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    Florence Gherchanoc, Les atours féminins des hommes : quelques représentations du masculin-féminin dans le monde grec antique. Entre initiation, ruse, séduction et grotesque, surpuissance et déchéance

    Johnathan R. Razorback
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    Florence Gherchanoc, Les atours féminins des hommes : quelques représentations du masculin-féminin dans le monde grec antique. Entre initiation, ruse, séduction et grotesque, surpuissance et déchéance Empty Florence Gherchanoc, Les atours féminins des hommes : quelques représentations du masculin-féminin dans le monde grec antique. Entre initiation, ruse, séduction et grotesque, surpuissance et déchéance

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 15 Oct - 11:25

    https://www.cairn.info/revue-historique-2003-4-page-739.htm?contenu=article

    "Signe de délicatesse et de beauté pour la femme, un teint blanc, chez un homme, est-il souvent la marque d’un manque de virilité. De même, le terme « οχνωππς » (vermeil) qualifie le visage au teint délicat et fragile des femmes ou des adolescents encore imberbes dont les joues gardent une fraîcheur féminine. Il évoque tout le contraire d’une idée de virilité. Celui qui ne répond pas à ces codes du masculin et du féminin est un homme efféminé (θηλAμορφος, γAννις), semblable à une femme (γυναικ:δης) et donc diminué, lâche (δεBλος) et faible."

    "Le fils de Clisthène a hérité des mœurs de son père. D’abord, comme une femme, il s’épile. En outre, il manque de retenue et affiche son chagrin. Cette expression féminine ou efféminée du deuil est contraire à l’image de l’idéal athénien de l’époque classique qui promeut des funérailles sobres et viriles. Enfin, ses mœurs sont celles d’un inverti."

    "Le vêtement révèle autant qu’il cache. Néanmoins, plus que les traits du visage et la physionomie générale du corps, il semble être le signe et la garantie de la distinction des corps sexués."

    "En outre, des fêtes, parce qu’elles intègrent un échange rituel de vêtements, favorisent, pour chaque sexe, la participation momentanée à la nature de l’autre sexe dont il va devenir, en se séparant de lui, le complément . Ainsi en est-il de certaines fêtes de mariage assorties de travestissements rituels. En effet, le mariage marque, pour la jeune fille et pour le jeune homme (même si pour ce dernier, cela est moins évident), l’ « accomplissement » de leur nature respective au sortir d’un état où chacun participe encore de l’autre . Aussi la mimêsis joue-t-elle un rôle considérable lors de ces mascarades occasionnelles. Ces travestissements rituels concernent les jeunes filles, par exemple, à Sparte où on leur coupe les cheveux ras et où on les affuble d’un habit et de chaussures d’homme le jour du mariage . En revanche, à Cos, ce sont les futurs mariés qui revêtent un vêtement de femme pour recevoir leurs fiancées."

    "Les épisodes qui entourent le séjour du héros chez la reine de Lydie symbolisent, d’autre part, la peur masculine de la féminisation. Sa soumission à Omphale l’avilit à tel point qu’elle détruit son identité héroïque . En fait, dans ce lieu lointain et aux marges qu’est l’Orient pour les Grecs , Héraclès, travesti et soumis à Omphale, subit avec succès une initiation. En effet, au terme de son séjour dans ce lieu de perdition et de déchéance – puisque c’est le lieu du renversement des valeurs où hommes et femmes échangent leurs rôles –, victorieux, il épouse cette femme puissante et fonde une dynastie."

    "Quelques fêtes autorisent, en effet, les adultes à se parer des atours du sexe opposé. Ainsi, à Athènes, en l’honneur de Dionysos, « ceux qui exécutaient la danse nommée Ithyphalloi et ceux qui escortaient le phallus (Ithyphalloi) portent des habits féminins (γυναικεBαν στολΠν Εχοντες) » . Dans d’autres fêtes, le travestissement s’étend aux deux sexes. Ainsi, décrivant Cômos, Philostrate, au IIe siècle de notre ère, dans La Galerie de tableaux, parle de ceux qui le célèbrent : « N’entends-tu pas les crotales, les sons de la flûte, un murmure confus ? Des flambeaux, épars çà et là, permettent à nos joyeux compagnons de voir devant eux et à nous de les voir. C’est une foule variée et remuante d’hommes et de femmes, chaussés sans distinction de sexe, vêtus d’une façon extraordinaire, car Cômos permet à la femme de se donner les airs d’un homme et à l’homme de revêtir la robe des femmes, de prendre une démarche féminine (συγχωρεβ δΑ τ κ″μος καα γυναικα 3νδρBζεσθαι καα 3νδρα θΡλυν Χνδ′ναι στολΘν καα θΡλυ βαBνειν)... ». Néanmoins, alors que l’habit féminin et la démarche font de l’homme une femme, « rien ne précise le contenu du verbe ανδρBζεσθαι » . Ces fêtes d’inversion des normes sociales sont autant d’occasions de débridements, de défoulements. Mais elles disent et rappellent en même temps ce qu’est cette norme sociale que chacun doit réintégrer une fois la fête écoulée. En effet, l’ordre pour être affirmé et conforté a besoin d’être périodiquement contesté, bouleversé pendant quelques jours. Les carnavals où règnent l’inversion, par exemple l’inversion des rôles sexués, en sont l’occasion. Les valeurs établies sont niées et par là même reconnues."
    -Florence Gherchanoc, « Les atours féminins des hommes : quelques représentations du masculin-féminin dans le monde grec antique. Entre initiation, ruse, séduction et grotesque, surpuissance et déchéance », Revue historique, 2003/4 (n° 628), p. 739-791. DOI : 10.3917/rhis.034.0739. URL : https://www.cairn.info/revue-historique-2003-4-page-739.htm



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