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    Henri Guillemin, Regard sur Nietzsche + Nationalistes et nationaux (1870-1940)

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Ven 16 Nov - 18:20

    "Dans le stock des inédits soudain relevés en 1934 au public français, ce rude avis: "La lutte contre les Juifs a toujours été une marque de natures basses, lâches, et mauvaises." (p.295)

    "Drieu n'est pas un imposteur quand, dans son N contre Marx, de juin 1933, il salue N, en conscience, comme un "précurseur du social-fascisme"." (p.298)
    -Henri Guillemin, Regards sur Nietzsche, Éditions du Seuil, 1991, 310 pages.



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Dim 13 Jan - 16:17

    "Lorsqu'en avril 1792, par exemple, les Girondins firent déclarer la guerre à l'Autriche, les raisons qu'ils avaient d'agir ainsi sont aujourd'hui sans ambiguïté. L'Assemblée constituante avait conjuré la banqueroute, à l'automne 1789, en confisquant les biens du clergé estimés à quelque trois milliards et demi ; à l'automne 1791, deux milliards, ou presque, d’assignats étaient déjà en circulation ; leur gage, constitué par ces "biens" devenus "nationaux, s'amenuisait ; commençait la dépréciation de ce papier-monnaie ; autrement dit la banqueroute de l'Etat redevenait menaçante et il fallait à tout prix se procurer de l'argent frais. Où en trouver ? Pas de problème. Les riches provinces autrichiennes, de l'autre côté de la frontière, au nord et à l'est, quelles belles proies ! Narbonne, le ministre de la Guerre, est explicite à souhait, le 14 décembre ; une nécessité pour nous, dit-il, la guerre à l'Autriche: "le sort des créanciers de l'Etat en dépend". Le prix du pain, d'autre part, n'a pas été étranger à la facilité avec laquelle les opérateurs bourgeois ont pu se servir, le 14 juillet 1789, contre leurs rivaux aristocrates, du bélier populaire. Après une baisse en 1790, le pain redevenait cher et l'agitation reprenait chez les exploités des campagnes et des manufactures ; ils parlaient dangereusement de "maximum", c'est-à-dire d'une fixation, par les autorités, du prix de vente que ne devrait pas dépasser la "miche" -le pain de quatre livres, nourriture de base des travailleurs. Les Girondins s'opposent absolument au "maximum". "Tout ce que peut et doit faire l'Etat en matière économique, professait Roland, c'est déclarer qu'il ne saurait, en aucun cas, intervenir". Liberté d'abord ; et nul n'ignore quelle passion pour la liberté animait les Girondins. La liberté économique -le "libéralisme"- était pour eux un dogme. Les marges bénéficiaires sont sacrées. En mars 1792, une émeute d'affamés éclate à Étampes ; le maire (un industriel, un tanneur) est tué. Il n'y a plus une minute à perdre pour cette diversion nationale dont la guerre fournit le bienfait. C'est ce qu'avait indiqué Brissot, dès le 29 décembre 1791, lorsqu'il s'était écrié, limpide: "La guerre est indispensable à nos finances et à la tranquillité intérieure". [...]
    La guerre de 1792, cette guerre d'agression, combattue en vain par Robespierre, fut donc, et ouvertement, décidée pour des motifs de politique intérieure.
    " (p.9-10)

    "Et la déclaration de guerre jetée par la France à la Prusse en juillet 1870 ? Elle n'existe plus, en juillet, l'inquiétude légitime qu'avait causée la menace d'une "Prusse du Sud", avec le projet bismarckien d'un Hohenzollern sur le trône d'Espagne ; Guillaume a retiré cette candidature provocante. Dans l'entourage de l'impératrice, cependant, l'effroi dynastique est grand. Si les résultats du plébiscite, en mai, ont été satisfaisants dans la France rural, en revanche, le régime s'est trouvé mis en minorité dans les plus grandes villes et notamment à Paris. Tragique symptôme. De Napoléon III, malade, la charge du pouvoir va bientôt passer au prince impérial, si jeune ; et sa mère est dans les transes. Une guerre -très certainement victorieuse, Leboeuf en répond-, un triomphe militaire arrangerait tout. Dans l'enthousiasme belliqueux, générateur d'unité nationale, et dans l'euphorie de la victoire, le régime retrouverait une rayonnante assise. D'où, pour l'aventure, l'aveuglement avec lequel le gouvernement d'Emile Ollivier se précipite dans le piège tendu par Bismarck qui, souhaitant d'en découdre au plutôt avec la France pour lui arracher l'Alsace et une partie de la Lorraine, sait habilement épargner à la Prusse la responsabilité de l'agression." (p.11)

    "A Sedan, la France a perdu une bataille ; cent mille hommes s'y sont engloutis. Mais ainsi que le soulignera Foch, quarante ans après, dans son cours professé à l'École de guerre, la question militaire n'était pas réglée pour autant ; les ressources de la France restaient immenses, en homme, en argent, en capacité aussi de construire ou d'acheter le matériel nécessaire. Mais la chute de l'empire changeait tout. Autant la classe dirigeante avait applaudi à une guerre menée sous la conduite de l'empereur et destinée à raffermir l'ordre établi, autant elle repoussait avec horreur et tremblement l'éventualité d'une victoire que remporterait ce gouvernement républicain une fois de plus reparu à Paris. Ceux, du reste, qui, le 4 septembre, se sont rués à l'Hôtel de Ville pour y constituer un gouvernement provisoire, ces représentants de la gauche nantie, Jules Favre, Jules Simon, Jules Ferry, Ernest Picard, n'éprouvent pas moins d'aversion pour une République où seraient en péril les structures économiques et sociales. Ils ont pu, par bonheur, interdire l'accès du pouvoir, à l'extrême-gauche socialisante et leur unique pensé est d'obtenir, le plus vite possible, des Allemands un armistice d'où sortira la capitulation. Ainsi tout rentrerait dans l'ordre et les vainqueurs procéderaient au désarmement de ces prolétaires que l'empire lui-même, épardu, avait, dans sa fièvre, autorisé -une folie !- à disposer de fusils. Récidive de 1848. Comme l'écrira si fortement Maurice Barrès en 1897, "la première condition de la paix sociale est que les pauvres aient le sentiment de leur impuissance". Comment l'auraient-ils, ce "sentiment" fondamental, s'ils tiennent dans leurs mains des fusils ? Leur enlever ces armes, c'est la grande urgence ; le seul moyen d'y parvenir, c'est la capitulation.
    Pour se faire admettre à la tête de l'Etat dans un Paris bien résolu à se défendre, les Jules ont baptisé leur équipe "Gouvernement de la Défense nationale", alors que leur vrai titre eût été Gouvernement de la Défense sociale ; mais voudraient-ils sincèrement se battre, résister, reprendre l'offensive qu'ils en seraient bien incapables, car les généraux, pour rien au monde, n'entendent mettre leur épée au service d'un régime exécrable. Les Trochu et les Ducrot, les Vinoy et les Blanchards, à Paris, à cet égard, sont dans les mêmes dispositions que les Bazaine, les Bourbaki et les Leboeuf qui commandent, à Metz, cette puissante armée de 170 000 hommes dont ils vont faire cadeau à l'ennemi. A cause de ces insupportables Parisiens férus de leur résistance, à cause aussi de Gambetta qui a pris au sérieux la défense nationale, et qui même, un moment, a beaucoup inquiété Bismarck (mais Thiers a su arranger cela), les généraux et le gouvernement de Paris devront attendre trois mois, trois terribles mois interminables, pour être en mesure, enfin, d'imiter Bazaine. Ils y parviendront néanmoins et Trochu s'enorgueillira de sa performance: dans une capitale insensée, dira-t-il, peuplée de frénétiques et des plus redoutables "ennemis de la société", le gouvernement, à force de souplesse et de ruses, est arrivée à ses fins sans se faire renverser ; il a atteint, lentement, mais il l'a atteint, le but que, dès sa formation, il s'était assigné: maintenir l'ordre en attendant que les Allemands puissent s'en charger eux-mêmes. Notre gouvernement, écrira Trochu avec fierté, "
    a sauvé la situation qui [le 4 septembre] était perdue": plus de police, une plèbe démuselée et en armes, et l'idée républicaine pour incendier les mauvais esprits. Ah oui, on peut le dire, le Gouvernement de la Défense nationale a fait des prodiges ; il a réalisé, la Providence aidant, un vrai miracle ; il a su "empêcher la démagogie [Trochu veut dire la gauche authentique] de prendre la défense de Paris et de produire [ainsi] dans la France entière un immense bouleversement social" qui eût été la fin de tout La Politique et le Siège de Paris, p.191]. L'Alsace et la Lorraine sont perdues ? Soit. Mais l'essentiel est sauvé. Les Jules ont "dompté" la révolution, ils ont "triomphé d'elle", ils ont "acquis par là des droits réels à la reconnaissance des honnêtes gens" [Colonel comte de Meffray, Les Fautes de la Défense de Paris, 1871, p.34]." (p.12-14)

