« Nous définirons l’aménagement du territoire comme la manière dont le pouvoir organise son territoire dans une société donnée. » (p.3)
« Tout au long des vingt derniers siècles de notre histoire, le pouvoir va construire son territoire sans qu’il ait un autre projet que celui de sa survie. Au XIXe siècle la société « moderne » par ses idées issues directement du siècle des Lumières, par sa technique qui engendre la révolution industrielle, va amorcer la prise de conscience qui aboutit au milieu du XXe siècle, après le plus destructeur des conflits qu’ait connus l’humanité, au début de l’histoire de l’aménagement avec la mise en œuvre de la politique nationale d’aménagement du territoire. » (p.7)
« Le service militaire a servi de « melting-pot » aux provinces françaises. Il a permis aux jeunes Français de mieux se connaître et de mieux se comprendre dans un pays encore largement rural où les déplacements sur les longues distances sont relativement rares. » (p.10-11)
« En 1949 est crée au sein du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme une direction de l’aménagement du territoire, en charge de la nouvelle politique, suivie, en 1950 de la mise en place du Fonds national d’aménagement du territoire plus modeste cependant que le futur Fonds de développement économique et social bras financier de la planification. Néanmoins le IIer Plan (1954-1957) par le biais des programmes d’actions régionales va prendre une petite dimension territoriale. Dès 1955 apparaissent les premières mesures significatives, visant à délocaliser hors de Paris et sa région les activités industrielles ou de services, en soumettant à agrément l’implantation des nouvelles, et en incitant à la décentralisation celles déjà présentes. A partir de 1958 la volonté de bâtir un Etat fort non seulement sur des bases institutionnelles (la Constitution de la Ve République) mais en agissant sur la réalité économique et sociale va conduire à l’ardente obligation du plan et de l’aménagement de territoire qui devient réellement une affaire d’Etat avec la création en 1960 du Comité interministériel pour les problèmes d’action régionale et d’aménagement du territoire et surtout celle en 1963 de la Délégation à l’aménagement du territoire [DATAR]. » (p.33-34)
« Jusqu’en 1973 le nombre de chômeurs est toujours inférieur à 3% de la population active et oscille entre 350 000 et 600 000. A partir de 1974, il va régulièrement progresser jusqu’en 1988 passant de 750 000 (3.4% de la population active) à 1 million (4.5% de la population active) en 1980, puis 2 millions (8.5% de la population active) en 1983 ; les 2.5 millions de chômeurs sont atteints en 1986 (10.3% de la population active) en 1990, mais reprend sa progression à partir de 1991 : 2.3 millions (9.3%), 2.7 millions en 1992 et les 3 millions de sans-emploi sont dépassés en 1993 (12.3% de la population active). Le chômage se stabilise à ce niveau élevé jusqu’en 1997 pour de nouveau régresser à partir de 1999 : 2.8 millions, 2.5 millions en 2000, 2.35 millions en 2002 (9.2% de la population active) mais remonte à 10% de la population active en 2004. » (p.35)
« Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale le mouvement régionaliste est frappé de discrédit à la suite de la compromission de certains de ses leaders tant avec l’occupant, qu’avec les tenants de la Révolution nationale. Il faut attendre les années 1970 pour qu’à la suite des événements de mai 1968, ceux qui réclament de vivre et travailler au pays, introduisent le territoire dans le débat politique. » (p.39)
« Loi de 1960 sur les parcs nationaux […] loi Montagne de 1985 […] loi Littoral de 1986 sans oublier la législation abondante sur l’urbanisme dont la loi d’orientation foncière de 1967 (LOF) […] tandis que pour les campagnes les lois d’orientations agricoles de 1960 et 1962 sont à la base d’un véritable aménagement rural. » (p.40)
« [La DATAR] est rattachée directement au Premier ministre, dirigée par un délégué nommé par décret en Conseil des ministres comme le sont les plus hauts fonctionnaires et responsables de l’Etat. La forte personnalité et le poids politique du premier responsable, Olivier Guichard, lui permettent d’emblée de s’imposer dans le paysage administratif français. Administration de mission, la DATAR tranche avec les administrations traditionnelles de gestion. Structure légère, elle n’a jamais rassemblé plus de 200 personnes venues de différents horizons et ses chargés de mission ont des formations très diverses ce qui fait d’elle un melting-pot intellectuel où règne, ce qui est indispensable en aménagement, la pluridisciplinarité des savoirs. […] La DATAR est associée à de multiples organismes ou institutions, présente dans de nombreux réseaux (Conservatoire du littoral, comités de bassin, conseils d’administration des grandes sociétés comme la SNCF, etc.). Philippe Lamour, président de la Commission nationale d’aménagement du territoire entre 1963 et 1974, est un témoin privilégié de l’activité et des méthodes de la DATAR. » (p.45)
