https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Willard
"Nous avons voulu contribuer à l’étude de la genèse du Parti socialiste français ; notre choix s’est porté sur une de ses racines les plus importantes, le guesdisme ; car le P. O.F., organisation la plus nombreuse, la mieux structurée, présente l’originalité d’introduire dans la classe ouvrière française un courant de pensée neuf, le marxisme.
Le point de départ de notre thèse est constitué non par la naissance du Parti Ouvrier Français, mais par son accession à l’état de véritable parti, par son insertion dans la vie politique nationale, au cours des années 1892-1893." (p.7)
"La Commune écrasée, le spectre du socialisme semble s’évanouir.
La République de M. Thiers et l’Ordre Moral du maréchal de Mac-Mahon tiennent sévèrement en bride le mouvement ouvrier. Les libertés politiques sont pratiquement suspendues par l’état de siège qui n’est levé dans la Seine, la Seine-et-Oise, les Bouches-du-Rhône et le Rhône qu’en avril 1876 ; les syndicats restent interdits. En mars 1872, l’Assemblée nationale vote la loi Dufaure dirigée contre l’Association internationale des Travailleurs.
Celle-ci, durement touchée par l’échec de la Commune et minée par ses luttes internes, se disloque. Dans les rares sections françaises qui survivent s’affrontent les éléments marxistes, anarchistes et blanquistes. Police et tribunaux leur donnent le coup de grâce.
Le socialisme révolutionnaire ne survit guère que dans l’émigration." (p.11)
"Des grèves, presque toutes spontanées, éclatent cependant, notamment celle des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais (1872)." (note 11 p.12)
"Un petit noyau socialiste s’agglomère en plein cœur du Quartier Latin : de jeunes intellectuels se réunissent depuis 1873 au café Soufflet, pour étudier, discuter les questions sociales et politiques, engager des débats philosophiques. Dans ce cénacle fort disparate, s’affrontent notamment proudhonisme et marxisme. Le premier livre du Capital vient d’être édité en France et Gabriel Deville, l’un des habitués du café Soufflet, demande, en 1876, l’autorisation à Karl Marx d’en publier un résumé accessible à un plus large public. Quoiqu’il ait, aux élections législatives de février 1876, animé la campagne d’Accolas et organisé la même année un congrès international d’étudiants, ce cercle reste assez replié sur lui-même. Un homme va singulièrement élargir son audience : Jules Guesde." (p.12)
"Né le 11 novembre 1845, Guesde, de son vrai nom Jules Bazile, a commencé sa carrière politique comme journaliste d’opposition au second Empire. Républicain démocrate, il défendit la Commune, ce qui lui valut, en juin 1871, une condamnation à cinq ans de prison. Guesde, sans attendre l’issue du procès, s’était réfugié en Suisse. Là, séduit par les théories de Bakounine, il devint un des militants responsables de la Fédération jurassienne ; nommé secrétaire du Congrès de Sonvillier, en novembre 1871, il collabora à la rédaction du manifeste qui condamnait violemment Marx et le Conseil général de l’Internationale. Fixé à Milan à partir de 1873, Guesde s’éloigna progressivement de l’anarchisme, sous la double action de ses lectures et du mouvement socialiste milanais." (p.13)
"Les œuvres qui laissèrent la plus forte empreinte sur Guesde sont celles des philosophes français du XVIIIe siècle, du communiste Dézamy, les ouvrages d'économie politique, enfin et surtout le Que faire ? de Tchernychevski. Dans la brochure qu’il a rédigée au cours de sa dernière année d’exil, De la Propriété (Lettre au sénateur Lampertico), Guesde, suivant les traces du socialiste russe, fait de l'intérêt le moteur de toute évolution, qu’il s’agisse de l’homme ou de la société. Il détache ainsi l'individu de son contexte social et du processus de la production ; sa critique du système capitaliste part donc d’un point de vue essentiellement moral." (note 3 p.13)
"Quand Guesde rentre en France, en septembre 1876, son socialisme quelque peu hybride enferme les strates des influences successives qu'il a subies. Les jeunes du café Soufflet, et surtout un émigré allemand, Karl Hirsch, lui révèlent le marxisme. Guesde prend rapidement de l’ascendant sur ses nouveaux amis : un des premiers proscrits retour d'émigration, il est auréolé du prestige de la Commune ; par ailleurs, son expérience politique, son éloquence, sa plume mordante le font reconnaître implicitement comme le chef du groupe. Et Guesde imprime a ce dernier une direction nouvelle : aux discussions plus ou moins à huis clos, il substitue la propagande socialiste dans les milieux ouvriers. Comme il le rappelle, non sans fierté, trente ans plus tard : « Je n’ai pas voulu me séparer des syndiqués d’alors, quoiqu’ils fussent encore au balbutiement, et quoique, prisonniers de la coopération bourgeoise, ils allassent jusqu’à proscrire la grève. Je me suis obstinément refusé à constituer un mouvement socialiste en dehors du mouvement ouvrier quel qu’il fût. »." (p.13)
"Il s’occupe d’abord de créer un hebdomadaire, l'Egalité, dont le premier numéro sort le 18 novembre 1877. En proie à de constantes difficultés matérielles, que viennent accroître perquisitions policières et procès, l'Égalité (1ère série) succombe le 14 juillet 1878. Cette Égalité, par sa rédaction, donc par son contenu, est très éclectique : elle insère sans discrimination des articles ou études de Marx, de Blanqui3 4 5 et du libertaire Elisée Reclus. Guesde lui-même reste porteur d’idéologies étrangères au marxisme : vestiges anarchistes, empreintes du socialisme utopique, croyance en la loi d’airain des salaires formulée par Lassalle. Mais, en dépit de ces alliages, L’Égalité est bien le premier journal marxiste français.
