets à alimenter une soif de lecture qui ne se tarira jamais. […] Le culte de l’Empereur est commun aux deux branches de la famille Drieu. Du côté paternel, il se nourrit du souvenir du vétéran des campagnes napoléoniennes. » (p.30)
« Une part d’ambivalence reste toutefois présente dans l’œuvre de l’homme couvert de femmes. Le méptis souvent affiché de l’homosexualité, rangée parmi les syndromes de décadence, s’accompagne en effet d’une célébration de la force virile et du corps masculin et d’une reconnaissance d’une part féminine dans sa sensibilité. » (p.34)
« Gilles a été écrit en partie à Cambridge durant l’été 1937. Bon connaisseur de la littérature britannique, il nouera une amitié avec les écrivains T. H. Lawrence et Aldous Huxley. » (p.35)
« Ces séjours linguistiques révèlent le soin accordé à l’éducation d’un jeune homme brillant […]
S’inscrivant à [la] rentrée 1910 à la Sorbonne pour une licence de droit et d’anglais et suivant les cours de l’Ecole libre des sciences politiques. » (p.36-37)
« Tout comme Barrès, mais avec des moyens littéraires bien inférieurs, Paul Adam se veut le chantre de l’énergie nationale. Rescapé de l’aventure boulangiste, il développe, non sans confusions ni équivoques, un discours nationaliste d’un populisme socialisant et volontiers antisémite […] Drieu, qui l’a rencontré plusieurs fois lors de ses études, le considère comme une sorte de mentor. Il ne manquera jamais d’affirmer sa dette à l’égard d’un écrivain visionnaire injustement ignoré. Il le crédite d’avoir éveillé son attention sur la question sociale, sur les effets de la révolution industrielle et les dangers d’un machinisme non maîtrisé. » (p.42)
« J’admire, en réfléchissant aujourd’hui, comme tout a conspiré à me donner un enseignement réactionnaire. », note-t-il dans le même texte de 1920 [Enquête sur les maîtres de la jeune littérature]. La lecture, à la veille de son baccalauréat, des Pages de sociologie de Paul Bourget constitue une introduction à la pensée des antimodernes. Par Maurras, il accède ensuite à la tradition contre-révolutionnaire. » (p.45)
« Rétrospectivement, il verra dans l’explosive synthèse tentée par le Cercle Proudhon la première amorce d’un fascisme français. » (p.47)
« La misère de sa vie sexuelle est pour lui une souffrance intime. […] A dix-huit ans, il a […] perdu son pucelage dans la chambre sordide d’un hôtel de la rue Boissy-d’Anglas avec une femme qu’il a suivie dans la rue et qu’il a payée. C’est le début d’une sexualité sans tendresse lestée, malgré les professions de foi d’amoralisme, d’un sentiment de culpabilité et de souillure. » (p.50)
« A la surprise générale, celui que nombre de ses condisciples voyaient, au vu de ses excellents résultats des années précédentes, comme un possible major de promotion est collé -comme il l’est à la Sorbonne à ses examens de droit. Humiliation suprême, c’est l’épreuve d’histoire, sa matière de prédilection, qui a entraîné sa chute. A la composition portant sur les traités de 1815, il ne recueille qu’un 8.5 et une appréciation vengeresse : « Vaticinations autour du sujet qui n’est ni posé, ni traité. Style atroce ». » (p.53)
« Le coup est si rude pour le jeune homme qu’il dira avoir songé pendant quelques jours à se jeter dans la Seine. » (p.55)
« Le jeune [caporal] nietzschéen attendait que la guerre le hisse vers son idéal héroïque. » (p.59)
« Les bénéfices moraux personnels qu’il espère tirer du conflit ne s’accompagnent chez lui d’aucune haine de l’adversaire. En avril 1914, il a profité d’une permission pour effectuer son premier voyage en Allemagne en compagnie de l’un de ses anciens camarades des Sciences politiques. Il découvre Munich et la Bavière, visite avec bonheur les musées. » (p.60-61)
« Nommé sergent le 16 octobre 1914, Drieu est envoyé vers le front de Champagne, dans le secteur d’Hermonville. Entre la tranchée française et la tranchée allemande se trouve un hameau abandonné, Le Godat, d’où le son d’une cloche parvient parfois, dans le silence de l’attente, jusqu’aux combattants. Ernst Jünger, qui a servi dans le même secteur, se souvenait comme Dieu de ce détail. Lors d’une soirée à l’Institut allemand le 16 novembre 1943, les deux écrivains imagineront qu’ils ont alors échangé des coups de feu. » (p.64)
« Drieu retrouve Colette Jéramec qu’il épouse le 15 octobre 1917. » (p.68)
« Transformé par l’expérience des combats et la découverte de la souffrance, il a connu les phases de décompression sévère de l’arrière au cours desquelles l’alcool et la débauche sont le seul antidote à l’angoisse de la mort et au sentiment de l’absurde. » (p.68-69)
