« Les Prolégomènes […] ont été conçus par l'auteur comme un compendium à la grande Ontologie [et une réponse aux critiques]. Ils sont, à l'exception d'un livre d'entretiens, le dernier ouvrage du philosophe. » (p.6)
« Le néopositivisme a réussi à débarrasser la philosophie empirique de l'idéalisme subjectif touchant même au solipsisme (Berkeley), et à asseoir la logique formelle en science indépendante. Mais au prix de dénier à la philosophie la fonction de comprendre le monde réel par une enquête approfondie des fondements de la pensée et de l'activité humaine. Contrairement à la grande tradition française de philosophie des sciences, notamment « l'épistémologie historique » bachelardienne, laquelle refuse de séparer la philosophie de l'histoire des sciences, le positivisme logique ne s'intéresse plus au contexte de découverte mais seulement à la justification des énoncés. En effet, pour les divers théoriciens de ce courant, les problèmes purement philosophiques se réduisent tous à des problèmes de logique (Russel). De même, la philosophie doit être remplacée par la logique de la science qui n'est rien d'autre que la syntaxe logique du langage de la science (Carnap) ; et il ne s'agit plus de donner à nos théories un fondement solide, mais de formuler une thérapie pour théories (Wittgenstein). La désintégration et l'irrationalité de la société bourgeoise se sont reflétées fidèlement dans l'idée que la philosophie ne saurait que démystifier les tentatives de compréhension globale de la vie humaine, et non établir les fondements pour une telle compréhension. Paradoxalement, cette démission par principe du néopositivisme devant ces questionnements faisait la part belle au retour du religieux ou, précisément, servait de caution au modus vivendi que la religion avait depuis longtemps prôné vis-à-vis de la science. La doctrine du cardinal Bellarmin, évoquée d'entrée de jeu par Lukâcs dans ce livre, en est l'illustration la plus parfaite : à la science revient le règne du monde sensible, à la religion les questions métaphysiques.
C'est d'ailleurs en ce sens qu'on peut subsumer ce positivisme comme l'une des variantes possibles du néokantisme, genre plus extensif qu'on ne croit. Le néokantisme comme genre inclut des espèces aussi différentes qu'un formalisme de la connaissance et un formalisme moral. Le subjectivisme moral d'un Sartre, par exemple, tenant beaucoup du volontarisme kantien. » (p.8 )
"Dès 1927, Heidegger prétendait traiter seul le thème. Pour preuve, l'incipit de Sein und Zeit : « la question de l'être est tombée dans l'oubli » au moment où Nicolaï Hartmann enseignait l'Ontologie à la même université qu'Heidegger en refusant d'ailleurs même à ce dernier que sa pensée fût une ontologie.
En effet, dans Zur Grundlegung der Ontologie, Nicolai Hartmann se livre à une attaque sévère contre Sein und Zeit. Il concentre ses attaques sur le relativisme anthropologique de l'analytique existentiale du Dasein, par laquelle la question de l'être est non seulement déformée, mais ne peut pas même être posée. Hartmann voit dans la déformation de la question de l'être en une question du sens (le « sens de l'être ») la clef du relativisme anthropologique de Heidegger et, partant, de son incapacité finale à refonder une ontologie. Aux yeux de Hartmann, une ontologie authentique ne peut être qu'une ontologie de l'universel, et ne peut donc reposer sur la « description unilatérale des phénomènes » qu'accomplit l'analytique existentiale du Dasein, c'est-à-dire de « l'homme privé » dont l'angoisse, le souci, seraient au cœur de l'existence authentique. Ainsi, loin de refonder l'ontologie, l'approche heideggérienne subordonne la réflexion ontologique fondée sur une approche sans préjugés des catégories de l'être à une interrogation sur les tourments existentiels.
