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    Fr. Paulhan, L'absolu dans l'homme et dans le monde

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Fr. Paulhan, L'absolu dans l'homme et dans le monde Empty Fr. Paulhan, L'absolu dans l'homme et dans le monde

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 22 Nov - 20:14

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Paulhan

    https://www.jstor.org/stable/40900441#:~:text=La%20philosophie%20de%20Fr%C3%A9d%C3%A9ric%20Paulhan%20peut%20%C3%AAtre%20d%C3%A9finie,apport%C3%A9%20quelques%20ann%C3%A9es%20plus%20t%C3%B4t%20leur%20contribution%20importante.

    "Il s'agira de voir comment les thèses contraires peuvent travailler d'accord, selon l'application qui en sera faite, et se compléter, s'opposer aussi sans se contredire logiquement." (p.38)

    "Si toute existence suppose des relations, ces relations sont quelque chose d'absolu en elles-mêmes et par elle-même." (p.39)

    "On peut soutenir qu'il n'y a rien de plus « moral » que de conformer son action aux circonstances. En certains cas, il faut être doux, en d'autres sévère. Le meurtre devient un devoir en temps de guerre. Il est possible qu'on soit moralement obligé de mentir en certaines circonstances. Tout cela non seulement n'est pas incompatible avec la permanence d'une règle de morale abstraite très générale, mais n'est au contraire, quand l'opération est bien faite, qu'une application raisonnable de cette règle. Ce n'est pas nier un principe général du vêtement que de proclamer qu'il faut s'habiller chaudement en hiver et légèrement quand il fait chaud.

    Nous entrevoyons, il me semble, comment le relatif et l'absolu peuvent ne pas s'opposer l'un à l'autre. Assurément si nous voulons faire un absolu de tel précepte concret de morale pratique, on nous objectera vite non seulement les différences de fait des mœurs selon les temps et les lieux, mais aussi la nécessité et la légitimité de ces différences. Il peut y avoir des cas où le meurtre est un devoir impérieux, où il serait blâmable de faire à autrui ce qu'on souhaite, qu'autrui nous fasse, et l'on pourra d'ailleurs discuter longuement sur le degré de généralité que doit prendre tel ou tel mode d'agir.

    Mais cela n'établit point qu'il n'existe une forme abstraite absolue à laquelle doivent se ramener tous les actes vraiment moraux. Que ce soit la volonté divine, le bien général, la finalité la plus large et la plus complexe, le plaisir de l'individu ou le salut de la patrie, c'est ce que nous n'avons pas à rechercher ici. Il est naturel, il est nécessaire que cette forme abstraite, quelle qu'elle soit, s'incarne en des actes très divers et même parfois d'apparence contradictoire On peut certes contester qu'une forme unique, générale, absolue de l'acte moral puisse être connue. En fait il en existe plusieurs, chaque religion, chaque philosophie peut avoir la sienne. Qu'il y en ait une, une seule qui se retrouve en chacune d'elles, cela est possible, et à mon avis, cela est vrai, mais nous n'avons pas besoin de le supposer ici. Il n'en reste pas moins que, pour toute morale logique, il existe, il doit exister, qu'on l'ait trouvé ou non, un principe générai, auquel les préceptes concrets doivent se conformer, qu'ils ne doivent au moins jamais contredire. Et cela revient à dire que chaque doctrine cohérente a son absolu. Cet absolu est relatif à chaque doctrine, mais dans la limite de cette doctrine, il ne dépend de rien et c'est de lui que tout dépend." (p.41-42)

    "L'absolu moral, c'est l'incarnation en nous d'une règle acceptée, ou bien l'exaltation, à titre de dogme, d'une de nos manières d'être que nous élevons au-dessus de nous-même. [...] Bien des gens ont accepté, acceptent ou accepteront la mort plutôt que d'agir d'une manière qui, pour des raisons morales, ou par suite d'impossibilités psychiques, répugnent trop profondément à leur manière d'être. Il y a ici une limite nette à la transformation et au choix. Certaines valeurs ne peuvent être échangées contre d'autres. En fait, et pour certains individus, elles sont absolues." (p.43)

    "Dans la plupart des cas l'obligation psychologique n'a rien de moral, et souvent aussi elle s'accompagne d'un trouble visible que produit le désaccord des tendances. L'individu, incapable de s'adapter aux circonstances nouvelles, se bute bêtement, reste incapable de comprendre et incapable d'agir. Il n'a aucun motif supérieur ou simplement raisonnable à faire valoir. Il peut dire, lui aussi: « Je ne puis autrement », mais il n'exprime ainsi que l'absolu de sa nature sans qu'il ait à s'en enorgueillir. C'est la caractéristique de l'entêtement de témoigner ainsi d'un désir qui persiste sans plier ni s'adapter, et sans se justifie." (p.44)

