https://fr.1lib.fr/book/12070826/f6928f
"J’ai écrit et publié cet ouvrage en un temps qui explique à la fois son allure quelque peu polémique et ses limites : 1942-1943. L’occupation nazie, la domination cléricale et nationaliste de Pétain, jetaient l’opprobre sur les idées qui proviennent de la Révolution française et l’interdit sur tout ce qui dérivait du marxisme, ou l’exprimait. Il n’en fallait pas plus pour m'inciter à produire quelque chose qui pût passer pour une attaque contre le régime que nous subissions. J’estimai qu’une philosophie matérialiste comme celle du XVIIIe siècle recelait bon nombre des vertus requises. Elle s’élabora dans la clandestinité, comme nos propres conceptions de cette époque ; elle battait en brèche les aïeux de nos ennemis du jour ; elle introduisait un débat dont les premiers communistes, à l’orée du XIXe siècle, avaient fait leur terre nourricière. De plus, la bourgeoisie la plus déiste avait elle-même étouffé de son mieux ces voix interdites dans les universités, Diderot tout autant que d’Holbach. On pouvait lui en échauffer les oreilles."
"Ce que je compris bien vite, c’est que ces matérialistes du XVIIIe siècle (désignés en leur temps comme philosophes ou encyclopédistes) étaient l’objet d’un véritable détournement de sens dont les métaphysiciens du XIXe siècle, et tout particulièrement Hegel et ses séquelles, étaient parmi les principaux responsables. Les autres, c’étaient l’Église chrétienne et cette église industrielle et commerçante que fut la bourgeoisie européenne du XIXe siècle, coiffée par les universités rebâties à son image. Le mécanisme tant honni était, je m’en aperçus, plutôt un naturalisme, un monisme varié ; la nature n’était pas un froid colosse insensible aux misères et à l’espérance, mais une puissante et féconde énergie ; le rationalisme méprisé s’ouvrait pourtant sur tout ce dont l’homme est capable, imagination comprise ; l’athéisme pourchassé, sanctionné, ouvrait aux savants, aux poètes et même aux philosophes une porte qu’ils avaient refermée peureusement sur lui. L’anticléricalisme, loin de se borner aux nasardes provinciales des petits-bourgeois de la suite, ébranlait le trône avec l’autel ; quant aux droits de l’homme, ce n’était pas la licence accordée au crime ou au vice, mais les exigences d’une société sans garant divin, qui se veut maîtresse de ses destins, quitte à en pâtir. L’histoire, enfin, se présentait pour la première fois comme une théorie du transformisme et de l’évolution, et non comme la répétition cyclique de mécanismes statiques, contrairement à ce qu’enseignent la plupart des manuels."
"Les malheureux Encyclopédistes se virent ainsi remis en posture d’accusés, littéralement responsables, comme l’établit M. Blanchot, d’une philosophie qui justifierait l’exploitation du travailleur et l’oppression du citoyen, par la simple mécanique du libéralisme utilitariste. Les équations (ou plutôt le syllogisme) : objet — utilité, utilité = exploitation, servent ainsi depuis quelques dizaines d’années à justifier une offensive philosophique dont Marx fait maintenant les frais."
"Cet univers fait d’une « collection d’objets », ce n’est nullement la nature du Système holbachien ; cette manipulation utilitaire des objets les uns par les autres, ce n’est pas le système social des encyclopédistes."
"Il est vrai que les aspirations sociales et morales de l'athéisme d'un Holbach et d'un Diderot furent tributaires, sans bien s'en rendre compte, des aspirations de classes vouées au principe de propriété et à la mainmise sur le travail d'autrui qui en découle ; mais il n'en est pas moins vrai qu'ils érigeaient ce principe en rempart de l'homme contre le despotisme clérical et monarchique alors régnant, contre les privilèges du sang, contre les cruautés sociales aveugles."
-Pierre Naville, préface de 1966, D'Holbach et la philosophie scientifique au XVIIIe siècle, Gallimard, 1967 (1943 pour la première édition).
"Paul-Henri Thiry d'Holbach a joué un rôle de premier plan dans la philosophie française du XVIIIe siècle. Mais c'est un rôle difficile à préciser, et même à établir, car il s'ajuste à un travail collectif, divers, réparti entre des dizaines de personnes. Le philosophe avait un salon, des relations nombreuses et brillantes dans la société ; mais il fut aussi l'éditeur clandestin de dizaines de livres maudits. Il fut l'ami de Diderot et l'un des piliers de l'Encyclopédie."