La quasi-méconnaissance en France de Nicolaï Hartmann, dont Lukàcs s'inspire expressément (un chapitre de L'Ontologie lui est consacré), est regrettable. Malgré ses graves limites, notamment la croyance en l'existence d'un « ciel axiologique au-dessus de nos têtes », Hartmann a eu en effet le mérite de s'opposer à tous les courants philosophiques dominants de son temps (néokantisme, phénoménologie, existentialisme) en s'appuyant sur une approche fondamentalement ontologique. Selon Lukàcs, Hartmann « a été le premier à poser le fait que dans la matière inorganique, le complexe est l'élément primaire existant ». Comme Hartmann, Lukàcs entend s'en tenir à une pensée de l'immanence, partant des données de l'expérience. La critique qu'Hartmann adresse à Hegel, accusé de privilégier le rôle de l'universel logique aux dépens des actions singulières, marquera profondément Lukàcs dans les attaques qu'il fera plus tard contre Engels. Plus précisément, Lukàcs distingue dans L'Ontologie la coexistence de « deux ontologies » au cœur même de la pensée de Hegel. La première se caractérise par un logicisme à caractère téléologique ; la seconde s'efforçant au contraire d'appréhender les catégories du réel dans toute leur profondeur. En s'élevant contre la première, Lukàcs entend réfuter l'omnipotence du concept, le schématisme téléologique et l'identité sujet-objet. Et ceci au profit de la seconde, en insistant sur l'aspect processuel, transitoire et dialectique, des déterminations de l'être." (pp.11-13)
"Il y a en effet tout lieu de se méfier d'une ontologie qui se poserait comme science de l'être, qui suppose son objet donné. Objet qui aurait ses propriétés, telles que pourrait le définir un spectateur absolu, étranger à l'histoire. Une telle métaphysique matérialiste ne vaudrait guère mieux que la métaphysique idéaliste. C'est ainsi que le formalisme de l'époque stalinienne, avec lequel Lukàcs souhaite en finir, ressortit en réalité d'une interprétation du matérialisme dialectique qu'on peut à bon droit également qualifier d' « ontologique ». [...] Cette interprétation est caractéristique dans le chapitre « Matérialisme dialectique et Matérialisme historique » de l'Histoire du Parti communiste bolchevique qui a longtemps servi de manuel de référence pour la philosophie marxiste dans le bloc soviétique. Mais elle coexiste avec une interprétation plus critique à l'intérieur même de certains textes d'Engels. La Dialectique de la nature notamment a pu passim donner du crédit à cet ontologisme.
Dans son ouvrage sur l'affaire Lyssenko, et la théorie mitchourinienne de l'hérédité, Dominique Lecourt a donné de nombreux exemples de cette interprétation « ontologique » du matérialisme dialectique, qui prétend « réaliser dans l'être » les déterminations de la philosophie elle-même :
« De ce que Lénine énonce comme "une condition pour connaître" les processus de l'univers, Staline fait une loi de l'univers lui-même, inscrivant dans l'être le présupposé (philosophique) de sa connaissance. La thèse dialectique fondamentale de l'unité des contraires qui, d'après Lénine, a pour fonction de permettre au processus de la connaissance scientifique de la nature (et de la société) de surmonter les mystifications idéalistes qui tendent à figer ses résultats en autant d' "absolus" ; qui permet donc à la connaissance de progresser, devient chez Staline une loi de la nature même (et de la société) dont la connaissance humaine n'aurait qu'à se faire le "miroir" pour être "valable".
Autrement dit, d'une thèse philosophique dialectique qui ouvre à la connaissance objective le champ de sa propre investigation selon ses propres modalités, l'interprétation ontologique "stalinienne" du matérialisme dialectique fait une "loi" générale qui est supposée énoncer la forme universelle des lois établies par les sciences de la nature. Elle est dite "loi" ("loi de la dialectique") parce qu'elle est tenue pour théoriquement homogène aux lois énoncées par les sciences, et qu'elle est conçue sur leur modèle. En retour, chacune de ces lois — notamment, celles du matérialisme historique — est supposée donner, sur un objet propre, un contenu "concret" à cette forme ; chaque science effective se présentant ainsi comme l'application à un domaine particulier de la "loi" générale. Bref, la thèse qui gouverne le mouvement contradictoire de l'appropriation de l'être par la pensée sur la base de leur mouvement respectif est transformée, dans ces conditions, en une loi du mouvement de l'être qui, selon une conception empiriste de la connaissance, se dévoilerait par réflexion dans la pensée. » [D. Lecourt, Lyssenko. Histoire réelle d'une « science prolétarienne », Maspero, 1976, rééd. PUF, 1995, pp. 134-5.]
