"Au coeur de la guerre d'Algérie, le Manifeste des intellectuels français, publié dans quelques journaux pendant la première quinzaine d'octobre 1960, répondait au Manifeste des 121, dont la mémoire est restée bien plus vive. Le droit à l'insoumission revendiqué par les 121 se heurtait au principe de "résistance à l'abandon" défendu par les promoteurs du contre-manifeste [...] Sortie de la marginalité où l'avait reléguée l'effondrement de Vichy, "la droite intellectuelle disposait à cette date d'une force de frappe non négligeable" comme le constate Jean-François Sirinelli. [...]
L'addition des deux listes publiées successivement les 7 et 13 octobre 1960 dans Le Figaro donne un total de plus de trois cent vingt noms, dont beaucoup sont ceux d'illustres inconnus [...] le doyen Jean Lépine, membre de l'Institut, le professeur Charles Richet, membre de l'Académie de médecine, les titulaires de chaire en faculté, Jean Chardonnent, Emile Dubois, Henri et Léon Mazeaud, Roland Mousnier." (pp.188-189)
"De sensibilité démocrate-chrétienne, amis de Georges Bidault, le journaliste Rémy Roure et le directeur de Carrefour, Jean Dannnmüller, se retrouvent en compagnie de proches du gaulliste dissident Jacques Soustelle, telle Yvonne Eyrieux-Puaux, directrice de Voici pourquoi. La mouvance du monarchisme rajeuni est présente en la personne de Pierre Boutang [...] ou du musicologue Norbert Dufourcq. Les catholiques traditionnalistes sont assimilables à une formation politique [...] Jean de Fabrègues, Robert d'Harcourt, Joseph Hours, Louis Salleron, Michel de Saint-Pierre apposent donc leur signature [...] Gabriel Marcel regrettera la sienne [...] [S'y ajoute] le protestant René Gillouin." (pp.192-193)
"Roland Laudenbach, directeur de la Table Ronde, se retrouve au côté de deux de ses auteurs [...] Philippe Héduy [et] Jean Brune [...] [Les "hussards"] se sont associés au Manifeste, Antoine Blondin, Michel Déon, Jacques Laurent, Roger Nimier." (p.194)
"Jacques Heurgon a enseigné à la faculté des Lettres d'Alger dans les années trente et au début des années quarante [...] René Poirier y a été son collègue, tandis que Gilbert Picard a longtemps exercé les fonctions de directeur des Antiquités en Tunisie. [...]
Un élan de sympathie rassemble des intellectuels et des officiers qui se sont croisés à Saint-Cyr ou à l'École de Guerre, tels Jules Monnerot et Raoul Girardet." (p.194)
-Anne-Marie Duranton-Crabol, "Appartenance et engagement politique. A propos du Manifeste des intellectuels français (1960)", Bulletins de l'Institut d'Histoire du Temps Présent, Année 1992, 20, pp. 188-196.