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    Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie Empty Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 7 Juin - 14:21

    "La philosophie n'est sans doute pas à portée de tous les hommes ; mais à ceux qui en sont capables, elle offre ce qu'on peut imaginer de meilleur et de plus beau: une vue sur les choses éternelles ; un plein exercice de l'intelligence ; la société (effective ou idéale) des hommes les plus sages ; une forme de liberté à l'égard des passions et des accidents de cette vie." (p.10)

    "La philosophie a survécu, comme domaine et comme tradition, aux critiques les plus virulentes, aussi bien qu'à l'émancipation des savoirs qu'elle avait nourris dans son sein ; mais elle est aujourd'hui comme un ancien empire réduit aux dimensions d'une petite république: on respecte ses monuments, on révère peut-être son antiquité, mais de sa puissance il n'est plus question, si ce n'est sur le mode rétrospectif." (p.12)
    -Denis Kambouchner, in Notions de philosophie, I, Gallimard, coll Folio essais, 551 pages.

    « Héraclite […] dont le jeune Platon fut, au dire d’Aristote, un disciple fervent. »

    "Les perspectives ouvertes par la mécanique quantique rendent caduques les représentations continuistes de la structure de la matière à l'échelle subatomique et dans l'étude des hautes énergies." (p.67)
    -Paul Clavier, L’idée d’univers, in Denis Kambouchner, Notions de philosophie, I, Gallimard, coll Folio essais, 551 pages, p.31-125.

    "A la question "Qu'est-ce que la Nature ?", il y a une première réponse spontanée: c'est l'ensemble des choses et des événements que nous trouvons tout autour de nous et dont nous avons l'impression qu'ils sont indépendants de notre action -les pierres, les éclairs, les avalanches ; pas les automobiles, ni les œuvres d'art, ni les collisions de particules qui se produisent dans un accélérateur. Mais cette réponse est ambiguë: une pierre peut être une œuvre d'art, un éclair peut être produit en laboratoire, une avalanche peut être provoquée et, de toute façon, ce que l'homme perçoit sous la forme d'une extériorité indépendante de son intervention varie avec les époques et les religions. Il existe pourtant un point commun entre cette pierre, cette automobile et cette sculpture: si je les précipite dans un ravin, elles tomberont selon les mêmes "lois". On sera donc tenté, après réflexion, de répondre autrement, et de dire que la Nature est plutôt l'ensemble des phénomènes qui obéissent à des lois physiques et mathématiques universelles et nécessaires." (p.128)

    "Alors qu'auparavant l'espace était un espace hiérarchisé et non homogène, et le temps avant tout un durée, Galilée conçoit donc les espaces parcourus par un mobile comme tous équivalents." (p.146)

    "Après Galilée et Descartes, les fondements de la physique aristotélicienne sont détruits. [...]
    La distinction entre mouvements naturels et violents ayant perdu toute signification, la cosmologie appropriée est celle d'un espace infini, homogène et isotrope, un univers sans hiérarchies naturelles, sans considérations de perfection, de cause ou de finalité, unifié seulement par l'identité des lois mathématiques qui le régissent dans toutes ses parties.
    ." (p.148-149)
    -Catherine Chevalley, Nature et loi dans la philosophie moderne,  in Denis Kambouchner, Notions de philosophie, I, Gallimard, coll Folio essais, 551 pages, p.127-230.

    "Que l'unité du monde vivant est liée [...] à l'universalité des mécanismes de transmission de l'information génétique est une découverte récente dans l'histoire de l'humanité (elle date des années 1960 [...]
    Certes Aristote, "père de la biologie" eut sans conteste une intuition de l'unité de la vie: "Parmi les corps naturels, les uns ont la vie, les autres ne l'ont pas ; la vie telle que je l'entends consiste à se nourrir soi-même, à croitre et à dépérir." (Aristote, De l'âme, II, 1). [...]
    Par ailleurs la notion d'âme comme "entéléchie d'un corps naturel organisé" [...] est une notion métaphysique, liée à une conception de la nature où toute "matière" est organisée par une "forme" ; en ce sens la physique d'Aristote est déjà une biologie. "C'est nous [...] qui accordons une autonomie théorique à la biologie d'Aristote." (Pellegrin, 1982, p.75)." (pp234-235)

    "L'ouvrage du physicien E. Schrödinger: Qu'est-ce que la vie ?, paru [en 1944] aborde la génétique avec les concepts de la thermodynamique et de la théorie de l'information. Il définit l'être vivant comme être néguentropique, c'est-à-dire être qui crée de l'ordre au prix d'une dégradation de l'ordre environnant. Mais surtout, il lance la notion de code, en conjecturant que la structure moléculaire des gènes est celle d'un cristal apériodique, et que cette structure "code" pour les propriétés des organismes. Une génération de physiciens-biologistes se met alors en quête de modèles. En 1953 J. D. Watson et F. Crick élucident la structure en double hélice de l'ADN. Le code génétique est déchiffré dans les années qui suivent." (p.242)