« Richessement doté par son épouse qui lui a consenti une donation de 500 000 francs, Drieu s’étourdit un temps dans la vie de plaisir de l’arrière, s’habillant chez les bons tailleurs de la capitale, fréquentant les restaurants et les cabarets à la mode, introduit dans les milieux littéraires et multipliant les aventures féminines. Cette vie d’embusqué, totalement opposée à son idéal héroïque, le place toutefois dans une situation inconfortable. […] Continuant à bénéficier d’importants soutiens, son retour au front se fait dans des conditions choisies. Il est ainsi affecté à la fin de l’été 1918 comme interprète auprès d’un régiment américain -il qualifie lui-même sa position de « demi-arrière ». C’est aux côtés de ces soldats de Virginie qu’il apprend l’armistice le 11 novembre. » (p.70)
« Barrès lui-même adoube le jeune écrivain. […] La sensibilité de Drieu ne recoupe pourtant que partiellement le discours patriotique traditionnel. […] La guerre n’a pas pour objet de trancher de vieux contentieux territoriaux. Elle n’est là que pour contraindre deux peuples à faire émerger leurs trésors d’héroïsme et pour donner au combattant d’élite la jouissance supérieure du défi -briser ou être brisé- et du dépassement de soi. La censure s’alertera de deux poèmes, « A vous Allemands » et « Plainte des soldats européens », adressés à un adversaire fraternel. Le « Chant de guerre des hommes d’aujourd’hui » contient également certains éléments subversifs. Drieu y prophétise le retour de combattants bien décidés à dynamiter le vieux monde et à casser les vieilles baraques, les ministères, les casernes et les banques. […] Le rêve de chef dont il est question témoigne plutôt d’un préfascisme. » (p.75)
« Les contemporains ont rapproché l’esthétique de Drieu de celle de Montherlant. » (p.75)
« Scrupule qui le distingue clairement de Montherlant […] qui a tenté de façon délibérée de tirer d’une participation minimale au conflit un bénéfie littéraire maximal. » (p.77)
« C’est la génération du feu qui a sans doute ressenti de façon la plus intime et la plus forte cette perte des repères et du sentiment de sécurité. » (p.84)
« Drieu la Rochelle a éprouvé dans l’après-guerre une incontestable admiration pour l’Action française. […] L’intérêt croissant de Drieu pour l’idée européenne et la réconciliation franco-allemande finit de l’éloigner de la philosophie nationaliste de Maurras. » (p.85)
« Drieu peut également se réjouir d’appartenir à la « petite compagnie austère et opulente » de la NRF. » (p.96)
« En janvier 1923, [Pierre Drieu la Rochelle] évoque avec l’écrivain [Maurice Barrès] la possibilité de se présenter aux élections législatives l’année suivante. » (p.103)
« Gagnés par sa force de conviction communicative, Drieu et Berl rejoignent à l’automne 1928 l’équipe de La Voix. A cette date, Jouvenel et ses amis parient sur la rénovation du parti radical, bien loin des bases politiques de Drieu qui jusque-là s’est toujours défini comme un homme de droite. L’élection d’un jeune président pour le vieux parti, Daladier, constitue un signe encourageant. Drieu voit aussi d’un bon œil l’étoile montante du séduisant Gaston Bergery, dandy de la politique et ancien condisciple de Berl. La poussée d’une cohorte de jeunes militants -les fameux « Jeunes Turcs »- décidés à rénover le discours et la pratique radicaux suscite également beaucoup d’espoirs. Tout à son flirt avec la gauche, Drieu conforte son européisme, évolue vers le pacifisme et adopte un discours de plus en plus critique à l’égard du capitalisme et de l’anarchie libérale, éléments de la décadence ambiante comme le prouve la crise de 1929. » (p.110)
« Chez Daniel Halévy, dont le salon du quai de l’Horloge est un des rendez-vous les plus prisés de la rive gauche, il a rencontré en 1927 un jeune écrivain dont l’étoile ne cesse de s’affirmer, André Malraux. » (p.113)
« Dans le journal de guerre, Drieu se reconnaîtra avec Malraux « frère en Nietzsche et en Dostoïevski ». » (p.114)
« Lorsqu’il avait rompu avec les surréalistes [en 1925]. » (p.126)
« [En 1933], il rédige une pièce de théâtre, Le Chef, qui démontre le mélange d’inquiétude et d’attraction que le fascisme exerce déjà sur lui. » (p.127)
« 1934 sera l’année du basculement. En janvier, Drieu se rend à Berlin pour assister au Congrès des jeunesses françaises et allemandes. Destinées à favoriser un rapprochement entre les deux peuples, ces rencontres inaugurées en 1931 en sont à leur quatrième édition. […] Drieu a été invité par son ami Bertrand de Jouvenel qui est l’un des organisateurs de la manifestation. Il est reçu comme un hôte de marque par le maître de cérémonies allemand, Otto Abetz. » (p.129)
« L’impact du 6 février 1934 s’avère plus décisif encore dans l’évolution de Drieu. » (p.131)