Le groupe « Égalité », qui se forme autour du journal, fait entendre au Congrès de Lyon (janvier-février 1878), pour la première fois dans un congrès ouvrier français, la doctrine marxiste ; ensuite, malgré l’interdiction gouvernementale, il organise un Congrès international socialiste, ce qui vaut à Guesde et à ses amis d’être arrêtés, traduits en justice et condamnés. Le gouvernement offre ainsi à ceux que leurs adversaires commencent à appeler les guesdistes une large publicité et la palme du martyre." (p.14)
"Les lettres de Marx, Engels et des dirigeants social-démocrates allemands, saisies au cours d’une perquisition policière chez Hirsch, témoignent éloquemment du rôle de cet émigré dans l’organisation du Congrès et, plus généralement, dans l’activité du groupe « Égalité »." (note 7 p.14)
"En prison, Guesde rédige, pour le Parti ouvrier en gestation, une première esquisse de programme : Programme et adresse des socialistes révolutionnaires français ; ce manifeste, publié sur feuilles volantes, en avril 1879, porte 541 signatures, qui, sans en surestimer la valeur démonstrative-, sont cependant précieuses pour connaître les milieux que commence à toucher la propagande marxiste. Géographiquement, les 541 se répartissent à travers le Bassin parisien (Seine, Orléans, Troyes, Ailly-sur-Somme près d’Amiens), le Centre-Est (Saint-Etienne, Grenoble, Vienne) et le Midi méditerranéen (Perpignan, Béziers, Cette, Marseille, Saint-Geniès-de-Malgoirès dans le Gard, Cuers dans le Var). Ils se recrutent parmi les ouvriers du textile, du cuir, de la petite industrie métallurgique et de métiers encore fortement artisanaux (tonneliers du Languedoc, menuisiers, serruriers, travailleurs du bâtiment, etc.) ; les mineurs cinq à Saint-Étienne — font une timide apparition ; et quelques paysans, dans de petites communes rurales, n’hésitent pas a donner leur adhésion publique au socialisme révolutionnaire.
A peine libéré, Guesde entreprend, par la plume et par la parole, une grande campagne de propagande et de recrutement ; les premiers groupes socialistes révolutionnaires surgissent à Paris, Troyes, Marseille, Nîmes et Bordeaux." (p.15)
"Les guesdistes engagent et gagnent une première grande bataille au IIIe Congrès ouvrier de Marseille, en octobre 1879.
