http://www.pauljorion.com/blog/2012/01/10/reflexions-sur-la-notion-dabusus-dans-le-droit-de-propriete-partie-1-par-cedric-mas/
"Le droit de propriété est défini juridiquement comme composé de trois droits fondamentaux : l’usus (le droit d’utiliser et de jouir d’une chose), le fructus (le droit de propriété sur les « fruits » de sa chose) et l’abusus (le droit d’en disposer, c’est-à-dire de la donner, de la vendre ou de la détruire comme bon lui semble).
On m’a toujours enseigné que l’origine de cette définition remontait à Rome, mais ce n’est pas le cas. En effet, aucun des textes juridiques de la Rome Antique ne comporte une telle définition, même si la notion d’abusus semble déjà présente dans le droit romain, dès la royauté.Il serait intéressant d’étudier en détail l’impact que le droit de propriété, et notamment de propriété foncière, va avoir sur l’histoire de Rome. La tension liée à cette question de propriété foncière va s’avérer décisive dans la fin de la République et dans l’Impérialisme romain.Mais ce n’est pas le propos.Il convient donc de relever que si la définition ternaire n’existe pas en droit romain, contrairement à ce que l’on affirme depuis toujours dans tous les ouvrages d’histoire du droit, l’abusus est déjà présente puisque les textes romains définissent le dominium comme étant composé du jus utendi (droit d’usage) et jus abutendi (droit d’en tirer les fruits et d’en disposer).
Dès cette époque, la notion d’abusus est donc distincte de celle du simple usage de la chose possédée. Mais dans cette notion, qui n’a rien à voir avec l’abus, il y a à la fois le fait de profiter des fruits de sa propriété, et le fait de pouvoir en disposer c’est à dire de pouvoir l’exploiter, la modifier ou la céder selon son libre choix.
Le dominium se distingue ainsi des autres droits d’exploitation et de possessions reconnus par les juristes romains, et se rapproche de notre notion de propriété privée. Il n’est pas inutile d’insister sur la nouveauté que représente cette notion d’abusus par rapport aux pratiques des autres peuples de l’Antiquité. Il s’agit d’une véritable rupture, en ce qu’elle reconnaît un droit de l’homme à disposer librement de ses possessions. Il est difficile de ne pas faire un lien entre cette évolution anthropologique qui instaure un droit nouveau et sans limite de l’homme sur les choses, et notamment les terres, et la domination de l’espace associée à l’Empire romain, domination remarquable du fait des moyens techniques de l’époque. Il semblerait en effet que les autres civilisations limitaient l’usage des choses par les hommes, même à titre privé, notamment par des interdits religieux. Tel n’est pas le cas des Romains, et c’est bien l’abusus qui marque cette spécificité, avec comme conséquence d’ouvrir la possibilité d’exploiter les espaces conquis sur les barbares et colonisés à des niveaux jamais connus jusqu’alors.
Nous n’aborderons pas ici les différents justifications données a posteriori par les auteurs, qu’ils soient économistes ou philosophes sur la légitimité de ce droit de propriété de l’homme sur la terre et les choses. La notion de propriété définie par les Romains n’a pas survécu aux invasions barbares, et il est intéressant de noter que le droit canon ne la reprend pas. Saint Thomas limite ainsi à deux composantes : jus disponendi et jus dispensandi (droits d’administrer et de dispenser).Les catholiques furent parmi les plus critiques à l’égard de la notion de propriété romaine, et notamment de l’abusus. Pour eux, la propriété est le droit « de jouir et de disposer de la façon la plus complète pourvu qu’on n’en fasse pas un usage qui soit en opposition avec les Lois de l’Etat, les vœux de la nature ou les desseins de Dieu ». Il limite donc grandement l’abusus.
Il est fréquent de présenter aujourd’hui la longue évolution qui à partir de la Renaissance va amener le renouveau de cette notion « absolue » de la propriété privée lors de la Révolution Française, comme l’aboutissement d’une lutte pour le pouvoir entre l’Aristocratie et la Bourgeoisie."