« Drieu s’efforce d’enrôler sous la même bannière les manifestations du 6 [février] et du 9 [contre-manifestation communiste, anti-fasciste, durement réprimé] en ne voulant voir, au-delà de leurs motivations antagonistes, que la commune colère qui les anime face à l’ordre établi. » (p.134)
« Ses analyses [pour le journal de gauche Marianne] sont toutefois tributaires de la bienveillance qu’il éprouve désormais à l’égard de l’Italie de Mussolini et de l’admiration croissante qu’il voue à l’Allemagne nazie. […]
En septembre 1935, il est invité à assister au Congrès de Nuremberg. […] « Il y avait des chœurs et des chants admirables : une tragédie antique. C’était écrasant de beauté. », écrit-il le 12 septembre 1935. » (p.137-138)
« Le 28 juin 1936, le Parti populaire français (PPF) est porté sur les fonts baptismaux. Drieu compte parmi les témoins enthousiastes du grand « rendez-vous de Saint-Denis ». Dans un de ses premiers articles pour L’Emencipation nationale, le journal du parti, il s’exalte devant le discours-fleuve du « Grand Jacques ». […] Né à l’ombre de la vieille basilique des rois de France au cœur d’une cité ouvrière, le PPF se veut le parti du rassemblement : tous les Français y sont les bienvenus à l’exclusion des communistes vendus à Moscou et des « deux cents familles », bras armé du grand capitalisme. » (pp.145-146)
« L’écrivain aux tirages modestes dispose désormais d’une tribune de large diffusion, le journal revendiquant un tirage de près de 200 000 exemplaires […] Drieu publiera entre 1936 et 1938 plus de cent articles dans les colonnes du journal. […] Il lui arrive de prendre la parole dans les meetings. » (p.147)
« La France selon Drieu est tombée sous le joug d’une « philosophie de la petite vie » : elle s’enfonce dans un hédonisme vulgaire, un individualisme frileux, un optimisme stupide et douillet. Le fascisme constitue pour Drieu l’antidote à ce poison insidieux. » (p.149)
« Conscient toutefois des risques de cette fascination pour des puisssances extérieures, l’écrivain s’éloigne de ses professions de foi pro-européennes précédentes et opère un retour au nationalisme. » (p.150)
« Entretien donné à Je suis partout le 15 mai 1937. » (p.151)
« Pour être restée à l’écart de ce grand mouvement de renouveau [hitlérien], la France a été terrassée en 1940. » (p.199)
« L’exemplaire du Zarathoustra offert par sa mère l’accompagnera dans les premières semaines de la guerre et sera perdu lors de la retraite de Charleroi dans le sentier d’un petit bois à quelques kilomètres de la frontière belge. » (note 45 p.284)
« D’autres dirigeants contestent la position munichoise de Doriot. Ils lui reprochent aussi le relâchement de sa vie privée et la vénalité qui lui a fait accepter une aide financière de l’Italie fasciste. Après Pierre Pucheu, Paul Marion, Victor Arrighi et Alfred Fabre-Luce, Drieu signifie lui aussi sa démission du 6 janvier [1939] dans lequel il accuse Doriot d’avoir trompé ses partisans. » (p.153)
« Drieu semble s’installer dans un consentement sans illusion à la guerre. » (p.156)
« La réception de ses deux derniers romans, Rêveuse bourgeoisie et Gilles, le déçoit une fois de plus. […] à l’automne 1939, aucun de ses livres n’a dépassé les 7000 exemplaires. » (p.161)
« Maurras […] ne l’a jamais tenu pour un interlocuteur sérieux. La jeune garde fasciste a également mis du temps à le considérer comme l’un des siens. A l’automne 1934, Brasillach et Rebatet avaient éreinté la pièce Le Chef. » (p.163)
« La tentation de disparaître dans le désastre de sa patrie l’a sans doute visité. Il est allé demander à Colette Jéramec, devenue chercheur à l’Institut Pasteur, une dose de poison -celle qu’il utilisera quatre ans plus tard en août 1944. » (p.171)
« Le 21 juillet [1940], il obtient [à Vichy] l’ordre de mission qui va lui permettre de passer la ligne de démarcation. » (p.175)
« Drieu voit les nazis à Londres dans deux mois, à Moscou dans un an, à New York dans dix-huit mois… » (p.177)
« La capitale que retrouve Drieu à la fin du mois de juillet 1940 est bien différente de celle qu’il a fuie quelques semaines plus tôt. Les troupes allemandes entrées dans la ville dès le 14 juin sont devenues des troupes d’occupation. » (p.178)
« La NRF occupe une place particulière dans la soif de revanche que Drieu confesse dans son journal. » (p.193)
« Le garde-fou nationaliste n’a plus lieu d’être puisque la nation a achevé sa déliquescence. […] Pour Drieu, l’ère des nations est close et l’ère des grands ensembles est venue. […] L’unité européenne aura pour instrument l’Allemagne, agent d’une révolution qui la dépasse. » (p.198)
-Jacques Cantier, Pierre Drieu la Rochelle, Perrin, 2011, 315 pages.