"Si l’on ouvre un dictionnaire, un manuel de philosophie, d’Holbach n’apparaît que pour quelques lignes, en général grossières et plates. Si nous cherchons dans notre langue un livre consacré au premier philosophe qui fut pleinement matérialiste — ce sera vainement : il n’en existe pas. On continue à « nier » d’Holbach. Pour lire ses livres, il faut fouiller de rares bibliothèques, et ramener au jour d’anciennes éditions. Et pourtant, comme nous le verrons, n’est-il pas plus vivant aujourd’hui que cent « classiques » dont on gave les écoliers ? Reconnaissons-le : la lecture de d’Holbach est bienfaisante. Sa pensée respire l’honnêteté, l’énergie, l’intelligence, la générosité, le refus de toute hypocrisie, l’intransigeance, et même l’humour."
"Paul-Henri Thiry est né à Edesheim le 8 décembre 1723. Il y fut baptisé selon les rites de l'Église catholique romaine. Edesheim est une petite bourgade située au nord de Landau, dans la principauté épiscopale de Spire, en plein Palatinat. C'est donc hors de France que d'Holbach a vu le jour, en pays allemand, et cependant dans les limites de l'influence directe de la France.
Tout au long du XVIIe siècle, Louis XIV avait combattu pour conquérir à la monarchie la frontière du Rhin. Il en avait été repoussé à diverses reprises, de telle sorte que la vielle Lotharingie apparaissait tantôt comme une "marche" orientale de la France, transmettant à l'Europe du Nord la civilisation qui dominait alors le monde et tantôt comme le rempart occidental du Saint Empire Romain."
"C'est aussi à Leyde que l'oncle envoya le jeune homme étudier en 1744, alors qu'il avait vingt et un ans."
"Le séjour dans cette vieille Université fut certainement très fécond pour lui. C'était l'un des lieux les plus éclairés où pouvait s'instruire la jeunesse européenne. En pays hollandais, dans l'atmosphère érudite et tolérante du protestantisme, se retrouvaient des jeunes hommes venus de France, des Pays-Bas, d'Angleterre, des Pays Rhénans, de Scandinavie. C'est à Leyde que le futur baron d'Holbach noua quelques amitiés, auxquelles il fut fidèle plus tard, et qu'il reçut l'influence de l'Angleterre, par l'intermédiaire du groupe de jeunes gens avec lesquels il vécut amicalement."
"John Wilkes était de quatre ans plus jeune que Paul Thiry, étant né en 1727. Après avoir étudié à Hertford, il avait été envoyé à Leyde. D'Holbach ne devait cesser de s'intéresser à lui, en particulier lorsque le héros de la réforme parlementaire passa trois ans sur le continent après sa fuite d'Angleterre, en 1764."
"C'est lors de son retour à Paris, après la guerre, en 1749, que Paul Thiry d'Holbach retrouva sa cousine, et un an plus tard, il épousa l'aînée de ses deux filles, Basile-Genevièvre. Ainsi, à l'age de vingt-sept ans, le futur philosophe commence à vivre, comme il le fera toute sa vie, dans le milieu familial des d'Aine -c'est à dire dans sa propre famille- entre Paris, où il acheta bientôt un hôtel rue Saint-Roch, et le Grandval, propriété proche de Sucy, qui appartenait à Mme d'Aine. Ici et là, il commencera à réunir les esprits les plus représentatifs du siècle, et bientôt entrera lui-même dans la carrière singulière d'écrivain clandestin, de philosophe de coulisses, et n'en mettra pas moins debout l’œuvre la plus profonde et la plus significative.
C'est le 3 février 1750, à la moitié du siècle, que Paul-Thiry d'Holbach épousa Basile-Geneviève-Suzanne d'Aine, qu'il aimait tendrement et dont tous ceux qui l'ont connue -Diderot, Grimm, Rousseau entre autres- ont dépeint le charme et la gentillesse."
"Quant à Rousseau, à peine introduit chez d'Holbahc, en 1751, il s'y sentira mal à l'aise et déjà persécuté, mais ce n'est que huit à dix ans plus tard que la rupture deviendra publique et définitive."
"Diderot serait incomplet sans d'Holbach. D'Holbach exposa et affirma bien des idées que Diderot ne fit qu'effleurer."
"Jusqu'en 1760, c'est-à-dire pendant huit ans, le baron est tout à la besogne de traduction et d'élaboration. Il rédige près de 400 articles pour l'Encyclopédie."
"Après 1770, ce sont les ouvrages de la maturité, livres de politique, d'économie, de morale. [...] Après 1780, la vieillesse viendra. La fécondité de l'écrivain est épuisée."