    "Certaines valeurs sont relatives à plus de conditions que d'autres, elles peuvent être subordonnées à d'autres. Nous dirons par exemple que la richesse est un bien relatif si nous jugeons qu'elle n'est véritablement un bien, d'abord que si l'on réunit les conditions qui permettent d'en jouir (un certain degré de santé, par exemple, et d'intelligence) et ensuite que par l'emploi que l'on en fait et que l'usage doit en être subordonné à des considérations d'un autre ordre. Mais si nous supposons réalisé un ensemble de conditions convenable, la richesse peut apparaître, de ce point de vue, comme un bien en soi et par soi. Toutes les valeurs, intellectuelles, morales, pratiques prêtent à des considérations de ce genre et apparaîtront tour à tour selon le point de vue et selon les circonstances, comme relatives ou comme absolues. On n'en trouve aucune qui, dans certaines conditions fixées, ne puisse valoir absolument par soi, aucune non plus qui puisse valoir absolument, en dehors de toute condition. Faire son salut, c'est sans doute, pour le croyant, le bien suprême et absolu, mais c'est parce que le croyant suppose être sous le coup d'une condamnation à laquelle la rédemption l'arrache. L'inconditionnellement absolu n'est pas admissibe." (p.46)

    "La réalité, sous toutes ses formes, des plus abstraites aux plus concrètes, est ce qu'elle est, elle l'est absolument, elle ne saurait être autre chose. Nous n'y démêlons que des relations, mais ces relations, quand nous les prenons dans des conditions convenables, sont absolues. Vous n'obtiendrez pas d'un honnête homme qu'il assassine par intérêt, quelque profit qu'il en puisse retirer. Vous n'obtiendrez pas de tel ivrogne qu'il ne boive plus que de l'eau. Vous n'obtiendrez pas qu'une molécule d'eau admette, sans cesser d'être une molécule d'eau, plus d'atomes d'oxygène ou d'hydrogène que les lois de la chimie ne le permettent, ni que le carré de l'hypoténuse renonce à être égal à la somme des carrés construits sur les deux autres côtés du triangle rectangle." (p.46-47)

    "Ce qui est absolu, en tout cela, c'est le rapport des phénomènes et de leurs conditions, c'est l'ensemble de rapports qui constitue une réalité donnée ou une réalité idéale, une réalité concrète ou une réalité abstrait."

    "Si l'on penche vers l'indéterminisme, on n'évite pas l'absolu. Le fait n'est plus inévitable, mais une fois qu'il s'est produit, il ne peut plus ne pas avoir été, ni avoir été, si peu que ce soit, autre qu'il ne fut. Un être tout-puissant aurait sans doute pu empêcher Napoléon d'être vaincu à Waterloo, mais dire qu'il pourrait actuellement l'empêcher d'avoir été battu paraît une inacceptable contradiction. Il y a toujours, dans un fait, du définitif, de l'irréparable, de l'absolu, non seulement par rapport au présent et au passé, mais par rapport au futur. Les futurs états du monde l'exigent et ne sauraient se passer de lui.

    Si petit, si insignifiant, si fugace qu'ait été un événement, il a été, et il a été précisément avec tous ses caractères qu'il ne saurait plus ne pas avoir eus. Son insignifiance, sa brièveté, son caractère fugitif et même, si l'on veut, son caractère indécis, font partie de son absolu. S'il a été tel, il est absolument vrai qu'il a été tel. Peut-être ces caractères d'insignifiance, de brève durée, sont-ils relatifs à nous. Il faut les prendre pour ce qu'ils sont et c'est une affaire de critique que nous n'avons pas à examiner ici. Mais il serait en ce cas absolument vrai qu'ils ont été cela pour nous, et ce relatif participe de l'absolu.

    D'autre part, si indéterministe qu'on soit, on admet toujours une certaine liaison entre les phénomènes, à moins d'ériger l'incohérence absolue en loi universelle, ce qu'il ne me semble pas qu'on ait jamais sérieusement essayé. Alors, le phénomène qui s'est produit, quel qu'il soit, a transformé le monde, il a introduit eu rendu possibles des séries de phénomènes qui sans lui n'auraient pu exister." (p.49)

    "Affirmer que rien ne se fixe, que tout change et se confond, que le flux infini des phénomènes écarte toute substance, éloigne toute réalité précise, c'est encore admettre une réalité absolue, celle même que représente la proposition que l'on énonce."

