Après Marx
Essai de Johnathan R. Razorback. 20 août 2014, Paris.
« A quelles conditions doit satisfaire une doctrine du socialisme pour nous mettre tout à la fois en état de comprendre le mieux possible les phénomènes, et d'agir sur eux avec le maximum d'efficacité ? […] Le chemin qui conduit à ce problème doit passer par une critique du marxisme. […] Pour pouvoir dire après Marx, je dois d'abord dire contre Marx. »
-Henri de Man, Au-delà du marxisme (1926).
« Selon Nietzsche les grands créateurs de vertu, d’art et de pensée, pour délivrer une vie naissante qui attend, brisent les formes anciennes et les habitudes contractées ; et c’est là leur scepticisme. »
-Charles Andler, Nietzsche, sa vie et sa pensée (1920).
« Aussi douloureux que cela puisse être, il nous faut donc remettre en cause nombre de certitudes et tenter de comprendre comment nous avons été si vite rattrapés puis dépassés par cette société même que nous voulions détruire et que nous avons malgré nous contribué à perfectionner.
La première de ces certitudes, c'est cette foi obstinée et aveugle qui veut que la société de classe recèle et refoule dans ses entrailles la possibilité historique de son dépassement. Elle parcourt tout le mouvement ouvrier, héritée de l'eschatologie chrétienne, elle permet aux « consciences critiques » le plus profond sommeil et le marxisme va l'ancrer comme un dogme dans la pensée révolutionnaire moderne.
La deuxième, c'est la théorie confortable de l'aliénation (ou du retard de la conscience), non pas la notion philosophique que nous nous garderons bien de discuter ici, mais cette vulgate théoricienne qui vient conforter les plus flatteuses constructions de la radicalité en prêtant aux individus et aux groupes sociaux des motivations ou des intentions inventées pour les besoins de la cause. La troisième, et c'est par là que nous allons commencer, c'est cette certitude absolue d'être au seuil des bouleversements décisifs que les « lois de l'histoire » nous promettaient, et qui provenait en grande partie de la sous-estimation d'un adversaire qu'on croyait condamné par ces lois, lesquelles interdisaient de reconnaître la bourgeoisie pour ce qu'elle est encore, la seule classe continuant sa révolution au XXeme siècle, la seule classe à même d'en poursuivre le développement. »
-Alain Tizon & François Lonchampt, VOTRE REVOLUTION N'EST PAS LA MIENNE (1999).
Qu’il soit bien entendu que dans cette critique du marxisme, nous attaquons les idées de Marx (et d’Engels), et non celle de la « deuxième génération » de marxistes (Lénine, Rosa Luxembourg, Lukàcs, Gramsci, Georges Sorel, etc) qui les avaient déjà partiellement déformées (Lukàcs en délaissant le contenu pour la « méthode » dialectique, Luxembourg en catastrophisant les prévisions économiques, Sorel en rompant avec le progressisme, etc).
Nous laissons de côté l’antisémitisme diffus de Marx (« L'organisation juive de prêteurs compulsifs est aussi dangereuse pour le peuple que l'organisation aristocratique des propriétaires terriens. » -K. Marx, article pour le New York Daily Tribune) qui est de toute façon bien en-deçà de la haine délirante d’un Proudhon, pour nous concentrer sur le cœur de sa pensée philosophique et politique.
1 : Le marxisme est un progressisme moderniste et un moralisme qui ne s’assume pas comme tel (pour lui, l’Histoire n’est cyclique mais linéaire, en progrès perpétuel, ce qui explique la permanente dévalorisation du passé).
Le contre-argument du caractère cyclique des crises de surproduction ne tient pas, car chacune n’est censée être qu’une répétition de la crise finale annoncée dans Le Capital.
Une erreur lourde de conséquences du marxisme est de définir la nature humaine comme une donnée historique, transitoire (à l’inverse de tous les moralistes, de Machiavel à Vauvenargues, pour lesquels les mœurs et les modes passent, mais l’homme ne change pas). Ce qui implique de rejeter tout le passé, qui n’est que le produit d’une humanité sinon inférieure, du moins radicalement autre. « L’Homme Nouveau » est le seul valable, construit (au besoin par la force) sur l’opposition avec tout ce qui l’a précédé. Le progressisme eschatologique de Marx l’entraîne à moquer comme infantiles toutes les résistances à la modernisation de l’oppression, et à pleurer d’admiration devant la subtilité de la servitude moderne.
« La plupart des innovations techniques qui ont permis aux usines de se développer avaient été découvertes depuis un certain temps déjà, mais étaient restées inemployées. Leur application à grande échelle n’en est pas une conséquence mécanique, mais procède d’un choix, historiquement daté, des classes dominantes. Et celui-ci ne répond pas tant à un souci d’efficacité purement technique (efficacité souvent douteuse) qu’à une stratégie de domestication sociale. La pseudo-révolution industrielle se résout ainsi à une entreprise de contre-révolution sociale. Il n’y a qu’un seul progrès : le progrès de l’aliénation.