"Le droit de propriété est défini juridiquement comme composé de trois droits fondamentaux : l’usus (le droit d’utiliser et de jouir d’une chose), le fructus (le droit de propriété sur les « fruits » de sa chose) et l’abusus (le droit d’en disposer, c’est-à-dire de la donner, de la vendre ou de la détruire comme bon lui semble).
On m’a toujours enseigné que l’origine de cette définition remontait à Rome, mais ce n’est pas le cas. En effet, aucun des textes juridiques de la Rome Antique ne comporte une telle définition, même si la notion d’abusus semble déjà présente dans le droit romain, dès la royauté.Il serait intéressant d’étudier en détail l’impact que le droit de propriété, et notamment de propriété foncière, va avoir sur l’histoire de Rome. La tension liée à cette question de propriété foncière va s’avérer décisive dans la fin de la République et dans l’Impérialisme romain.Mais ce n’est pas le propos.Il convient donc de relever que si la définition ternaire n’existe pas en droit romain, contrairement à ce que l’on affirme depuis toujours dans tous les ouvrages d’histoire du droit, l’abusus est déjà présente puisque les textes romains définissent le dominium comme étant composé du jus utendi (droit d’usage) et jus abutendi (droit d’en tirer les fruits et d’en disposer).
Dès cette époque, la notion d’abusus est donc distincte de celle du simple usage de la chose possédée. Mais dans cette notion, qui n’a rien à voir avec l’abus, il y a à la fois le fait de profiter des fruits de sa propriété, et le fait de pouvoir en disposer c’est à dire de pouvoir l’exploiter, la modifier ou la céder selon son libre choix.
Le dominium se distingue ainsi des autres droits d’exploitation et de possessions reconnus par les juristes romains, et se rapproche de notre notion de propriété privée. Il n’est pas inutile d’insister sur la nouveauté que représente cette notion d’abusus par rapport aux pratiques des autres peuples de l’Antiquité. Il s’agit d’une véritable rupture, en ce qu’elle reconnaît un droit de l’homme à disposer librement de ses possessions. Il est difficile de ne pas faire un lien entre cette évolution anthropologique qui instaure un droit nouveau et sans limite de l’homme sur les choses, et notamment les terres, et la domination de l’espace associée à l’Empire romain, domination remarquable du fait des moyens techniques de l’époque. Il semblerait en effet que les autres civilisations limitaient l’usage des choses par les hommes, même à titre privé, notamment par des interdits religieux. Tel n’est pas le cas des Romains, et c’est bien l’abusus qui marque cette spécificité, avec comme conséquence d’ouvrir la possibilité d’exploiter les espaces conquis sur les barbares et colonisés à des niveaux jamais connus jusqu’alors.
Nous n’aborderons pas ici les différents justifications données a posteriori par les auteurs, qu’ils soient économistes ou philosophes sur la légitimité de ce droit de propriété de l’homme sur la terre et les choses. La notion de propriété définie par les Romains n’a pas survécu aux invasions barbares, et il est intéressant de noter que le droit canon ne la reprend pas. Saint Thomas limite ainsi à deux composantes : jus disponendi et jus dispensandi (droits d’administrer et de dispenser).Les catholiques furent parmi les plus critiques à l’égard de la notion de propriété romaine, et notamment de l’abusus. Pour eux, la propriété est le droit « de jouir et de disposer de la façon la plus complète pourvu qu’on n’en fasse pas un usage qui soit en opposition avec les Lois de l’Etat, les vœux de la nature ou les desseins de Dieu ». Il limite donc grandement l’abusus.
Il est fréquent de présenter aujourd’hui la longue évolution qui à partir de la Renaissance va amener le renouveau de cette notion « absolue » de la propriété privée lors de la Révolution Française, comme l’aboutissement d’une lutte pour le pouvoir entre l’Aristocratie et la Bourgeoisie."