"D'Holbach a fait beaucoup plus que Diderot pour le progrès des sciences historiques, et il n'y est parvenu que par sa passion pour élucider le mystère des origines de toute religion."
"La profession de foi du Vicaire touchait le cœur du sujet, le fond philosophique des idées de d'Holbach et de Diderot."
"Hume, comme nous l'avons vu, était en relations étroites avec le baron. Au moment de sa nomination comme secrétaire de l'ambassade d'Angleterre à Paris en 1763, lorsque la guerre de Sept ans fut terminée, il jouissait déjà d'une renommée considérable. Ses Essais sur l'Entendement humain avaient paru en 1748, son Histoire d'Angleterre était terminée en 1761. Fêté et reçu par tout ce que Paris comptait d'illustre et de distingué, il vit de plus près les Encyclopédistes. [...] Quelques jours après son arrivée à Paris, il écrivait à Adam Smith: "Le baron d'Holbach... m'a dit qu'il surveillait la traduction de votre Théorie des sentiments moraux, et m'a prié de vous en informer"."
"L'anglomanie ne sera jamais son fait ; toute sa sympathie est acquise aux Insurgents d'Amérique, et sur ses vieux jours, Franklin deviendra son ami. Trente ans se sont écoulés depuis les Lettres enthousiastes de Voltaire ! En 1765, ce n'est plus le régime anglais -corrompu et corrupteur- qui peut servir de modèle à la monarchie française décrépite. Du coup, les réflexions du baron prendront un tour plus révolutionnaire -et plus utopique- qui le conduiront à L'Éthocratie et à La Politique naturelle".
"Si d'Holbach était protégé par sa position dans la société, rien ne garantissait absolument son repos. Voltaire s'était établi, par raison de sûreté, à la frontière ; Rousseau en fut chassé."
"1770 peut être considéré comme l'année culminante de l'offensive encyclopédiste. Avec le Système s'est élaborée une somme de tous les arguments que la philosophie matérialiste était capable de grouper à cette époque. [...] Plus de dix éditions se succédèrent sans que l'intérêt s'épuisât. "
-Pierre Naville, D'Holbach et la philosophie scientifique au XVIIIe siècle, Gallimard, 1967 (1943 pour la première édition).
"J’ai écrit et publié cet ouvrage en un temps qui explique à la fois son allure quelque peu polémique et ses limites : 1942-1943. L’occupation nazie, la domination cléricale et nationaliste de Pétain, jetaient l’opprobre sur les idées qui proviennent de la Révolution française et l’interdit sur tout ce qui dérivait du marxisme, ou l’exprimait. Il n’en fallait pas plus pour m'inciter à produire quelque chose qui pût passer pour une attaque contre le régime que nous subissions. J’estimai qu’une philosophie matérialiste comme celle du XVIIIe siècle recelait bon nombre des vertus requises. Elle s’élabora dans la clandestinité, comme nos propres conceptions de cette époque ; elle battait en brèche les aïeux de nos ennemis du jour ; elle introduisait un débat dont les premiers communistes, à l’orée du XIXe siècle, avaient fait leur terre nourricière. De plus, la bourgeoisie la plus déiste avait elle-même étouffé de son mieux ces voix interdites dans les universités, Diderot tout autant que d’Holbach. On pouvait lui en échauffer les oreilles."
"Ce que je compris bien vite, c’est que ces matérialistes du XVIIIe siècle (désignés en leur temps comme philosophes ou encyclopédistes) étaient l’objet d’un véritable détournement de sens dont les métaphysiciens du XIXe siècle, et tout particulièrement Hegel et ses séquelles, étaient parmi les principaux responsables. Les autres, c’étaient l’Église chrétienne et cette église industrielle et commerçante que fut la bourgeoisie européenne du XIXe siècle, coiffée par les universités rebâties à son image. Le mécanisme tant honni était, je m’en aperçus, plutôt un naturalisme, un monisme varié ; la nature n’était pas un froid colosse insensible aux misères et à l’espérance, mais une puissante et féconde énergie ; le rationalisme méprisé s’ouvrait pourtant sur tout ce dont l’homme est capable, imagination comprise ; l’athéisme pourchassé, sanctionné, ouvrait aux savants, aux poètes et même aux philosophes une porte qu’ils avaient refermée peureusement sur lui. L’anticléricalisme, loin de se borner aux nasardes provinciales des petits-bourgeois de la suite, ébranlait le trône avec l’autel ; quant aux droits de l’homme, ce n’était pas la licence accordée au crime ou au vice, mais les exigences d’une société sans garant divin, qui se veut maîtresse de ses destins, quitte à en pâtir. L’histoire, enfin, se présentait pour la première fois comme une théorie du transformisme et de l’évolution, et non comme la répétition cyclique de mécanismes statiques, contrairement à ce qu’enseignent la plupart des manuels."