Dans le système qui existait antérieurement, les pauvres jouissaient encore d’une grande indépendance dans le travail auquel ils étaient contraints. La forme dominante était l’atelier domestique : les capitalistes louaient les outils aux ouvriers, leur fournissaient les matières premières, et leur rachetaient à vil prix les produits finis. L’exploitation n’était pour eux qu’un moment du commerce, sur lequel ils n’exerçaient pas de contrôle direct. Les pauvres pouvaient encore considérer leur travail comme un « art » sur lequel ils avaient une marge notable de décision. Mais surtout ils restaient maîtres de l’emploi de leur temps : travaillant à domicile et pouvant s’arrêter quand bon leur semblait, leur temps de travail échappait à tout calcul. Et la variété, autant que l’irrégularité, caractérisait leur travail, l’atelier domestique n’étant le plus souvent qu’un complément aux activités agricoles. […]
C’est pour supprimer cette indépendance menaçante des pauvres que la bourgeoisie se voit contrainte de contrôler directement la sphère de l’exploitation. Voilà la raison qui préside à la généralisation des usines. Il s’agit d’autonomiser la sphère du travail, temporellement et géographiquement. L’art militaire est appliqué à l’industrie, et les usines sont littéralement construites sur le modèle des prisons, qui leur sont d’ailleurs contemporaines.
[…] Le luddisme fut la réponse des pauvres à l’instauration de ce nouvel ordre. […] En Angleterre, alors que le trade-unionisme naissant était faiblement réprimé, voire toléré, la destruction des machines était punie de mort. La négativité absolue des luddistes les rendait intolérables socialement. L’État répondit de deux manières à cette menace : il constitua une police professionnelle moderne, et reconnut officiellement les trade-unions. Le luddisme fut d’abord défait par la répression brutale, puis s’éteignit à mesure que les trade-unions parvinrent à imposer la logique industrielle.
Parmi toutes les calomnies qui ont été déversées sur les luddistes, la pire est venue des apologues du mouvement ouvrier, qui y ont vu une manifestation aveugle et infantile. Ainsi ce passage du Capital, contresens fondamental d’une époque :
« Il fallut du temps et de l’expérience avant que les travailleurs apprennent à faire la distinction entre les machines elles-mêmes et la manières dont elles sont utilisées par le capital ; et qu’ils dirigent leurs attaques non contre les instruments matériels de production, mais contre la forme sociale particulière avec laquelle ils sont utilisés. »
Cette conception matérialiste de la neutralité des machines suffit à légitimer l’organisation du travail, la discipline de fer (sur ce point Lénine fut un marxiste conséquent), et finalement tout le reste. Prétendument arriérés, les luddistes avaient du moins compris que les « instruments matériels de production » sont avant tout des instruments de domestication dont la forme n’est pas neutre, puisqu’elle garantit la hiérarchie et la dépendance. »
« Si les commentateurs marxistes ont abondamment décrit le sort effroyable des ouvriers au XIXème siècle, ils le jugent quelque part inévitable et bénéfique. Inévitable parce qu’ils y voient une conséquence fatale des exigences de la Science, et du nécessaire développement des « rapports de production ». Bénéfique, dans la mesure où « le prolétariat se trouve unifié, discipliné et organisé par le mécanisme de production » (Marx). »
-Os Cangaceiros n°3, La domestication industrielle.
« La conception du devenir social actuel comme une lutte entre deux mondes ennemis, le capitalisme et le socialisme, est la cristallisation d'un jugement éthique qui ordonne les faits de la réalité sociale d'après la polarité simple du bien et du mal. Ce sont là des faits psychologiques parfaitement réels, puisqu'ils peuvent déclencher des énergies réelles de l'activité sociale. Mais leur réalité s'arrête aux limites du domaine psychologique ; ce ne sont pas des phénomènes de l'univers objectif. »
« Le penchant de Marx à exclure de son analyse tous les jugements éthiques qui ne peuvent se démontrer par des catégories économiques lui enlève tout moyen de prouver, outre le fait d'ailleurs évident du profit capitaliste, l'iniquité de ce profit. Le profit capitaliste est inattaquable à l'aide d'appréciations économiques pures. Il n'y a qu'un critérium économique par lequel on puisse juger un mode de production, c'est celui de l'utilité économique, de la quantité des valeurs créées. Au point de vue économique, le système du profit doit être approuvé ou condamné selon qu'il augmente ou diminue la productivité. […] Or le concept de l’exploitation est éthique et non économique. Ce qui, aux yeux des ouvriers marxistes, donne à la théorie de la plus-value, ou du moins à ce que l'on se représente comme telle, le caractère d'une accusation contre le capitalisme, c'est la conviction, sur laquelle la théorie se base sans la prouver, de l'immoralité d'un système qui, selon l'expression de Bertrand Russell, « bat monnaie avec des vies humaines ». »
« En outre, il est impossible de ne pas reprocher à la théorie de la plus-value d'avoir contribué à détacher l'attention des ouvriers des causes profondes de leur mécontentement, pour la concentrer sur le point unique du préjudice dont ils souffrent lors de la répartition de la plus-value. Ceci aboutit à exacerber l'instinct acquisitif aux dépens des mobiles sociaux plus élevés qui forment la conviction socialiste, tels que le désir d'autonomie individuelle, le besoin d'éprouver de la joie au travail, le sentiment de la dignité humaine, bref les besoins de culture. De cette façon, on cultive un extrémisme acquisitif grossier et au fond petit-bourgeois, qui compromet jusqu'au succès du mouvement ouvrier lui-même. »
-Henri de Man, Au-delà du marxisme (1926).