Dans les années 30 (cité p.123) : « Ce qui caractérise l’homme du XXe siècle, et en cela Nietzsche a été son magnifique précurseur, c’est qu’il voit la vie comme une aventure. Impossible pour lui de la voir autrement car il est à la fois trop sceptique et trop ardent. Trop sceptique pour croire en un monde continu, dont toutes les pièces s’emboîtent les unes dans les autres, il a le sens du relatif. Trop ardent pour s’effrayer de cet aspect pluriel du monde. Au contraire, il se sent éperonné par l’impression de mystère infranchissable que lui donne toute chose et qui lui assure une destinée mouvementée et sans repos. »
« [Les hommes] ont été vaincus par cette guerre. Et cette guerre est mauvaise, qui a vaincu les hommes. Cette guerre moderne, cette guerre de fer et non de muscles. Cette guerre de science et non d’art. Cette guerre de bureaux. Cette guerre de journaux. Cette guerre de généraux et non de chefs. […] Cette guerre de civilisation avancée. » (p.71)
« Je m’étais donné à l’idéal de la guerre et voilà ce qu’il me rendait : ce terrain vague sur lequel pleuvait une matière imbécile. Des groupes d’hommes perdus. Leurs chefs derrière, ces anciens sous-lieutenants au rêve fier, devenus de tristes aiguilleurs anxieux chargés de déverser des trains de viande dans le néant… » (p.204)
« La civilisation saxonne, ma civilisation, une civilisation virile, celle que j’ai élue dans mon cœur. » (p.245)
-Pierre Drieu la Rochelle, La Comédie de Charleroi, Paris, Gallimard, 1934, réédition de 1982.
« Au PPF nous n’avons plus besoin de rien sacrifier, nous pouvons nous épanouir à plein. Nous n’avons pas besoin de sacrifier notre amour de la France à notre amour du peuple, notre exigence sociale à notre exigence nationale », note-t-il le 13 février 1937, L’Émancipation nationale.
« Il a commencé à le lire dès l’âge de quatorze ans et lui demeura fidèle tout au long de sa vie. » (p.76)
« Il y aurait beaucoup à dire sur la lecture rapide que de nombreux jeunes hommes alors -en particulier parmi ceux qui deviendront fascistes- ont fait de Nietzsche. » (note 2 p.76)
« Drieu connaît bien l’acception nietzschéenne et la reprend dans Interrogation : « Nous nous sommes levés et nous avons surmonté » (p.48) Ceux qui se lèvent ainsi se distinguent des autres, constituent cette caste supérieure qu’il différencie […] Mais ils n’oublient jamais que le but du combat est de protéger les faibles et de défendre leur pays. » (p.84)
« Il a retenu la leçon nietzschéenne de la ville pervertie que l’homme doit fuir, ce lieu où règnent toutes les jouissances qui peuvent relâcher la tension / l’attention du combattant. » (p.88)
« Déjà l’adolescent […] souhaitait […] rompre à temps avec la vie pour ne pas connaître pareil fléeau [la déchéance physique]. Mais là encore, ce qui caractérise Drieu, c’est que cette pensée de jeunesse, fortifiée par la lecture, entre toutes autres, de Nietzsche, ne disparaît pas avec les rides. » (p.96)
« [Il] ne croit plus en Dieu depuis l’âge de quinze ans. » (p.101)
« A l’instar de Marinetti, il prône la destruction de tout ce qui représentait le vieux monde pour indiquer aux jeunes créateurs qu’ils doivent pas chercher de référence dans le passé. » (p.117)
« L’Etat a donc pour devoir d’entretenir l’idée de guerre – « l’instinct de guerre »- chez ses sujets afin que ceux-ci ne s’abandonnent pas à la paix douceureuse. » (p.119)
-Marie Balvet, Itinéraire d’un intellectuel vers le fascisme : Drieu La Rochelle, Paris, PUF, 1984, 231 pages.
