« Lorsque, tombant sous les balles, [Brasillach] crie « Vive la France », ce n’est pas un cri de rachat, mais la marque d’une continuité. » (p.10)
« Le socialisme n’étant jamais qu’une régression historique face à l’irruption du monde moderne, il n’y avait guère de raison pour qu’il en aille autrement du fascisme. » (p.10)
« Son procès fut une parodie ? C’est l’évidence. » (p.11)
« Le général de Gaulle joua dans cette affaire le rôle de Créon. C’est un rôle difficile, qui devrait attirer davantage la sympathie que celui d’Antigone. » (p.12)
-Alain Griotteray, préface à Pascal Louvrier, Brasillach. L’illusion fasciste, Paris, Librairie Académique Perrin, 1989, 279 pages.
« Je décrochais mon diplôme universitaire avec une mention qui m’encourageait à présenter ce travail [de mémoire] à un éditeur. » (p.14)
« Lycéen de province, adolescent sensible et doué, passionné de littérature, Robert Brasillach arriva à Paris en 1925 afin d’y poursuivre ses études. Ce fut d’abord Louis-le-Grand, la classe d’André Bellessort, fervent admirateur de Charles Maurras, la découverte du Quartier latin dominé par l’Action française, la lecture désordonnée des ouvrages de Maurice Barrès et de Charles Péguy. En un mot, ce fut la naissance spirituelle d’un jeune homme simple et tendre, né en 1909 à Perpignan.
Puis Brasillach traversa quelques rues et entra à l’École normale supérieure. Là, il rencontra Maurice Bardèche, José Lupin et Thierry Maulnier, lequel n’allait pas tarder à devenir l’un des plus subtils essayistes de sa génération. L’efflorescence intellectuelle du normalien fut alors étincelante. L’Action française, la Revue universelle, la Revue française publièrent ses premières pages littéraires. En 1931 parut son premier livre, Présence de Virgile, où il avouait chérir la jeunesse et aimer, à la manière de Barrès, la patrie de ses ancêtres, cette patrie pour laquelle le lieutenant Brasillach, son père, avait donné sa vie.
En septembre de la même année, il rédigea un long article intitulé : « La fin de l’après-guerre ». Avec sagacité, il avait compris que 1930 était une année charnière. Du même coup, il prenait place parmi ces jeunes gens « non-conformistes ». Du même coup, il épousait leur révolte […] (même refus de la société bourgeoise, des institutions démocratiques, des matérialismes américain et soviétique). » (pp.15-16)
« Après avoir visité l’Allemagne en 1935, Brasillach mit en garde ses compatriotes : si la France continuait de s’affaiblir, Adolf Hitler n’hésiterait pas à lui déclarer la guerre. Et, à coup sûr, il la gagnerait. » (p.17)
« Le 5 septembre 1914 débute la bataille de la Marne. Charles Péguy est tué près de Villeroy, à vingt-deux kilomètres de Paris, dans cette plaine si triste l’hiver et si peu rieuse l’été. Trente-huit jours plus tard, le vendredi 13 novembre, une colonne française commandée par le lieutenant Brasillach attaque un campement ennemi installé dans la plaine d’El Herri près de Kenitra, au Maroc. Mais les insurgés zaians attendaient les Français. Il n’y a aucun survivant. Dans les deux cas, une seule balle a suffi pour anéantir le courage vertueux de ces hommes indissociables dans leur uniforme français. […] [Brasillach] a alors cinq ans et demi.
Pendant quatre longues années, des pages terribles de l’histoire de France, mais également de l’Europe, s’écrivent dans un décor ravagé par d’incessants combats meurtriers. La terre, du nord à l’est de notre pays, boit le sang de millions d’hommes. Une génération entière est sacrifiée. Le 11 novembre 1918, les fusils se taisent enfin. C’est l’heure d’évaluer les pertes du conflit. 1 450 000 soldats ne reverront jamais leur famille. » (p.21)
« Robert, inscrit au lycée de Sens, travaille avec une certaine nonchalance. […] Son professeur, Gabriel Marcel, l’interpelle. » (p.22)
« A seize ans à peine, il décroche ses deux baccalauréats. Du même coup, la route menant au prestigieux lycée parisien Louis-le-Grand lui est ouverte. » (p.23)
« Robert racontera plus tard que l’année où l’Académie française préféra Célestin Jonnart à Charles Maurras, Bellessort déclara à ses élèves : « Messieurs, l’Académie française vient d’élire M. Jonnart. Je vais vous lire du Charles Maurras ». Et il avait passé toute l’heure du cours à commenter à ses élèves Anthinéa et Les Amants de Venise.