    "Thiers tablait avec assurance sur cette consultation du peuple. Les bons candidats disposeraient, pour se faire élire, d'un argument-massue ; ils seraient les "candidats de la paix". Voyez-vous les paysans, à qui l'on répétait que les candidats de gauche, s'ils gagnaient la partie, amèneraient infailliblement chez eux les Prussiens -gare à vos vaches !-, les imaginez-vous optant pour la reprise d'une guerre où ils risquaient d'être, eux-mêmes ou leurs fils, mobilisés ? Et pour quelle cause ? Strasbourg, Metz, que restassent françaises ou non ces villes lointaines et dont l'existence même leur était inconnue, ils s'en moquaient bien, les "rustres" de Bretagne et d'Auvergne, du Languedoc ou du Dauphiné." (p.15)

    "Pour détourner les humbles de la question sociale, rien de tel que le drapeau. A titre de diversion, Ferry a utilisé d'abord le spectre des Jésuites ; un républicain pour de bon, le militant de l' "article 7", en juillet 1879, et des décrets de mars 1880 ; ses lois laïques, son "école sans Dieu", lui valent d'être appelé indifféremment "Néron", "Satan" ou l' "Antéchrist" par la Droite cléricale ; un beau brevet, je pense, de fidélité démocratique. Et maintenant il veut que les écoliers tiennent les yeux fixés sur "la ligne bleue des Vosges". A la niaise et trompeuse religion des curés, il entend substituer -ce sont ses termes mêmes- "la religion de la Patrie". En 1882, avec Paul Bert, autre ami de l'ordre, il crée les "bataillons scolaires" où les enfants, dès la communale, se prépareront au service armé. [...] On apprend, dans les classes, les Chants du soldat de Déroulède, et une image d'Épinal, à grand tirage, monte un instituteur cambré désignant du doigt à ses petits élèves le tableau noir où il a tracé, à la craie, en grosses lettres, ces mots exaltants: "Tu seras soldat". L'Histoire de France, cette nouvelle Histoire sainte, conçue, rédigée par Ernest Lavisse, et dans laquelle les écoliers, sur les pas de Michelet, iront d'émerveillement en émerveillements, avec la prise de la Bastille, la nuit du 4-Août, la Fédération, Danton, le triomphe de Valmy, et la République apportant aux peuples d'Europe la Liberté à la pointe de ses baïonnettes, l'Histoire de France de Lavisse s'achève sur une exhortation explicite: "La France a perdu sa renommée militaire pendant la guerre de 1870 [...] Pour reprendre à l'Allemagne ce qu'elle nous a pris, il faut que nous soyons de bons citoyens et de bons soldats. C'est pour que vous deveniez de bons soldats que vos maîtres vous apprennent l'histoire de France [...] C'est à vous, enfants élevés dans nos écoles, qu'il appartient de venger vos pères vaincus à Sedan et à Metz ; c'est votre devoir, le grand devoir de votre vie ; vous devez y penser toujours".
    Ainsi doit s'embraser dans les écoles de Jules Ferry la ferveur nationale. La revanche ! La revanche ! Que tous les écoliers brûlent de cette passion. Autant de gagné pour la paix sociale.
    " (p.27-28)

    "Jules Ferry est tout animé par une idée neuve. Comment n'y a-t-il pas songé plus tôt ? Il découvre, au pouvoir, les vertus multiples du colonialisme. Renan, son maître à penser, l'avait cependant averti, dès 1871, dans sa Réforme intellectuelle et morale, médication proposée à la France au lendemain de la Commune. Renan avait enseigné: "Un pays qui ne colonise pas est voué infailliblement au socialisme."." (p.29)

    "Chassé-croisé. Le chauvinisme change de camp. La Gauche l'abandonne et la Droite l'adopte. En juillet 1887, lorsque Boulanger, écarté du pouvoir, groupait ses partisans, entamant avec eux sa campagne de protestataire, Cassagnac, le vociférant ordinaire de l'extrême-droite, le pourfendeur patenté de "la gueuse", Cassagnac s'écriait encore: Boulanger ? Révocation ! A la retraite, et tout de suite ! La Ligue des Patriotes ? Dissolution immédiate ! [...] Le chemin, cependant, est en train de s'ouvrir au bout duquel nous verrons la même Droite acclamer, sous le nom à peine modifié de Ligue de la Patrie française cette même Ligue des Patriotes dont elle réclamait en 1887 l'interdiction." (p.36)

    "En invitant les catholiques à cesser leur opposition devenue déraisonnable et même pernicieuse, Léon XIII n'a pas d'autre but que de "consolider le gouvernement par l'appui des éléments conservateurs en face des partis subversifs qui menacent la société". Le fait est que les élections municipales qui viennent de se dérouler, en mai 1892 (la lettre à Mgr Fava, rappelons-le, est de juin) ont été alarmantes: les mairies de Marseille, de Roubaix, de Narbonne, de Toulon, de Montluçon et de Commentry sont tombées aux mains des socialistes ; à Carmaux, le marquis de Solages a perdu son fauteuil de maire et c'est un de ses ouvriers (où allons-nous ?) qui le lui a ravi. Tout indique, pour les élections législatives de l'an prochain, une poussée, peut-être une marée, révolutionnaire. L'offre de Léon XIII arrive à point nommé ; ce qu'il propose -et il le dit, en toute limpidité, au député Henri Lorin-, c'est "la création d'un grand parti conservateur dont les catholiques formeraient la droite et les républicains modérés la gauche" ; en somme, contre tous les scélérats, le front commun des possédants. En échange, Léon XIII compte bien obtenir la fin des querelles "religieuses" entre gens de bien." (p.43-44)

    "Cette même année 1894, Raymond Poincaré s'impose à l'admiration reconnaissante des nantis par la charge à fond qu'il mène contre l'impôt sur le revenu, cette inqualifiable tentative de "pénétration dans les fortunes privées" que l'on médite, de longue date, à l'extrême-gauche. Raymond Poincaré se constitue le vivant barrage dressé contre un tel dessein. La France "honnête" ne l'oubliera plus." (p.48)

    "Combes [...] lui aussi a placé l'impôt sur le revenu dans son programme. Non seulement Combes tient à achever, et avec une énergie presque suspecte, l’œuvre anticléricale de son prédécesseur, mais il vise, pour la paix "religieuse", à une prompte Séparation des Églises et de l'Etat, et beaucoup, dans son parti même, déplorent ce vœu qui est le sien d'annuler le Concordat de Bonaparte: lourde erreur, car ce serait perdre le puissant moyen de contrainte que le Consulat a mis ainsi, contre l'Église catholique, à la disposition du pouvoir civil. Ajoutez que Combes est un homme désintéressé, sans liens avec les milieux d'affaires, et, de ce fait, inquiétant. On apprécie peu, enfin, la stricte surveillance de l'Armée qu'exerce, à la Guerre, le général André, lequel souscrirait volontiers à la formule de Robespierre et de Saint-Just, énoncée par eux en 1793: "L'insubordination des généraux est la pire dans une République ; dans un Etat libre, c'est le pouvoir militaire qui doit être le plus astreint". Un homme de bien se doit de n'importuner point les officiers et André déplaît comme un malotru dont le respect est insuffisant à l'égard d'une Puissance sociale de première importance. Rien n'ira plus, fin 1904, lorsque Combes ayant réglé la question des congrégations (il a brisé les congrégations enseignantes, ainsi que les "moines ligueurs et moines d'affaires" dont les Assomptionnistes étaient les plus beaux représentants ; il n'a touché ni à certains ordre contemplatifs ni aux religieuses dévouées aux malades et aux misérables) se propose de passer à l'examen des choses interdites. L'Alliance démocratique, fort amie du président du Conseil tant qu'il s'agissait seulement des "curés", se refroidit, hausse les sourcils, glisse à l'opposition. Le prétexte dont elle a besoin pour se séparer de Combes sans avouer les raisons politiques et sociales de cet abandon, elle le trouve -ou le suscite- dans le scandale dit "des fiches" qu'un officier en retraite, Guyot de Villeneuve, porte à la tribune dans une intervention bruyante et bien calculée. Et les Barthou, les Doumer, conservateurs fidèles, affectent l'horreur. Millerand -que Combes n'a pas maintenu au pouvoir, et qui dessèche d'y revenir- tonne contre le "régime abject", choisissant avec pertinence son vocabulaire et dénonçant un "espionnage" auquel "les honnêtes gens refusent de collaborer". Remarquable, ce coup d'épaule fourni à la Droite pour renverser Combes par le "socialiste" de Saint-Mandé au moment même où Combes veut aborder la question de l'impôt sur le revenu et celle des retraites ouvrières ; et Millerand feint précisément d'attaquer le gouvernement sur son indifférence aux problèmes sociaux.
    En janvier 1905, Combes est acculé à la démission."
    (p.62-63)