2 : Le marxisme est un matérialisme vulgaire et rationalisme productiviste. Il ne pose pas la question culturelle (la théorie de l’Art étant pour sa part quasiment inexistante chez Marx) mais pose sa critique du capitalisme comme un problème de sous-consommation, de pouvoir d’achat. La société capitaliste moderne est louée pour sa productivité et critiquée pour l’irrationalité de sa distribution de la production. L’idée de Marx est que la société bourgeoise est réelle et qu’il s’agit de la rendre rationnelle.
Qu’est-ce qui prouve que Marx admirait le capitalisme ?
« La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle essentiellement révolutionnaire. […] C’est elle qui, la première, a prouvé ce que peut accomplir l’activité humaine : elle a créé bien d’autres merveilles que les pyramides d’Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques ; elle a conduit bien d’autres expéditions que les antiques migrations de peuples et les croisades. […] La Bourgeoisie, depuis son avènement, à peine séculaire, a créé des forces productives plus variées et plus colossales que toutes les générations passés prises ensemble. La subjugation des forces de la nature, les machines, l’application de la chimie à l’industrie et à l’agriculture, la navigation à vapeur, les chemins de fer, les télégraphes électriques, le défrichement de continents entiers, la canalisation des rivières, des populations entières sortant de terre comme par enchantement, quel siècle antérieur a soupçonné que de pareilles forces productives dorment dans le travail social ? » -Le Manifeste Communiste.
Et, pour Marx, en quoi cette si sublime civilisation industrielle moderne est-elle critiquable ?
« Chaque crise détruit régulièrement non seulement une masse de produits déjà créés, mais encore une grande partie des forces productives elles-mêmes. […] Les forces productives dont elle dispose ne favorisent plus le développement des conditions de la propriété bourgeoise ; au contraire, elles sont devenues trop puissantes pour ces conditions qui se tournent en entraves ; et toutes les fois que les forces productives sociales s’affranchissent de ces entraves, elles précipitent dans le désordre la société tout entière et menacent l’existence de la propriété bourgeoise. » » -Le Manifeste Communiste.
La société bourgeoise n’est donc pas attaquée parce que liberticide, décadente ou laide, mais parce qu’elle est dysfonctionnelle, non-encore-rationnelle. Marx critique le gaspillage des marchandises !
Les socialistes utopiques ou « petits-bourgeois » semble soudain bien moins lamentables.
Observons le socialisme tel qu’il était au milieu du 19ème siècle :
« Si je ne me trompe, messieurs, le premier trait caractéristique de tous les systèmes qui portent le nom de socialisme, est un appel énergique, continu, immodéré, aux passions matérielles de l’homme.
C’est ainsi que les uns ont dit qu’il s’agissait de réhabiliter la chair [Saint-Simon] ; que les autres ont dit qu’il fallait que le travail, même le plus dur, ne fut pas seulement utile, mais agréable ; que d’autres ont dit qu’il fallait que les hommes fussent rétribués non pas en proportion de leur mérite, mais en proportion de leurs besoins [Cabet] ; et enfin, que le dernier des socialistes dont je veuille parler est venu vous dire ici que le but du système socialiste et, suivant lui, le but de la révolution de Février, avait été de procurer à tout le monde une consommation illimitée [Proudhon]. »
-Alexis de Tocqueville, Discours du 12 septembre 1848 à l’Assemblée Constituante.
Mais, me direz-vous, Tocqueville n’était peut-être qu’un aristocrate libéral essayant de dénier à la classe ouvrière toute possibilité de sortir de la misère. De surcroît, il ne s’attaquait pas à la forme marxisme du socialisme, puisque la doctrine de Marx n’était pas encore formée à cette époque. Admettons.