    "E. Mayr insiste sur l'autonomie des sciences biologiques et admet la thèse émergentiste selon laquelle, avec l'apparition du programme génétique, un palier évolutif est franchi: même si les êtres vivants sont faits des mêmes éléments matériels que les êtres physiques, leur organisation leur confère des propriétés qualitativement différentes de celles des non-vivants. L'analyse moléculaire de ces propriétés est importante et légitime, mais elle ne rend pas compte du sens proprement biologique de concepts comme ceux de "fécondation", "respiration", "communication cellulaire", "espèce", etc.
    F. Jacob (1970, conclusion) va dans le même sens lorsqu'il introduit la notion d'intégron pour rendre compte du fait que les êtres vivants se construisent "par intégration d'éléments eux-mêmes intégrés", et "sont agencés selon une hiérarchie d'ensembles discontinus", chaque niveau d'organisation pouvant révéler des propriétés qui n'existent pas aux niveaux inférieurs: "... ces propriétés peuvent être expliquées par celles des constituants, mais non pas en être déduites." Et Jacob de conclure: "... avec leurs codes, leurs régulations, leurs interactions, les objets que constituent les intégrons culturels et sociaux débordent les schémas explicatifs de la biologie". Le fait culturel est émergent par rapport au fait biologie."  (pp.247-248)

    "Dans l'article "Le concept et la vie" [1968], Canguilhem reproche à Bergson d'avoir, en présentant la vie comme une improvisation créatrice, laissé croire qu'il y a incompatibilité entre l'analyse par concepts et le flou de l'élan vital, et sous-estimé "le fait que c'est seulement par le maintien actif d'une forme, et d'une forme spécifique" que le vivant se maintient en vie. Selon Canguilhem, les découvertes relatives à la transmission héréditaire de l'information génétique valident mieux les intuitions d'Aristote et de Hegel que celles de Bergson. "Il y a dans le vivant un logos, inscrit, conservé et transmis." (p.250)

    "La biologie a pour tâche d'élucider la nature de l'organisation, qui est en premier lieu ce pouvoir qu'ont les vivants de faire jouer les lois physiques en les orientant d'une autre manière que ce qui se passe dans les corps bruts." (p.255)

    "H. Simon appelle "arborescent" ou "hiérarchique" un système composé de sous-systèmes reliés entre eux et interactifs, qui sont eux-mêmes composés de sous-systèmes reliés entre eux, etc. ; sa thèse est que l'arborescence est une caractéristique de la plupart des systèmes naturels (du système solaire jusqu'aux langages humains en passant par tous les systèmes biologiques), et que les systèmes hiérarchisés ont la propriété d'évoluer plus vite que des systèmes non hiérarchisés de taille comparable." (p.280)

    "Sur l'interprétation philosophique de ces "mécanismes" de création de nouveauté, il reste une divergence de fond entre les théories du vivant-objet et celles du vivant-sujet. Dans la perspective néo-darwinienne (mécanisme évolutif: variation / sélection), l'invention d'une forme résulte de la production dans les organismes d'une multitude de possibles entre lesquels la sélection opère un tri. L'organisme vivant est le lieu de l'émergence des possibles, il n'en est pas le sujet (il ne le dirige pas). Il est la cible de la sélection naturelle. Le rôle créateur est dévolu au hasard, encore appelé "temps" ou "bruit". [...] En rebaptisant "tâtonnement" la variation aléatoire, l'école popperienne fait glisser le paradigme néodarwinien vers le paradigme lamarckien. Pour certains esprits philosophiques toute création suppose un acte et un agent. Les organismes, selon K. Popper [...] tentent de résoudre des problèmes, ils procèdent par essais et erreurs, ce qu'on appelle sélection naturelle est l'élimination des tentatives erronées. De même G. Simondon [...] juge que l'embryon en développement "résout des problèmes" (s'individue) en surmontant des "disparations"." (p.292)
    -Anne Fagot-Largeault, "Le vivant",  in Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie, tome I, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 551 pages, pp.230-300.

    "Par l'invention des techniques et par leur enseignement, l'homme se constitue en quelque sorte lui-même. [...]
    Aussi bien, aucun animal n'a-t-il jamais eu à choisir entre la route du bien et celle du mal." (p.302)

    "Avec l'idée d'espèce humaine [...] on concevra l'homme comme partie de la nature, et on le considérera comme un animal parmi les autres. Avec la notion de genre humain, on admet sa différence par rapport aux animaux, et [on] s'intéresse plutôt à cette différence elle-même qu'à leurs caractères communs." (p.304)

    "Il a pu arriver qu'une tribu reste isolée pendant des siècles dans une vallée et perde le souvenir de l'existence des autres hommes ; ainsi, en Nouvelle-Guinée, certaines tribus sont restés coupées de leurs voisines pendant plus de quatre mille ans, et chacune a développé une langue différente." (p.307)

    "Par l'apprentissage des langues, le sentiment de la barbarie de l'autre diminue, et la conscience de l'humanité de l'autre s'accroît." (p.309)