C'est précisément ce qui s'est passé au moment de l'affaire Lyssenko, lorsque une discipline scientifique comme la génétique « mendélienne » fut jugée incompatible avec les « lois » de la dialectique et où on pallia cet état de fait en déduisant des concepts prétendument scientifiques de catégories philosophiques marxistes." (pp.19-20)
"Fameux « paradoxe » épistémologique : c'est lorsqu'on se détourne du sensible que l'on s'approprie le réel. Pensons à la victoire du « platonisme » dans l'histoire de la connaissance scientifique bien décrite par Koyré, qui ne se caractérise pas uniquement par la victoire de la mathématique platonicienne sur la physique aristotélicienne, mais par la victoire d'une physique mathématique, c'est-à-dire le rationalisme appliqué, qui opère un va-et-vient constant entre la modélisation et l'expérimentation. Non l'expérience mais l'expérimentation, non le formalisme mais la formalisation, non l'ontologique, mais la portée ontologique de la connaissance. On n'a jamais accès à l'être même, on ne peut aller vers lui que par une approche asymptotique, par la « connaissance approchée » chère à Bachelard : « Nous comprenons le réel dans la mesure même où la nécessité l'organise... Notre pensée va au réel, elle n'en part pas. »"' La science se construit par la construction de modèles dont le seul critère de valeur est la praxis. Ce qui interdit toute forme de dogmatisme en obligeant à reconnaître la nécessité d'une pluralité d'hypothèses scientifiques. Lénine avait déjà souligné, dans Matérialisme et empiriocriticisme, le caractère inépuisable, irréductible de la matière, qui nous interdit de confondre l'image que la science en produit à un stade donné de son développement avec la matière elle-même." (p.25)
-Aymeric Monville, Présentation de Georg Lukàcs, Prolégomènes à l’ontologie de l’être social, Éditions Delga, 2009, 413 pages.
« Le néopositivisme a réussi à débarrasser la philosophie empirique de l'idéalisme subjectif touchant même au solipsisme (Berkeley), et à asseoir la logique formelle en science indépendante. Mais au prix de dénier à la philosophie la fonction de comprendre le monde réel par une enquête approfondie des fondements de la pensée et de l'activité humaine. Contrairement à la grande tradition française de philosophie des sciences, notamment « l'épistémologie historique » bachelardienne, laquelle refuse de séparer la philosophie de l'histoire des sciences, le positivisme logique ne s'intéresse plus au contexte de découverte mais seulement à la justification des énoncés. En effet, pour les divers théoriciens de ce courant, les problèmes purement philosophiques se réduisent tous à des problèmes de logique (Russel). De même, la philosophie doit être remplacée par la logique de la science qui n'est rien d'autre que la syntaxe logique du langage de la science (Carnap) ; et il ne s'agit plus de donner à nos théories un fondement solide, mais de formuler une thérapie pour théories (Wittgenstein). La désintégration et l'irrationalité de la société bourgeoise se sont reflétées fidèlement dans l'idée que la philosophie ne saurait que démystifier les tentatives de compréhension globale de la vie humaine, et non établir les fondements pour une telle compréhension. Paradoxalement, cette démission par principe du néopositivisme devant ces questionnements faisait la part belle au retour du religieux ou, précisément, servait de caution au modus vivendi que la religion avait depuis longtemps prôné vis-à-vis de la science. La doctrine du cardinal Bellarmin, évoquée d'entrée de jeu par Lukâcs dans ce livre, en est l'illustration la plus parfaite : à la science revient le règne du monde sensible, à la religion les questions métaphysiques.