"Les malheureux Encyclopédistes se virent ainsi remis en posture d’accusés, littéralement responsables, comme l’établit M. Blanchot, d’une philosophie qui justifierait l’exploitation du travailleur et l’oppression du citoyen, par la simple mécanique du libéralisme utilitariste. Les équations (ou plutôt le syllogisme) : objet — utilité, utilité = exploitation, servent ainsi depuis quelques dizaines d’années à justifier une offensive philosophique dont Marx fait maintenant les frais."
"Cet univers fait d’une « collection d’objets », ce n’est nullement la nature du Système holbachien ; cette manipulation utilitaire des objets les uns par les autres, ce n’est pas le système social des encyclopédistes."
"Il est vrai que les aspirations sociales et morales de l'athéisme d'un Holbach et d'un Diderot furent tributaires, sans bien s'en rendre compte, des aspirations de classes vouées au principe de propriété et à la mainmise sur le travail d'autrui qui en découle ; mais il n'en est pas moins vrai qu'ils érigeaient ce principe en rempart de l'homme contre le despotisme clérical et monarchique alors régnant, contre les privilèges du sang, contre les cruautés sociales aveugles."
-Pierre Naville, préface de 1966, D'Holbach et la philosophie scientifique au XVIIIe siècle, Gallimard, 1967 (1943 pour la première édition).
"Paul-Henri Thiry d'Holbach a joué un rôle de premier plan dans la philosophie française du XVIIIe siècle. Mais c'est un rôle difficile à préciser, et même à établir, car il s'ajuste à un travail collectif, divers, réparti entre des dizaines de personnes. Le philosophe avait un salon, des relations nombreuses et brillantes dans la société ; mais il fut aussi l'éditeur clandestin de dizaines de livres maudits. Il fut l'ami de Diderot et l'un des piliers de l'Encyclopédie."
"Si l’on ouvre un dictionnaire, un manuel de philosophie, d’Holbach n’apparaît que pour quelques lignes, en général grossières et plates. Si nous cherchons dans notre langue un livre consacré au premier philosophe qui fut pleinement matérialiste — ce sera vainement : il n’en existe pas. On continue à « nier » d’Holbach. Pour lire ses livres, il faut fouiller de rares bibliothèques, et ramener au jour d’anciennes éditions. Et pourtant, comme nous le verrons, n’est-il pas plus vivant aujourd’hui que cent « classiques » dont on gave les écoliers ? Reconnaissons-le : la lecture de d’Holbach est bienfaisante. Sa pensée respire l’honnêteté, l’énergie, l’intelligence, la générosité, le refus de toute hypocrisie, l’intransigeance, et même l’humour."
"Paul-Henri Thiry est né à Edesheim le 8 décembre 1723. Il y fut baptisé selon les rites de l'Église catholique romaine. Edesheim est une petite bourgade située au nord de Landau, dans la principauté épiscopale de Spire, en plein Palatinat. C'est donc hors de France que d'Holbach a vu le jour, en pays allemand, et cependant dans les limites de l'influence directe de la France.
Tout au long du XVIIe siècle, Louis XIV avait combattu pour conquérir à la monarchie la frontière du Rhin. Il en avait été repoussé à diverses reprises, de telle sorte que la vielle Lotharingie apparaissait tantôt comme une "marche" orientale de la France, transmettant à l'Europe du Nord la civilisation qui dominait alors le monde et tantôt comme le rempart occidental du Saint Empire Romain."
"C'est aussi à Leyde que l'oncle envoya le jeune homme étudier en 1744, alors qu'il avait vingt et un ans."
"Le séjour dans cette vieille Université fut certainement très fécond pour lui. C'était l'un des lieux les plus éclairés où pouvait s'instruire la jeunesse européenne. En pays hollandais, dans l'atmosphère érudite et tolérante du protestantisme, se retrouvaient des jeunes hommes venus de France, des Pays-Bas, d'Angleterre, des Pays Rhénans, de Scandinavie. C'est à Leyde que le futur baron d'Holbach noua quelques amitiés, auxquelles il fut fidèle plus tard, et qu'il reçut l'influence de l'Angleterre, par l'intermédiaire du groupe de jeunes gens avec lesquels il vécut amicalement."
