http://fr.wikisource.org/wiki/Nietzsche_et_l%E2%80%99immoralisme
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Fouill%C3%A9e
"Comment donc édifier une doctrine de la vie, et une doctrine prétendue nouvelle, sur une entité aussi vide que celle de la puissance ? Cette conception soi-disant moderne est aussi scolastique que la foi à la puissance dormitive de l’opium. La transmutation de toutes les valeurs en valeurs de puissance est une transmutation de toutes les réalités en vapeurs de possibilités ; ce n’est pas de la chimie scientifique, c’est de l’alchimie métaphysique. À un mot déjà vague, le vouloir-vivre, mais exprimant du moins une réalité qui se sent, on substitue un terme, le vouloir-pouvoir, qui n’exprime plus que la pure virtualité." (p.34-35)
"Nietzsche oublie que la puissance qui rencontre un obstacle et est obligée de lutter est par cela même diminuée, tandis que la puissance qui s’épand sans obstacle et sans lutte a un gentiment plus grand de plénitude. La paix dans la plénitude n’a-t-elle pas, elle aussi, sa joie, qui vaut bien la joie du conflit et de la mêlée ?" (p.36-37)
"Ce continuateur de Rousseau égaré à notre époque nous annonce, comme une nouveauté, que c’est la civilisation qui, en faisant de l’homme une bête de troupeau et surtout une bête morale, a produit la décadence de l’espèce humaine." (p.89)
"Si la justice manque chez les plantes et chez les animaux inférieurs, est-ce donc une raison pour la considérer chez les hommes comme arbitraire et purement légale ? Le « moderne » Nietzsche nous apprend, avec le vieil Hippias, que c’est par l’histoire qu’on peut déterminer ce qui est de droit ; il nous apprend, avec Thrasymaque, qu’il n’y a d’autre droit naturel que la force. Il n’entrevoit même pas ce qu’entrevoyait déjà Calliclès : que les lois positives n’ont pu s’établir qu’en ayant la force pour elles, d’où il suit que ce sont précisément les lois positives qui sont les vraies lois naturelles, que la vraie force supérieure est donc la force sociale, non la force individuelle, qu’enfin cette force sociale est une force d’union et de coopération encore plus que de conflit et de lutte." (p.96)
"Nietzsche parle toujours comme si le seul point d’application possible de la puissance était les autres hommes, tandis qu’il est aussi les choses et avant tout nous-mêmes. Nous avons de quoi exercer notre puissance à l’intérieur de nous ; nous avons à lutter contre des penchants qui, quoi que Nietzsche prétende (sauf à dire ensuite le contraire), ont besoin d’être tantôt refrénés, tantôt dirigés et ordonnés. Se vaincre soi-même, il y a longtemps qu’on y a vu la plus belle et la plus difficile des victoires." (p.105-106)
"Au milieu d’un tel conflit d’idées et en l’absence de tout critérium, comment Nietzsche, ce grand partisan de la hiérarchie, établira-t-il les degrés de son échelle sociale, maîtres et esclaves ? Point de véritable idéal régulateur, puisque « rien n’est vrai, tout est permis ». Est-ce donc par le fait seul que s’établira la hiérarchie, par la force effective ? Mais les aristocraties, aujourd’hui, sont moins fortes que le peuple, et Nietzsche en gémit ; elles sont donc inférieures au peuple ? — Non, car les élites sont plus savantes et meilleures. — II y a donc, de nouveau, une science et une vérité scientifique, il y a une bonté quelconque, qui se reconnaît à certains signes ! Dès lors, tout n’est plus permis. Après avoir voulu nous envoler au delà du bien et du mal, nous revenons en deçà. Les ailes de Zarathoustra sont les ailes d’Icare." (p.145)
"Nietzsche offre l’exemple d’une complète possession de l’homme par son idée ; il est tellement convaincu que l’existence est d’essence agressive, c’est tellement là, chez lui, une idée-fixe, qu’il appelle lui-même idée-fixe la conception opposée de Guyau, selon laquelle l’existence est d’essence communicative et expansive." (p.158)
"Nul, plus que ce chantre de la force et de la guerre, n’a ramassé en un seul monceau tous les préjugés grégaires de l’Allemagne restée féodale en plein XIXe siècle, toutes les idées dominantes venues de la race, du milieu et du moment, amalgamées avec les idées analogues de l’antiquité, du moyen âge et de la Renaissance.