« Le recueil des chroniques quotidiennes qu’il [Barrès] a données à L’Echo de Paris entre 1914 et 1918 nécessitera pas moins de quatorze volumes… » (p.7)
« Né le 3 janvier 1893 dans le Xe arrondissement de Paris. » (p.16)
« A défaut de quartier de noblesse, il revendique en effet un enracinement dans les traditions de la vieille France de l’Ouest. Une fierté liée à ses origines normandes qui le rattachent au monde celte et germanique apparaît de façon précoce sous sa plume. » (p.20)
« Une des manifestations de cette soif de distinction se retrouve dans l’étrange occultation par Drieu de la profession de pharmacien exercée par plusieurs générations de la branche paternelle. […] Au début des années 1920, son oncle paternel possédait encore une officine installée rue La Fontaine, dans le XVIe arrondissement. Le nom de Drieu la Rochelle s’affichait sur l’enseigne de la boutique. Jean Cocteau, arbitre des élégances du Tout-Paris, se faisait un plaisir d’y conduire certains amis pour se moquer des prétentions aristocratiques d’un rival peu apprécié. […] Mépris pour tout ce qui s’apparente au monde de la boutique, du commerce et à la manipulation de l’argent […] Drieu la Rochelle n’a pas perçu l’histoire des siens comme un mouvement d’ascension sociale menant à l’aisance matérielle une famille de petite bourgeoisie mais, au contraire, comme processus de déclin au terme duquel une lignée autrefois pleine de sève s’affadit progressivement. Les tensions familiales qui ont marqué ses premières années n’ont fait qu’accentuer ce sentiment de déclin qui, transposé ensuite au niveau national, sera une des clefs de sa sensibilité politique. » (p.22-23)
« Infidélités conjugales et déboires financiers constituent dès lors la toile de fond d’une chronique familale jalonnée de cris, de dispute et de pleurs. Eugénie quitte parfois le domicile conjugal pour trouver refuge chez ses parents […] En 1905, elle demande une séparation de biens pour tenter de protéger les intérêts de ses enfants -un deuxième fils, Jean, est né en 1903. Elle n’ira jamais pourtant jusqu’à la rupture. Au-delà des conventions bourgeoises qui répugnent à étaler à l’extérieur le malheur conjugal, un lien intangible, qui fascine et irrite son fils, l’attache à un homme dont elle ne peut se déprendre. Eugénie revient toujours vers son mari, qui, inconscient ou indifférent au mal qu’il fait, reprend immanquablement les mêmes chemins. Mari adultère, père lointain, affairiste malchanceux, Emmanuel n’en continue pas moins à se considérer comme un défenseur des valeurs traditionnelles : culte de l’armée et de la patrie, défense de la religion, respect des hiérarchies sociales. Dans Rêveuse bourgeoisie, c’est le contraste entre la volonté obstinée de dignité et de reconnaissance d’un Camille Le Pesnl, toujours prêt à jouer les pères nobles et à plaider sa bonne foi, et l’accumulation des signes de son échec qui donne au personnage une dimension tragique et laisse entrevoir, derrière le mépris du fils, une tendresse blessée. » (pp.24-25)
« Souvent malheureux parmi les siens, le petit garçon rêve de fuir le foyer familal et s’imagine enfant trouvé ignorant tout de ses origines. […] Fascination éprouvée lorsqu’à l’âge de sept ans il a entendu parler pour la première fois du suicide. Cette découverte est l’occasion d’un nouveau jeu dangereux. L’outil en sera un petit couteau à dessert pointu. Avec lui il se perce le bout du doigt et joue à regarder son sang qui s’échappe goutte à goutte. » (p.28)
« Le passage par un collège mariste développe une imprégnation religieuse sans le hausser à une véritable ferveur. » (p.29)
« A quatorze ans, alors qu’il se promène avec sa mère avenue de l’Opéra, un volume publié sous la couverture jaune du Mercure de France attire son attention dans la vitrine d’un libraire : Ainsi parlait Zarathoustra. […] Il est conforté dans son rejet des visions providentielles ou progressistes de l’histoire et du rationalisme jugé désséchant hérité du XVIIIe siècle. » (p.43-44)
« Dès l’enfance, la lecture façonne de façon plus décisive l’imaginaire du jeune garçon et son rapport au monde. L’épopée impériale sera l’un des premiers objets à alimenter une soif de lecture qui ne se tarira jamais. […] Le culte de l’Empereur est commun aux deux branches de la famille Drieu. Du côté paternel, il se nourrit du souvenir du vétéran des campagnes napoléoniennes. » (p.30)
« Une part d’ambivalence reste toutefois présente dans l’œuvre de l’homme couvert de femmes. Le méptis souvent affiché de l’homosexualité, rangée parmi les syndromes de décadence, s’accompagne en effet d’une célébration de la force virile et du corps masculin et d’une reconnaissance d’une part féminine dans sa sensibilité. » (p.34)
« Gilles a été écrit en partie à Cambridge durant l’été 1937. Bon connaisseur de la littérature britannique, il nouera une amitié avec les écrivains T. H. Lawrence et Aldous Huxley. » (p.35)
« Ces séjours linguistiques révèlent le soin accordé à l’éducation d’un jeune homme brillant […]