    "Avec les stoïciens, l'unité de l'humanité apparaît comme une idée positive. [...] Le fondateur de l'école, Zénon de Cittium, peut considérer que "les hommes ne doivent pas se séparer en cités et en peuples ayant chacun leurs lois particulières ; car tous les hommes sont des concitoyens, puisqu'il y a en eux une seule vie et un seul ordre de choses, comme pour un troupeau uni sous la règle d'une loi commune"." (pp.314-315)

    "
    (pp.319-320)

    " Montaigne ne refuse pas le concept de barbare, mais le déplace pour qualifier des comportements plutôt que des cultures." (pp.323-324)

    "
    (p.326)

    "Pour Thucydide, les barbares que connaissaient les Grecs de son temps vivent comme les Grecs d'autrefois. Telle n'avait pas été l'opinion d'Hérodote, qui niait que les barbares fussent destinés à devenir semblables aux Grecs, comme si les uns et les autres suivaient la même voie, mais à des stades différents de développement." (p.342)

    "L'homme possède en propre, par rapport aux espèces animales, certains caractères physiques indépendamment desquels ne peuvent se concevoir ses capacités et comportements spécifiques. On peut évoquer la station debout, la forme du bassin et la démarche bipède ; la position de la tête, le redressement de la courbure des bras par rapport aux bras des singes ; la structure de la main, dont le pouce s'oppose aux autres doigts et permet d'effectuer les mouvements raffinés requis pour la production d'outils et d'armes, en rendant possible une prise ferme et précise avec le bout des doigts, sans devoir serrer l'objet avec la paume ; la conformation et les mouvements du larynx, de la langue, du pharynx et des muscles respiratoires. En outre, le cerveau humain et son système nerveux ont des capacités spécifiques, en particulier pour la finesse et le degré de développement du mécanisme (cybernétique) de "contrôle en boucle" qui permet de corriger rapidement les mouvements du corps pour les ajuster au geste ou à la tâche à accomplir. Le cerveau humain semble aussi tout à fait spécifique pour rendre possible le langage articulé, et n'avoir en cela aucun équivalent dans le monde animal. Faire état de ces différences, est-ce caractériser l'activité humaine comme telle ? Non, sans doute ; et si l'on peut étudier les hommes comme des animaux, et décrire les "comportements" humains par leur face physique, cette étude ne donnera de l'homme que la connaissance la plus parcellaire, parce qu'elle se prive d'un accès direct au sens qui habite l'ensemble de nos actes. En réalité, par exemple, le parcours d'une personne dans une ville n'aura pas de sens si on n'admet pas, au moins à titre d'hypothèse de départ, la correspondance de sa conduite à certaines fins élémentaires, et si on ne lui prête pas une certaine capacité de distinguer, selon leur fonction, entre les lieux auxquels elle peut avoir affaire ; ce qui revient à intégrer dans sa conduite la dimension du sens ou de l'intentionnalité, et à tenir compte, au moins à titre putatif, de son "monde". Des déterminations échappant à la conscience des individus peuvent bien apparaître par l'analyse objective mais on ne saurait réduire toute l'activité humaine au jeu de telles déterminations ; et loin de simplifier l'analyse, cette donnée inconsciente la complique en montrant que des déterminations de sens conscientes peuvent être doublées par des déterminations qui échappent aux sujets étuiés.

    La manière dont un sens innerve les actes et les gestes humains [...] invite à opérer une distinction fondamentale entre "comportement" animal et "conduite" humaine [...] L'animal, en effet, n'agit pas en fonction d'un sens qui oriente son action, mais il a un comportement pulsionnel qui s'organise le plus souvent en séquences avec un début et une fin déterminés, et peu de possibilités d'interruption spontanée ou de modification. Les déviations par rapport au programme d'action sont en général accidentelles, et non volontaires. Par exemple, lorsqu'un animal fuit, sa fuite est totalement déterminée [...]
    Si un animal fuit, c'est parce qu'il y est contraint par un certain nombre de données sensibles qu'il perçoit comme autant de stimuli. L'animal ne peut échapper ni à son programme interne, ni à l'influence qu'exercent sur lui certains éléments de son environnement à des moments déterminés. [...]

    L'homme en revanche, dans un cas de danger, peut fuir ou résister: il n'a pas été programmé en tant que représentant de l'espèce pour l'une ou l'autre conduite. Dans la même situation (selon la définition immédiate et purement objective de cette situation), deux individus différents agiront différemment. L'important est précisément que la situation qui provoque la peur se trouve perçue comme telle, au lieu de se réduire à un simple signal de danger fonctionnant dans un cadre "stimulus/réponse". Il n'y a pas d'objet qui soit "en soi" menaçant -pas même une arme, un lion ou un incendie. L'objet menaçant apparaît comme tel dans une certaine manière dont se découvre et se comprend le monde.