A cette époque, l’Action française domine le Quartier latin. Robert le sait. Ce qui ne l’empêche pas de lire le Canard enchaîné, confirmant ainsi qu’il tolère toutes les opinions, à condition qu’elles soient irrespectueuses envers l’ordre établi et les partis de droite jugés « falots, bourgeois et vieillots ». » (p.30)
« Vingt ans à peine, et déjà de grandes bouffées de nostalgie envahissent Robert lorsqu’il songe aux doux moments révolus de l’adolescence. Vingt ans à peine, et déjà il possède et cultive ce goût pour le passé. » (p.35)
« Robert gardera un souvenir ému de ces promenades montmartoises avec Massis. » (p.38)
« Son premier article paraît le 1er mai 1930. Il s’agit d’un extrait de Présence de Virgile. Cette collaboration au journal de Charles Maurras ne s’achèvera qu’en 1940. » (p.38)
« Si Massis et Bainville deviennent pour lui de véritables maîtres, ce n’est pas pour les idées politiques bien définies qu’ils professent. » (p.39)
« En 1931, l’auteur du Soleil de Satan enverra d’Hyères cette lettre amicale à Robert. » (p.40)
« Entre 1929 et 1935, ses exportations chutent de 50 à 15.4 millions de francs. Le commerce extérieur français sera la première victime de la dévaluation de la livre. […]
De 60 000 en 1931, les chômeurs passeront à 465 000 en 1935. L’heure sera alors venue de jouer un requiem pour la « prospérité Poincaré ». Cette chute de l’activité économique entraînera une raréfaction des rentrées émanant des impôts. L’équilibre budgétaire sera rompu. » (p.42)
« Face à la crise économique et financière, à la décrépitude lente mais générale, au niveau de vie en baisse, le Parlement français aura une attitude veule. Une partie de la jeunesse cherchera alors quelque ballon d’oxygène. Les expériences étrangères : communisme en Russie soviétique, fascisme en Italie, national-socialisme en Allemagne, envoûteront de nombreux esprits juvéniles. Les régimes autoritaires protégés, semble-t-il, des luttes intestines et pitoyables qu’offre habituellement une démocratie parlementaire, ensorceleront les jeunes Français dépités de vivre dans une nation atone et déprimée. » (p.43)
« Le système capitaliste vient de prouver qu’il demeurait incapable de réaliser l’harmonie sociale tant attendue. » (p.45)
« Le 17 octobre 1932, après avoir fait paraître aux Éditions Plon une « suite de nouvelles et d’états », le voleur d’étincelles, et le Procès de Jeanne d’Arc dans la série « lectures chrétiennes », de Rédier, Robert part pour Lyon accomplir son service militaire, à l’état-major de la 9e région. » (p.51)
« Toute l’œuvre de Brasillach baigne dans la nostalgie du temps qui passe, inexorablement. […]
Robert avouera lui-même à Jacques Brousse, dans une lettre écrite le 19 avril 1940, qu’il est un « passéiste convaincu ». » (p.53)
« Lors de l’émeute du 6 février, le risque, la grandeur et l’héroïsme ont, selon les « jeunes non-conformistes des années trente », resurgi. Ils ont cru alors que ces valeurs humaines fondamentales allaient pouvoir briser les conformismes stérilisants de la société bourgeoise. La tentative a certes échoué, mais elle les a confortés dans leur volonté d’anéantir l’ordre libéral bourgeois. » (p.61)
« Les journaux allemands titrent, au lendemain du 6 février : « L’aube du fascisme se lève sur la France ». » (p.65)
« [La révolte] de Robert demeure une révolte esthétique. Aucune pensée politique, bien construite, n’habite son esprit. » (p.65)
« Le 7 octobre, la France condamne à son tour l’agression italienne. Puis début novembre, la S. D. N. vote des sanctions économiques contre l’Etat fasciste. Pierre Laval tente de les limiter. N’importe, Benito Mussolini tourne définitivement le dos à la France. Il tombera dans les bras d’Adolf Hitler l’année suivante, en octobre 1936. » (p.69)
« Le 9 avril 1935, [Maurras] n’avait-il pas écrit à propos de Léon Blum : « C’est un homme à fusiller, mais dans le dos ? » (p.70)