Le lieu du combat est propice. Marseille est alors une des villes ou la propagande socialiste a rencontré le plus d’écho ; parmi les 26 membres du Comité exécutif de la Commission d’organisation du Congrès, 5 ont signé le Programme et adresse des socialistes révolutionnaires français, l'un d'eux, l’ouvrier bijoutier Jean Lombard, qui, comme secrétaire de la Commission d’organisation, joue un rôle de premier plan au Congrès, est en relation suivie avec Guesde et Malon. D’autre part, le quart sud-est de la France, qui a donné au Programme et adresse les deux tiers de ses signataires, fournit 75% des congressistes, dans leur ensemble gagnés au socialisme révolutionnaire. La minorité de Lyon est devenue majorité." (p.15)
"Guesde, cloué au lit par la maladie, comme il l’est si souvent, correspond journellement, pendant la durée du Congrès, avec ses deux porte-parole, Fournière et Lombard. Dès sa séance d’ouverture, le Congrès unanime se proclame « Congrès ouvrier socialiste de France ». Et le dernier jour, en dépit d’une forte opposition, il vote, aux cris de « Vive la Révolution ! », une déclaration, déposée par 60 délégués, affirmant que « l’appropriation collective de tous les instruments de travail et forces de production doit être poursuivie par tous les moyens possibles ». S’inspirant du modèle social-démocrate allemand, le Congrès esquisse l’organisation d’un parti ouvrier indépendant, « la Fédération du Parti des Travailleurs socialistes de France »; il divise la France en six régions autonomes : le Centre (Paris), le Nord (Lille), l’Est (Lyon), l’Ouest (Bordeaux), le Midi (Marseille) et l’Algérie (Alger) ; les congrès régionaux et nationaux élisent, pour veiller à l’exécution de leurs décisions qui sont souveraines, des comités régionaux et un comité national.
Ainsi, le Congrès de Marseille aiguille le mouvement ouvrier français sur une nouvelle voie, la voie collectiviste et révolutionnaire. Mais ce demeure encore une simple orientation.
D’abord l’étiquette collectiviste prête à équivoque. Pourquoi les guesdistes l’ont-ils préférée à celle de communiste, en usage dans la terminologie marxiste ? Deville, quelques années plus tard, invoque, à titre d’explication, la nécessité de « distinguer le communisme scientifique sorti de la savante critique de Marx, du vieux communisme utopique et sentimental français ». Mais cet argument apparaît peu logique : si le terme de collectiviste permet aux marxistes de se différencier du communisme utopique, il favorise des confusions plus redoutables avec l’école collectiviste de Colins et surtout avec le collectivisme libertaire." (p.16)
"Quelques aristocrates monarchistes, à l’appel du comte de Mun, créent des cercles catholiques d’ouvriers ; mais ils ne recrutent guère que la clientèle habituelle des œuvres religieuses, sans pouvoir attirer les masses ouvrières. En 1880, de Mun reconnaît l’échec de son mouvement. Les ouvriers sont, en effet, foncièrement républicains et démocrates." (p.17)
-Claude Willard, Les guesdistes. Le mouvement socialiste en France (1893-1905), Éditions sociales, 1965, 770 pages.
"Nous avons voulu contribuer à l’étude de la genèse du Parti socialiste français ; notre choix s’est porté sur une de ses racines les plus importantes, le guesdisme ; car le P. O.F., organisation la plus nombreuse, la mieux structurée, présente l’originalité d’introduire dans la classe ouvrière française un courant de pensée neuf, le marxisme.
Le point de départ de notre thèse est constitué non par la naissance du Parti Ouvrier Français, mais par son accession à l’état de véritable parti, par son insertion dans la vie politique nationale, au cours des années 1892-1893." (p.7)
"La Commune écrasée, le spectre du socialisme semble s’évanouir.
La République de M. Thiers et l’Ordre Moral du maréchal de Mac-Mahon tiennent sévèrement en bride le mouvement ouvrier. Les libertés politiques sont pratiquement suspendues par l’état de siège qui n’est levé dans la Seine, la Seine-et-Oise, les Bouches-du-Rhône et le Rhône qu’en avril 1876 ; les syndicats restent interdits. En mars 1872, l’Assemblée nationale vote la loi Dufaure dirigée contre l’Association internationale des Travailleurs.
Celle-ci, durement touchée par l’échec de la Commune et minée par ses luttes internes, se disloque. Dans les rares sections françaises qui survivent s’affrontent les éléments marxistes, anarchistes et blanquistes. Police et tribunaux leur donnent le coup de grâce.