"John Wilkes était de quatre ans plus jeune que Paul Thiry, étant né en 1727. Après avoir étudié à Hertford, il avait été envoyé à Leyde. D'Holbach ne devait cesser de s'intéresser à lui, en particulier lorsque le héros de la réforme parlementaire passa trois ans sur le continent après sa fuite d'Angleterre, en 1764."
"C'est lors de son retour à Paris, après la guerre, en 1749, que Paul Thiry d'Holbach retrouva sa cousine, et un an plus tard, il épousa l'aînée de ses deux filles, Basile-Genevièvre. Ainsi, à l'age de vingt-sept ans, le futur philosophe commence à vivre, comme il le fera toute sa vie, dans le milieu familial des d'Aine -c'est à dire dans sa propre famille- entre Paris, où il acheta bientôt un hôtel rue Saint-Roch, et le Grandval, propriété proche de Sucy, qui appartenait à Mme d'Aine. Ici et là, il commencera à réunir les esprits les plus représentatifs du siècle, et bientôt entrera lui-même dans la carrière singulière d'écrivain clandestin, de philosophe de coulisses, et n'en mettra pas moins debout l’œuvre la plus profonde et la plus significative.
C'est le 3 février 1750, à la moitié du siècle, que Paul-Thiry d'Holbach épousa Basile-Geneviève-Suzanne d'Aine, qu'il aimait tendrement et dont tous ceux qui l'ont connue -Diderot, Grimm, Rousseau entre autres- ont dépeint le charme et la gentillesse."
"Quant à Rousseau, à peine introduit chez d'Holbahc, en 1751, il s'y sentira mal à l'aise et déjà persécuté, mais ce n'est que huit à dix ans plus tard que la rupture deviendra publique et définitive."
"Diderot serait incomplet sans d'Holbach. D'Holbach exposa et affirma bien des idées que Diderot ne fit qu'effleurer."
"Jusqu'en 1760, c'est-à-dire pendant huit ans, le baron est tout à la besogne de traduction et d'élaboration. Il rédige près de 400 articles pour l'Encyclopédie."
"Après 1770, ce sont les ouvrages de la maturité, livres de politique, d'économie, de morale. [...] Après 1780, la vieillesse viendra. La fécondité de l'écrivain est épuisée."
"D'Holbach a fait beaucoup plus que Diderot pour le progrès des sciences historiques, et il n'y est parvenu que par sa passion pour élucider le mystère des origines de toute religion."
"La profession de foi du Vicaire touchait le cœur du sujet, le fond philosophique des idées de d'Holbach et de Diderot."
"Hume, comme nous l'avons vu, était en relations étroites avec le baron. Au moment de sa nomination comme secrétaire de l'ambassade d'Angleterre à Paris en 1763, lorsque la guerre de Sept ans fut terminée, il jouissait déjà d'une renommée considérable. Ses Essais sur l'Entendement humain avaient paru en 1748, son Histoire d'Angleterre était terminée en 1761. Fêté et reçu par tout ce que Paris comptait d'illustre et de distingué, il vit de plus près les Encyclopédistes. [...] Quelques jours après son arrivée à Paris, il écrivait à Adam Smith: "Le baron d'Holbach... m'a dit qu'il surveillait la traduction de votre Théorie des sentiments moraux, et m'a prié de vous en informer"."
"L'anglomanie ne sera jamais son fait ; toute sa sympathie est acquise aux Insurgents d'Amérique, et sur ses vieux jours, Franklin deviendra son ami. Trente ans se sont écoulés depuis les Lettres enthousiastes de Voltaire ! En 1765, ce n'est plus le régime anglais -corrompu et corrupteur- qui peut servir de modèle à la monarchie française décrépite. Du coup, les réflexions du baron prendront un tour plus révolutionnaire -et plus utopique- qui le conduiront à L'Éthocratie et à La Politique naturelle".
"Si d'Holbach était protégé par sa position dans la société, rien ne garantissait absolument son repos. Voltaire s'était établi, par raison de sûreté, à la frontière ; Rousseau en fut chassé."
"1770 peut être considéré comme l'année culminante de l'offensive encyclopédiste. Avec le Système s'est élaborée une somme de tous les arguments que la philosophie matérialiste était capable de grouper à cette époque. [...] Plus de dix éditions se succédèrent sans que l'intérêt s'épuisât. "
-Pierre Naville, D'Holbach et la philosophie scientifique au XVIIIe siècle, Gallimard, 1967 (1943 pour la première édition).