    Aussi bien, la différence entre le comportement et la conduite peut-elle s'exprimer de la façon suivante: le premier est une contrainte propre à l'espèce, qui n'implique pas qu'on ait compris ce qu'on fait, tandis que la seconde implique une prise en charge de soi fondée sur cette compréhension. Pour avoir une conduite il faut se tenir en soi-même comme un soi, par opposition au simple fait de réagir à des éléments de son environnement en fonction d'un programme d'action spécifique. Mais ce soi n'est pas un soi clos sur lui-même, il est toujours un soi dans un "monde", les deux allant et se comprenant ensemble.

    Pour qu'il y ait conduite, il faut toujours se rapporter à un système de sens ; et comme un tel système constitue un "monde", cette "ouverture" au sens, même minimale, qui est ouverture au monde, est ce qui constitue l'homme comme tel (l'animal n'ayant qu'un milieu). Les différences de degré qu'on pourra trouver à cet égard entre l'homme cultivé, disposant de toutes ses facultés, etc., et le petit enfant, l'homme inculte ou le malade, son en tout état de cause secondaire par rapport au fait fondamental de cette ouverture. Il peut arriver, avec certaines maladies, qu'on se sente accéder au monde d'une manière "incomplète", comme si l'on était "en défaut" par rapport à ce monde auquel on se rapportait auparavant, ou auquel les proches continuent de se rapporter. Certaines pathologies peuvent ainsi rapprocher l'homme de la pauvreté en monde qui caractérisera l'animal. On ne saurait toutefois jamais dire qu'elles l'y réduisent. Même pour un homme qui vivrait à l'état végétatif, il n'est pas possible de décider si sa fermeture au monde est totale, ou si elle se maintient encore sous forme de rêves, de souvenirs, d'impressions qui conservent en lui, sur un mode évanescent, son être-au-monde, et donc aussi son humanité. Toute tentation d'assimiler l'homme à l'animal par ce biais devra donc être rejetée.

    Cette différence entre monde et milieu, ou entre conduite et comportement, doit assurément être nuancée. Certaines espèces animales dépassent en effet le stade des réactions instinctives stéréotypées en y ajoutant un certain apprentissage. L'acquis double l'inné, mais sans parvenir jamais au niveau de la compréhension du sens comme système de significations. En outre, la conscience comme telle, on le sait maintenant, n'est pas un phénomène exclusivement humain. Les mammifères et les oiseaux semblent pour la plupart doués d'une forme de conscience. La conscience est la faculté de se rapporter à des objets donnés matériellement ou de façon idéale, comme les images, et de les intégrer dans une certaine unité. Il est probable que les animaux ont une conscience d'images (par exemple le chien ou le chat qui rêvent) ; mais les significations pures reviennent aux hommes exclusivement." (pp.347-353)
    -Max Marcuzzi, "Le genre humain",  in Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie, tome I, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 551 pages, pp.300-363.

    "Nous parlons autant que nous le voulons de ce que nous allons faire dans une seconde, dans un an, dans un jour. [...]

    [On peut] s'étonner de ce pouvoir que seul le langage nous donne de nous rapporter à ce qui n'existe pas, alors qu'aucun des moyens par lesquels nous entrons en contact avec le réel ne nous permettrait de le faire. [...] Quand nous parlons du donné, les sens fournissent au discours son matériau: l'objet du discours est ici indépendant de ce qui est dit de lui." (p.368)