Le socialisme révolutionnaire ne survit guère que dans l’émigration." (p.11)
"Des grèves, presque toutes spontanées, éclatent cependant, notamment celle des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais (1872)." (note 11 p.12)
"Un petit noyau socialiste s’agglomère en plein cœur du Quartier Latin : de jeunes intellectuels se réunissent depuis 1873 au café Soufflet, pour étudier, discuter les questions sociales et politiques, engager des débats philosophiques. Dans ce cénacle fort disparate, s’affrontent notamment proudhonisme et marxisme. Le premier livre du Capital vient d’être édité en France et Gabriel Deville, l’un des habitués du café Soufflet, demande, en 1876, l’autorisation à Karl Marx d’en publier un résumé accessible à un plus large public. Quoiqu’il ait, aux élections législatives de février 1876, animé la campagne d’Accolas et organisé la même année un congrès international d’étudiants, ce cercle reste assez replié sur lui-même. Un homme va singulièrement élargir son audience : Jules Guesde." (p.12)
"Né le 11 novembre 1845, Guesde, de son vrai nom Jules Bazile, a commencé sa carrière politique comme journaliste d’opposition au second Empire. Républicain démocrate, il défendit la Commune, ce qui lui valut, en juin 1871, une condamnation à cinq ans de prison. Guesde, sans attendre l’issue du procès, s’était réfugié en Suisse. Là, séduit par les théories de Bakounine, il devint un des militants responsables de la Fédération jurassienne ; nommé secrétaire du Congrès de Sonvillier, en novembre 1871, il collabora à la rédaction du manifeste qui condamnait violemment Marx et le Conseil général de l’Internationale. Fixé à Milan à partir de 1873, Guesde s’éloigna progressivement de l’anarchisme, sous la double action de ses lectures et du mouvement socialiste milanais." (p.13)
"Les œuvres qui laissèrent la plus forte empreinte sur Guesde sont celles des philosophes français du XVIIIe siècle, du communiste Dézamy, les ouvrages d'économie politique, enfin et surtout le Que faire ? de Tchernychevski. Dans la brochure qu’il a rédigée au cours de sa dernière année d’exil, De la Propriété (Lettre au sénateur Lampertico), Guesde, suivant les traces du socialiste russe, fait de l'intérêt le moteur de toute évolution, qu’il s’agisse de l’homme ou de la société. Il détache ainsi l'individu de son contexte social et du processus de la production ; sa critique du système capitaliste part donc d’un point de vue essentiellement moral." (note 3 p.13)
"Quand Guesde rentre en France, en septembre 1876, son socialisme quelque peu hybride enferme les strates des influences successives qu'il a subies. Les jeunes du café Soufflet, et surtout un émigré allemand, Karl Hirsch, lui révèlent le marxisme. Guesde prend rapidement de l’ascendant sur ses nouveaux amis : un des premiers proscrits retour d'émigration, il est auréolé du prestige de la Commune ; par ailleurs, son expérience politique, son éloquence, sa plume mordante le font reconnaître implicitement comme le chef du groupe. Et Guesde imprime a ce dernier une direction nouvelle : aux discussions plus ou moins à huis clos, il substitue la propagande socialiste dans les milieux ouvriers. Comme il le rappelle, non sans fierté, trente ans plus tard : « Je n’ai pas voulu me séparer des syndiqués d’alors, quoiqu’ils fussent encore au balbutiement, et quoique, prisonniers de la coopération bourgeoise, ils allassent jusqu’à proscrire la grève. Je me suis obstinément refusé à constituer un mouvement socialiste en dehors du mouvement ouvrier quel qu’il fût. »." (p.13)
"Il s’occupe d’abord de créer un hebdomadaire, l'Egalité, dont le premier numéro sort le 18 novembre 1877. En proie à de constantes difficultés matérielles, que viennent accroître perquisitions policières et procès, l'Égalité (1ère série) succombe le 14 juillet 1878. Cette Égalité, par sa rédaction, donc par son contenu, est très éclectique : elle insère sans discrimination des articles ou études de Marx, de Blanqui3 4 5 et du libertaire Elisée Reclus. Guesde lui-même reste porteur d’idéologies étrangères au marxisme : vestiges anarchistes, empreintes du socialisme utopique, croyance en la loi d’airain des salaires formulée par Lassalle. Mais, en dépit de ces alliages, L’Égalité est bien le premier journal marxiste français.
Le groupe « Égalité », qui se forme autour du journal, fait entendre au Congrès de Lyon (janvier-février 1878), pour la première fois dans un congrès ouvrier français, la doctrine marxiste ; ensuite, malgré l’interdiction gouvernementale, il organise un Congrès international socialiste, ce qui vaut à Guesde et à ses amis d’être arrêtés, traduits en justice et condamnés. Le gouvernement offre ainsi à ceux que leurs adversaires commencent à appeler les guesdistes une large publicité et la palme du martyre." (p.14)
"Les lettres de Marx, Engels et des dirigeants social-démocrates allemands, saisies au cours d’une perquisition policière chez Hirsch, témoignent éloquemment du rôle de cet émigré dans l’organisation du Congrès et, plus généralement, dans l’activité du groupe « Égalité »." (note 7 p.14)
"En prison, Guesde rédige, pour le Parti ouvrier en gestation, une première esquisse de programme : Programme et adresse des socialistes révolutionnaires français ; ce manifeste, publié sur feuilles volantes, en avril 1879, porte 541 signatures, qui, sans en surestimer la valeur démonstrative-, sont cependant précieuses pour connaître les milieux que commence à toucher la propagande marxiste. Géographiquement, les 541 se répartissent à travers le Bassin parisien (Seine, Orléans, Troyes, Ailly-sur-Somme près d’Amiens), le Centre-Est (Saint-Etienne, Grenoble, Vienne) et le Midi méditerranéen (Perpignan, Béziers, Cette, Marseille, Saint-Geniès-de-Malgoirès dans le Gard, Cuers dans le Var). Ils se recrutent parmi les ouvriers du textile, du cuir, de la petite industrie métallurgique et de métiers encore fortement artisanaux (tonneliers du Languedoc, menuisiers, serruriers, travailleurs du bâtiment, etc.) ; les mineurs cinq à Saint-Étienne — font une timide apparition ; et quelques paysans, dans de petites communes rurales, n’hésitent pas a donner leur adhésion publique au socialisme révolutionnaire.
