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    Danièle Manesse et Gilles Siouffi (dir.), Le féminin et le masculin dans la langue

    Johnathan R. Razorback
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    Danièle Manesse et Gilles Siouffi (dir.), Le féminin et le masculin dans la langue Empty Danièle Manesse et Gilles Siouffi (dir.), Le féminin et le masculin dans la langue

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 23 Jan - 18:23



    "Dans les encyclopédies linguistiques, le français est souvent décrit comme l’une des langues les plus standardisées de la planète, autrement dit dans laquelle la lutte contre ce qu’on appelle la variation (dans le choix des mots, de la grammaire, de l’orthographe, etc.) ainsi que contre les dialectes et variétés a été la plus active. Mais cette standardisation, si on en accepte le diagnostic, est le résultat d’une histoire complexe, non linéaire, où les  facteurs qui ont le plus joué ne sont parfois pas ceux que l’on croit." (p.16)

    "Au XVIe siècle, on met beaucoup en avant l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), par laquelle le roi François Ier demandait qu’on s’exprime dans les cours de justice « en langage maternel français et non autrement », essentiellement pour faire pièce au latin, encore tout puissant. Mais les historiens ont relativisé depuis la force prescriptive de cette ordonnance. On considère qu’elle a plutôt accompagné une évolution qui était déjà en train de se faire.

    À sa création en 1635, l’Académie française était dotée d’un beau programme. Mais elle mit du temps à l’exécuter, et ne gagna jamais, pendant les deux siècles « classiques » (XVII-XVIII), la place d’une autorité authentiquement prescriptive. Bien souvent, elle enregistrait – avec un peu de retard – les mouvements d’une « culture de la langue » qui se fabriquait certes en son sein, mais aussi ailleurs, chez les grammairiens, remarqueurs, écrivains, etc.

    La Révolution française se signala par une authentique volonté prescriptive qui fut suivie d’effets sur certains points : redénomination de réalités quotidiennes comme les poids et mesures, les manières de s’adresser (tutoiement, etc.), lutte contre les patois, programme éducatif.

    À vrai dire, ce fut sans doute le seul moment où une véritable « politique de la langue » fut mise en œuvre. Sans doute ne faut-il pas négliger l’impact qu’eut ce moment bref, vigoureux et plein d’autorité sur les évolutions postérieures du rapport à la langue en France. On y vit tout d’abord la preuve qu’une véritable action collective sur la langue pouvait voir le jour, mais que cette action avait alors un indubitable caractère politique. S’éloignait ainsi le rêve classique qu’une prescription linguistique pouvait d’abord avoir comme principe l’amélioration ou l’embellissement de la langue cultivée pour elle-même." (pp.17-18)

    "Fondamentalement, ce dont il s’agit en effet dans l’écriture inclusive, c’est de visibilité. « Cesser d’invisibiliser les femmes », dit le Manuel. En cela, les propositions de ses tenants sont davantage en phase avec la société d’aujourd’hui que les propositions concernant la féminisation des noms de métier des années 1980. Elles sont aussi moins linguistiques, ou moins uniquement linguistiques. Une preuve en est qu’elles sacrifient la dimension d’oralisation. Elles jouent sur davantage de tableaux – sans doute de manière inconsciente.

    De façon incidente, on pourra relever que cette demande de visibilité plus grande du féminin à l’écrit intervient à un moment de l’histoire de la langue française où singulièrement, et pour des raisons – si raisons il y a – qui n’ont rien de social, le marquage du féminin semble plutôt en recul. Il est connu que le « e » final après voyelle n’est plus entendu à l’oral depuis e début du XXe siècle (« fatiguée » s’entend comme « fatigué »). Et on observe depuis peu – au moins à l’oral
    – une tendance à la disparition des accords du féminin dans les participes passés conjugués avec « avoir ».

    Difficile de tirer des conclusions à propos de faits épars. Mais il est possible qu’un désir d’action sur la langue et l’écriture sorte renforcé de ce qui serait un sentiment latent prenant la forme, sans aller vers de trop grands mots, d’une « angoisse d’invisibilisation »." (pp.30-31)

    "À tout instant, des millions de locuteurs échangent continuellement grâce à la langue, sans réfléchir au fonctionnement de l’outil qu’ils utilisent, sans même être sensibles aux changements à l’œuvre qui travaillent et transforment insensiblement leur propre manière de parler. Des millions de lecteurs lisent le français en ayant oublié comment ils ont appris à lire ces suites de signes pour eux désormais transparentes, puisqu’ils en maîtrisent des règles qu’ils se sont appropriées enfants ; leur attention est tournée vers la recherche du sens et ils ne s’intéressent pas, en principe, aux formes qui le portent, sauf si elles leur paraissent obscures, incompréhensibles ou… fautives." (p.35)

    "
    (p.66)
    -Gilles Siouffi, "L'écriture inclusive: question d'usage ou question d'autorité ?", in Danièle Manesse et Gilles Siouffi (dir.), Le féminin et le masculin dans la langue, Paris, ESF sciences humaines, 2019, 206 pages.

    "This line of attack is often referred to as the isolation objection. Alternatively, an opponent of sufficiency coherentism might not appeal to truth-conductivity. Instead, she might simply claim that."

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/pourquoi-n-existe-t-il-pas-de-genre-neutre-en-francais-2346210

    https://www.liberation.fr/france/2017/11/28/ecriture-inclusive-le-genre-neutre-existe-t-il-vraiment-en-francais_1613016/

    https://archive.is/wJfz0



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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