« Le Comité de décentralisation crée en 1955 […] intervient dans la procédure d’agrément pour les entreprises s’installant ou se délocalisant hors de l’Ile-de-France, et pour l’étude des transferts des activités de l’Etat hors de la région capitale. » (p.46)
« Une première réforme de 1955 va aboutir à la définition des circonscriptions d’action régionale de l’Etat servant de support aux 21 programmes d’action régionale qui permettent d’insérer le plan national deviennent région, en acquérant en 1972 la personnalité juridique, sous la forme d’établissement public régional, puis en 1982 celle de collectivité territoriale à part entière comme le département et la commune. C’est le niveau régional qui d’emblée devient le support de la politique d’aménagement du territoire au niveau local. » (p.47)
« Partout les instruments de l’urbanisme –certificat d’urbanisme ; permis de construire, de démolir, de lotir ; zone à urbaniser en priorité (ZUP), d’aménagement concerté (ZAC) ou différé (ZAD) ; secteur sauvegardé ; zone de protection du patrimoine architectural et urbain (et paysager ensuite) ZPPPAU (P), etc. –sont les mêmes, seule leur mise en œuvre par les autorités locales peut différer. » (p.58-59)
« La loi du 10 juillet 1964, en réformant profondément la structure administrative de la Région parisienne, suivie en 1965 de l’élaboration du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris (SDAURP) qui prévoit la création de plusieurs villes nouvelles, illustre la volonté du pouvoir de mieux organiser et administrer ce « mammouth » qu’est devenue la région capitale. » (p.60)
« L’Etat, via la DATAR, va encourager les décentralisations industrielles, ainsi les implantations d’entreprises sur Bordeaux, Toulouse ou Nantes ont une subvention doublée par rapport à celle de droit commun, tandis que les crédits publics vont être mobilisés pour accroître le parc de logement, développer les équipements universitaires et culturels, améliorer ou augmenter la desserte routière, autoroutière et aérienne de ces métropoles. La création de quartiers d’affaires est l’occassion de grandes opérations d’urbanisme, la Part-Dieu à Lyon, Mériadec à Bordeaux, Saint-Sauveur à Lille et la politique des villes nouvelles s’adosse à celle des métropoles d’équilibre à Lille (Villeneuve d’Asq), à Lyon (L’Isle-d’Abeau) et à Marseille (Rives de l’Etang-de-Berre). L’Etat délocalise certains de ses services ainsi celui des étrangers à Nantes, l’École nationale de la magistrature à Bordeaux, celle des impôts à Clermond-Ferrand, etc. Au total plus de 23 000 emplois publics seront délocalisés en dehors de la Région parisienne entre 1960 et 1990. » (p.64)
-Jean Girardon, Politiques d’aménagement du territoire, Éditions Ellipses, coll. « Mise au point », 2010, 238 pages.
« Tout au long des vingt derniers siècles de notre histoire, le pouvoir va construire son territoire sans qu’il ait un autre projet que celui de sa survie. Au XIXe siècle la société « moderne » par ses idées issues directement du siècle des Lumières, par sa technique qui engendre la révolution industrielle, va amorcer la prise de conscience qui aboutit au milieu du XXe siècle, après le plus destructeur des conflits qu’ait connus l’humanité, au début de l’histoire de l’aménagement avec la mise en œuvre de la politique nationale d’aménagement du territoire. » (p.7)
« Le service militaire a servi de « melting-pot » aux provinces françaises. Il a permis aux jeunes Français de mieux se connaître et de mieux se comprendre dans un pays encore largement rural où les déplacements sur les longues distances sont relativement rares. » (p.10-11)
« En 1949 est crée au sein du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme une direction de l’aménagement du territoire, en charge de la nouvelle politique, suivie, en 1950 de la mise en place du Fonds national d’aménagement du territoire plus modeste cependant que le futur Fonds de développement économique et social bras financier de la planification. Néanmoins le IIer Plan (1954-1957) par le biais des programmes d’actions régionales va prendre une petite dimension territoriale. Dès 1955 apparaissent les premières mesures significatives, visant à délocaliser hors de Paris et sa région les activités industrielles ou de services, en soumettant à agrément l’implantation des nouvelles, et en incitant à la décentralisation celles déjà présentes. A partir de 1958 la volonté de bâtir un Etat fort non seulement sur des bases institutionnelles (la Constitution de la Ve République) mais en agissant sur la réalité économique et sociale va conduire à l’ardente obligation du plan et de l’aménagement de territoire qui devient réellement une affaire d’Etat avec la création en 1960 du Comité interministériel pour les problèmes d’action régionale et d’aménagement du territoire et surtout celle en 1963 de la Délégation à l’aménagement du territoire [DATAR]. » (p.33-34)