« Robert publie son premier papier dans Combat en mars 1936. […] Il s’intitule : Lettre aux cocus de la droite. […]
Aussitôt après sa création, Combat fut relégué aux confins de l’extrême-droite. » (p.72)
« [Pour les droites, les électeurs du Front populaire], c’est la « populace » jobarde, méchante, adepte de la reptation, manipulée par les séides de Moscou la « rouge » qu’on a catapultée, ce 3 mai 1936, au sommet de la hiérarchie de toutes les valeurs recensées depuis la création du monde. » (p.74)
« Absorbé par le travail qu’il produisait à l’hebdomadaire dirigé par Henri Massis, Robert n’envoya plus d’articles à Je suis partout jusqu’à 1936. » (p.76)
« Le capitalisme, pour Robert, est immoral ; il appauvrit le travailleur, ne lui permet point, malgré un labeur parfois affolant, de vivre honorablement. » (p.83)
« Après la Belgique en 1936, l’Italie en 1937, Robert visitera l’Espagne en juillet 1938, avec Pierre-Antoine Cousteau et Maurice Bardèche. » (p.87)
« L’expérience fasciste reste avant tout pour Brasillach génératrice d’espoir ; elle est celle qui libère l’existence d’un intellectualisme parasitaire et améniant ; elle est celle qui redonne à la vie quelque reflet opalescent, quelque saveur suave, quelque relief. » (p.88)
« A l’automne 1937, Robert Brasillach se rendra dans l’antique patrie des Teutons et assistera au congrès de Nuremberg. Il y restera cent heures. » (p.91)
« Lors de ce voyage, Brasillach rencontre Adolf Hitler. » (p.99)
« Critique qu’il fit, le 8 juillet 1937 dans l’Action française, du livre d’Alphonse de Chateaubriand, la Gerbe des forces. […] il laissa véritablement éclater sa colère, ce fut quand Alphonse de Chateaubriand osa affirmer que la nation française devait choisir entre Moscou et Berlin. […]
La France de 1937, malgré ses énormes faiblesses, n’était le « dominion » de personne. » (p.103)
« C’est à l’école politique française, écrira Robert le 1er juillet 1938 dans Je suis partout, que maints pays étrangers ont emprunté, à coup sûr, une part de leur doctrine. » (p.105)
« L’ordre règne dans les usines. Socialement, le Front populaire a vécu. L’économie repart. L’indice de production industrielle retrouvera en juin 1939 le niveau 100, et il ne restera plus que 150 000 chômeurs. […] La France compte environ 42 millions d’habitants. Face aux 70 millions d’Allemands, augmentés de 15 millions d’Autrichiens, son infériorité numérique est un handicap. » (p.119)
« [Daladier] fait relever par un décret-loi les allocations familiales et concocte le code de la famille qui institue une prime à la naissance du premier enfant si elle survient dans les deux ans du mariage. » (p.120)
« 100 000, puis 150 000 exemplaires en 1941, 250 000 en 1942, près de 300 000 à la fin de l’Occupation. Je suis partout est désormais une affaire florissante. » (p.142)
« Ce serment de fidélité de Brasillach aux prisonniers, engagement fraternel et généreux, débouche en définitive sur l’acceptation de la collaboration. Certes, Brasillach n’approuve pas l’entente avec le vainqueur allemand pour des raisons idéologiques. […] L’histoire retiendra le nom d’un journaliste ayant accepté de rédiger des articles sous contrôle allemand. […]
Pierre Gaxotte s’entretient en privé avec Maurice Bardèche. Lui aussi pense que Robert ne devrait pas remonter sur l’estrade parisienne. » (p.145)
« Robert Brasillach et ses confrères de Je suis partout n’aiment guère que les fascistes de « gauche », fraîchement ralliés à la « révolution du XXe siècle », occupent ostentiblement le devant de la scène parisienne. » (p.153)
« Les mécanismes économiques d’une société échappent toujours à Brasillach. » (p.168)
« L’homme mûr devient le bourgeois, et la vieillesse s’apparente à la République démocratique qui a conduit le pays à la défaite. […] Robert avait déjà formulé une critique semblable au début des années trente. » (p.149)