    "Il est certain qu'un climat pénible régnait alors en France. Officiers et fonctionnaires étaient épiés, notamment par les membres des Loges maçonniques ; et il suffisait non même pas qu'ils aillent à la messe mais qu'ils y laissent aller leurs enfants pour se voir brimés dans leur avancement. Répétition, en sens inverse, de ce qui s'était constamment, au cours du siècle -et avec quelle ampleur- sous l'Ordre moral de Mac-Mahon. La Droite éprouvait pour la première fois les inconvénients d'un système dont elle avait été longtemps bénéficiaire et elle poussait des cris terribles. La franc-maçonnerie cependant ne faisait que reprendre à son compte, assez laidement, le travail qui, sous Charles X par exemple, avait été celui de la Congrégation. Clemenceau parlait de l'entourage de Combes en l'appelant "une jésuitière retournée"." (p.63)
    (note 2 p.63)

    "En août 1898, Nicolas II avait surpris tout le monde. Brusquement il avait proposé un arrêt général des armements, une entente internationale pour que cessât, partout, l'augmentation ininterrompue des crédits de guerre. De toute sa bonne volonté, le jeune tzar, profondément religieux, essayait de protéger les peuples, de les préserver des tueries ; et parallèlement il comptait sur ce meilleur emploi des deniers publics que permettrait à chaque puissance une réduction des dépenses improductives. On imagine sans peine le sursaut, les colères, que provoque, dans certains parages, cette stupéfiante proposition. Se trouvent en péril tout à coup les bénéfices immenses et régulièrement accrus que procurent, à de grandes entreprises, les commandes officielles. Guillaume II est d'une simplicité candide dans cette note que nous avons de sa main: "Avec quoi M. Krupp paiera-t-il ses ouvriers ?" Écho du cris d'angoisse qui lui est parvenu de la Ruhr." (p.72)

    "Les premières années du XXe siècle sont douces à la République ; d'heureuses conversions viennent renforcer l'ordre établi ; plusieurs monstres de la veille, dépouillant leur peau de loup, se muent en fidèles bergers. Après Millerand, dont nous avons déjà suivi des yeux la métamorphose, voici Briand, hier forcené et chevauchant un des coursiers de l'Apocalypse, qui s'humanise ; voici Clemenceau le rebelle qui change de camp et se proclame le "premier flic de France" ; voici Viviani le socialiste qui a lâché son parti pour devenir ministre sous Clemenceau et qui rendra à Poincaré d'inappréciables services." (p.82)

    "Psichari, dans son Appel des armes, donne place à un paragraphe remarquable ; le capitaine Grandier a interrogé un de ses hommes, un "rempilé", un brigadier ; il sait que cet excellent soldat a été, jadis, un des grévistes de Courrières et il lui demande: "S'il y avait une grève et qu'on vous demande de tirer", que feriez-vous ? Et le brigadier de répondre, ardemment: "Je tâcherais de tuer autant de grévistes que j'ai voulu tuer de soldats autrefois". Le brave homme !" (p.98)

    "Elles se déroulent, ces élections françaises si redoutées, et c'est, à l'Élysée, une consternation ; le résultat est pire encore qu'on ne s'y attendait. Jamais vu ça ! Les socialistes sont désormais 103 à la Chambre. Et, comme l'avait dit, entre les deux tours de scrutin, en un cri d'épouvante, l'Écho de Paris du 1er mai: fait "effrayant", les campagnes elles-mêmes, les "chères campagnes" de Jules Ferry, "base de granit" de la République conservatrice, elles se corrompent et se délitent: de plus en plus, le socialisme les pénètre. En vain Poincaré, pour tenter d'enrayer le mal, avait fait répandre l'idée que, sans une politique intérieure sage, "modérée" -c'est-à-dire réactionnaire- la France perdrait l'amitié russe, notre sauvegarde nationale. Les électeurs n'ont pas écouté. Vu les circonstances et les renseignements des préfets, le président avait jugé adroit de substituer au "parti national" conçu par Briand une "Fédération des gauches", d'aspects énergiquement républicain, mais où se réuniraient les candidats partisans d'une fiscalité "sans inquisition ni vexation" (le sens était clair). La ruse n'a pas donné grand-chose. Et pourtant la "haute banque" -Raffalovitch l'indique dans une lettre du 12 janvier- avait fait un sérieux effort, alimentant "à titre d'assurance" la caisse des partis conservateurs. Avec l'exécrable Chambre qui vient de sortir des urnes, c'est fatal, c'est couru, l'impôt sur le revenu va être voté. Pour la première fois en effet depuis 1876, le Centre gauche, malgré ses changements d'étiquette, n'est plus en mesure de faire la loi au Parlement et d'imposer ses hommes aux leviers de commande. Il a perdu son rôle sauveur d'arbitre. Il n'a plus le moyen, numériquement, de renverser les cabinets qui lui déplaisent et si les radicaux-socialistes restent opposés à tout collectivisme, du moins sont-ils partisans, dans l'ensemble, de la réforme fiscale voulue par Caillaux.
    Poincaré essaie de forcer la main à la Chambre et de se dérober au verdict du suffrage universel ; il cherche à s'assurer, par des promesses de prébendes, assez de défections radicales pour faire vivre, à l'aide d'une majorité si faible soit-elle, un gouvernement du type ordinaire, avec Ribot à la présidence du Conseil et Delcassé à la Guerre, Delcassé qui, en rage, parle à Paléologue du "pacifisme abominable de nos socialistes". Échec ; complet échec. Le ministère Ribot s'éboule à peine s'est-il présenté devant une Chambre qui trouve, à juste titre, que Poincaré ne manque pas d'aplomb en faisant comme si nul changement n'avait eu lieu dans la répartition des sièges. Les malfaisants sont déjà au travail. Ils ont décidé, paraît-il, d'enlever sur-le-champ et avant même les vacances parlementaires, le vote de l'impôt diabolique ; et ils vont réussir, le 16 juillet 1914, effectivement, l'impôt sur le revenu sera voté. Poincaré ne perd pas la tête. Entre le vote d'une loi et son application, des événements peuvent survenir pour tout arranger. Le président Poincaré ne permettra pas qu'on lui sabote le plan qu'il a conçu. George V s'est rendu à Paris en avril. Tout va bien de ce côté-là. Mas il n'y a plus de temps à perdre, car on murmure, dans les couloirs, qu'à la rentrée des Chambres, en automne, c'est un grand ministère Caillaux qui se prépare, renversant de fond en comble la politique extérieure de la France telle qu'elle est conduite depuis janvier 1912 ; et qui recevrait, dans cette combinaison, le portefeuille des Affaires étrangères ? Jaurès, oui, Jaurès [cf J. Caillaux,
    Mes mémoires, 1947, t.3, p.153]. La fin de tout. On ne saurait s'y résigner. Pour que pareille catastrophe soit épargnée aux "honnêtes gens", toute parade est légitime.
    Un bon signe va venir de Russie. En janvier, c'était la France qui s'impatientait devant l'immobilisme russe. Et voici qu'un article de la Novoïe Vremia -article inspiré non certes par le tzar mais par des personnages influents- intervertit les rôles ; c'est de Saint-Pétersbourg maintenant qu'arrive un intéressant témoignage d'attente anxieuse, irritée: que fait donc la France ? Ah ! Bien sûr, les élections ! Les "Jacobins" ! Malheureuse France, hier source vive et qui tourne à l' "eau croupissante". Vraiment ? C'est ce qu'on va voir. Dans sa quête ardente de la meilleure tactique à suivre et des complicités, au sein de la majorité nouvelle, qu'il lui faut absolument découvrir, Poincaré a fini par trouver son homme, l'ex-socialiste René Viviani. Après Millerand, puis Briand, Viviani est le troisième socialiste éminent à avoir quitté le parti pour mettre sa dextérité politicienne au service des gens de bien. Il l'a fait en 1906, devenant ministre, mais il n'a pas encore accédé aux cimes. En échange de la présidence du Conseil -et du portefeuille des Affaires étrangères- que Poincaré lui propose, Viviani accepte de livrer le gage auquel, pour l'heure, le Lorrain tient capitalement. Viviani s'engage à ne plus combattre les "trois ans" ; du moins dans l'immédiat.
    Isvolski est satisfait, qui commente ainsi l'élévation de Viviani: "C'est un radical du même genre que Briand, Millerand et autres, doctrinaires rendu raisonnable par l'exercice du pouvoir".
    Le cabinet Viviani est constitué le 13 juin 1914. Le 28, c'est l'attentat de Serajevo.
    " (p.125-128)
    -Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll. Idées, 1974, 476 pages.



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    Henri Guillemin, Regard sur Nietzsche + Nationalistes et nationaux (1870-1940) Empty Re: Henri Guillemin, Regard sur Nietzsche + Nationalistes et nationaux (1870-1940)

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 14 Jan - 16:54

    "
    -Henri Guillemin, "Le Grand jeu", chapitre VI in Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll. Idées, 1974, 476 pages, pp.129-151.