C'est d'ailleurs en ce sens qu'on peut subsumer ce positivisme comme l'une des variantes possibles du néokantisme, genre plus extensif qu'on ne croit. Le néokantisme comme genre inclut des espèces aussi différentes qu'un formalisme de la connaissance et un formalisme moral. Le subjectivisme moral d'un Sartre, par exemple, tenant beaucoup du volontarisme kantien. » (p.8 )
"Dès 1927, Heidegger prétendait traiter seul le thème. Pour preuve, l'incipit de Sein und Zeit : « la question de l'être est tombée dans l'oubli » au moment où Nicolaï Hartmann enseignait l'Ontologie à la même université qu'Heidegger en refusant d'ailleurs même à ce dernier que sa pensée fût une ontologie.
En effet, dans Zur Grundlegung der Ontologie, Nicolai Hartmann se livre à une attaque sévère contre Sein und Zeit. Il concentre ses attaques sur le relativisme anthropologique de l'analytique existentiale du Dasein, par laquelle la question de l'être est non seulement déformée, mais ne peut pas même être posée. Hartmann voit dans la déformation de la question de l'être en une question du sens (le « sens de l'être ») la clef du relativisme anthropologique de Heidegger et, partant, de son incapacité finale à refonder une ontologie. Aux yeux de Hartmann, une ontologie authentique ne peut être qu'une ontologie de l'universel, et ne peut donc reposer sur la « description unilatérale des phénomènes » qu'accomplit l'analytique existentiale du Dasein, c'est-à-dire de « l'homme privé » dont l'angoisse, le souci, seraient au cœur de l'existence authentique. Ainsi, loin de refonder l'ontologie, l'approche heideggérienne subordonne la réflexion ontologique fondée sur une approche sans préjugés des catégories de l'être à une interrogation sur les tourments existentiels.
La quasi-méconnaissance en France de Nicolaï Hartmann, dont Lukàcs s'inspire expressément (un chapitre de L'Ontologie lui est consacré), est regrettable. Malgré ses graves limites, notamment la croyance en l'existence d'un « ciel axiologique au-dessus de nos têtes », Hartmann a eu en effet le mérite de s'opposer à tous les courants philosophiques dominants de son temps (néokantisme, phénoménologie, existentialisme) en s'appuyant sur une approche fondamentalement ontologique. Selon Lukàcs, Hartmann « a été le premier à poser le fait que dans la matière inorganique, le complexe est l'élément primaire existant ». Comme Hartmann, Lukàcs entend s'en tenir à une pensée de l'immanence, partant des données de l'expérience. La critique qu'Hartmann adresse à Hegel, accusé de privilégier le rôle de l'universel logique aux dépens des actions singulières, marquera profondément Lukàcs dans les attaques qu'il fera plus tard contre Engels. Plus précisément, Lukàcs distingue dans L'Ontologie la coexistence de « deux ontologies » au cœur même de la pensée de Hegel. La première se caractérise par un logicisme à caractère téléologique ; la seconde s'efforçant au contraire d'appréhender les catégories du réel dans toute leur profondeur. En s'élevant contre la première, Lukàcs entend réfuter l'omnipotence du concept, le schématisme téléologique et l'identité sujet-objet. Et ceci au profit de la seconde, en insistant sur l'aspect processuel, transitoire et dialectique, des déterminations de l'être." (pp.11-13)
"Il y a en effet tout lieu de se méfier d'une ontologie qui se poserait comme science de l'être, qui suppose son objet donné. Objet qui aurait ses propriétés, telles que pourrait le définir un spectateur absolu, étranger à l'histoire. Une telle métaphysique matérialiste ne vaudrait guère mieux que la métaphysique idéaliste. C'est ainsi que le formalisme de l'époque stalinienne, avec lequel Lukàcs souhaite en finir, ressortit en réalité d'une interprétation du matérialisme dialectique qu'on peut à bon droit également qualifier d' « ontologique ». [...] Cette interprétation est caractéristique dans le chapitre « Matérialisme dialectique et Matérialisme historique » de l'Histoire du Parti communiste bolchevique qui a longtemps servi de manuel de référence pour la philosophie marxiste dans le bloc soviétique. Mais elle coexiste avec une interprétation plus critique à l'intérieur même de certains textes d'Engels. La Dialectique de la nature notamment a pu passim donner du crédit à cet ontologisme.