« Le bombardement de Rennes, le 8 mars 1943, fait 262 morts et 172 blessés ; celui de Rouen-Sotteville, le 28 mars, 120 morts et 250 blessés ; celui de Bordeaux, le 17 mai, 195 morts et 276 blessés ; celui de Rennes encore, le 29 mai, 210 morts et 203 blessés. […]
Les 8 et 9 septembre, dans la petite ville du Portel, près de Boulogne, on retirera des ruines fumantes 500 morts, dont près de 90 enfants et 200 blessés. Seul le port était visé. » (p.190)
« A la fin de l’été de 1943, Brasillach prend donc « le grand deuil du fascisme ». […] Le 4 septembre 1943, son nom réapparaît dans l’hebdomadaire Révolution nationale […] Les éditoriaux politiques sont signés Pierre Drieu La Rochelle. » (p.194)
« En quittant Je suis partout, Brasillach laisse le champ libre aux ultras de la collaboration qui ne se privent pas d’attaquer les « mous », les « lâches », les « dégonflés », enfin tous ceux qui selon eux ont fui leurs responsabilités. » (p.195)
« Le 7 janvier 1944, le nouveau gouvernement, imposé par Adolf Hitler, est entièrement formé. Philippe Henriot est nommé secrétaire d’Etat à l’Information et à la Propagande. Joseph Darnand, le chef de la Milice, devient secrétaire d’Etat au maintien de l’ordre. Laval est toutefois parvenu à écarter Marcel Déat, car celui-ci a écrit sur l’armée et la marine des articles qui ont profondément irrité le maréchal Pétain. » (p.199)
« Mais le 25 juin [1944], [Brasillach] reprend du service et redevient le journaliste engagé et violent qu’il avait été […]
A ses yeux, les soldats qui meurent par dizaines de milliers sur les plages du Calvados ne sont pas des libérateurs. » (pp.205-206)
« Brasillach ne souhaite pas vivre dans un « monde sans âme ». Alors, quand il voit poindre la bannière étoilée, il craint que cette armée de « philistins », n’ayant selon lui qu’une devise : « produire plus », n’ébranle les valeurs fondamentales de la vieille Europe chrétienne. […]
En insinuant, le 25 juin 1944, que les Américains bombardent les villes françaises afin de détruire quelques trésors architecturaux qu’ils n’auraient jamais chez eux, Brasillach ne peut qu’inciter ses jeunes lecteurs à prendre les armes contre les forces alliées, même s’ils ne le désirent pas réellement. » (p.207)
« Le 1er septembre 1944, Brasillach apprend l’arrestation de son beau-frère, Maurice Bardèche. La Résistance ne le trouvant point, elle tente d’exercer une pression morale sur lui, en arrêtant ses proches. Aussitôt, il décide de se constituer prisonnier. » (p.213)
-Pascal Louvrier, Brasillach. L’illusion fasciste, Paris, Librairie Académique Perrin, 1989, 279 pages.
Il n’y a pas d’entrée « Nietzsche ».
« Le socialisme n’étant jamais qu’une régression historique face à l’irruption du monde moderne, il n’y avait guère de raison pour qu’il en aille autrement du fascisme. » (p.10)
« Son procès fut une parodie ? C’est l’évidence. » (p.11)
« Le général de Gaulle joua dans cette affaire le rôle de Créon. C’est un rôle difficile, qui devrait attirer davantage la sympathie que celui d’Antigone. » (p.12)
-Alain Griotteray, préface à Pascal Louvrier, Brasillach. L’illusion fasciste, Paris, Librairie Académique Perrin, 1989, 279 pages.
« Je décrochais mon diplôme universitaire avec une mention qui m’encourageait à présenter ce travail [de mémoire] à un éditeur. » (p.14)
« Lycéen de province, adolescent sensible et doué, passionné de littérature, Robert Brasillach arriva à Paris en 1925 afin d’y poursuivre ses études. Ce fut d’abord Louis-le-Grand, la classe d’André Bellessort, fervent admirateur de Charles Maurras, la découverte du Quartier latin dominé par l’Action française, la lecture désordonnée des ouvrages de Maurice Barrès et de Charles Péguy. En un mot, ce fut la naissance spirituelle d’un jeune homme simple et tendre, né en 1909 à Perpignan.