Changeons donc de perspective et regardons ce que le socialiste belge Henri de Man nous dit du socialisme de son point de vue dans le temps (l’Entre-Deux Guerre) c’est-à-dire après la victoire du marxisme sur la plupart des formes concurrentes du socialisme :
« Tenter d'édifier une éthique nouvelle sur la solidarité d'intérêts du prolétariat, c'est marcher à un échec certain, car un sentiment qui n'est dû qu'à la connaissance d'un intérêt n'a rien à voir avec l'éthique. Bien au contraire, l'éthique présuppose un sentiment qui se traduit par une impulsion intérieure, indépendamment de ce qu'exige ou non l'intérêt. On peut même dire que l'éthique ne commence que là où finit l'intérêt, et que la valeur de la volonté morale se mesure à la puissance de l'intérêt opposé que cette volonté est en état de vaincre. [...] L'être humain que présuppose la théorie marxiste de l'éthique basée sur l'intérêt de classe est une vieille connaissance. C'est tout simplement l' « homo economicus » de l'économie politique libérale, l'égoïste et hédoniste parfait, qui ne connaît d'autre instinct que la poursuite de son intérêt « bien compris ». [...] Si cet homme n'avait réellement été capable d'agir que d'après la connaissance de sa situation économique, il n'aurait pas lié son sort à celui de ses camarades de classe exploités ; il aurait, au contraire, tenté de passer à une classe supérieure. S'il n'avait agi, que par intérêt, il serait devenu un arriviste, au lieu d'être le champion héroïque d'une idée nouvelle. S'il choisit cette dernière attitude, c'est parce qu'il se sentait poussé vers la solidarité par des mobiles plus puissants que son intérêt économique. »
« Si tous les marxistes venus après lui, de Kautsky jusqu'aux propagandistes socialistes et communistes les plus récents, ont mis plus ou moins explicitement l'hédonisme économique à la base de leurs notions de la classe, de l'intérêt de classe et de la lutte de classe et par là de toute leur doctrine des mobiles et de toute leur stratégie politique, il n'y a là que le prolongement conséquent d'une conception fondamentale que Marx lui-même a pu se passer de mettre en formule, parce qu'elle lui paraissait donnée comme point de départ de sa doctrine tout entière. »
On peut bien sûr croire qu’Henri de Man se fait une fausse idée du marxisme en le décrivant comme une doctrine de l’intérêt. Mais seulement si on oublie que :
« [Si les membres des classes moyennes] agissent révolutionnairement, c’est par crainte de tomber dans le Prolétariat : ils défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels. » -Le Manifeste Communiste.
Dans le marxisme, toutes les mobiles humains tendent à être éclipser par le seul intérêt de classe (dans l’exemple-ci-dessus les révolutionnaires venus des classes moyennes sont perçus comme craignant le déclassement). D’où l’idée d’une opposition tranchée entre une classe élue et vertueuse et toute les autres. Tout l’ouvriérisme est déjà en germe ici.
C’est ce caractère vulgairement matérialiste du marxisme qui poussera l’anarchiste Renzo Novatore à le qualifier d’apologie de l’estomac. Conclusion qui était déjà celle de Stirner.
« La Bourgeoisie rendait la production libre, le Communisme force à la production et n’admet que les producteurs, les artisans. Il ne suffit pas que les professions te soient ouvertes, il faut que tu en pratiques une.
Il ne reste plus à la Critique qu’à démontrer que l’acquisition de ces biens ne fait encore nullement de nous des hommes. »
-Max Stirner, L’Unique et sa propriété.
« Cette conception de la tâche éducative met en lumière le contraste essentiel qui oppose la pratique du socialisme, basé sur l'idée chrétienne et démocratique de l'autodétermination, au fascisme et au bolchévisme. Fascistes et bolchévistes veulent, eux aussi, le « bonheur des masses » ; mais ils font pour cela une pure politique de puissance, qui exploite suivant l'exemple napoléonien les mobiles inférieurs des masses entravées dans leurs désirs, et surtout leurs complexes d'infériorité sociaux et nationaux, leur besoin de subordination et leur peur. Tout ceci part de l'hypothèse tacite qu'il faut considérer ces mobiles comme la « matière première » permanente et invariable pour les créations institutionnelles des partis ou des dictateurs. Cette hypothèse mène à son tour à la conséquence pratique que les institutions créées de cette manière dépendent pour leur fonctionnement de ces mobiles inférieurs et ne peuvent donc jamais conduire à une amélioration de la qualité éthique des mobiles des masses. »
-Henri de Man, Au-delà du marxisme.
« Je ne pense pas que c'est la nature des hommes d'être « cupide », contrairement à ce que dit Adam, en m'attribuant là encore, à force de simplification outrancière, des propos moralisateurs que je n'ai pas tenus. Je dis qu'on ne fera pas disparaître comme par miracle le goût de la possession et la compulsion à accumuler, que cette compulsion prenne sa source dans le souci de se prémunir contre les risques futurs, dans la jouissance de posséder et de dépenser sans compte, ou dans le goût du pouvoir. Je ne dis même pas que le goût du pouvoir, le désir de s'élever au-dessus des autres sont des composantes irréductibles de la nature humaine, à vrai dire, je n'en sais rien. Je dis simplement que par prudence il faut compter avec, qu'il faut prévoir de quelle manière ces tendances devront être modérées, contrôlées, et réprimées si nécessaires.