    "Que les animaux d'une même espèce puissent, à partir au moins d'un certain niveau de complexité, communiquer entre eux, personne ne le conteste. La difficulté est de savoir s'il y a lieu ou non de considérer cette forme de communication comme un langage dans le sens de ce mot qui convient à l'homme. Pour cerner la difficulté, il faut d'abord s'entendre sur le terme même de "communication".
    En un sens très large, inspiré par la théorie de l'information, il y a communication lorsqu'une information est transmise d'un émetteur quelconque à un récepteur quelconque par le moyen d'un canal. Cette définition est néanmoins trop générale pour être vraiment efficace dans l'analyse de notre problème ; avec elle, en effet, il faudrait dire que, lorsque la foudre jaillit entre un point de la Terre et un point du ciel, il s'établit entre eux une communication. Rien n'empêche certes de l'admettre, mais le problème actuel obéit à des déterminations bien plus complexes. Que la communication linguistique se greffe sur un processus physique n'est pas discutable, mais ce processus ne donne pas par lui-même l'intelligibilité du phénomène [...]
    On s'en rapprochera davantage en introduisant dans la définition d'où nous sommes partis des contraintes supplémentaires. La première d'entre elles concerne la source et la cible du processus. En règle générale, nous parlerons ici de communication que lorsque l'émetteur et le récepteur appartiennent à la même espèce ; mais cela n'exclut pas qu'il puisse y avoir communication entre vivants d'espèces différentes. [...]
    Nous admettrons d'autre part que la communication exige le recours à un code de signaux possédés en commun (qu'ils aient été ou non l'objet d'une procédure d'acquisition) par les sujets entre lesquels elle s'établit. Ce code peut se réduire à très peu de chose ou présenter une complexité considérable, mais il doit exister pour qu'il y ait communication. Le dernier cas est évidemment celui du langage humain. Le premier pourrait être illustré par la parade de l'épinoche : devant une femelle prête à être fécondée, le mâle exécute une sorte de danse destinée à mettre en évidence sa tache ventrale ; la femelle se laisse alors conduire jusqu'au nid où la fécondation pourra avoir lieu. Le code de la route, le code des signaux maritimes pourraient représenter des cas intermédiaires. Après l'appartenance à une même espèce et l'usage d'un même code, on aimerait pouvoir introduire une contrainte relative à l'objet de la communication, mais la chose paraît beaucoup plus délicate, sinon impossible. Il semble en particulier que la détermination d'une contrainte de ce type doive irrémédiablement échouer devant le langage humain. Pour les espèces animales autres que la nôtre, on peut en effet soutenir que la communication s'inscrit comme l'une des stratégies par lesquelles l'espèce poursuit ses finalités biologiques : il s'agit d'indiquer une source d'approvisionnement, ou de mettre en garde contre l'approche d'un danger (prédateur, incendie, etc.) ; elle peut aussi former une des stratégies par lesquelles un groupe donné maintient ou reconstitue sa cohésion d'ensemble (cas des espèces "sociales" telles que les fourmis ou les termites). Mais on ne voit pas comment on pourrait délimiter de façon analogue l'objet de la communication humaine : les finalités précédemment évoquées n'en sont certes pas absentes, mais elles ne règnent pas sans partage. En superposant la dimension de la culture à son insertion dans la nature, l'homme s'est doté d'un langage dont l'une des particularités est de n'avoir pas d'objet prédéfini, d'un langage qui lui permet, comme on dit, de parler de tout (en quelque sens qu'il faille prendre cette expression : non pas simplement parler de tout ce que je vois de ma fenêtre, non pas simplement parler de tout ce qui concerne ma survie quotidienne, mais même de ce à quoi je n'avais encore jamais pensé et, le cas échéant, parler de ce qui ne m'intéresse aucunement, en particulier, si l'on ose dire, parler du langage lui-même). Si le langage humain est un moyen de communication exceptionnel par rapport aux autres, c'est d'abord parce qu'il s'ordonne à des finalités qui ne sont pas données antérieurement à exercice, et qu'il contribue à constituer comme telles : tout ce qui relève de la culture du langage ; c'est en lui et par lui que s'est élaboré ce qu'il exprime quand il se rapporte à une formation culturelle." (pp.372-373)

    "Les opérations qu'exige le langage intéressent en général des zones assez étendues [du cerveau]." (p.389)

    "Ce qui semble se produire autour de -30 000 [ans, fin de la période de Néandertal], c'est une sorte d'explosion de la pensée symbolique sous toutes ses formes. Forme technique tout d'abord, car c'est à partir de cette période que le progrès technique devient véritablement fulgurant, alors qu'il a fallu des centaines de milliers d'années pour passer du simple galet éclaté au biface semblable à une amande taillée. Forme artistique ensuite, car c'est le début de la période au cours de laquelle se multiplient peintures et gravures pariétales. Forme religieuse enfin, dont témoignent au moins les traces de rites funéraires." (p.390)

    "Il s'est produit comme une invention par laquelle un langage déjà assurément opératoire a été transmué, sublimé en véhicule du symbolisme et ordonné à l'expression d'abstractions de nature conceptuelle. Et nous pouvons parler d'invention puisque nous avons admis qu'une première forme de pensée devait déjà être pratiquée par l'espèce et avait mis à sa disposition un ensemble déjà considérable de procédures et d'instruments. [...] En se le donnant, [l'homme s'est] placé sur une orbite qui l'a définitivement séparé de l'animalité." (p.392)

    "Le langage est à la fois contrainte et libération. Il est contrainte en ce qu'il impose au sujet parlant une série impressionnante de règles auxquelles on ne peut que se soumettre si on veut être entendu, de sorte que l'expression est toujours un travail sur le langage. Mais il est par là même libération en ce qu'il est l'élément dans lequel, mettant en forme l'expérience vécue, nous la soumettons à autrui et, avec son aide, parvenons à la contrôler, voire à la dépasser." (p.403)

    "La communication entre les hommes n'est pas de même nature que la communication entre les abeilles : elle ne se réduit pas à la transmission de signaux destinés à déclencher des comportements adaptatifs ; elle enveloppe la reconnaissance par chacun qu'il ne peut s'assurer de sa pensée qu'en la confrontant avec celle d'autrui et qu'il doit par conséquent accepter la contestation et la polémique pour accéder à ce qu'il pense. Si le langage nous imposait une mise en forme rigide de l'expérience, il ne serait pas compatible avec cette dimension d'ouverture indéterminée à l'autre qui maintient entre les hommes un lien dont la nature n'est pas simplement biologique." (p.406)