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    Henri Guillemin, Regard sur Nietzsche + Nationalistes et nationaux (1870-1940) Empty Re: Henri Guillemin, Regard sur Nietzsche + Nationalistes et nationaux (1870-1940)

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 14 Jan - 16:59

    "[C'est] pour préserver le pays d'une contagion russe que l'Etat-Major allemand, au début de novembre 1918, a lui-même poussé à la formation d'un gouvernement parlementaire qui portera la responsabilité de l'armistice tout en obtenant des vainqueurs l'essentiel: l'autorisation accordée au vaincu de conserver une force militaire suffisante pour écraser, chez lui, les "rouges". Foch, du reste, y prête la main. S'il écarte l'idée, nourrie par Castelnau, d'une offensive, assurée du succès, sur l'Allemagne du Sud et portant la guerre, enfin, sur le territoire ennemi, et s'il s'empresse d'accueillir les plénipotentiaires de Berlin, c'est qu'il redoute de travailler, en poursuivant l'assaut, au profit des révolutionnaires et d'accroître ainsi, de la manière la plus dangereuse, la puissance du bolchevisme. L'intérêt du Bien exige que l'Allemagne conserve un régime "honnête", protégé par des bataillons solides, et une artillerie suffisante, contre les pavés de la canaille." (p.153-154)

    "Le public ignorera -ces détails ne sont pas pour lui- que le gouvernement a rejeté la proposition de Lénine offrant d'avaliser toutes les créances françaises inférieures ou égales à dix mille roubles, pourvu que la France renonçât à soutenir les entreprises des généraux blancs essayant un démembrement de la Russie." (p.157)

    "C'est précisément cette orientation nouvelle et vitale qu'a proposée Wilson, le 8 janvier 1918, dans les quatorze points de son message. Il suggère à l'Europe de se construire à la façon des Etats-Unis: autonomie des Etats dans le domaine de la justice, de l'enseignement, de la police, mais suppression des barrières douanières et adoption d'une monnaie commune." (p.160)

    "Droits des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Mais un demi-million d'Allemands passent sous une domination étrangère pour permettre à la Pologne de posséder ce "couloir" en forme d'avenue qui lui donne accès à la mer ; mais trois millions d'autres Germains, ceux des monts Sudètes, sont attribués à la Tchécoslovaquie ; mais le Tyrol de langue allemande est annexé à l'Italie au mépris d'un plébiscite officieux purement et simplement annulé par les vainqueurs ; mais l'Autriche, devenue minuscule, réclame en vain son rattachement à l'Allemagne, comme la Savoie, cinquante ans plutôt, avait rejoint la France ; mais trois millions et demi d'authentiques Hongrois sont, en Transylvanie, autoritairement détachés de leur patrie pour devenir Roumains." (p.163)

    "Sous le prétexte de chercher à rouvrir un front de l'Est après la paix de Brest-Litovsk, et dès le début d'août 1918, la France, d'une part, l'Angleterre de l'autre, envoient des hommes à Arkhangelsk et à Vladivostok ; mais il apparaît très vite qu'il s'agit en fait de tenter, par tous les moyens, la destruction, en Russie, d'un régime inadmissible. On utilise contre les "bolcheviks" -devenus, en mars 1918, les "communistes", avec leur pouvoir central à Moscou- les 40 000 hommes de la légion tchécoslovaque qui devaient, en principe, s'embarquer à Vladivostok pour gagner le front de l'Ouest ; conseillés par le général Janin, ils font volte-face et marchent sur Moscou. Le gouvernement soviétique est assailli de tous côtés par les Joudenitch, les Koltchak, les Denikine, les Wrangel et ces "partisans du rétablissement de l'ordre" qui s'appliquent à mettre en pièces la Russie de la Baltique au Caucase et de la Crimée en Sibérie. Le 29 décembre 1918, le ministre français des Affaires étrangères, Pichon, qui foudroie le régime "odieux, abominable", instauré en Russie par "une poignée d'énergumènes", exalte la grande victoire qu'auraient remportée les troupes "blanches" dans l'Oural et salue Koltchak et son "gouvernement d'Omsk", dictateur militaire avec Janin pour maître d’œuvre ; et Millerand, en mai 1920, "reconnaîtra" même, officiellement, le "gouvernement" de Wrangel, lui accordant un "large appui moral et matériel". Le plan français est de couper en deux la Russie ; une flotte française est en mer Noire pour un débarquement à Odessa, tandis que les Anglais cherchent à s'emparer de la Transcaucasie et de ses puits de pétrole. Le général Berthelot encourage les Roumains à se jeter sur la Moldavie, et Foch déclare qu'il est prêt à envisager la reconstitution, sous son contrôle, d'une sérieuse armée allemande et que, si les Etats-Unis mettent cent mille hommes à sa disposition, il se fait fort de rejeter les Russes sur l'Oural, au-delà duquel les Forces "blanches" de Sibérie les anéantiront. Mais si Wilson a consenti à une présence américaine, symbolique surtout, à Vladivostok, il ne l'a fait que pour surveiller les Japonais dont les avidités l'inquiètent, et il n'entend pas engager son pays dans une croisade antisoviétique.
    Le gouvernement français adopte et perfectionne à l'égard de la Russie le comportement dont l'Allemagne impériale lui avait donné l'exemple: qu'un "cordon sanitaire" s'établisse autour de cette part de l'Europe en proie à la peste rouge. Une Roumanie démesurément accrue sera, au sud-est, la tête de pont de l'Occident"libre" contre ce qui va devenir, en décembre 1922, l'U.R.S.S. ; et la même Pologne secrètement sacrifiée en février 1917 aux intérêts tzaristes, formera le bastion principal du monde civilisé face aux barbares "asiates" de Moscou. La frontière ethnique et légitime de la Pologne ressuscitée suivait, en décembre 1919, la "ligne Curzon" ; mais Pilsudski, qu'entourent neuf généraux français et qui veut profiter de la faiblesse russe, se jette à l'attaque au printemps de l'année suivante ; la connivence de Petlioura lui permet de prendre Kiev (7 mai 1920) ; une contre-offensive inattendue amène l'armée rouge aux portes de Varsovie. Millerand délègue aussitôt Weygand en Pologne, avec une puissante mission militaire (plus de deux mille "cadres" et conseillers), et l'agression polonaise aura sa récompense au traité de Riga (18 mars 1921) qui reporte de 250 kilomètres vers l'est la frontière polono-russe et tient pour Polonais, dorénavant, un million et demi de Blancs-Russiens et quatre millions et demi d'Ukrainiens
    ." (p.163-165)

    "Le 19 septembre 1919, Denys Cochin écrit à Barrès: "J'étais peu enthousiaste de la République, il y a dix ans ; mais comment ne pas la reconnaître, et même l'acclamer, maintenant qu'elle a reconquis l'Alsace ?"." (p.171)

    "Le 5 septembre 1919, en manchette énorme, Le Journal reproduisait la déclaration faite la veille par le ministre des Finances: "L'Allemagne paiera 463 milliards" -par annuités de 13 milliards, avait précisé Klotz. Le 12 septembre, Loucheur, ministre de la Reconstruction, rectifie: non pas treize milliards par an, mais dix-huit. Et Le Figaro du 13 couvre d'éloges ce gouvernant selon son cœur ; avec de pareilles "rentrées", prévoir des impôts nouveaux (et particulièrement une stricte application de l'impôt sur le revenu) serait insensé ; pis, anti-français. Ces chiffres délirants, la Commission des Réparations les ramène, en 1921, à 132 milliards, payables en annuités de 500 millions de dollars, estimation qui demeure sans commune mesure avec les possibilités du réel. Aucun doute, d'ailleurs, inutile de le dire: les gouvernements allemands s'évertueront à tout faire pour se dérober de leur mieux au paiement des sommes qu'on leur réclame. Au printemps de 1921, ils ont tout de même déjà versé aux vainqueurs plus de sept milliards ; au total, lorsque la question des réparations sera enterrée (Lausanne, juillet 1932), l'Allemagne s'en sera tirée avec quelque vingt-cinq milliards de débours." (p.187)
    (p.187)

    "Acclamé par L'Action française (Léon Daudet parle avec ravissement de cette "entrée dans le paradis de l'action"), Poincaré décide de mettre la main sur la Ruhr. Le 9 janvier 1923, deux divisions d'infanterie et une division de cavalerie envahissent le territoire allemand ; la France va se payer elle-même en exploitant à son profit les ressources industrielles et minières de la Ruhr ; mais une "résistance passive" s'organise aussitôt ; arrêt de l'extraction, suivi d'une grève des chemins de fer non seulement de la Ruhr mais de toute la Rhénanie. Poincaré riposte en expulsant 1400 cheminots allemands et en faisant amener sur place 12 500 mineurs et cheminots français et belges, établissant en outre un cordon douanier qui barrera toute exportation de la Ruhr en direction du reste de l'Allemagne. Des heurts se produisent. Le 2 avril, à Essen, treize ouvriers allemands sont tués dans une échauffourée et le 8 mai, l' "agitateur" Schlageter est passé par les armes. Le gouvernement de Berlin octroie des indemnités à tous les ouvriers et "cadres" qui refusent de collaborer avec l'occupant, et le mark s'effondre ; en avril un dollar vaut 35 000 marks ; en août, 500 000 ; en septembre, quatre millions. Fin septembre, Stresemann, qui est le délégué au Pouvoir des milieux industriels et bancaires, ordonne la cessation de la résistance passive." (p.189)