Puis Brasillach traversa quelques rues et entra à l’École normale supérieure. Là, il rencontra Maurice Bardèche, José Lupin et Thierry Maulnier, lequel n’allait pas tarder à devenir l’un des plus subtils essayistes de sa génération. L’efflorescence intellectuelle du normalien fut alors étincelante. L’Action française, la Revue universelle, la Revue française publièrent ses premières pages littéraires. En 1931 parut son premier livre, Présence de Virgile, où il avouait chérir la jeunesse et aimer, à la manière de Barrès, la patrie de ses ancêtres, cette patrie pour laquelle le lieutenant Brasillach, son père, avait donné sa vie.
En septembre de la même année, il rédigea un long article intitulé : « La fin de l’après-guerre ». Avec sagacité, il avait compris que 1930 était une année charnière. Du même coup, il prenait place parmi ces jeunes gens « non-conformistes ». Du même coup, il épousait leur révolte […] (même refus de la société bourgeoise, des institutions démocratiques, des matérialismes américain et soviétique). » (pp.15-16)
« Après avoir visité l’Allemagne en 1935, Brasillach mit en garde ses compatriotes : si la France continuait de s’affaiblir, Adolf Hitler n’hésiterait pas à lui déclarer la guerre. Et, à coup sûr, il la gagnerait. » (p.17)
« Le 5 septembre 1914 débute la bataille de la Marne. Charles Péguy est tué près de Villeroy, à vingt-deux kilomètres de Paris, dans cette plaine si triste l’hiver et si peu rieuse l’été. Trente-huit jours plus tard, le vendredi 13 novembre, une colonne française commandée par le lieutenant Brasillach attaque un campement ennemi installé dans la plaine d’El Herri près de Kenitra, au Maroc. Mais les insurgés zaians attendaient les Français. Il n’y a aucun survivant. Dans les deux cas, une seule balle a suffi pour anéantir le courage vertueux de ces hommes indissociables dans leur uniforme français. […] [Brasillach] a alors cinq ans et demi.
Pendant quatre longues années, des pages terribles de l’histoire de France, mais également de l’Europe, s’écrivent dans un décor ravagé par d’incessants combats meurtriers. La terre, du nord à l’est de notre pays, boit le sang de millions d’hommes. Une génération entière est sacrifiée. Le 11 novembre 1918, les fusils se taisent enfin. C’est l’heure d’évaluer les pertes du conflit. 1 450 000 soldats ne reverront jamais leur famille. » (p.21)
« Robert, inscrit au lycée de Sens, travaille avec une certaine nonchalance. […] Son professeur, Gabriel Marcel, l’interpelle. » (p.22)
« A seize ans à peine, il décroche ses deux baccalauréats. Du même coup, la route menant au prestigieux lycée parisien Louis-le-Grand lui est ouverte. » (p.23)
« Robert racontera plus tard que l’année où l’Académie française préféra Célestin Jonnart à Charles Maurras, Bellessort déclara à ses élèves : « Messieurs, l’Académie française vient d’élire M. Jonnart. Je vais vous lire du Charles Maurras ». Et il avait passé toute l’heure du cours à commenter à ses élèves Anthinéa et Les Amants de Venise.