    "Le langage [dit-on] exprime la pensée, il en est le vêtement, le tableau ou la copie. Le noyau commun de ces images réside dans l'idée que la pensée peut s'élaborer indépendamment de toute symbolisation et que la fonction propre du langage est de fournir aux produits de l'activité intellectuelle un support matériel, ou plutôt sensible, qui en permet la communication mais n'intervient pas de plein droit dans leur mise au point. [...] La Grammaire général et raisonnée [de Port-Royal] (1660) s'ouvre sur cette définition: "Parler est expliquer ses pensées par des signes que les hommes ont inventés à ce dessein". Le langage, selon ce texte, ne contribue pas à la formation des pensées ; il se borne à les déployer dans l'élément de l'extériorité en vue de leur transmission à autrui. Encore ce dernier n'est-il directement affecté que par les sons de la voix ; ces sons excitent en lui les idées auxquelles la langue commune aux interlocuteurs les a associés, de sorte que, en parlant, on transmet moins ses pensées qu'on ne provoque autrui à les former à son tour et pour son compte. Une représentation aussi clairement instrumentale du langage suppose que tous les esprits soient dotés des mêmes idées. En ce qui concerne les idées innées, la chose ne fait en principe pas difficulté ; mais, avec les idées confuses et obscures, relatives aux choses sensibles ou à la morale, la communication risque toujours de se brouiller, et la logique doit alors se faire critique de l'expression. L'essentiel se joue au niveau des idées, et les auteurs de la Logique, A. Arnauld et P. Nicole, admettent que, n'était la présence d'autrui, nous n'aurions pas besoin du langage, et nous pourrions "considérer [les idées] en elles-mêmes, sans les revêtir d'aucunes paroles". [...]

    Un autre aspect important de la théorie classique, c'est qu'elle s'articule avec une esthétique très bien définie, dont on trouve la formule chez Boileau mais aussi chez beaucoup d'autres. Écoutons La Bruyère: "Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées il n'y en a qu'une qui soit la bonne. On ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant: il est vrai néanmoins qu'elle existe". Affirmation vertigineuse, qui fait de l'écrivain un chercheur tâtonnant pour trouver l'unique bonne expression, dissimulée au milieu de l'infinité des moins bonnes, et dont on se demande à quel critère il pourra, le cas échéant, la reconnaître. Il y là, bien entendu, une manière de penser le travail de l'écriture mais de le penser de façon ruineuse, puisque finalement l'écriture ne vaut pas par elle-même mais seulement par la qualité avec laquelle elle rend la pensée. On ouvre ainsi l'espace d'une esthétique qui repose sur la séparation de la forme et du fond [...]

    Wittgenstein et Borges (à qui on peut associer P. Valéry notamment pour ses Propos sur la poésie) contestent radicalement, chacun sur son terrain, l'idée du langage instrument de la pensée. Une contestation moins radicale, mais fort intéressante, s'est fait jour dès le XVIIIe siècle avec Condillac. Revenant sur les catégories d'idées obscures et confuses mentionnées plus haut, il s'aperçoit [dans l'Essai sur l'origine des connaissances humaines] que la communication et même l'accord des esprits sont possibles avec ou malgré des idées différentes. "Que, par exemple, ce que j'appelle bleue me paraisse constamment ce que d'autres appellent vert, et que ce que j'appelle vert me paraisse constamment ce que d'autres appellent bleu, nous nous entendrons aussi bien que nous dirons les prés sont verts, le ciel est bleu, que si, à l'occasion de ces objets, nous avions tous les mêmes sensations"." [...] Une des conclusions qu'on peut en tirer, c'est que l'identité des idées est une condition suffisante, mais n'est pas une condition nécessaire pour que nous attribuions la même valeur de vérité aux énoncés composés avec les signes qui leur correspondent. Avec les mêmes idées, exprimées dans le même ordre, deux personnes différentes disent: "la même chose", c'est évident ; mais Condillac remarque (en étendant une réflexion de Locke) que deux locuteurs différents peuvent tomber d'accord sur la valeur de vérité d'un énoncé sans que, pour chacun d'eux, il dise la même chose. Si nous pouvions accéder aux idées indépendamment du langage, c'est-à-dire en fait des énoncés, les deux locuteurs auraient le moyen de confronter les unes avec les autres idées elles-mêmes, et nous pourrions contourner l'objection de Condillac ; mais comme ce n'est pas le cas, elle atteint au cœur une théorie selon laquelle le langage est un simple instrument d'expression pour des idées qui ne dépendent pas de lui: on ne remonte pas du langage à une pensée qui serait au-delà de lui." (pp.407-411)

    "
    (pp.411-414)

    "
    (p.415)

    "On ne met pas fin
    (pp.416-417)

    "
    (pp.418-419)
    -Jean-Claude Pariente, "Le langage", in Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie, tome I, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 551 pages, pp.365-422.