    "Sur l'essentiel, Herriot s'esquive, reprenant la bonne méthode de Waldeck-Rousseau que lui facilitent les milieux catholiques et la Fédération cléricale du général de Castelnau déchaînée, au nom de la Foi, contre le Cartel des Gauches ; délaissant un peu trop ses saintes préoccupations, dans L'Écho de Paris du 30 septembre 1924, Castelnau stigmatisera les "politiciens du Bloc des gauches", ces "joueurs de bonneteau électoral qui devraient être arrêtés, jugés et condamnés et qui nagent dans la béatitude des grands et petits profits du pouvoir". Les réformes économiques et sociales ? Patience ! L'important, c'est la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican qu'a rétablies le Bloc national et l'extension des "lois laïques" aux départements recouvrés." (p.193)

    "La guerre, en 1914, avait mis à la raison une Chambre déplorable. Il aura fallu deux ans pour venir à bout de la Chambre, encore plus nocive, de 1924." (p.199)

    "En avril 1927, le ministre de l'Intérieur Sarraut lance le mot d'ordre: "Le communisme, voilà l'ennemi !". La fortune politique des Sarraut s'est faite au moyen de l'anticléricalisme ("Le cléricalisme, voilà l'ennemi !") ; mais l'heure n'est plus à ces misères et les catholiques soutiennent Poincaré. Et, pour faire pièce aux socialistes, quinze jours avant le scrutin, le gouvernement fera voter le principe des assurances sociales -le principe seulement ; l'application est différée (ç'avait été la méthode de Briand, pour les retraites ouvrières, à la veille des élections, déjà redoutables, de 1910).
    Dextremement manié, le scrutin d'arrondissement confirmera l'espoir dont il était porteur, et, en dépit de leurs 200 000 voix de plus qu'en 1924, les communistes (qui totalisent maintenant un million de suffrages) perdent dix députés, leur représentation parlementaire tombant de vingt-six hommes à seize. Les socialistes,
    grosso modo, conservent leurs positions (104 députés au lieu de 107), mais les radicaux reculent, perdant quarante sièges (ils ne sont plus que 111) et la Droite -autrement baptisée, cela va de soi- gagne cinquante sièges et plus. Poincaré l'emporte. Il dispose désormais de quelque 330 voix sur les 612 de la Chambre. Le cap est franchi. On peut y aller, maintenant, pour la dévaluation. Elle s'opère le 25 juin 1928 ; le franc est amputé des quatre cinquièmes de sa valeur-1914. Naissance d'un radieux petit franc de quatre sous, le "franc-Poincaré", issu de cette manipulation "qui eût été jugée sacrilège si elle avait été l’œuvre d'un autre"." (p.202)

    "En février 1932, il y a, en France, quelque deux millions de chômeurs." (p.205)

    "Un triste échec pour les "modérés", ces élections de mai 1932. Si les communistes ne progressent pas, les députés radicaux retrouvent et dépassent même leur contingent de 1924 ; ils sont 157 ; et les socialistes gagnent près de vingt siècles. Jamais ils n'ont été si nombreux à la Chambre ; les voilà maintenant 130. Avec 260 sièges environ, le Centre et la Droite ont de nouveau perdu la majorité." (p.206)

    "Le Temps du 11 octobre se félicite de ce qui s'est accompli au Tessin. François-Poncet loue de son bon travail le ministre des Affaires étrangères, et Paul Reynaud qui, beaucoup plus tard, en 1945, se fera si sévère pour l'accord de Locarno, oubliera, à cette date, que, le 31 octobre 1925, dans la Revue hebdomadaire, il y avait applaudi. [...] Il est vrai que, sans égards pour l'esprit même de la Société des Nations et sa signification fondamentale (plus de pactes bilatéraux), Briand signait des traités d'alliance militaire avec la Tchécoslovaquie et la Pologne." (p.208)

    "La crise américaine constituait la démonstration même des résultats inévitables auxquels conduit le "libéralisme économique" dans la plénitude de son application." (p.218)

    "Un ralliement de plus en plus net se dessine, chez les grands possédants, à l'antiparlementarisme, et les milieux qui, cinquante ans plus tôt, avaient découvert avec délectation tout ce que le régime "républicain" avait de profitable, s'en détournent à présent et se mettent à le maudire, à le poursuivre de leurs accusations. Candide est apparu en 1924, suivi de Gringoire, son semblable, en 1928, puis de Je suis partout en 1930 ; trois hebdomadaires puissamment financés et que les mots de "République", de "démocratie" mettent en joie, pour une dérision grinçante, opiniâtre, haineuse à mort. La première fois qu'on a vu la rue occupée non plus par une manifestation ouvrière mais par des gens d'une autre classe, des fils de famille, de jeunes bourgeois surexcités, ç'avait été le 21 juillet 1926, quand cette foule inédite s'entassait, tumultueuse, devant les grilles du Palais-Bourbon pour couvrir de malédictions Herriot revenu au pouvoir et lui crier: Dehors ! Récidive, au même lieu, et contre le même Herriot, le 13 décembre 1932. C'est le temps des ligues, à l'imitation de la vieille ligue d'Action française [...] Les effectifs des maurrassiens s'enflent de mois en mois et Daudet qui a perdu, aux élections de 1914, l'unique siège que L'Action française occupait au Parlement, tonitrue contre l'institution. A l'appel de Taittinger, les "Jeunesses patriotes" bénies par Castelnau, et sous la présidence d'honneur d'Alexandre Millerand, ont fait une bruyante irruption dans l'actualité le jour du du transfert au Panthéon des cendres de Jaurès, tant leur sang français était révolté par cet hommage posthume rendu à un infâme. [...] Ligue encore, le "Francisme" de Bucard, dont l'insigne préfigure celui qu'adoptera Vichy. Deux "comités" se constituent, en outre ; en 1932, le "Comité de Salut économique", suscité par la C. G. P. F. et le "Comité", bientôt ligue "des Contribuables" dont l'animateur, derrière un homme de paille, est le gendre des Lesieur -huileries- Lemaigre-Dubreuil. Une exécration du régime parlementaire unit tous ces groupements où l'on crie: "La France aux Français !", où l'on voue aux gémonies, pêle-mêl, les soviets, les juifs et les franc-maçons. A Magic-City, le 28 janvier 1933, Large, le porte-voix de Lemaigre-Dubreuil, rugit: "S'il le faut, nous nous débarrasserons de la Chambre !", et le public qu'a ressemblé, salle Wagram, le 30 janvier, le Comité de Salut économique se met en marche, ensuite, vers le Palais-Bourbon pour exprimer sans retenue ses vœux patriotiques: "Plus de députés ! Dissolution ! Dictature !" [...]
    Depuis la fin de 1922, l'ordre règne en Italie avec le fascisme mussolinien. On s'était d'abord, à L'Action française, montré réservé devant cette expérience. Le 15 février 1924, à la Chambre, Daudet avait parlé du fascisme comme d'un phénomène dangereusement populacier et, le 6 novembre 1926, Maurras accusait Valois d'être payé par les Italiens, lesquels, disait-il alors, convoitent Nice. Mais on s'est, depuis, rassuré. Maurras salue maintenant avec chaleur l'exemple italien [et Je suis partout a eu l'honneur de publier, le 16 août 1931, un article de Mussolini lui-même]. Le Temps du 7 octobre 1933 félicite nos voisins d'au-delà des Alpes d'avoir su se donner un régime "moderne" et La Revue hebdomadaire se targuera bientôt d'être en France la plus belle "forteresse fasciste". Et voici, en janvier 1933, un réconfort inappréciable, venu, cette fois, d'outre-Rhin: la chute de la République allemande, la prise du pouvoir par Hitler. Le 28 novembre 1933, Le Capital, qui s'est assuré la collaboration de Jacques Bainville, note que "les meilleurs esprits envisagent l'expérience d'un gouvernement autoritaire à l'image de ceux d'Italie et d'Allemagne", et La Semaine religieuse de Paris, en février 1934, dira son allégresse: "A l'intérieur du pays comme au-delà des frontières, un Ordre nouveau s'élabore". Le 10 janvier, La Victoire, de Gustave Hervé, a réclamé "le chef qui émergera en France comme il a émergé en Italie et en Allemagne". [...]
    L'Antique et grave Revue des Deux Mondes voit son travail corroboré non seulement par La Revue hebdomadaire mais par cette jeune Revue universelle qu'ont fondée Massis et Bainville, et des noms nouveaux étincellen, à droite: Brasillach et Talagrand (dit "Thierry Maulnier") qui tous deux se lancent en même temps dans Candide en 1931, Gaxotte, Alain Laubreaux, Georges Blond, Lucien Rebatet, Jean de Fabrègues, etc. Par l'effort, bulletin mensuel de l'Association nationale des officiers combattants (directeur: le colonel Ferrandi, conseiller municipal de Paris) contient, en première page, dans son numéro de mars 1933, un dessin où l'on voit le Palais-Bourbon en flammes (le Reichstag vient de brûler), avec cette légende alléchée: "Faudra-t-il en arriver là ?". Quant à La Revue hebdomadaire, le 25 novembre 1933, elle annonce avec une tranquille assurance que l'équipe de nettoyage se rassemble, et qu'elle agira sous peu, "d'ici quelques semaines" ; "cela se fera très simplement et très vite", déclare le périodique de François Le Grix: proclamation de l' "état de siège" et "la Chambre mise en congé sine die"." (pp.219-224)