A cette époque, l’Action française domine le Quartier latin. Robert le sait. Ce qui ne l’empêche pas de lire le Canard enchaîné, confirmant ainsi qu’il tolère toutes les opinions, à condition qu’elles soient irrespectueuses envers l’ordre établi et les partis de droite jugés « falots, bourgeois et vieillots ». » (p.30)
« Vingt ans à peine, et déjà de grandes bouffées de nostalgie envahissent Robert lorsqu’il songe aux doux moments révolus de l’adolescence. Vingt ans à peine, et déjà il possède et cultive ce goût pour le passé. » (p.35)
« Robert gardera un souvenir ému de ces promenades montmartoises avec Massis. » (p.38)
« Son premier article paraît le 1er mai 1930. Il s’agit d’un extrait de Présence de Virgile. Cette collaboration au journal de Charles Maurras ne s’achèvera qu’en 1940. » (p.38)
« Si Massis et Bainville deviennent pour lui de véritables maîtres, ce n’est pas pour les idées politiques bien définies qu’ils professent. » (p.39)
« En 1931, l’auteur du Soleil de Satan enverra d’Hyères cette lettre amicale à Robert. » (p.40)
« Entre 1929 et 1935, ses exportations chutent de 50 à 15.4 millions de francs. Le commerce extérieur français sera la première victime de la dévaluation de la livre. […]
De 60 000 en 1931, les chômeurs passeront à 465 000 en 1935. L’heure sera alors venue de jouer un requiem pour la « prospérité Poincaré ». Cette chute de l’activité économique entraînera une raréfaction des rentrées émanant des impôts. L’équilibre budgétaire sera rompu. » (p.42)
« Face à la crise économique et financière, à la décrépitude lente mais générale, au niveau de vie en baisse, le Parlement français aura une attitude veule. Une partie de la jeunesse cherchera alors quelque ballon d’oxygène. Les expériences étrangères : communisme en Russie soviétique, fascisme en Italie, national-socialisme en Allemagne, envoûteront de nombreux esprits juvéniles. Les régimes autoritaires protégés, semble-t-il, des luttes intestines et pitoyables qu’offre habituellement une démocratie parlementaire, ensorceleront les jeunes Français dépités de vivre dans une nation atone et déprimée. » (p.43)
« Le système capitaliste vient de prouver qu’il demeurait incapable de réaliser l’harmonie sociale tant attendue. » (p.45)
« Le 17 octobre 1932, après avoir fait paraître aux Éditions Plon une « suite de nouvelles et d’états », le voleur d’étincelles, et le Procès de Jeanne d’Arc dans la série « lectures chrétiennes », de Rédier, Robert part pour Lyon accomplir son service militaire, à l’état-major de la 9e région. » (p.51)
« Toute l’œuvre de Brasillach baigne dans la nostalgie du temps qui passe, inexorablement. […]
Robert avouera lui-même à Jacques Brousse, dans une lettre écrite le 19 avril 1940, qu’il est un « passéiste convaincu ». » (p.53)
« Lors de l’émeute du 6 février, le risque, la grandeur et l’héroïsme ont, selon les « jeunes non-conformistes des années trente », resurgi. Ils ont cru alors que ces valeurs humaines fondamentales allaient pouvoir briser les conformismes stérilisants de la société bourgeoise. La tentative a certes échoué, mais elle les a confortés dans leur volonté d’anéantir l’ordre libéral bourgeois. » (p.61)
« Les journaux allemands titrent, au lendemain du 6 février : « L’aube du fascisme se lève sur la France ». » (p.65)
« [La révolte] de Robert demeure une révolte esthétique. Aucune pensée politique, bien construite, n’habite son esprit. » (p.65)
« Le 7 octobre, la France condamne à son tour l’agression italienne. Puis début novembre, la S. D. N. vote des sanctions économiques contre l’Etat fasciste. Pierre Laval tente de les limiter. N’importe, Benito Mussolini tourne définitivement le dos à la France. Il tombera dans les bras d’Adolf Hitler l’année suivante, en octobre 1936. » (p.69)
« Le 9 avril 1935, [Maurras] n’avait-il pas écrit à propos de Léon Blum : « C’est un homme à fusiller, mais dans le dos ? » (p.70)
« Robert publie son premier papier dans Combat en mars 1936. […] Il s’intitule : Lettre aux cocus de la droite. […]
Aussitôt après sa création, Combat fut relégué aux confins de l’extrême-droite. » (p.72)
« [Pour les droites, les électeurs du Front populaire], c’est la « populace » jobarde, méchante, adepte de la reptation, manipulée par les séides de Moscou la « rouge » qu’on a catapultée, ce 3 mai 1936, au sommet de la hiérarchie de toutes les valeurs recensées depuis la création du monde. » (p.74)
« Absorbé par le travail qu’il produisait à l’hebdomadaire dirigé par Henri Massis, Robert n’envoya plus d’articles à Je suis partout jusqu’à 1936. » (p.76)