Concernant la soi-disant abondance communiste, vieux fantasme, il n'y a aucun argument qui tienne dans l'exposé d'Adam, qui est orienté entièrement par l'illusion rassurante que la perspective d'une révolution communiste pourrait se révéler économiquement attrayante, et donc séduisante pour l'homo-oeconomicus, c'est-à-dire pour l'homme tel qu'il est, avec ses aspirations, ses désirs, ses besoins tels qu'ils sont façonnés par le capital pour le maintenir en esclavage. On fait alors comme si l'homme était devenu effectivement ce calculateur rationnel que le capitalisme s'emploie à créer, et on essaye de le convaincre comme si on lui vendait un produit, en terme de coût et d'avantage. Comme si les communards s'étaient battus jusqu'à la dernière cartouche, et alors même qu'il n'y avait plus aucune chance de vaincre, uniquement pour améliorer leur condition matérielle. »
-François Lonchampt, Réponse à « La nature humaine n'est pas un obstacle au communisme : réponse à François » de Adam (2003)
3 : Le marxisme est un dogmatisme et un infantilisme, et plus encore, il est un non-dépassement de la métaphysique, un historicisme transcendantal (la nature humaine changerait dans le temps, mais l’essence du prolétariat serait vouée, par une ruse de la raison métaphysique, à accomplir la tâche que lui assigne la philosophie de l’histoire progressiste/linéaire). Seul Marx (et ensuite ses apôtres) a (ont) eu la révélation de l’essence transcendantale du prolétariat. Le marxisme ne dit rien d’autre que « pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font, ils sont aliénés. »
Preuve (sous la forme la plus nette et la plus vociférante) :
« Il ne s'agit pas de savoir ce que tel ou tel prolétaire, ou même le prolétariat tout entier, se propose comme but momentanément. Il s'agit de savoir ce que le prolétariat est et ce qu'il doit faire historiquement, conformément à son être. Son but et son action historiques lui sont tracés, de manière tangible et irrévocable, dans sa propre situation historique, comme dans toute l'organisation de la société actuelle. »
-Marx & Engels, La Sainte Famille, 1845.
« Marx y a maintes fois insisté: ce n'est pas l'observation empirique des prolétaires qui permet de connaître leur mission de classe. C'est, au contraire, la connaissance de leur mission de classe qui permet de discerner l'être des prolétaires dans sa vérité. Peu importe, par conséquence, le degré de conscience que les prolétaires ont de leur être ; et peu importe ce qu'ils croient faire ou vouloir: seul importe ce qu'ils sont. Même si, présentement, leurs conduites sont mystifiés et les fins qu'ils croient poursuivre contraires à leur mission historique, tôt ou tard l'être triomphera des apparences et la Raison des mystifications. Autrement dit, l'être du prolétariat est transcendant aux prolétaires ; il constitue une garantie transcendantale de l'adoption par les prolétaires de la juste ligne de classe.
Une question se pose aussitôt: qui est capable de connaître et de dire ce que le prolétariat est quand les prolétaires eux-mêmes n'ont de cet être qu'une conscience brouillée ou mystifiée ? Historiquement, la réponse à cette question est : seul Marx a été capable de connaître et de dire ce que le prolétariat et sa mission historique sont en vérité. Leur vérité est inscrite dans l'œuvre de Marx. Celui-ci est l'alpha et l'oméga ; il est le fondateur.
Cette réponse n'est évidemment pas satisfaisante. En effet: pourquoi et comment l'être transcendant du prolétariat a-t-il été accessible à la conscience de Marx [et de lui seul] ? »
-André Gorz, Adieux du prolétariat.
« « On dit de Dieu : « Les noms ne le nomment pas. » Cela est également juste de Moi : aucun concept ne m’exprime, rien de ce qu’on donne comme mon essence ne m’épuise, ce ne sont que des noms. »
-Max Stirner, L’Unique et sa propriété.
L’ontologie stirnérienne, qui affirme l’impossibilité de réduire le sujet à l’un ou à la somme de ses prédicats, reconnaît le caractère contingent du devenir (l’être est ce « chaos » imprévisible dont parle Nietzsche), et s’oppose par-là aux assignations identitaires des théoriciens déterministes (qu’il soit racistes, nationalistes, eugénistes ou marxistes).
Chez Marx, on trouve l’idée que les communistes disposent d’une lucidité théorique, d’une connaissance de l’Etre et du Temps (en l’occurrence le futur) qui échappe aux prolétaires :
« [Les communistes] ont sur le reste du prolétariat l’avantage d’une intelligence nette des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien. » -Le Manifeste Communiste.