    "Stavisky se tue -ou est tué. Chautemps commet la sottise de refuser une commission d'enquête. C'est la ruée. Le 7 janvier [1934], L'Action française lance aux Parisiens un appel dont les termes sont instructifs: "Pour défendre leurs biens, avec la propreté du pays, que les honnêtes gens se dressent !" [...] Les camelots du roi organisent quotidiennement des manifestations, boulevard Saint-Germain, scandant un "ça ira" revue et corrigé: "Les députés à la lanterne !". La police du préfet Chiappe n'intervient pas et laisse faire, bienveillante. L'Action française du 12 s'écrie, sur six colonnes: "Révolte de Paris contre les voleurs. Pour l'honneur français, en avant ! Jusqu'au bout !". Philippe Henriot, qui tient à la Chambre le rôle de sycophante où s'était illustré Léon Daudet de 1919 à 1924, "interpelle" à grand bruit les 11, 18 et 23 janvier. Le 15, salle Wagram, la Solidarité française appelle les gens de bien à l'insurrection [...] On s'agite aussi à l'Hôtel de Ville où la majorité de droite -grâce au savant découpage électoral: quartier Gaillon, 900 voix suffisent pour l'élection d'un conseiller municipal ; quartier Clignancourt, c'est 28 000. [...] Chautemps se retire, et Daladier le remplace. La commission d'enquête sur l'affaire Stavisky, refusée par Chautemps, Daladier l'accepte [...] Tardieu annonce dans sa Liberté: "Créé contre le sentiment public, ce cabinet succombera, comme le précédent, sous la révolte de l'opinion". La Croix rappelle à tout catholique ce qu'il ne doit jamais oublier, à savoir qu' "actuellement, il n'est pas en République ; il est en franc-maçonnerie" et La Semaine religieuse de Paris reproduit un manifeste de l'épiscopat canadien contre le marxisme, avec cette phrase éclairante: que devient "dans la perspective des nationalisations, le principe de la propriété privée ?" Un tract des Jeunesses patriotes fustige: "la dictature des politiciens, la dictature des francs-maçons" et clame: "La Patrie est en danger ! [...] Déchéance du Parlement ! [...] Voici l'heure de la Révolution nationale !" L'Action française du 6 février paraît avec une manchette de deux lignes, barrant toute la page: "Contre les voleurs ! Contre le régime abject ! Tous, ce soir, devant la Chambre !", tandis que Le Figaro demande "un vigoureux coup de reins" et Le Temps un "sursaut de la nation". Daladier s'est rendu coupable d'un attentat: il a congédié Chiappe -mais, timide et comme effrayé lui-même de son audace, il lui a offert, en compensation de cette préfecture de police qu'il lui ôte, le poste enviable de Résident général au Maroc. Commentaire de L'Action française: Daladier "révoque le gendarme pour donner carrière à l'anarchie socialiste". A nous, les "honnêtes gens", et Brasillach évoquera, dans Je suis partout [1er avril 1942], ce 6 février 1934, plein des "plus admirables espoirs", "aube du fascisme".
    Manqué. L'émeute avait d'abord marché bon train ; la foule grouillait sur la Concorde. A revers arrivaient les Croix-de-Feu qui étaient sur le point, par la place de Bourgogne, d'envahir la Chambre d'où la plupart des députés s'étaient enfuis. Tout à coup, stop. La Rocque ordonne à ses troupes de laisser tranquille le Palais-Bourbon. Quant à Maurras, dès le début de l'entreprise, il s'est enfermé chez lui, refusant toute visite, s'abstenant de tout mot d'ordre, et Pujo le combattant a disparu. [...]
    Tout se limitera au remplacement du ministère Daladier, suspect d'indulgence pour les socialistes [...] Daladier s'en va, alors qu'il n'a aucun raison de s'en aller. Il n'a pas été mis en minorité à la Chambre et il a défendu l'institution républicaine, de vive force attaquée. Mais, pour "tenir", il lui faudrait sans doute faire appel à l'armée, et il a des raisons de penser que l'instrument n'est pas sûr dans sa main. Bien des officiers n'ont de goût que pour une certaine répression. [...]
    Un essai de coup de force, le 6-Février ? Vous n'y êtes pas. Erreur complète. Gaxotte expliquera, l'année suivante [Je suis partout, 9 février 1935], qu'il s'agissait, au contraire, de prévenir un complot anarchiste, et il glorifiera "le sacrifice de Français héroïque dont la mort empêcha le coup d'Etat de Blum et de Daladier [...] et détruisit une tentative de tyrannie qui aurait plongé la nation dans la ruine et le deuil". Parce que Daladier n'a pas interdit aux "forces de l'ordre" d'utiliser leurs armes contre ceux qui les attaquaient, c'est lui, Daladier, pour les bons journaux, le coupable. "Le gouvernement de M. Daladier, déclare L'Écho de Paris, du 7 février, a provoqué [sic], hier, la guerre civile" ; il est l' "assassin" pour L'Action française, le "fusilleur" pour Gringoire. Dans sa proclamation du 9 février, l'Union nationale des Combattants affirme: "Pour la première fois depuis la Commune, le gouvernement a fait tirer à balles sur des Français", car les balles de Fourmies et de Draveil-Vigneux ne comptent pas ; des prolétaires en grève perdent, pour l'U. N. C., leur qualification nationale. Si Daladier se démet -il n'a même pas osé faire procéder à des arrestations (et c'est la saisie de L'Humanité que préconise Le Figaro du 7 février)-, c'est aussi qu'il a été poussé par Lebrun que Laval, écarté du pouvoir depuis deux ans, est allé trouver, persuasif, à l'Élysée pour lui suggérer la bonne solution: un nouveau gouvernement d' "union nationale", comme en 1926, comme en 1915 -et vous verrez, a-t-il dit au président de la République, vous verrez qu'Herriot marchera-, moins, bien entendu, ces socialistes contre lesquels il s'agit, précisément, d'édifier un barrage. Et c'est Laval qui a trouvé l'homme de recours, à défaut d'un Poincaré inutilisable (il n'est plus, en 1934, que l'ombre de lui-même ; il expirera en octobre, et on lui décernera des funérailles nationales bien méritées): c'est ce Doumergue que la Droite avait porté à la tête de l'Etat, en 1924, contre la Gauche et son candidat Painlevé [...] Une étincelante équipe est aussitôt constituée, avec Herriot -vous voyez bien !- et Tardieu, réconciliés dans l'urgence patriotique et conjointement "ministre d'Etat", et trois autres anciens présidents du Conseil, Barthou aux Affaires étrangères, le radical Sarraut (l'anticommuniste) à l'Intérieur, et Laval lui-même aux Colonies ; le "néo" Marquet accède à un portefeuille ; il est ministre du Travail, juste récompense du coup qu'il a porté, l'année précédente, à la S.F.I.O. Pour couronner le tout, un nouveau venu dans la politique, prestigieux, éblouissant, le maréchal Pétain en personne. Après une émeute faite aux cris de "A bas les politiciens ! A bas les loges maçonniques !", c'était assez gracieux, ce ministère présidé par un franc-maçon notoire, escorté d'un autre dignitaire (Sarraut) et composé de tout ce que la gent politicienne avait de plus usagé. La Chambre de 1932 s'incline avec respect, comme avait fait en 1926, devant Poincaré, la Chambre "cartelliste" de 1924 ; le cabinet Doumergue y est accueilli par 402 oui ; seuls ont voté contre ce qui reste des socialistes (ils ne sont plus que 96, après la défection des "néos") et les dix communistes ; 28 radicaux, toutefois, se sont abstenus, dont cet inquiétant jeune homme qui prétend s'appeler Mendès France. Les ligues, mobilisées encore le 7 au matin pour renverser le gouvernement Daladier, ont reçu, l'après-midi -les choses prenant une heureuse tournure- l'ordre de ne plus bouger et Doumergue saura gentiment apparaître, au balcon de son appartement privé, coiffé du béret réglementaire, pour y recevoir l'ovation des Jeunesses patriotes." (p.225-231)

    "Lire L'Action française, avait enseigné Marcel Proust, c'est "faire une cure d'altitude mentale", et Thibaudet, faux paysan du Danube, "radical" évolué et qui veillait à rester dans le vent, rejoignait chaque jour les jeunes loups de l'extrême-droite "dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés" où, rapporte Brasillach, "il nous lisait à haute voix" sans cacher son admiration, l'article de Maurras paru le matin." (p.239)

    "Blum que Maurras traitait de "détritus humain" ; homme "à fusiller", à fusiller "dans le dos", écrivait-il." (p.243)