Mais ce dernier des romantiques fait tout accepter par la magie de son lyrisme." (p.249)
"Tout peut servir au philosophe s’il sait en extraire la vérité." (p.252)
"Nietzsche est un grand esprit ; malheureusement, c’est un esprit faux, ce qui ne l’a pas empêché de dire une foule de vérités ou de demi-vérités." (p.254)
"Tous les révoltés contre la société, les Stirner et les Nietzsche, ne voient pas qu’ils sont eux-mêmes dominés par le « dogmatisme » individualiste, qu’ils font de l’Individu un absolu non moins intolérant et plus intolérable que celui de la Société ou celui de l’État érigé par Hegel." (p.261-262)
"Il peut y avoir plus de puissance dans un sourire ou dans une larme que dans toutes les épées des guerriers et tous les massacres des conquérants." (p.285)
-Alfred Fouillée, Nietzsche et l’immoralisme, Félix Alcan, 1902, 292 pages.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5482110h
https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Fouill%C3%A9e
"Comment donc édifier une doctrine de la vie, et une doctrine prétendue nouvelle, sur une entité aussi vide que celle de la puissance ? Cette conception soi-disant moderne est aussi scolastique que la foi à la puissance dormitive de l’opium. La transmutation de toutes les valeurs en valeurs de puissance est une transmutation de toutes les réalités en vapeurs de possibilités ; ce n’est pas de la chimie scientifique, c’est de l’alchimie métaphysique. À un mot déjà vague, le vouloir-vivre, mais exprimant du moins une réalité qui se sent, on substitue un terme, le vouloir-pouvoir, qui n’exprime plus que la pure virtualité." (p.34-35)
"Nietzsche oublie que la puissance qui rencontre un obstacle et est obligée de lutter est par cela même diminuée, tandis que la puissance qui s’épand sans obstacle et sans lutte a un gentiment plus grand de plénitude. La paix dans la plénitude n’a-t-elle pas, elle aussi, sa joie, qui vaut bien la joie du conflit et de la mêlée ?" (p.36-37)
"Ce continuateur de Rousseau égaré à notre époque nous annonce, comme une nouveauté, que c’est la civilisation qui, en faisant de l’homme une bête de troupeau et surtout une bête morale, a produit la décadence de l’espèce humaine." (p.89)
"Si la justice manque chez les plantes et chez les animaux inférieurs, est-ce donc une raison pour la considérer chez les hommes comme arbitraire et purement légale ? Le « moderne » Nietzsche nous apprend, avec le vieil Hippias, que c’est par l’histoire qu’on peut déterminer ce qui est de droit ; il nous apprend, avec Thrasymaque, qu’il n’y a d’autre droit naturel que la force. Il n’entrevoit même pas ce qu’entrevoyait déjà Calliclès : que les lois positives n’ont pu s’établir qu’en ayant la force pour elles, d’où il suit que ce sont précisément les lois positives qui sont les vraies lois naturelles, que la vraie force supérieure est donc la force sociale, non la force individuelle, qu’enfin cette force sociale est une force d’union et de coopération encore plus que de conflit et de lutte." (p.96)
"Nietzsche parle toujours comme si le seul point d’application possible de la puissance était les autres hommes, tandis qu’il est aussi les choses et avant tout nous-mêmes. Nous avons de quoi exercer notre puissance à l’intérieur de nous ; nous avons à lutter contre des penchants qui, quoi que Nietzsche prétende (sauf à dire ensuite le contraire), ont besoin d’être tantôt refrénés, tantôt dirigés et ordonnés. Se vaincre soi-même, il y a longtemps qu’on y a vu la plus belle et la plus difficile des victoires." (p.105-106)
"Au milieu d’un tel conflit d’idées et en l’absence de tout critérium, comment Nietzsche, ce grand partisan de la hiérarchie, établira-t-il les degrés de son échelle sociale, maîtres et esclaves ? Point de véritable idéal régulateur, puisque « rien n’est vrai, tout est permis ». Est-ce donc par le fait seul que s’établira la hiérarchie, par la force effective ? Mais les aristocraties, aujourd’hui, sont moins fortes que le peuple, et Nietzsche en gémit ; elles sont donc inférieures au peuple ? — Non, car les élites sont plus savantes et meilleures. — II y a donc, de nouveau, une science et une vérité scientifique, il y a une bonté quelconque, qui se reconnaît à certains signes ! Dès lors, tout n’est plus permis. Après avoir voulu nous envoler au delà du bien et du mal, nous revenons en deçà. Les ailes de Zarathoustra sont les ailes d’Icare." (p.145)
"Nietzsche offre l’exemple d’une complète possession de l’homme par son idée ; il est tellement convaincu que l’existence est d’essence agressive, c’est tellement là, chez lui, une idée-fixe, qu’il appelle lui-même idée-fixe la conception opposée de Guyau, selon laquelle l’existence est d’essence communicative et expansive." (p.158)
"Nul, plus que ce chantre de la force et de la guerre, n’a ramassé en un seul monceau tous les préjugés grégaires de l’Allemagne restée féodale en plein XIXe siècle, toutes les idées dominantes venues de la race, du milieu et du moment, amalgamées avec les idées analogues de l’antiquité, du moyen âge et de la Renaissance.
Mais ce dernier des romantiques fait tout accepter par la magie de son lyrisme." (p.249)
"Tout peut servir au philosophe s’il sait en extraire la vérité." (p.252)
"Nietzsche est un grand esprit ; malheureusement, c’est un esprit faux, ce qui ne l’a pas empêché de dire une foule de vérités ou de demi-vérités." (p.254)
"Tous les révoltés contre la société, les Stirner et les Nietzsche, ne voient pas qu’ils sont eux-mêmes dominés par le « dogmatisme » individualiste, qu’ils font de l’Individu un absolu non moins intolérant et plus intolérable que celui de la Société ou celui de l’État érigé par Hegel." (p.261-262)
"Il peut y avoir plus de puissance dans un sourire ou dans une larme que dans toutes les épées des guerriers et tous les massacres des conquérants." (p.285)
-Alfred Fouillée, Nietzsche et l’immoralisme, Félix Alcan, 1902, 292 pages.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5482110h