    "Dire que toute connaissance est relative, c'est encore affirmer une réalité absolue, celle de la relativité de la connaissance, c'est donner à la connaissance un caractère universel et inéluctable. C'est de plus affirmer l'existence de l'esprit et de l'objet à connaître. Mais si l'on veut aller plus loin, rejeter tout esprit et toute réalité objective, ne laisser subsister que l'idée, la représentation, c'est donc l'idée elle-même qui devient la vraie réalité, la réalité absolue. Pour se garder de toute affirmation absolue, il ne reste qu'à ne plus rien dire."(p.50)

    "Toute existence apparaît en effet comme constituée par des relations. Aucune réalité ne semble concevable que par ses rapports à d'autres réalités, ou bien par les rapports des éléments qui la composent elle-même. [...]
    On définira les Français par leurs rapports avec d'autres peuples de même race, mais parlant une autre langue, ayant d'autres caractères, habitant d'autres contrées. Un être se définit encore par ses relations avec d'autres réalités qui en apparaissent comme les causes ou les conditions. Les Français ne peuvent vraiment se comprendre, ni même être ce qu'ils sont aujourd'hui sans la France, sans les faits historiques qui les ont modifiés, développés en un sens ou dans l'autre en mille manières, sans la succession des guerres et des institutions, des crises religieuses et politique." (p.50)

    "Aussi loin que nous pouvons aller par l'analyse, les seules réalités que nous rencontrons sont des relations, des lois, des abstractions et des éléments d'ordre nouveau qui, à leur tour, sont caractérisés par des relations. C'est donc la relation qui semble la réalité essentielle, irréductible." (p.52)

    "Ces rapports sont absolus, non point, bien entendu, en ce qu'ils auraient une existence éternelle, mais en ce qu'ils sont la forme nécessaire de l'existence dans certaines conditions données." (p.53)

    "Nous sommes amenés ainsi vers cette formule : il y a de l'absolu partout, et toute existence est, en un sens, absolue, mais ce qui est absolu, c'est le relatif, c'est un rapport abstrait. La formule n'est pas aussi contradictoire qu'il pourrait le sembler. Ce qui est relatif à certains égards, peut, à d'autres égards, prendre une valeur absolue. Ce qui est contradictoire c'est un absolu sans aucune relation.

    Mais ne sommes-nous pas alors conduits à admettre des relations pures, sans supports, pour ainsi dire, sans objets qui les soutiennent, et n'est-ce pas une contradiction insupportable ? Peut-être pourrait-on admettre que les termes de la relation n'ont en effet de réalité que dans et par leur relation. Nous venons de rappeler que les synthèses ont d'autres qualités que leurs composants. L'eau se compose d'oxygène et d'hydrogène qui ne sont pas de l'eau, un groupe humain se compose d'individus qui ne sont pas des groupes humains. Il est possible que toute réalité se compose d'éléments qui n'ont pas d'existence propre en dehors de leur synthèse, que les êtres en relations n'existent qu'en tant qu'ils sont en relation et que la suppression de toute relation signalât la fin de toute existence. Les objets en relations sortent du néant avec la relation -qui les unit et n'en sont point séparables. Ils peuvent certes, se passer de tel ou tel rapport, mais non de tout rapport." (pp.54-55)

    "Rien n'est absolument absolu, rien n'est absolument relatif. Tout est relativement absolu et il n'y a d'absolu que des relations." (p.55)

    "Si toute relation est une abstraction, nous admettrons que l'absolu qui nous est accessible est réalisé par des abstractions, à divers degrés. Chaque réalité comportant une part de relatif et une part d'absolu, la part d'absolu y augmente à mesure que l'abstraction s'élève. Un fait concret, un petit événement fugitif avec toutes les circonstances qui le composent, possède sa valeur absolue, ayant sa nature propre et unique. Éternellement il sera vrai qu'il a été, éternellement peut-être il a été vrai qu'il devait être. Mais sa nature est fugitive, soumise à des conditions nombreuses, compliquées et qui ne se réuniront peut-être plus jamais. L'abstraction, au contraire, dépend de moins de conditions, en ce sens elle est moins relative, elle participe davantage de l'absolu, ne dépendant que de conditions plus générales et plus durables. Les vérités mathématiques, par exemple, sont de cette nature. Certaines vérités abstraites paraissent inhérentes à toute réalité, éternellement vraies, éternellement jeunes. Les empires peuvent disparaître, la terre s'anéantir, le soleil s'éteindre et nos systèmes d'astres se dissoudre, il est vraisemblable que les vérités mathématiques ou logiques n'en seraient point altérées. Les vérités de cet ordre ne dépendent que de conditions extrêmement générales. Elles sont donc encore relatives, en tant qu'elles dépendent de ces conditions, en tant aussi qu'elles indiquent des rapports, mais elles participent davantage de l'absolu, les rapports qu'elles expriment étant affranchis de la plupart des relations qui déterminent un fait concret." (pp.55-56)
    -Frédéric Paulhan, "L'absolu dans l'homme et dans le monde", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 95 (JANVIER A JUIN 1923), pp. 38-56.



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