A peine libéré, Guesde entreprend, par la plume et par la parole, une grande campagne de propagande et de recrutement ; les premiers groupes socialistes révolutionnaires surgissent à Paris, Troyes, Marseille, Nîmes et Bordeaux." (p.15)
"Les guesdistes engagent et gagnent une première grande bataille au IIIe Congrès ouvrier de Marseille, en octobre 1879.
Le lieu du combat est propice. Marseille est alors une des villes ou la propagande socialiste a rencontré le plus d’écho ; parmi les 26 membres du Comité exécutif de la Commission d’organisation du Congrès, 5 ont signé le Programme et adresse des socialistes révolutionnaires français, l'un d'eux, l’ouvrier bijoutier Jean Lombard, qui, comme secrétaire de la Commission d’organisation, joue un rôle de premier plan au Congrès, est en relation suivie avec Guesde et Malon. D’autre part, le quart sud-est de la France, qui a donné au Programme et adresse les deux tiers de ses signataires, fournit 75% des congressistes, dans leur ensemble gagnés au socialisme révolutionnaire. La minorité de Lyon est devenue majorité." (p.15)
"Guesde, cloué au lit par la maladie, comme il l’est si souvent, correspond journellement, pendant la durée du Congrès, avec ses deux porte-parole, Fournière et Lombard. Dès sa séance d’ouverture, le Congrès unanime se proclame « Congrès ouvrier socialiste de France ». Et le dernier jour, en dépit d’une forte opposition, il vote, aux cris de « Vive la Révolution ! », une déclaration, déposée par 60 délégués, affirmant que « l’appropriation collective de tous les instruments de travail et forces de production doit être poursuivie par tous les moyens possibles ». S’inspirant du modèle social-démocrate allemand, le Congrès esquisse l’organisation d’un parti ouvrier indépendant, « la Fédération du Parti des Travailleurs socialistes de France »; il divise la France en six régions autonomes : le Centre (Paris), le Nord (Lille), l’Est (Lyon), l’Ouest (Bordeaux), le Midi (Marseille) et l’Algérie (Alger) ; les congrès régionaux et nationaux élisent, pour veiller à l’exécution de leurs décisions qui sont souveraines, des comités régionaux et un comité national.
Ainsi, le Congrès de Marseille aiguille le mouvement ouvrier français sur une nouvelle voie, la voie collectiviste et révolutionnaire. Mais ce demeure encore une simple orientation.
D’abord l’étiquette collectiviste prête à équivoque. Pourquoi les guesdistes l’ont-ils préférée à celle de communiste, en usage dans la terminologie marxiste ? Deville, quelques années plus tard, invoque, à titre d’explication, la nécessité de « distinguer le communisme scientifique sorti de la savante critique de Marx, du vieux communisme utopique et sentimental français ». Mais cet argument apparaît peu logique : si le terme de collectiviste permet aux marxistes de se différencier du communisme utopique, il favorise des confusions plus redoutables avec l’école collectiviste de Colins et surtout avec le collectivisme libertaire." (p.16)
"Quelques aristocrates monarchistes, à l’appel du comte de Mun, créent des cercles catholiques d’ouvriers ; mais ils ne recrutent guère que la clientèle habituelle des œuvres religieuses, sans pouvoir attirer les masses ouvrières. En 1880, de Mun reconnaît l’échec de son mouvement. Les ouvriers sont, en effet, foncièrement républicains et démocrates." (p.17)
-Claude Willard, Les guesdistes. Le mouvement socialiste en France (1893-1905), Éditions sociales, 1965, 770 pages.