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    M. Ferrari, Des idées et de l’école de Fourier depuis 1830

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    M. Ferrari, Des idées et de l’école de Fourier depuis 1830 Empty M. Ferrari, Des idées et de l’école de Fourier depuis 1830

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 28 Oct - 13:38

    "Bacon trace le programme du XVIIIe siècle. Dès-lors on voit qu’un monde nouveau doit surgir ; le moyen-âge est condamné à mourir."

    "L’enthousiaste le plus ardent et le plus excentrique de nos jours, Fourier, est aussi l’homme qui, tout en croyant marcher vers un avenir indéfini, a reculé le plus loin dans le passé. Il annonçait un nouveau monde industriel ; on l’a cru sur parole, on l’a proclamé, comme Saint-Simon, le génie qui venait achever d’un seul coup l’œuvre de la révolution française. Il a séduit, il devait séduire, car le grand œuvre de la philosophie n’est point terminé. La révolution a posé des prémisses, les préfaces de nos codes ont proclamé des principes, qui ouvrent d’infinis horizons à la libre activité de l’esprit humain. La critique est donc inévitable, la discussion légale, le mouvement nécessaire ; ni la science des intérêts ni celle du droit n’ont prononcé leur dernier mot. On veut malheureusement devancer, brusquer l’œuvre de la raison. De là cette exaspération de la minorité qui prend le nom de parti social, ce désespoir, cette impatience, qui se formulent dans les erreurs du communisme. Au milieu de ce mouvement, que sont devenus les deux chefs des socialistes ? L’effervescence révolutionnaire leur avait donné des adeptes ; ils avaient fondé deux sectes, et aujourd’hui le saint-simonisme a disparu, le fouriérisme seul survit."

    "La civilisation se fonde sur la famille et la propriété. La famille renferme l’homme dans une vie bornée, monotone, souvent odieuse ; elle sacrifie les enfants, la femme : divisée dans le ménage, elle ne s’unit que pour lutter contre l’ordre public. La propriété est exposée à l’émeute, aux confiscations, aux procès, au vol, aux dilapidations : elle ne sert dans la civilisation qu’à développer cette féodalité que la famille contient en germe. Aussi la famille jointe à la propriété organise les castes, la guerre du manant et du seigneur. La tyrannie pousse à la révolte, le peuple s’insurge ; mais il n’échappe à la féodalité politique que pour tomber sous le joug de la féodalité industrielle. Il est libre, il est souverain, à la condition de vivre dans les bagnes mitigés de la grande industrie. L’ordre n’est maintenu que par l’action de la loi, par la prison, l’échafaud, les baïonnettes : ce sont des esclaves armés qui contiennent des esclaves désarmés, tandis qu’à l’extérieur le sort des nations est livré à tous les accidents de la guerre. Bref, la civilisation se réduit à la guerre de tous contre tous, à une guerre savante, déguisée, souvent hypocrite, toujours terrible. Ainsi, d’après Fourier, la libre concurrence est l’anarchie de la propriété industrielle, parfaitement libre de se ruiner, et d’opprimer le travail et le talent. Le commerce se trouve monopolisé par les marchands, naturellement hostiles aux intérêts des producteurs et des consommateurs."

    "Les peuples civilisés ne s’accordent que pour déboiser les montagnes, ruiner les climats, propager les pestes, développer les causes de la guerre universelle. Plus la civilisation avance, plus elle nous éloigne du bonheur : elle est si repoussante, dit Fourier, que, malgré ses avantages, elle répugne aux barbares et aux sauvages. Elle ne fait que réprimer, comprimer, supprimer nos instincts, elle se réduit à une triple lutte contre la nature, contre l’homme et contre Dieu."

    "Autant Fourier a outré la critique de la société, autant il exagère l’apologie de la nature ; dans la civilisation, il ne voit que le mal, comme si elle était l’œuvre du bourreau ; dans la nature, il ne voit que le bien, comme si elle était le paradis, il insiste sur une vérité vulgaire, il montre que l’instinct est infaillible, qu’il est sanctifié sans cesse par le plaisir ; il montre que l’industrie animale est attrayante, et il en conclut que les instincts, les attractions, sont proportionnelles aux destinées, et que le bonheur est la vocation de tous les êtres. Le fait isolé était vrai, la généralisation est démentie par tous les faits. La nature est ensanglantée sur tous les points ; il est des races qui disparaissent, la vie se nourrit de la mort ; tout être vivant sort armé des mains de la nature pour exercer la destruction ; c’est le sacrificateur prédestiné d’une myriade d’êtres vivants, il ne connaît pas lui-même ses propres victimes. Par une contradiction fatale, en même temps que l’instinct est proportionnel à la destinée, tous les instincts sont en désaccord avec toutes les destinées. La guerre est donc naturelle ; l’opposition, l’antithèse entre la nature et la civilisation est donc factice."

    "Il s’agit de prouver d’une manière directe et positive que, dans la nouvelle commune, les paysans, les hommes du peuple, pourront se livrer à l’attrait des travaux élégants, que les marquises se passionneront pour le blanchissage, que les comtesses feront la cuisine, que les rois exerceront réellement le métier de serrurier et de cordonnier. Il s’agit d’utiliser tous les goûts, les plus immondes comme les plus purs, d’absorber l’humanité dans l’industrie attrayante en lui faisant oublier toutes les idées actuelles de décence, de distinction ; il s’agit de trouver une myriade de coïncidences miraculeuses entre les instincts et l’industrie, de manière à satisfaire toutes les vanités, toutes les ambitions, et si un seul homme se trouve en dehors des lois de l’attrait, si un seul meurtre est commis, il y a des geôliers, des supplices, il y a la guerre : le phalanstère est manqué.

    Quelle est donc, nous le répétons, la preuve directe et définitive du phalanstère ? Cette preuve, nous l’avons cherchée en vain dans le principe de l’association, dans la critique de la société, dans l’apologie de la nature, dans l’apologie des passions, dans la Providence divine
    ."

    "Tandis que les saint-simoniens exagéraient la révolution, Fourier la niait et la poursuivait de cyniques insultes. Les saint-simoniens, quelles que soient leurs erreurs, ont été héroïques d’audace, ils ont inspiré plus de dévouement, plus d’enthousiasme en deux ans que Fourier en quarante. Tous ont abordé de front le problème de la nouvelle religion ; ils ont entraîné dans leurs rangs quelques-uns des hommes les plus distingués de notre génération, et, en rendant le dernier soupir, ils ont légué au fouriérisme son principe de vitalité, le socialisme."

    "Il est pénible de voir tant d’efforts prodigués dans une œuvre impossible et le dévouement mis au service de cette duperie gigantesque du phalanstère ; puisque les fouriéristes semblent toucher à l’heure du réveil, ils doivent se résoudre à entendre avec calme de franches félicitations sur leur conversion prochaine, qui sera hâtée par l’anarchie même de l’école. Que les phalanstériens attaquent les abus, les vices de la société, l’égoïsme des conservateurs, rien de plus utile. Que les disciples du magicien s’occupent du sort des ouvriers, de l’organisation du travail, des réformes administratives, rien de plus juste : de là au phalanstère, il y a la distance de la terre au ciel, du possible à l’impossible."
    -M. Ferrari, Des idées et de l’école de Fourier depuis 1830, Revue des Deux Mondes, T.11, 1845.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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