S’inscrivant à [la] rentrée 1910 à la Sorbonne pour une licence de droit et d’anglais et suivant les cours de l’Ecole libre des sciences politiques. » (p.36-37)
« Tout comme Barrès, mais avec des moyens littéraires bien inférieurs, Paul Adam se veut le chantre de l’énergie nationale. Rescapé de l’aventure boulangiste, il développe, non sans confusions ni équivoques, un discours nationaliste d’un populisme socialisant et volontiers antisémite […] Drieu, qui l’a rencontré plusieurs fois lors de ses études, le considère comme une sorte de mentor. Il ne manquera jamais d’affirmer sa dette à l’égard d’un écrivain visionnaire injustement ignoré. Il le crédite d’avoir éveillé son attention sur la question sociale, sur les effets de la révolution industrielle et les dangers d’un machinisme non maîtrisé. » (p.42)
« J’admire, en réfléchissant aujourd’hui, comme tout a conspiré à me donner un enseignement réactionnaire. », note-t-il dans le même texte de 1920 [Enquête sur les maîtres de la jeune littérature]. La lecture, à la veille de son baccalauréat, des Pages de sociologie de Paul Bourget constitue une introduction à la pensée des antimodernes. Par Maurras, il accède ensuite à la tradition contre-révolutionnaire. » (p.45)
« Rétrospectivement, il verra dans l’explosive synthèse tentée par le Cercle Proudhon la première amorce d’un fascisme français. » (p.47)
« La misère de sa vie sexuelle est pour lui une souffrance intime. […] A dix-huit ans, il a […] perdu son pucelage dans la chambre sordide d’un hôtel de la rue Boissy-d’Anglas avec une femme qu’il a suivie dans la rue et qu’il a payée. C’est le début d’une sexualité sans tendresse lestée, malgré les professions de foi d’amoralisme, d’un sentiment de culpabilité et de souillure. » (p.50)
« A la surprise générale, celui que nombre de ses condisciples voyaient, au vu de ses excellents résultats des années précédentes, comme un possible major de promotion est collé -comme il l’est à la Sorbonne à ses examens de droit. Humiliation suprême, c’est l’épreuve d’histoire, sa matière de prédilection, qui a entraîné sa chute. A la composition portant sur les traités de 1815, il ne recueille qu’un 8.5 et une appréciation vengeresse : « Vaticinations autour du sujet qui n’est ni posé, ni traité. Style atroce ». » (p.53)
« Le coup est si rude pour le jeune homme qu’il dira avoir songé pendant quelques jours à se jeter dans la Seine. » (p.55)
« Le jeune [caporal] nietzschéen attendait que la guerre le hisse vers son idéal héroïque. » (p.59)
« Les bénéfices moraux personnels qu’il espère tirer du conflit ne s’accompagnent chez lui d’aucune haine de l’adversaire. En avril 1914, il a profité d’une permission pour effectuer son premier voyage en Allemagne en compagnie de l’un de ses anciens camarades des Sciences politiques. Il découvre Munich et la Bavière, visite avec bonheur les musées. » (p.60-61)
« Nommé sergent le 16 octobre 1914, Drieu est envoyé vers le front de Champagne, dans le secteur d’Hermonville. Entre la tranchée française et la tranchée allemande se trouve un hameau abandonné, Le Godat, d’où le son d’une cloche parvient parfois, dans le silence de l’attente, jusqu’aux combattants. Ernst Jünger, qui a servi dans le même secteur, se souvenait comme Dieu de ce détail. Lors d’une soirée à l’Institut allemand le 16 novembre 1943, les deux écrivains imagineront qu’ils ont alors échangé des coups de feu. » (p.64)
« Drieu retrouve Colette Jéramec qu’il épouse le 15 octobre 1917. » (p.68)
« Transformé par l’expérience des combats et la découverte de la souffrance, il a connu les phases de décompression sévère de l’arrière au cours desquelles l’alcool et la débauche sont le seul antidote à l’angoisse de la mort et au sentiment de l’absurde. » (p.68-69)
« Richessement doté par son épouse qui lui a consenti une donation de 500 000 francs, Drieu s’étourdit un temps dans la vie de plaisir de l’arrière, s’habillant chez les bons tailleurs de la capitale, fréquentant les restaurants et les cabarets à la mode, introduit dans les milieux littéraires et multipliant les aventures féminines. Cette vie d’embusqué, totalement opposée à son idéal héroïque, le place toutefois dans une situation inconfortable. […] Continuant à bénéficier d’importants soutiens, son retour au front se fait dans des conditions choisies. Il est ainsi affecté à la fin de l’été 1918 comme interprète auprès d’un régiment américain -il qualifie lui-même sa position de « demi-arrière ». C’est aux côtés de ces soldats de Virginie qu’il apprend l’armistice le 11 novembre. » (p.70)