Partant de là, il n’est vraiment pas difficile de justifier pourquoi les premiers devraient diriger les seconds, et au besoin les contraindre à accomplir leur « mission historique » (ce qui n’est pas loin de l’idée des philosophes-rois d’un autre métaphysicien, Platon, et des despotes éclairés de Voltaire).
« L’aspiration vers une liberté déterminée implique toujours la perspective d’une nouvelle domination. »
-Max Stirner, L’Unique et sa propriété.
« La théorie confortable de l'aliénation
Karl Liebknecht, prisonnier d'une mystique de fin des temps, proclamait dans son dernier écrit connu, en janvier 1919, peu avant de tomber sous les balles de ses assassins : « Pour les forces primitives, élémentaires de la révolution sociale, dont la croissance irrésistible constitue la loi vivante du développement social, défaite signifie : stimulant. Et de défaite en défaite, leur chemin conduit à la victoire. »
Avec ce romantisme du martyre, la théorie confortable de l'aliénation, permit à bon nombre de révolutionnaires de justifier les désillusions que l'histoire leur infligeait. Car le prolétaire est toujours quelque part sur le chemin de la désaliénation, comme chez les catholiques le pêcheur est sur celui de la rédemption, le langage de la révolution est forcément son langage, et les absolutions dont on gratifie ses pires travers servent depuis des lustres de soubassement à un militantisme intéressé et répétitif revigoré ces dernières décennies avec l'apologie du dialogue et de l'écoute, où se retrouvent candides et ravis les curés de toutes les églises.
[…] Comme l'ont bien démontré certains anarchistes au tournant du siècle, ce monde d'injustice ne pouvait perdurer sans la participation active de ses victimes. Et cette participation est aujourd'hui plus consciente que jamais, la généralisation de l'instruction secondaire, malgré ses tares, l'abondance d'informations, les images du monde entier largement diffusées, les résultats accumulés des sciences sociales mis à la disposition de tous ceux qui veulent se donner le temps et la peine de s'instruire, interdisant en Europe et dans tous les pays développés de se prévaloir du bénéfice de l'ignorance pour justifier. »
-Alain Tizon & François Lonchampt, VOTRE REVOLUTION N'EST PAS LA MIENNE (1999).
« Ce n'est pas un des moindres paradoxes que l'ouvrier généralement hypostasié dans le discours de l'ultra-gauche est en réalité très souvent considéré comme un irresponsable, grâce à la théorie commode de l'aliénation. Curieux mélange de compassion et de condescendance : On excuse tout (pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu'ils font, ils sont aliénés), ce qui revient à le créditer d'une totale inconscience, on lui prête aussi toutes les vertus par ailleurs, mais on ne s'abaisse pas à prendre au sérieux ses interrogations et ses préoccupations. Eventuellement, on s'emploiera à le remettre dans le droit chemin à l'aide de quelques arguments d'autorité. En fin de compte il y a chez le théoricien d'ultra-gauche une identification aux prêtres ou aux shamans, puisqu'ils sont intercesseurs avec la vérité et avec l'absolu. On a la une autre clé de la méfiance populaire vis-à-vis du révolutionnaire. »
-François Lonchampt, Réponse à « La nature humaine n'est pas un obstacle au communisme : réponse à François » de Adam (2003).
« N’oublie jamais, que celui qui croit savoir n’apprend plus. »
-Pierre Bottero, écrivain français.
4 (corollaire du 3ème point) : Le marxisme est un christianisme scientiste, héritier de la foi en la science de Saint-Simon et d’Auguste Comte, à laquelle s’ajoute un déterminisme technologique (« Le moulin à eau donne la société féodale et le moulin à vapeur la société industrielle »), un messianisme inspiré des millénaristes juifs et chrétiens et du finalisme hégélien, qui vise une pacification sociale et ce « bonheur qui ne connaîtra pas de fin » promis dans les Évangiles.
« [Les politiciens et les apôtres du capitalisme] sont de véritables traîtres envers le peuple, des hypocrites que le Christ dénonçait et qui en conséquence a été crucifié. »
-Eugene V. Debs, Politiciens et prêcheurs (1916).
« Les Chinois sont bien le plus positif des peuples, et cela parce qu’ils sont ensevelis sous les dogmes ; mais l’ère chrétienne non plus n’est pas sortie du positif, c’est-à-dire de la « liberté restreinte », de la « liberté jusqu’à une certaine limite ». Aux degrés les plus élevés de la civilisation, cette activité est dite scientifique et se traduit par un travail reposant sur une supposition fixe, une hypothèse inébranlable. […] La religion de l’Humanité n’est que la dernière métamorphose de la religion chrétienne. »
-Max Stirner, L’Unique et sa propriété.