    "Afin de préserver les marges bénéficiaires de tout inconvénient issu de la hausse des salaires, des quarante heures et des congés payés, le patronat demande -c'est bien naturel- aux consommateurs de quoi faire face aux "sacrifices" qu'on lui impose, et il majore ses prix de vente. Si bien qu'en peu de jours l'augmentation des salaires, saluée avec tant de joie par les pauvres gens, au mois de juin, se trouve engloutie et dévorée par la hausse des prix." (p.252-253)

    "Au premier rang de ces quotidiens de combat, L'Action française, avec, constituant son escorte, ces revues de bon ton où règne, à des degrés divers, l'esprit maurrassien: La Revue des Deux Mondes de Doumic, La Revue hebdomadaire de Le Grix, la Revue universelle de Massis, la Revue de France de R. Recouly ; et tout cela dans le tintamarre mené par les trois hebdomadaires profascistes, Candide, Gringoire et Je suis partout." (p.256)

    "Les sections d'Action française […] se baptisent "Cercle Jeanne-d'Arc", au Raincy […] "Cercle Jacques-Bainville", à Paris (le président du Cercle est le mérachal Francet d'Esperey ; cinq académiciens sont membres du Comité: Abel Bonnard, Henry Bordeaux, Maurice Donnay, Georges Lecomte et Paul Valéry)." (p.260)

    "Dans une lettre ouverte, François Mauriac à Kerillis en novembre 1938: "Quand le moment sera venu d'écrire l'histoire du nationalisme français, il sera curieux d'étudier cette étrange évolution qui crée, chez les nationalistes d'aujourd'hui, une haine inconsciente de leur pays." (p.265)

    "On est pris, à L'Action française, entre deux tendances contradictoires, l'une, de politique extérieure, qui voudrait la protection du pays, l'autre, de politique intérieure, qui veut la destruction, à tout prix, de la République." (p.271)

    "Le groupe de l' "Ordre nouveau" ne voit aucun inconvénient à ce qu'un de ses membres éminents, Daniel-Rops, collabore à la Critica fascista de Bottai." (p.273)

    "A la veille des élections de 1936 où s'annonçaient le succès du Front populaire, L'Action française du 26 avril s'écriait: "Votez contre la révolution, et contre la guerre". Contre la guerre ? Mais oui ; un succès socialo-communiste en France, c'est la certitude des plus graves difficultés avec l'Allemagne." (p.279)

    "Vous allez voir, disent-ils, que Blum-le-Juif va vouloir voler au secours, en Espagne, de ses pareils, les "rouges", du "Frente crapular", comme dit si Bien Castelnau -lequel, dans L'Écho de Paris, définit ainsi le soulèvement de Franco: c'est "la civilisation occidentale" (toujours elle) en lutte contre "la barbarie moscovite"." (p.282)

    "Rome et Berlin, le 1er novembre 1936, ont annoncé la naissance de leur "Axe". Le "gouvernement" du général Franco est officiellement "reconnu", le 18 novembre, par l'Allemagne et par l'Italie. Le 27 février 1939, avant même la chute de Madrid, c'est la France à son tour, G. Bonnet étant ministre des Affaires étrangèes, qui "reconnaîtra" Franco." (pp.285-286)

    " "Il faut rompre l'alliance russe", a proclamé Je suis partout le 17 août 1935, après deux articles déjà, l'un antérieur, l'autre postérieur au pacte (20 avril et 18 mai), pour s'opposer radicalement à tout accord avec l'U.R.S.S. Inutile de dire que L'Action française menait la même campagne." (p.287-288)

    "L'U.R.S.S ? Elle aussi, comme la France, s'est portée garante de l'intégrité territoriale tchécoslovaque, et Litvinov, le 19 septembre 1938, rappelle que son pays est prêt à intervenir en même temps que la France pour retenir Hitler dans les menées qu'il dirige contre Prague ; mais une intervention militaire soviétique en faveur de la Tchécoslovaquie n'est pas concevable que si la Pologne accepte le transit des troupes russes à travers son territoire, ce à quoi la Pologne s'oppose absolument." (p.302)

    "Le 30 novembre 1938, à la Chambre italienne, des clameurs retentissent: la Tunisie, la Corse, Nice "à nous !". Des manifestations antifrançaises, autorisées, c'est-à-dire suscitées, ont lieu les 7 et 8 décembre à Rom, Milan, Naples, Ancône et Venise, et le Tevere du 14 janvier 1939 déclare aimablement qu'il "crache sur la France". On se refroidit alors du côté de L'Action française à l'égard de l'Italie." (p.313)

    "Le 23 [mars 1939], la Roumanie signe avec l'Allemagne un accord qui donne au Reich la mainmise sur ses ressources économiques. Le tour de la Pologne est venu. Le 18 mars, l'U.R.S.S. a, une fois de plus, proposé une conférence tripartite pour la formation de ce bloc Ouest-Est seul capable d'arrêter Hitler dans sa politique forcenée. L'obstacle est toujours le même: la Pologne refuse toute collaboration militaire de l'U.R.S.S. ; cramponné à ces territoires sur lesquels elle n'avait aucun droit et qu'elle a, par la force, arrachés à la Russie avec la connivence de Millerand, elle cherche fiévreusement, depuis des mois, à se rapprocher du Reich. […] La Pologne est prise désormais entre les deux branches de cette alternative: ou disparaître totalement sous la ruée allemande, ou censentir à cet appui militaire soviétique qui lui coûtera, vraisemblablement, la restitution des provinces volées." (p.315)

    "Faiblesse, infériorité militaire, incapacité matérielle, c'est l'argument de bonne mine sur lequel se sont jetés les "nationaux" pour donner le change et vêtir avec convenance la passion politique dont ils sont animés: pas de guerre avec ces régimes dont il faut préserver le bienfait, porteur de tant d'espérances." (p.317)

    "Staline, en août 1939, a perdu tout espoir d'une collaboration militaire avec la France et l'Angleterre ; il connaît, au surplus, les desseins de Bonnet à son égard. Ce qu'Hitler, à l'improviste, se déclare prêt à lui concéder est d'un tel avantage pour son pays qu'il serait fou de n'en profiter point. D'une part, il récupère son "Alsace-Lorraine" et reporte à 250 km vers l'ouest les premières défenses de Leningrad et de Moscou ; d'autre part, ce répit que lui laisse Hitler, il pourra l'employer à parfaire sa puissance militaire en attendant l'inévitable attaque allemande ; enfin il gagne de vitesse ceux dont il croit avoir les meilleures raisons de supposer qu'ils cherchent à s'entendre avec Hitler contre lui. Telles sont, dans leur simplicité rude, les raisons de ce pacte germano-soviétique […] Churchill, le 19 mai, avait déclaré aux Communes: "Je n'arrive absolument pas à comprendre ce qui s'oppose à la réalisation de l'accord avec la Russie […] alors que vous pourriez, par ce seul fait, empêcher la guerre d'éclater" ; et il ajoutait: "Si le gouvernement refuse et rejette l'aide indispensable de la Russie […] il nous conduit ainsi, par le pire chemin à la pire des guerres"." (p.323)

    "Le 28 août [1939], Maurras lance un appel, contre le respect de nos engagements envers la Pologne." (p.324)

    "A Je suis partout, on est enthousiaste de Giraudoux et l'hebdomadaire exalte Pleins Pouvoirs, le 1er septembre 1939: "Un ouvrage hardi, original, éclatant d'intelligence et de raison". N'y lisait-on pas, en effet, p.99: "Nous sommes d'accord avec Hitler pour proclamer qu'une politique n'atteint sa forme supérieure que si elle est raciale ?"." (p.326)

    "René Benjamin, en 1943, n'aura aucune gêne à avouer que, "le 3 septembre 1939, nous n'éprouvions pas l'ombre d'un sentiment d'honneur" […] Une "victoire" ? Cette idée, dit-il, "me faisait frémir". […] Et Alain Laubreaux, le collaborateur de Brasillach à Je suis partout, note en toutes lettres dans son journal que ce qu'il souhaite à sa patrie, c'est une guerre "courte et désastreuse". [Écrits pendant la guerre, 1944]." (pp.328-329)

    "Dans le numéro spécial que Je suis partout consacrait, le 9 février, à "La Finlande héroïque", Maurras déclarait sans rire: un soutien militaire à la Finlande s'impose à ce point que "les destins de l'Europe et de la planète y sont suspendus", et Thierry Maulnier, qu'emporte un soulèvement de tendresse humaine en même temps que le souci le brûle de voir la France fidèle à sa vocation, trouve les formules décisives: "notre honneur est en Finlande", la Finlande sera notre "Verdun". Pour Maurras, la ligne Mannerheim n'est rien d'autre que les "Thermopyles" de l'univers civilisé. Le salut de la France est là: "Vous ne voulez pas mourir ? Alors secondez la Finlande !" Si les Suédois et les Norvégiens font mine de protester contre l'utilisation de leur territoire, on leur opposera ce même article du pacte de la S. D. N. que les "nationaux" (et G. Bonnet) ont oublié d'évoquer lorsqu'il facilitait l'alliance russe ; il eût été possible également allemande contre la Pologne ; mais cette fois-ci le roi Léopold III a fait savoir (le 13 janvier [1940]) au gouvernement français qu'il était prêt à autoriser le passage de forces alliées à travers la Belgique si elles se dirigeait contre l'U.R.S.S. ; il envisage même de participer à l'opération militaire." (pp.342-343)

