https://www.cairn.info/revue-historique-2002-2-page-353.htm
"Dans ce contexte de « militarisation » du personnel du nouveau régime, le cabinet civil a dû, dans un premier temps, faire valoir son droit et ses attributions pour gagner cette bataille contre les « galonnés ». Par sa personnalité et son autorité, doublées de la confiance de Pétain, du Moulin a mené à bien cette mise à l’écart des militaires. Guère versé dans la sympathie béate et admirative pour l’armée, le nouveau directeur de cabinet n’entend pas se laisser déborder par l’entourage militaire de Pétain. L’assurance dont il fait rapidement montre intimide les membres du cabinet militaire et déconcerte des officiers surpris de voir un civil servir un maréchal et leur autorité leur échapper aussi ostensiblement au profit de celui-ci seul."
"Volonté politique, sans doute, de mettre en place des éléments partageant ses propres idées. Tous, en effet, s’inscrivent peu ou prou dans la mouvance nationaliste et germanophobe dont du Moulin participe."
"Le nouveau responsable du RRN [Rassemblement pour la Révolution Nationale] installé en janvier 1941 décide lui-même de la composition de son comité directeur. Celui-ci compte quarante membres, dont une bonne moitié est issue du PPF (Albert Beugras, Victor Barthélemy) et du PSF (Charles Vallin, Pierre Forest, Pierre de Léotard). On compte aussi des parlementaires (Valentin, Tixier-Vignancour), des radicaux (Sableau), des socialistes indépendants (Galey, Montagnon), des membres de l’Alliance démocratique (Morancé), de la Légion (Valentin), des personnalités de droite ou d’extrême droite (Édouard Frédéric-Dupont, Thierry Maulnier, Antoine de Saint-Exupéry, Charles Trochu) ainsi que Jacques Doriot, hostile de longue date au RNP.
Après un mois et demi d’existence, une activité réduite à trois réunions plénières, les 10, 24 et 28 février 1941, faute d’organisation efficace et de réelle assise populaire, le RRN s’éteint de lui-même en mars 1941 et survit sous la forme d’un groupe de propagande, la « Petite Commission »."
"Sur les 65 messages qu’il prononce entre le 15 juillet 1940 et le 15 avril 1942, 11 sont nés sous la plume de du Moulin. On constate que 9 d’entre eux sont écrits durant la première année, contre 2 les huit mois suivants. D’un intérêt inégal, 3 de ces discours sont pourtant essentiels tant au regard des thèmes abordés que de leur importance politique. Le premier, en date du 30 octobre 1940, rend compte de l’entrevue de Montoire et rappelle les enjeux de la Révolution nationale. Le 14 décembre, un second porte sur l’éviction de Laval et marque l’apogée de l’influence du directeur de cabinet civil. Le dernier est le discours du « vent mauvais » prononcé le 12 août 1941. Il constitue un tournant capital dans l’histoire de Vichy et vise en bloc tous les ennemis réels ou supposés du régime, les communistes, les gaullistes et les collaborationnistes parisiens. L’éclipse relative de la plume de du Moulin dans les derniers mois de 1941 prouve la nécessité de donner des gages aux Allemands et à la politique de Darlan en faisant taire les éléments les plus germanophobes de l’entourage du chef de l’État."
"Le nombre de fonctionnaires qui était de 600 000 en 1939 augmente de 26 % entre 1941 et 1946. Jamais, depuis le début du siècle, la progression n’avait été aussi rapide."
"Alors que la désagrégation de l’équipe Darlan s’accélère à partir de la fin de 1941, il suggère à Pétain, en octobre, la constitution d’un gouvernement de techniciens, placé sous la responsabilité directe du cabinet civil. Si l’idée est accueillie favorablement par le chef de l’État, elle est fermement repoussée par les Allemands qui souhaitent expurger les milieux dirigeants vichyssois de leurs éléments germanophobes."
"Les circonstances exceptionnelles de la guerre et de l’Occupation n’ont pas entravé la redéfinition et la redistribution des pouvoirs au profit des instances exécutives, tout au contraire. Dans ce contexte, Henry du Moulin de Labarthète a su mettre à profit son expérience des cabinets pour placer celui qu’il dirigea entre 1940 et 1942 au cœur du mouvement de technicisation et d’extension des prérogatives de ces rouages politico-administratifs. La politisation des cabinets et le développement de leur rôle de « tremplin » politique pour certains de leurs membres procèdent en partie de la professionnalisation des entourages ministériels, qu’avalise le fonctionnement du cabinet civil du maréchal Pétain et qu’accroît encore la création de l’École nationale d’administration à la Libération."