    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Mar 15 Nov - 18:56, édité 35 fois


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

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    Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie Empty Re: Denis Kambouchner (dir), Notions de philosophie

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 26 Nov - 13:21

    "[Pour Aristote] L'art est précieux en ce qu'il oblige à décomposer les quatre causes de tout changement physique, que la nature, elle, ignore, en tant que moments séparés. Mais avec son inventivité propre, la poiésis peine pour imiter la génération naturelle, et doit s'ordonner à des formes qu'elle n'a pas créées."
    (p.254)

    "Singuliers "ingénieurs de la Renaissance", du XVe siècle et du début du XVIe, ces génies multiples, peintres, inventeurs, conseillers des princes (allemands et surtout italiens) dans l'art militaire (artillerie, fortifications...) et l'aménagement des espaces (assèchement des marais...), comme aussi organisations de fêtes: Kyeser, Taccola, Alberti, Francesco di Giorgio Martini et bien sûr, Léonard de Vinci." (p.263)
    -Yves Schwartz, "La technique", in Denis Kambouchner (dir.), Notions de philosophie, II, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 696 pages, pp.223-283.


    p.333.


    "Rousseau est, avec Locke, l'auteur le plus fréquemment cité par les constituants français." (p.660)

    "Entre la conception libérale des droits de l'homme que livre la Déclaration de 1789 et l'orientation sociale qui s'affirme à partir de 1793, il existe bien entendu une divergence politique. Elle a été fortement soulignée aussi bien par les premiers protagonistes du débat que par ceux qui l'ont poursuivie. Robespierre voit dans les partisans de l'intangibilité de la propriété des "âmes de boue, qui n'estim[ent] que l'or" sous couvert de proclamer la liberté ; il les compare à des "marchands de chair humaine". Inversement, les libéraux perçoivent dans la revendication d'égalité et de fraternité une vision animiste de la société: l'idée que les individus et les groupes défavorisés ont des créances sur elle revient à la considérer comme une personne, comme un sujet doué de volonté, alors qu'elle n'est qu'un ordre spontané et aléatoire. Mais la divergence est philosophique plus encore que politique, puisqu'elle concerne les statuts respectifs de l'individu et de la communauté politique. Considère-t-on l'individu comme étant pour l'essentiel ce qu'il est indépendamment de celle-ci, il convient alors de privilégier ce qui, parmi ses propriétés, manifeste cette indépendance [...] En revanche, si l'individu humain doit à la communauté d'être ce qu'il est, il faut considérer l'homme d'abord comme "être générique", ainsi que le dit Marx: il est alors un être essentiellement social, et cette détermination l'emporte sur ses propriétés et ses droits individuels. Dans cette perspective, les droits de liberté, qui demeurent pour beaucoup des possibilités vides, faute des conditions matérielles permettant de les exercer, "ne sont rien d'autre que les droits du membre de la société bourgeoise, séparé de l'homme et de la société". En revanche, le souci égalitaire est celui de l' "émancipation humaine", c'est-à-dire de l'advenir de l'humanité vraie en lieu et place de l' "homme dans son existence immédiate". Le débat entre les tenants de la priorité à la liberté et ceux pour qui l'égalité est première débouche ainsi en toute clarté -ce qui n'était pas encore le cas lors de la Révolution française- sur le problème du type de société susceptible de garantir effectivement les droits de l'homme total, droits qui pour Marx sont irréductibles aux libertés égoïstes du bourgeois. Étonnant renversement de la position initiale de la question: l' "appropriation réelle de l'essence humaine par l'homme et pour l'homme" suppose chez Marx l'abolition de la propriété privée, qui est au cœur de la conception libérale des droits de l'homme." (p.679-680)
    -Jean-François Kervégan, "Les droits de l'Homme", in Denis Kambouchner (dir.), Notions de philosophie, II, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 696 pages, pp.637-696.




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    Message par Johnathan R. Razorback Sam 27 Avr - 14:46

    "Le plus célèbre ouvrage philosophique jamais consacré à la justice n'est autre que la République, dont le sous-titre est précisément Peri dikaïou, "Du juste", et l'on sait que le traitement de cette question amène Platon aborder les problèmes les plus délicats de la philosophie, de l'éducation au statut de l'imitation, en passant par l'opposition fondatrice du sensible et de l'intelligible. Comme s'il était impossible de se saisir de la question de la justice sans opérer le détour ontologique le plus profond." (p.13-14)

    "Kant et après lui le jeune Fichte déplacent l'idée de nature humaine et pensent l'unité de l'humanité en termes de destination: les Droits de l'Homme ne sont pas des droits originaires. Il est cependant possible d'arguer que la rationalité et la liberté, la capacité d'arrachement aux déterminations naturelles, caractérisent bien une sorte paradoxale de nature, mais dont l'ouverture, la perfectibilité la distingue de toute essence immuable et implique la "discutabilité" des propositions éthiques et politiques. En tout état de cause, le recours à la Nature n'est guère satisfaisant, puisqu'il paraît possible de lui faire dire à peu près ce que l'on veut, comme le montre l'exemple du séduisant Calliclès. Le fondement du Droit ne peut qu'être lui-même de l'ordre de la convention, du discutable, même s'il s'agit d'une norme supérieure (universalisable), en ce sens qu'elle permet de critiquer les lois positives." (p.30)