Dans son ouvrage sur l'affaire Lyssenko, et la théorie mitchourinienne de l'hérédité, Dominique Lecourt a donné de nombreux exemples de cette interprétation « ontologique » du matérialisme dialectique, qui prétend « réaliser dans l'être » les déterminations de la philosophie elle-même :
« De ce que Lénine énonce comme "une condition pour connaître" les processus de l'univers, Staline fait une loi de l'univers lui-même, inscrivant dans l'être le présupposé (philosophique) de sa connaissance. La thèse dialectique fondamentale de l'unité des contraires qui, d'après Lénine, a pour fonction de permettre au processus de la connaissance scientifique de la nature (et de la société) de surmonter les mystifications idéalistes qui tendent à figer ses résultats en autant d' "absolus" ; qui permet donc à la connaissance de progresser, devient chez Staline une loi de la nature même (et de la société) dont la connaissance humaine n'aurait qu'à se faire le "miroir" pour être "valable".
Autrement dit, d'une thèse philosophique dialectique qui ouvre à la connaissance objective le champ de sa propre investigation selon ses propres modalités, l'interprétation ontologique "stalinienne" du matérialisme dialectique fait une "loi" générale qui est supposée énoncer la forme universelle des lois établies par les sciences de la nature. Elle est dite "loi" ("loi de la dialectique") parce qu'elle est tenue pour théoriquement homogène aux lois énoncées par les sciences, et qu'elle est conçue sur leur modèle. En retour, chacune de ces lois — notamment, celles du matérialisme historique — est supposée donner, sur un objet propre, un contenu "concret" à cette forme ; chaque science effective se présentant ainsi comme l'application à un domaine particulier de la "loi" générale. Bref, la thèse qui gouverne le mouvement contradictoire de l'appropriation de l'être par la pensée sur la base de leur mouvement respectif est transformée, dans ces conditions, en une loi du mouvement de l'être qui, selon une conception empiriste de la connaissance, se dévoilerait par réflexion dans la pensée. » [D. Lecourt, Lyssenko. Histoire réelle d'une « science prolétarienne », Maspero, 1976, rééd. PUF, 1995, pp. 134-5.]
C'est précisément ce qui s'est passé au moment de l'affaire Lyssenko, lorsque une discipline scientifique comme la génétique « mendélienne » fut jugée incompatible avec les « lois » de la dialectique et où on pallia cet état de fait en déduisant des concepts prétendument scientifiques de catégories philosophiques marxistes." (pp.19-20)
"Fameux « paradoxe » épistémologique : c'est lorsqu'on se détourne du sensible que l'on s'approprie le réel. Pensons à la victoire du « platonisme » dans l'histoire de la connaissance scientifique bien décrite par Koyré, qui ne se caractérise pas uniquement par la victoire de la mathématique platonicienne sur la physique aristotélicienne, mais par la victoire d'une physique mathématique, c'est-à-dire le rationalisme appliqué, qui opère un va-et-vient constant entre la modélisation et l'expérimentation. Non l'expérience mais l'expérimentation, non le formalisme mais la formalisation, non l'ontologique, mais la portée ontologique de la connaissance. On n'a jamais accès à l'être même, on ne peut aller vers lui que par une approche asymptotique, par la « connaissance approchée » chère à Bachelard : « Nous comprenons le réel dans la mesure même où la nécessité l'organise... Notre pensée va au réel, elle n'en part pas. »"' La science se construit par la construction de modèles dont le seul critère de valeur est la praxis. Ce qui interdit toute forme de dogmatisme en obligeant à reconnaître la nécessité d'une pluralité d'hypothèses scientifiques. Lénine avait déjà souligné, dans Matérialisme et empiriocriticisme, le caractère inépuisable, irréductible de la matière, qui nous interdit de confondre l'image que la science en produit à un stade donné de son développement avec la matière elle-même." (p.25)
-Aymeric Monville, Présentation de Georg Lukàcs, Prolégomènes à l’ontologie de l’être social, Éditions Delga, 2009, 413 pages.