-Jérôme Cotillon, "Un homme d'influence à Vichy : Henry du Moulin de Labarthète", Revue historique, 2002/2 (n° 622), p. 353-385. DOI : 10.3917/rhis.022.0353. URL : https://www.cairn.info/revue-historique-2002-2-page-353.htm
"Dans ce contexte de « militarisation » du personnel du nouveau régime, le cabinet civil a dû, dans un premier temps, faire valoir son droit et ses attributions pour gagner cette bataille contre les « galonnés ». Par sa personnalité et son autorité, doublées de la confiance de Pétain, du Moulin a mené à bien cette mise à l’écart des militaires. Guère versé dans la sympathie béate et admirative pour l’armée, le nouveau directeur de cabinet n’entend pas se laisser déborder par l’entourage militaire de Pétain. L’assurance dont il fait rapidement montre intimide les membres du cabinet militaire et déconcerte des officiers surpris de voir un civil servir un maréchal et leur autorité leur échapper aussi ostensiblement au profit de celui-ci seul."
"Volonté politique, sans doute, de mettre en place des éléments partageant ses propres idées. Tous, en effet, s’inscrivent peu ou prou dans la mouvance nationaliste et germanophobe dont du Moulin participe."
"Le nouveau responsable du RRN [Rassemblement pour la Révolution Nationale] installé en janvier 1941 décide lui-même de la composition de son comité directeur. Celui-ci compte quarante membres, dont une bonne moitié est issue du PPF (Albert Beugras, Victor Barthélemy) et du PSF (Charles Vallin, Pierre Forest, Pierre de Léotard). On compte aussi des parlementaires (Valentin, Tixier-Vignancour), des radicaux (Sableau), des socialistes indépendants (Galey, Montagnon), des membres de l’Alliance démocratique (Morancé), de la Légion (Valentin), des personnalités de droite ou d’extrême droite (Édouard Frédéric-Dupont, Thierry Maulnier, Antoine de Saint-Exupéry, Charles Trochu) ainsi que Jacques Doriot, hostile de longue date au RNP.
Après un mois et demi d’existence, une activité réduite à trois réunions plénières, les 10, 24 et 28 février 1941, faute d’organisation efficace et de réelle assise populaire, le RRN s’éteint de lui-même en mars 1941 et survit sous la forme d’un groupe de propagande, la « Petite Commission »."
"Sur les 65 messages qu’il prononce entre le 15 juillet 1940 et le 15 avril 1942, 11 sont nés sous la plume de du Moulin. On constate que 9 d’entre eux sont écrits durant la première année, contre 2 les huit mois suivants. D’un intérêt inégal, 3 de ces discours sont pourtant essentiels tant au regard des thèmes abordés que de leur importance politique. Le premier, en date du 30 octobre 1940, rend compte de l’entrevue de Montoire et rappelle les enjeux de la Révolution nationale. Le 14 décembre, un second porte sur l’éviction de Laval et marque l’apogée de l’influence du directeur de cabinet civil. Le dernier est le discours du « vent mauvais » prononcé le 12 août 1941. Il constitue un tournant capital dans l’histoire de Vichy et vise en bloc tous les ennemis réels ou supposés du régime, les communistes, les gaullistes et les collaborationnistes parisiens. L’éclipse relative de la plume de du Moulin dans les derniers mois de 1941 prouve la nécessité de donner des gages aux Allemands et à la politique de Darlan en faisant taire les éléments les plus germanophobes de l’entourage du chef de l’État."
"Le nombre de fonctionnaires qui était de 600 000 en 1939 augmente de 26 % entre 1941 et 1946. Jamais, depuis le début du siècle, la progression n’avait été aussi rapide."
"Alors que la désagrégation de l’équipe Darlan s’accélère à partir de la fin de 1941, il suggère à Pétain, en octobre, la constitution d’un gouvernement de techniciens, placé sous la responsabilité directe du cabinet civil. Si l’idée est accueillie favorablement par le chef de l’État, elle est fermement repoussée par les Allemands qui souhaitent expurger les milieux dirigeants vichyssois de leurs éléments germanophobes."
"Les circonstances exceptionnelles de la guerre et de l’Occupation n’ont pas entravé la redéfinition et la redistribution des pouvoirs au profit des instances exécutives, tout au contraire. Dans ce contexte, Henry du Moulin de Labarthète a su mettre à profit son expérience des cabinets pour placer celui qu’il dirigea entre 1940 et 1942 au cœur du mouvement de technicisation et d’extension des prérogatives de ces rouages politico-administratifs. La politisation des cabinets et le développement de leur rôle de « tremplin » politique pour certains de leurs membres procèdent en partie de la professionnalisation des entourages ministériels, qu’avalise le fonctionnement du cabinet civil du maréchal Pétain et qu’accroît encore la création de l’École nationale d’administration à la Libération."
-Jérôme Cotillon, "Un homme d'influence à Vichy : Henry du Moulin de Labarthète", Revue historique, 2002/2 (n° 622), p. 353-385. DOI : 10.3917/rhis.022.0353. URL : https://www.cairn.info/revue-historique-2002-2-page-353.htm