    "Les officiers de carrière, dans l'ensemble, lisent peu, et uniquement -remarque Henry Michel, un pondéré- "les journaux de droite et d'extrême-droite", L'Action française, Candide, Gringoire et ce Je suis partout auquel ils ont abonné quelques trois cents "foyers du soldat" ; le 10 mai, deux cents autres seront en instance d'abonnement. Henry de Montherlant n'a aucun intérêt à mentir lorsque, rallié au régime de Vichy, il évoque, dans son Solstice de juin, ces officiers que "la guerre n'intéressait pas" et qu'il entendait dire, avec simplicité […] "On verra que nous savons nous battre le jour où nous pourrons tirer sur des Français"." (p.348)

    "Sur un point capital, Pétain et Weygand disent vrai, le premier dans son allusion du 25 juin à l' "emploi" défectueux de nos forces, le second dans ses emportements du 26 mai sur l'absence d'une "doctrine militaire" adéquate. A qui la faute ? Aux gouvernants civils dont ce n'est ni le métier ni la compétence, ou aux chefs militaires, dont c'est la fonction propre ? […] Les chars ne nous manquent pas [2700, comme les Allemands], mais on les maintient éparpillés ; Pétain et Weygand sont hostiles à ces divisions cuirassées qui, pourtant, au mois de septembre, en Pologne, ont montré de quoi elles étaient capables. Mais Pétain proclame "la faillite des chars" et Weygand redoute ces concentrations de "mécaniciens", "serres chaudes, disait-il, pour le communisme". Gamelin n'a pu constituer, au moment de la déclaration de guerre, qu'une seule division cuirassée ; les Allemands en avaient six à cette date ; ils en ont dix, en mai." (p.354-355)

    "Membre de la Commission de l'Armée, Taittinger -qu'il serait difficile de faire passer pour un homme systématiquement hostile aux autorités militaires- dresse, le 8 mars 1940, un rapport alarmé après une inspection qu'il a faite autour de Sedan, et croit pouvoir écrire que "nos organisations défensives sont, dans ce secteur, rudimentaires pour ne pas dire embryonnaires". Cet avis critique est porté, par le général Georges, à la connaissance du général Huntziger, responsable dudit secteur. Réponse du général Huntziger: "J'estime qu'il n'y a aucun mesure urgente à prendre pour le renforcement du secteur de Sedan".
    Enfin, l'Histoire demeure perplexe devant la prodigieuse panique dont les 71e et 55e divisions donnèrent le spectacle, alors qu'elles n'étaient pas engagées ; les unités "se désagrégeaient sans avoir été attaquées". Une débandade inouïe ; des fuyards courant jusqu'à Reims tandis que les cadres se volatilisent: "Tel colonel, tel lieutenant-colonel envoient des ordres de repli, puis disparaissent". Tous les témoignages concordent: par centaines, les officiers s'enfuient, abandonnant leurs hommes, utilisant des voitures militaires, ou civiles. […]
    Ajoutons que l'ennemi avait, dans nos lignes mêmes, des agents sous uniforme français ; je ne parle pas de ces collaborateurs spontanés qui fourmillaient parmi nous ; je parle d'Allemands en mission, appartenant à l'armée allemande, et connaissant parfaitement notre langue. A ces volontaires bien entraînés, et intelligents, les incroyables paniques du 13 mai durent beaucoup." (p.356-357)

    "L'Histoire enregistrera, je pense, comme un fait reconnu ce que Maritain soupçonnait déjà en novembre 1940, à savoir que Paul Reynaud, le 16 mai 1940, priait, au vrai, Pétain d' "endosser la responsabilité" des décisions à prendre et cherchait à s'assurer le concours d' "un homme capable, au cas [infiniment probable] où les choses tourneraient au pire, de faire accepter la défaite aux Français"." (p.359)

    "Lorsqu'en 1925 il a consenti, sans difficulté, à se rendre au Maroc pour y évincer Lyautey et régler leur compte aux rebelles d'Abd el-Krim, il a réclamé des moyens énormes, risibles, presque, dans leur démesure ; Pétain exige du gouvernement plus de cent bataillons, avec une formidable artillerie, face à un adversaire qui n'a point de canons et ne dispose que de 30 000 fusils ; c'est le bulldozer contre la poussette." (p.361)

    "Recevant le maréchal Pétain à l'Académie française, Paul Valéry n'avait pas omis de souligner que la "politique", cette réalité basse et "qui vit de choses injustes", avait su, du moins, "respecter" un aussi grand homme." (p.363)

    "A peine installé, rue Saint-Dominique, Pétain avait réuni, à la caserne des Célestins, les officiers de la gendarmerie, de la garde républicaine et de la garde mobile ; il ne leur avait pas caché qu'il n'aimait guère l'attitude qui avait été la leur, le 6, place de la Concorde et le concours qu'ils avaient apporté au gouvernement Daladier face à des patriotes indignés: une manifestation d' "honnêtes gens" ne s'accueille pas comme une émeute de la canaille. L'un deux, le capitaine Fabre, blessé dans l'accomplissement de son devoir, était là, sur une chaise. Le maréchal ne lui avait pas adressé un mot, se bornant à lui jeter un regard glacial." (p.366)

    "[Pétain] devra pourtant à Léon Blum de se voir épargner un gros ennui. Les services de contrôle du ministère des Finances chargés de surveiller les fuites de capitaux et les transferts de fonds à l'étranger ont découvert qu'en date du 27 janvier 1937, un mandataire de Pétain a signé pour lui, à Londres, avec la Confederation Life of Toronto, un contrat de rente viagère à capital aliéné, moyennant une prime unique de 3177 livres (soit environ 350 000 francs d'alors). L'opération tombe sous le coup de la loi ; mais Blum conseillera "étant donné la personnalité de l'intéressé", de ne pas importuner le contrevenant. On ferme les yeux." (p.371)

    "Dans l'interview qu'accorda Pétain au Journal (30 avril 1936), il n'avait pas manqué de déplorer la récente ratification par le Parlement du pacte franco-russe. […] A l'égard de l'Angleterre, Pétain est d'une froideur amère ; à l'égard de l'U.R.S.S., d'une hostilité déclarée. Néanmoins, le 20 juin 1940, Pétain se fera accusateur: c'est avec "trop peu d'alliés" que la France est entrée en guerre. Le maréchal excluait la Russie, s'écartait de l'Angleterre ; quels "alliés" eût-il donc voulu pour la France ? La question est absurde ; c'était cette guerre même, cette guerre à l'Allemagne que, dans sa pensée, il ne fallait pas faire. L'une des phrases coupées par ordre du gouvernement dans son allocution du 21 juin 1936 concernait l'entente franco-allemande, sur laquelle il avait constamment gardé le silence avant l'avènement d'Hitler et qui, maintenant, lui paraissait tout indiquée: "On ne voit pas pour quelle raison deux peuples d'une grande culture ne découvriraient pas le chemin d'une entente […] Les mains ne pourraient-elles être tendues par-dessus les ponts verrouillés ?" Cette image fraternelle, Pétain l'empruntait directement à Hervé lequel, dans son pamphlet du printemps 1936, avait annoncé, prophétique: c'est le maréchal Pétain qui ira "serrer la main que nous tend vainement, depuis deux ans, Adolf Hitler". […] Et il va sans dire qu'en septembre 1938 le maréchal s'était prononcé sans hésitation en faveur de la politique Bonnet et d'un complet abandon de la Tchécoslovaquie à son sort ; la parole donnée par la France ? Bah ! des mots." (p.379-380)

    "" (pp.382-387)

    "Le maréchal, qui remettra à Maurras une francisque d'or et qui lui dédicacera ainsi le premier recueil de ses harangues et messages: "Au plus français des Français", le maréchal qui se targuait de ne lire jamais les journaux, sauf un, L'Action française." (p.397)

    "Le 10, la partie étant jouée, Mussolini s'est jeté sur la France pantelante: trente-deux divisions fascistes, surarmées, contre trois faibles divisions françaises qui tiendront tête admirablement, interdisant à ces assaillants de la onzième heure tout succès réel." (p.409)

    "Halévy sera nommé par Pétain, le 21 juin 1941, membre de ce Conseil national." (p.472)

    "Le mot de la fin, qui dit tout, et dans le langage même de la bonne compagnie, c'est à R. Benjamin que nous le devons: "Le maréchal, en proclamant la révolution nationale, a libéré les honnêtes gens" (Les Sept Étoiles de France, p.115)." (p.473)
    -Henri Guillemin, Nationalistes et "nationaux" (1870-1940), Gallimard, coll. Idées, 1974, 476 pages.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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