« Ernest Renan a dit un jour que pour se faire une idée des premières communautés chrétiennes, il suffisait de regarder une section de l'Association internationale des Travailleurs. »
« Il faut citer d'abord le mythe de la révolution, si formidablement générateur d'émotions qu'il faut y voir le pendant des visions eschatologiques de l’Apocalypse, de la fin du monde, du Jugement dernier, du royaume de Dieu, etc. Le contenu affectif et héroïque de l'idée de révolution en elle-même - ce que l'on a appelé le romantisme révolutionnaire -rend tous les révoltés accessibles au plus haut degré à l'action suggestive de tout exemple révolutionnaire. Cet effet est pour ainsi dire indépendant du but et des caractères particuliers de la révolution qui sert d'exemple; ce qui importe, c'est la corde émotive sympathique que fait vibrer chaque changement soudain et violent. C'est ce qui explique le propos attribué à Trotsky sur Mussolini - ce même Mussolini qui peut se vanter à bon droit d'avoir écrasé le communisme et le socialisme en Italie - : « Il est notre allié, car il a fait une révolution. »
Même si cette parole était apocryphe, l'esprit en resterait caractéristique de toute la politique étrangère du communisme russe, dont l'essence est de sympathiser avec n'importe quelle révolution, même si elle poursuit des buts nationalistes et veut porter au pouvoir une caste militaire ou féodale.
Ce même état d'esprit explique la fascination que la grande Révolution française exerce encore sur le socialisme européen. Ceci s'applique même aux marxistes. La littérature scientifique du marxisme a beau représenter cette révolution comme l'avènement au pouvoir de la bourgeoisie exécrée, le subconscient, qui s'exprime par les images affectives, n'est pas influencé par de pareilles restrictions critiques. Une évolution en ligne droite mène du jacobinisme au bolchevisme, en passant par le blanquisme et le marxisme. Même ceux des marxistes pour qui le socialisme s'oppose à la démocratie ne peuvent se soustraire, dans le tréfonds de leur vie affective, à l'influence magique de la grande Révolution. Me trouvant en Russie en 1917, mes relations avec les dirigeants socialistes des tendances les plus diverses me permirent de jeter un coup d’œil sur les mobiles personnels qui se cachaient sous la surface des opinions exprimées. Je fus constamment étonné de constater à quel point ils étaient tous dominés par l'idée que la Révolution russe devait reproduire l'exemple français dans toutes ses phases. Une croyance semblable reflète toujours un désir subconscient : aussi l'un voulait-il être Girondin, un autre Jacobin, un troisième rêvait d'un 18 Brumaire, etc. Je suis persuadé que le parallélisme parfois étonnant entre la Révolution russe et la Révolution française ne s'explique pas seulement par une certaine analogie des lois psychologiques qui régissent le flux de tous les événements révolutionnaires; la volonté consciente des dirigeants y est aussi pour quelque chose. Ceux-ci se trouvèrent dans une situation semblable à celle d'acteurs qui, ne peuvent s'émanciper du souvenir d'un texte familier. »
« Car le socialisme aussi a ses apôtres, ses prophètes, ses saints et ses martyrs, en vertu d'une disposition psychologique des masses analogue à celle des croyants catholiques. […] Dans la Russie communiste d'aujourd'hui, les figures prophétiques de Marx et de Lénine sont aussi réelles aux yeux de la masse que l'étaient autrefois les saints de l'Église. L'Allemagne marxiste est depuis toujours le pays classique de l'iconographie fétichiste socialiste; on pourrait remplir des musées avec sa production en bustes, cartes postales illustrées, chromos et objets emblématiques de toute espèce, depuis les épingles de cravate à la Lassalle jusqu'aux porte-cigares à l'effigie de Bebel et aux chopes ornées des traits de Wilhelm Liebknecht. À chaque congrès socialiste, les bustes de Marx et de Bebel en Allemagne, ceux de Marx et Lénine en Russie, celui de Jaurès en France, occupent la même place centrale élevée que l'autel et le crucifix à l'église. Dans tous les locaux du parti, dans toutes les habitations de militants, on trouve les images des martyrs de la cause : pour la France, le « Mur des fédérés » ; pour l’Amérique, les « Martyrs de Chicago » ; pour la Belgique, les « morts pour le S.U. » ; pour l'Allemagne communiste, les portraits de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht appartiennent aux productions les plus recherchées de l'art populaire socialiste. […]Une signification semblable s'attache aux cérémonies qui eurent lieu pendant et après les funérailles de Lénine, ainsi qu'aux monuments et aux icônes qui lui furent consacrés, au changement du nom de Pétrograd en celui de Leningrad et à la construction (ou au plan) d'une ville caucasienne consacrée à Lénine, et par-dessus le marché disposée en étoile soviétique - tout à fait comme les églises chrétiennes sont construites en forme de croix. […] Le moindre des dirigeants ouvriers s'adapte inconsciemment à cette aspiration de la masse vers une identification symbolique, en se rapprochant par le vêtement, l'attitude, la coiffure, la manière de vivre et de parler, de l'image qui apparaît à la masse comme la personnification de son idéal. […]Les drapeaux, les inscriptions, la musique, la décoration florale, les chants en commun, jouent le même rôle qu'il s'agisse du messie Dieu ou du messie Révolution. […] Si seulement le socialisme « scientifique » voulait l'être assez pour voir dans ses propres doctrines un objet d'analyse psychologique, il trouverait que des notions telles que la révolution sociale, la dictature du prolétariat ou la société future sont, au point de vue de la psychologie sociale, de simples mythes, c'est-à-dire des symboles de croyance sous forme de récits. »
-Henri de Man, Au-delà du Marxisme.