« Barrès lui-même adoube le jeune écrivain. […] La sensibilité de Drieu ne recoupe pourtant que partiellement le discours patriotique traditionnel. […] La guerre n’a pas pour objet de trancher de vieux contentieux territoriaux. Elle n’est là que pour contraindre deux peuples à faire émerger leurs trésors d’héroïsme et pour donner au combattant d’élite la jouissance supérieure du défi -briser ou être brisé- et du dépassement de soi. La censure s’alertera de deux poèmes, « A vous Allemands » et « Plainte des soldats européens », adressés à un adversaire fraternel. Le « Chant de guerre des hommes d’aujourd’hui » contient également certains éléments subversifs. Drieu y prophétise le retour de combattants bien décidés à dynamiter le vieux monde et à casser les vieilles baraques, les ministères, les casernes et les banques. […] Le rêve de chef dont il est question témoigne plutôt d’un préfascisme. » (p.75)
« Les contemporains ont rapproché l’esthétique de Drieu de celle de Montherlant. » (p.75)
« Scrupule qui le distingue clairement de Montherlant […] qui a tenté de façon délibérée de tirer d’une participation minimale au conflit un bénéfie littéraire maximal. » (p.77)
« C’est la génération du feu qui a sans doute ressenti de façon la plus intime et la plus forte cette perte des repères et du sentiment de sécurité. » (p.84)
« Drieu la Rochelle a éprouvé dans l’après-guerre une incontestable admiration pour l’Action française. […] L’intérêt croissant de Drieu pour l’idée européenne et la réconciliation franco-allemande finit de l’éloigner de la philosophie nationaliste de Maurras. » (p.85)
« Drieu peut également se réjouir d’appartenir à la « petite compagnie austère et opulente » de la NRF. » (p.96)
« En janvier 1923, [Pierre Drieu la Rochelle] évoque avec l’écrivain [Maurice Barrès] la possibilité de se présenter aux élections législatives l’année suivante. » (p.103)
« Gagnés par sa force de conviction communicative, Drieu et Berl rejoignent à l’automne 1928 l’équipe de La Voix. A cette date, Jouvenel et ses amis parient sur la rénovation du parti radical, bien loin des bases politiques de Drieu qui jusque-là s’est toujours défini comme un homme de droite. L’élection d’un jeune président pour le vieux parti, Daladier, constitue un signe encourageant. Drieu voit aussi d’un bon œil l’étoile montante du séduisant Gaston Bergery, dandy de la politique et ancien condisciple de Berl. La poussée d’une cohorte de jeunes militants -les fameux « Jeunes Turcs »- décidés à rénover le discours et la pratique radicaux suscite également beaucoup d’espoirs. Tout à son flirt avec la gauche, Drieu conforte son européisme, évolue vers le pacifisme et adopte un discours de plus en plus critique à l’égard du capitalisme et de l’anarchie libérale, éléments de la décadence ambiante comme le prouve la crise de 1929. » (p.110)
« Chez Daniel Halévy, dont le salon du quai de l’Horloge est un des rendez-vous les plus prisés de la rive gauche, il a rencontré en 1927 un jeune écrivain dont l’étoile ne cesse de s’affirmer, André Malraux. » (p.113)
« Dans le journal de guerre, Drieu se reconnaîtra avec Malraux « frère en Nietzsche et en Dostoïevski ». » (p.114)
« Lorsqu’il avait rompu avec les surréalistes [en 1925]. » (p.126)
« [En 1933], il rédige une pièce de théâtre, Le Chef, qui démontre le mélange d’inquiétude et d’attraction que le fascisme exerce déjà sur lui. » (p.127)
« 1934 sera l’année du basculement. En janvier, Drieu se rend à Berlin pour assister au Congrès des jeunesses françaises et allemandes. Destinées à favoriser un rapprochement entre les deux peuples, ces rencontres inaugurées en 1931 en sont à leur quatrième édition. […] Drieu a été invité par son ami Bertrand de Jouvenel qui est l’un des organisateurs de la manifestation. Il est reçu comme un hôte de marque par le maître de cérémonies allemand, Otto Abetz. » (p.129)
« L’impact du 6 février 1934 s’avère plus décisif encore dans l’évolution de Drieu. » (p.131)
« Drieu s’efforce d’enrôler sous la même bannière les manifestations du 6 [février] et du 9 [contre-manifestation communiste, anti-fasciste, durement réprimé] en ne voulant voir, au-delà de leurs motivations antagonistes, que la commune colère qui les anime face à l’ordre établi. » (p.134)
« Ses analyses [pour le journal de gauche Marianne] sont toutefois tributaires de la bienveillance qu’il éprouve désormais à l’égard de l’Italie de Mussolini et de l’admiration croissante qu’il voue à l’Allemagne nazie. […]
En septembre 1935, il est invité à assister au Congrès de Nuremberg. […] « Il y avait des chœurs et des chants admirables : une tragédie antique. C’était écrasant de beauté. », écrit-il le 12 septembre 1935. » (p.137-138)
« Le 28 juin 1936, le Parti populaire français (PPF) est porté sur les fonts baptismaux. Drieu compte parmi les témoins enthousiastes du grand « rendez-vous de Saint-Denis ». Dans un de ses premiers articles pour L’Emencipation nationale, le journal du parti, il s’exalte devant le discours-fleuve du « Grand Jacques ». […] Né à l’ombre de la vieille basilique des rois de France au cœur d’une cité ouvrière, le PPF se veut le parti du rassemblement : tous les Français y sont les bienvenus à l’exclusion des communistes vendus à Moscou et des « deux cents familles », bras armé du grand capitalisme. » (pp.145-146)
