https://journals.openedition.org/appareil/1738
https://journals.openedition.org/appareil/2205
"Il y a des cultures animales, osera écrire Simondon dans Imagination et invention. Simplement, dans ces cultures la technique n’est pas une « phase » constitutive, parce que l’objet produit ne gagne pas son indépendance par rapport au sujet pour devenir amovible et réutilisable par d’autres, ailleurs et en un autre temps, en vertu des normes objectives d’un fonctionnement qui peut être enseigné. Cette imbrication de la culture et de la technique, que Simondon réserve à l’homme, fonde l’historicité de ce dernier comme progrès.
Ensuite, les objets techniques ainsi devenus indépendants ou consistants connaissent un progrès qui se fait par « lignées phylogénétiques », donc par analogie avec le vivant : ici, il faut distinguer progrès technique et devenir technique, car seul le premier possède son autonomie par rapport aux facteurs socio-économiques qui peuvent peser sur les inventions. Le progrès technique, que Simondon pense sous les catégories nouvelles de « concrétisation », d’ « individualisation » et de « naturalisation », doit en effet respecter des normes objectives proprement techniques, qui relèvent du fonctionnement de l’objet et non pas de ses usages, toujours humains et synonymes de contingence dans le devenir technique.
Or, à cette « normativité technique intrinsèque » pour le progrès technique s’ajoute une normativité technique pour le progrès social lui-même, qui cependant n’est révélée qu’à l’âge tendanciel et tardif des ensembles informationnels. Car il a d’abord fallu attendre l’âge moderne et industriel du machinisme pour que l’individualisation des objets techniques s’accomplisse vraiment, la machine devenant capable de remplacer l’homme en tant qu’ « individu technique ». Dès lors, l’âge contemporain des ensembles informationnels est celui où la société du travail peut devenir une société de l’invention, l’homme étant désormais libéré de son statut aliénant d’auxiliaire de la machine et pouvant développer une réelle transindividualité dont l’invention technique, à la différence du travail au sens étroit et négatif du terme, sera le support privilégié."
-Jean-Hugues Barthélémy, "Simondon et les enjeux de notre temps", Iphilo, 12/09/2014 : https://iphilo.fr/2014/09/12/simondon-et-les-enjeux-de-notre-temps/
https://iphilo.fr/2020/11/17/gilbert-simondon-et-le-malentendu-de-lencyclopedisme-jean-hugues-barthelemy/
https://journals.openedition.org/appareil/2205
"Il y a des cultures animales, osera écrire Simondon dans Imagination et invention. Simplement, dans ces cultures la technique n’est pas une « phase » constitutive, parce que l’objet produit ne gagne pas son indépendance par rapport au sujet pour devenir amovible et réutilisable par d’autres, ailleurs et en un autre temps, en vertu des normes objectives d’un fonctionnement qui peut être enseigné. Cette imbrication de la culture et de la technique, que Simondon réserve à l’homme, fonde l’historicité de ce dernier comme progrès.
Ensuite, les objets techniques ainsi devenus indépendants ou consistants connaissent un progrès qui se fait par « lignées phylogénétiques », donc par analogie avec le vivant : ici, il faut distinguer progrès technique et devenir technique, car seul le premier possède son autonomie par rapport aux facteurs socio-économiques qui peuvent peser sur les inventions. Le progrès technique, que Simondon pense sous les catégories nouvelles de « concrétisation », d’ « individualisation » et de « naturalisation », doit en effet respecter des normes objectives proprement techniques, qui relèvent du fonctionnement de l’objet et non pas de ses usages, toujours humains et synonymes de contingence dans le devenir technique.
Or, à cette « normativité technique intrinsèque » pour le progrès technique s’ajoute une normativité technique pour le progrès social lui-même, qui cependant n’est révélée qu’à l’âge tendanciel et tardif des ensembles informationnels. Car il a d’abord fallu attendre l’âge moderne et industriel du machinisme pour que l’individualisation des objets techniques s’accomplisse vraiment, la machine devenant capable de remplacer l’homme en tant qu’ « individu technique ». Dès lors, l’âge contemporain des ensembles informationnels est celui où la société du travail peut devenir une société de l’invention, l’homme étant désormais libéré de son statut aliénant d’auxiliaire de la machine et pouvant développer une réelle transindividualité dont l’invention technique, à la différence du travail au sens étroit et négatif du terme, sera le support privilégié."
-Jean-Hugues Barthélémy, "Simondon et les enjeux de notre temps", Iphilo, 12/09/2014 : https://iphilo.fr/2014/09/12/simondon-et-les-enjeux-de-notre-temps/
https://iphilo.fr/2020/11/17/gilbert-simondon-et-le-malentendu-de-lencyclopedisme-jean-hugues-barthelemy/