« Jusqu’en 1973 le nombre de chômeurs est toujours inférieur à 3% de la population active et oscille entre 350 000 et 600 000. A partir de 1974, il va régulièrement progresser jusqu’en 1988 passant de 750 000 (3.4% de la population active) à 1 million (4.5% de la population active) en 1980, puis 2 millions (8.5% de la population active) en 1983 ; les 2.5 millions de chômeurs sont atteints en 1986 (10.3% de la population active) en 1990, mais reprend sa progression à partir de 1991 : 2.3 millions (9.3%), 2.7 millions en 1992 et les 3 millions de sans-emploi sont dépassés en 1993 (12.3% de la population active). Le chômage se stabilise à ce niveau élevé jusqu’en 1997 pour de nouveau régresser à partir de 1999 : 2.8 millions, 2.5 millions en 2000, 2.35 millions en 2002 (9.2% de la population active) mais remonte à 10% de la population active en 2004. » (p.35)
« Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale le mouvement régionaliste est frappé de discrédit à la suite de la compromission de certains de ses leaders tant avec l’occupant, qu’avec les tenants de la Révolution nationale. Il faut attendre les années 1970 pour qu’à la suite des événements de mai 1968, ceux qui réclament de vivre et travailler au pays, introduisent le territoire dans le débat politique. » (p.39)
« Loi de 1960 sur les parcs nationaux […] loi Montagne de 1985 […] loi Littoral de 1986 sans oublier la législation abondante sur l’urbanisme dont la loi d’orientation foncière de 1967 (LOF) […] tandis que pour les campagnes les lois d’orientations agricoles de 1960 et 1962 sont à la base d’un véritable aménagement rural. » (p.40)
« [La DATAR] est rattachée directement au Premier ministre, dirigée par un délégué nommé par décret en Conseil des ministres comme le sont les plus hauts fonctionnaires et responsables de l’Etat. La forte personnalité et le poids politique du premier responsable, Olivier Guichard, lui permettent d’emblée de s’imposer dans le paysage administratif français. Administration de mission, la DATAR tranche avec les administrations traditionnelles de gestion. Structure légère, elle n’a jamais rassemblé plus de 200 personnes venues de différents horizons et ses chargés de mission ont des formations très diverses ce qui fait d’elle un melting-pot intellectuel où règne, ce qui est indispensable en aménagement, la pluridisciplinarité des savoirs. […] La DATAR est associée à de multiples organismes ou institutions, présente dans de nombreux réseaux (Conservatoire du littoral, comités de bassin, conseils d’administration des grandes sociétés comme la SNCF, etc.). Philippe Lamour, président de la Commission nationale d’aménagement du territoire entre 1963 et 1974, est un témoin privilégié de l’activité et des méthodes de la DATAR. » (p.45)
« Le Comité de décentralisation crée en 1955 […] intervient dans la procédure d’agrément pour les entreprises s’installant ou se délocalisant hors de l’Ile-de-France, et pour l’étude des transferts des activités de l’Etat hors de la région capitale. » (p.46)
« Une première réforme de 1955 va aboutir à la définition des circonscriptions d’action régionale de l’Etat servant de support aux 21 programmes d’action régionale qui permettent d’insérer le plan national deviennent région, en acquérant en 1972 la personnalité juridique, sous la forme d’établissement public régional, puis en 1982 celle de collectivité territoriale à part entière comme le département et la commune. C’est le niveau régional qui d’emblée devient le support de la politique d’aménagement du territoire au niveau local. » (p.47)
« Partout les instruments de l’urbanisme –certificat d’urbanisme ; permis de construire, de démolir, de lotir ; zone à urbaniser en priorité (ZUP), d’aménagement concerté (ZAC) ou différé (ZAD) ; secteur sauvegardé ; zone de protection du patrimoine architectural et urbain (et paysager ensuite) ZPPPAU (P), etc. –sont les mêmes, seule leur mise en œuvre par les autorités locales peut différer. » (p.58-59)
« La loi du 10 juillet 1964, en réformant profondément la structure administrative de la Région parisienne, suivie en 1965 de l’élaboration du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris (SDAURP) qui prévoit la création de plusieurs villes nouvelles, illustre la volonté du pouvoir de mieux organiser et administrer ce « mammouth » qu’est devenue la région capitale. » (p.60)
« L’Etat, via la DATAR, va encourager les décentralisations industrielles, ainsi les implantations d’entreprises sur Bordeaux, Toulouse ou Nantes ont une subvention doublée par rapport à celle de droit commun, tandis que les crédits publics vont être mobilisés pour accroître le parc de logement, développer les équipements universitaires et culturels, améliorer ou augmenter la desserte routière, autoroutière et aérienne de ces métropoles. La création de quartiers d’affaires est l’occassion de grandes opérations d’urbanisme, la Part-Dieu à Lyon, Mériadec à Bordeaux, Saint-Sauveur à Lille et la politique des villes nouvelles s’adosse à celle des métropoles d’équilibre à Lille (Villeneuve d’Asq), à Lyon (L’Isle-d’Abeau) et à Marseille (Rives de l’Etang-de-Berre). L’Etat délocalise certains de ses services ainsi celui des étrangers à Nantes, l’École nationale de la magistrature à Bordeaux, celle des impôts à Clermond-Ferrand, etc. Au total plus de 23 000 emplois publics seront délocalisés en dehors de la Région parisienne entre 1960 et 1990. » (p.64)
-Jean Girardon, Politiques d’aménagement du territoire, Éditions Ellipses, coll. « Mise au point », 2010, 238 pages.