    "On parlera d'abord de mérite pour désigner un ensemble de compétences actualisées, effectivement mises en œuvre ; c'est ainsi que l'on "récompense le mérite". Telle est, en principe, la finalité des examens: on est censé juger essentiellement des compétences réalisées, et non seulement des compétences possibles, même si les premières sont supposées être de bons indicateurs des secondes, y compris de leur propension à s'actualiser. De même, le sens négatif, pénal, du mérite ("Il n'a eu que ce qu'il méritait") renvoie à des vices actualisés, si l'on peut dire, et non seulement à des intentions de nuire (la menace étant considérée comme la première mise en mouvement d'un processus criminel).
    En un deuxième sens, un individu peut être considéré, non sans quelque paternalisme, comme "méritant", non au sens où il fait mieux que les autres, mais au sens où, étant parti de plus loin, il est arrivé à des résultats remarquables: le mérite ici mesure la distance entre le point de départ et la compétence acquise. On est d'autant plus méritant que la probabilité que l'on arrive à un niveau donné (sur une échelle de compétences) était relativement faible et que l'effort personnel que l'on a dû fournir était grand, ou encore que le "handicap" que l'on avait à rattraper était important, à supposer que ce parcours ne soit pas dû à la chance.
    Enfin, le mérite peut désigner avant tout des compétences d'ordre
    moral. Dans une première acceptation du terme, il s'identifie à la dignité morale: il est donc, pour les Modernes, partagé par tous les êtres humains. Dans une seconde acception, il est proportionnel à la vertu des actions de l'individu que l'on juge. En distinguant à nouveau compétences actualisées et effort en vue de les acquérir, on obtient la définition donnée par le Dictionnaire philosophique de Lalande: "Mérite: la vertu liée à un certain effort".
    Si l'on tient que le mérite se ramène aux compétences actualisées, on obtient l'idéal
    méritocratique. La compétition est un modèle possible: "Que le meilleur gagne !". C'est un principe hyperconcurrentiel, qui peut se traduire par le laisser-faire, le soumission sans restrictions aux contraintes brutales de la compétition entre les individus. Cela dit, le marché ne paraît pas exclusivement méritocratique, étant donné le rôle qu'y jouent le système de l'offre et de la demande et le hasard, comme on le verra plus loin. D'autre part, l'organisation de la propriété privée, si elle accorde une place à la transmission par héritage, n'est pas méritocratique: un partisan de l' "aristocratie des talents" ne peut qu'être hostile à ce type de transmission "imméritée", alors qu'un partisan de la liberté individuelle peut parfaitement s'en accommoder: le don est pour lui un mode légitime de transmission. En revanche, le méritocrate ne cesse de dénoncer tout ce qui peut ressembler à des privilèges indus, y compris ceux que garantissent des modes de transmission comme le legs."(p.44-46)

    "Nous supposerons également comme peu contestables l'idée selon une situation dans laquelle l'idée selon laquelle une situation dans laquelle tout le monde est plus satisfait que dans une autre est préférable à cette dernière (principe d'unanimité ou "de Pareto"). Si une situation A est plus inégalitaire que B, mais que tous les individus préfèrent pour ce qui les concerne A à B, alors A doit être "socialement" préférée à B." (p.51-52)

    "Comme la théorie kantienne, les approches libérales sont des approches déontologiques, qui mettent en avant le primat des règles et de leur respect (primat du Juste sur le Bien), alors que l'utilitarisme est une approche téléologique, qui définit d'abord la Fin, le Bien, et considère comme juste tout ce qui maximise le Bien (primat du Bien sur le Juste)." (p.62)

    "La diversité des idées du Bien est un capital commun, une richesse pour tous, en ce qu'elle favorise la diversification des expressions des qualités humaines." (p.72)
    -Alain Boyer, "Justice et égalité, in Denis Kambouchner (dir.), Notions de philosophie, III, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 736 pages, pp.9-83.

    "Les membres de la polis font l'expérience des liens qui les unissent, par-delà la multiplicité et la diversité des particularismes familiaux, en s'affrontant dans des luttes rhétoriques." (p.93)

    "L'essence du politique consiste [pour Carl Schmitt] dans la religion originelle, et permanente, d'une communauté à la possibilité de sa mort du fait d'une autre communauté." (p.101)

    "Qu'il y ait nécessairement formation d'une unité politique dès qu'une communauté opère la discrimination de l'ami et de l'ennemi revient à grever lourdement cette unité même, dont on ne connaît jamais un principe qui fût constitutif du dedans." (p.105)

    "
    (pp.111-115)

    "
    (pp.120-121)

    "Tout citoyen est une âme en quête de perfection dans l'exercice de la raison pratique." (p.122)

    "
    (pp.123-124)

    "
    (pp.129-134)

    "
    (pp.138-139)

    "
    (pp.140-141)

    "
    (p.146)
    -Martine Pécharman, "L'idée du politique", in Denis Kambouchner (dir.), Notions de philosophie, tome III, Gallimard, coll Folio essais, 1995, 736 pages, pp.87-150.




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