« L’écrivain aux tirages modestes dispose désormais d’une tribune de large diffusion, le journal revendiquant un tirage de près de 200 000 exemplaires […] Drieu publiera entre 1936 et 1938 plus de cent articles dans les colonnes du journal. […] Il lui arrive de prendre la parole dans les meetings. » (p.147)
« La France selon Drieu est tombée sous le joug d’une « philosophie de la petite vie » : elle s’enfonce dans un hédonisme vulgaire, un individualisme frileux, un optimisme stupide et douillet. Le fascisme constitue pour Drieu l’antidote à ce poison insidieux. » (p.149)
« Conscient toutefois des risques de cette fascination pour des puisssances extérieures, l’écrivain s’éloigne de ses professions de foi pro-européennes précédentes et opère un retour au nationalisme. » (p.150)
« Entretien donné à Je suis partout le 15 mai 1937. » (p.151)
« Pour être restée à l’écart de ce grand mouvement de renouveau [hitlérien], la France a été terrassée en 1940. » (p.199)
« L’exemplaire du Zarathoustra offert par sa mère l’accompagnera dans les premières semaines de la guerre et sera perdu lors de la retraite de Charleroi dans le sentier d’un petit bois à quelques kilomètres de la frontière belge. » (note 45 p.284)
« D’autres dirigeants contestent la position munichoise de Doriot. Ils lui reprochent aussi le relâchement de sa vie privée et la vénalité qui lui a fait accepter une aide financière de l’Italie fasciste. Après Pierre Pucheu, Paul Marion, Victor Arrighi et Alfred Fabre-Luce, Drieu signifie lui aussi sa démission du 6 janvier [1939] dans lequel il accuse Doriot d’avoir trompé ses partisans. » (p.153)
« Drieu semble s’installer dans un consentement sans illusion à la guerre. » (p.156)
« La réception de ses deux derniers romans, Rêveuse bourgeoisie et Gilles, le déçoit une fois de plus. […] à l’automne 1939, aucun de ses livres n’a dépassé les 7000 exemplaires. » (p.161)
« Maurras […] ne l’a jamais tenu pour un interlocuteur sérieux. La jeune garde fasciste a également mis du temps à le considérer comme l’un des siens. A l’automne 1934, Brasillach et Rebatet avaient éreinté la pièce Le Chef. » (p.163)
« La tentation de disparaître dans le désastre de sa patrie l’a sans doute visité. Il est allé demander à Colette Jéramec, devenue chercheur à l’Institut Pasteur, une dose de poison -celle qu’il utilisera quatre ans plus tard en août 1944. » (p.171)
« Le 21 juillet [1940], il obtient [à Vichy] l’ordre de mission qui va lui permettre de passer la ligne de démarcation. » (p.175)
« Drieu voit les nazis à Londres dans deux mois, à Moscou dans un an, à New York dans dix-huit mois… » (p.177)
« La capitale que retrouve Drieu à la fin du mois de juillet 1940 est bien différente de celle qu’il a fuie quelques semaines plus tôt. Les troupes allemandes entrées dans la ville dès le 14 juin sont devenues des troupes d’occupation. » (p.178)
« La NRF occupe une place particulière dans la soif de revanche que Drieu confesse dans son journal. » (p.193)
« Le garde-fou nationaliste n’a plus lieu d’être puisque la nation a achevé sa déliquescence. […] Pour Drieu, l’ère des nations est close et l’ère des grands ensembles est venue. […] L’unité européenne aura pour instrument l’Allemagne, agent d’une révolution qui la dépasse. » (p.198)
-Jacques Cantier, Pierre Drieu la Rochelle, Perrin, 2011, 315 pages.
Dans les années 30 (cité p.123) : « Ce qui caractérise l’homme du XXe siècle, et en cela Nietzsche a été son magnifique précurseur, c’est qu’il voit la vie comme une aventure. Impossible pour lui de la voir autrement car il est à la fois trop sceptique et trop ardent. Trop sceptique pour croire en un monde continu, dont toutes les pièces s’emboîtent les unes dans les autres, il a le sens du relatif. Trop ardent pour s’effrayer de cet aspect pluriel du monde. Au contraire, il se sent éperonné par l’impression de mystère infranchissable que lui donne toute chose et qui lui assure une destinée mouvementée et sans repos. »
« [Les hommes] ont été vaincus par cette guerre. Et cette guerre est mauvaise, qui a vaincu les hommes. Cette guerre moderne, cette guerre de fer et non de muscles. Cette guerre de science et non d’art. Cette guerre de bureaux. Cette guerre de journaux. Cette guerre de généraux et non de chefs. […] Cette guerre de civilisation avancée. » (p.71)
« Je m’étais donné à l’idéal de la guerre et voilà ce qu’il me rendait : ce terrain vague sur lequel pleuvait une matière imbécile. Des groupes d’hommes perdus. Leurs chefs derrière, ces anciens sous-lieutenants au rêve fier, devenus de tristes aiguilleurs anxieux chargés de déverser des trains de viande dans le néant… » (p.204)
« La civilisation saxonne, ma civilisation, une civilisation virile, celle que j’ai élue dans mon cœur. » (p.245)
-Pierre Drieu la Rochelle, La Comédie de Charleroi, Paris, Gallimard, 1934, réédition de 1982.
« Au PPF nous n’avons plus besoin de rien sacrifier, nous pouvons nous épanouir à plein. Nous n’avons pas besoin de sacrifier notre amour de la France à notre amour du peuple, notre exigence sociale à notre exigence nationale », note-t-il le 13 février 1937, L’Émancipation nationale.