« Les martyrs c’est pas ça qui manque. »
-Louis-Ferdinand Céline.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le marxisme triomphe à la fin du XIXème siècle, au moment précis où la religion (chrétienne) décline. Les lecteurs de Nietzsche se souviendront également du parallèle qu’il dresse entre christianisme et socialisme, l’un n’étant que l’héritier de l’autre.
Pour paraphraser Clausewitz, on pourrait dire que le communisme n’est que la continuation de la religion par d’autres moyens. Ce que confirme actuellement un promoteur de la théologie de la libération comme Franz Hinkelammert (The Ideological Weapons of Death: A Theological Critique of Capitalism) par sa synthèse explicite de marxisme et de religion.
A ceux qui admettent que le marxisme est un prolongement du judéo-christianisme, mais qui voudrait excepter Marx lui-même de cette dérive (car nous croyons néfaste toute religion), lisez-donc :
« L’union avec le Christ accorde l’élévation intérieure, la consolation dans la souffrance, la confiance paisible et un cœur ouvert à l’amour des hommes, à tout ce qui est noble, à tout ce qui est grand, non par ambition, non par soif de gloire, mais par amour du Christ. Or donc l’union avec le Christ procure une félicité que l’épicurien cherche en vain à posséder dans sa philosophie superficielle, et le penseur le plus profond dans les recoins les plus cachés de son savoir. »
-Karl Marx, Composition du baccalauréat.
Il serait fastidieux de faire la liste de tous ceux qui ont mentionné la similitude du marxisme et du christianisme, nous nous borneront à citer l’économiste Bernard Maris : « Le communisme a réalisé le rêve du paradis terrestre, le rêve chrétien de l’amour des hommes. Le communisme est une rédemption des humbles, un christianisme matérialiste et athée. »
Or un tel paradis se veut éternel, c’est-à-dire post-historique (la « fin de l’histoire »). Le communisme de Marx se rêve ce régime définitif « qui ne peut être dissous par aucune cause interne ni être changé en un autre régime » (Spinoza)
Ce qui implique évidemment de rejeter l’idée héraclitéenne que « Tout s’effondre » et d’essayer de nous faire croire qu’on pourra indéfiniment se baigner dans le même fleuve. L’immobilisme bureaucratique, l’absence de vitalité qui fut propre aux pays du socialisme réel se combine fort bien d’une certaine philosophie de l’histoire.
Le marxisme, comme l’hégélianisme, cherche, au terme d’un mouvement dit dialectique, à abolir la contradiction, la conflictualité (« négation de la négation », pour reprendre les termes de la scholastique hégélienne). Comme le remarque Virgil Tanase dans sa biographie de Saint-Exupéry, une civilisation est « créatrice parce qu’elle est vivante, et elle vivante parce qu’elle admet la contradiction et la différence. »
« La paix est un mensonge. Seule la passion existe. »
-Star Wars, Le Code Sith.
Le marxisme, à la suite de la religion, nie la fécondité de l’affrontement. Or, le contraire du conflit n’est pas la paix, mais la stagnation. De par son finalisme philosophique, le marxisme tend à encourager la construction d’une société fermée (« le socialisme dans un seul pays ») et dénuée de dynamisme (ce n’est pas un hasard si l’URSS a perdu la course à l’espace et s’est effondrée avant les États capitalistes occidentaux).
« [Le désir des chrétiens, comme du marxisme] est un ciel dans lequel toute limite, toute nécessité de la nature disparaîtront ; dans lequel il n’y aura plus ni besoins, ni souffrances, ni blessures, ni combats, ni passions, ni changements. »
-Ludwig Feuerbach, La religion.
Peut-on imaginer un idéal politique plus ennuyeux et plus irréaliste ?
Pour retourner contre Marx l’une de ses formules : « Rien n’est plus facile que de recouvrir d’un vernis de socialisme l’ascétisme chrétien. »
Concluons en disant qu’une philosophie politique qui dénonce la religion comme un opium du peuple aurait beau jeu de ne pas imiter, en presque tout, la religion elle-même (les excommunications n’étant que la similitude la plus évidente).
Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Ven 5 Sep - 18:00, édité 1 fois