« Le capitalisme, pour Robert, est immoral ; il appauvrit le travailleur, ne lui permet point, malgré un labeur parfois affolant, de vivre honorablement. » (p.83)
« Après la Belgique en 1936, l’Italie en 1937, Robert visitera l’Espagne en juillet 1938, avec Pierre-Antoine Cousteau et Maurice Bardèche. » (p.87)
« L’expérience fasciste reste avant tout pour Brasillach génératrice d’espoir ; elle est celle qui libère l’existence d’un intellectualisme parasitaire et améniant ; elle est celle qui redonne à la vie quelque reflet opalescent, quelque saveur suave, quelque relief. » (p.88)
« A l’automne 1937, Robert Brasillach se rendra dans l’antique patrie des Teutons et assistera au congrès de Nuremberg. Il y restera cent heures. » (p.91)
« Lors de ce voyage, Brasillach rencontre Adolf Hitler. » (p.99)
« Critique qu’il fit, le 8 juillet 1937 dans l’Action française, du livre d’Alphonse de Chateaubriand, la Gerbe des forces. […] il laissa véritablement éclater sa colère, ce fut quand Alphonse de Chateaubriand osa affirmer que la nation française devait choisir entre Moscou et Berlin. […]
La France de 1937, malgré ses énormes faiblesses, n’était le « dominion » de personne. » (p.103)
« C’est à l’école politique française, écrira Robert le 1er juillet 1938 dans Je suis partout, que maints pays étrangers ont emprunté, à coup sûr, une part de leur doctrine. » (p.105)
« L’ordre règne dans les usines. Socialement, le Front populaire a vécu. L’économie repart. L’indice de production industrielle retrouvera en juin 1939 le niveau 100, et il ne restera plus que 150 000 chômeurs. […] La France compte environ 42 millions d’habitants. Face aux 70 millions d’Allemands, augmentés de 15 millions d’Autrichiens, son infériorité numérique est un handicap. » (p.119)
« [Daladier] fait relever par un décret-loi les allocations familiales et concocte le code de la famille qui institue une prime à la naissance du premier enfant si elle survient dans les deux ans du mariage. » (p.120)
« 100 000, puis 150 000 exemplaires en 1941, 250 000 en 1942, près de 300 000 à la fin de l’Occupation. Je suis partout est désormais une affaire florissante. » (p.142)
« Ce serment de fidélité de Brasillach aux prisonniers, engagement fraternel et généreux, débouche en définitive sur l’acceptation de la collaboration. Certes, Brasillach n’approuve pas l’entente avec le vainqueur allemand pour des raisons idéologiques. […] L’histoire retiendra le nom d’un journaliste ayant accepté de rédiger des articles sous contrôle allemand. […]
Pierre Gaxotte s’entretient en privé avec Maurice Bardèche. Lui aussi pense que Robert ne devrait pas remonter sur l’estrade parisienne. » (p.145)
« Robert Brasillach et ses confrères de Je suis partout n’aiment guère que les fascistes de « gauche », fraîchement ralliés à la « révolution du XXe siècle », occupent ostentiblement le devant de la scène parisienne. » (p.153)
« Les mécanismes économiques d’une société échappent toujours à Brasillach. » (p.168)
« L’homme mûr devient le bourgeois, et la vieillesse s’apparente à la République démocratique qui a conduit le pays à la défaite. […] Robert avait déjà formulé une critique semblable au début des années trente. » (p.149)
« Le bombardement de Rennes, le 8 mars 1943, fait 262 morts et 172 blessés ; celui de Rouen-Sotteville, le 28 mars, 120 morts et 250 blessés ; celui de Bordeaux, le 17 mai, 195 morts et 276 blessés ; celui de Rennes encore, le 29 mai, 210 morts et 203 blessés. […]
Les 8 et 9 septembre, dans la petite ville du Portel, près de Boulogne, on retirera des ruines fumantes 500 morts, dont près de 90 enfants et 200 blessés. Seul le port était visé. » (p.190)
« A la fin de l’été de 1943, Brasillach prend donc « le grand deuil du fascisme ». […] Le 4 septembre 1943, son nom réapparaît dans l’hebdomadaire Révolution nationale […] Les éditoriaux politiques sont signés Pierre Drieu La Rochelle. » (p.194)
« En quittant Je suis partout, Brasillach laisse le champ libre aux ultras de la collaboration qui ne se privent pas d’attaquer les « mous », les « lâches », les « dégonflés », enfin tous ceux qui selon eux ont fui leurs responsabilités. » (p.195)
« Le 7 janvier 1944, le nouveau gouvernement, imposé par Adolf Hitler, est entièrement formé. Philippe Henriot est nommé secrétaire d’Etat à l’Information et à la Propagande. Joseph Darnand, le chef de la Milice, devient secrétaire d’Etat au maintien de l’ordre. Laval est toutefois parvenu à écarter Marcel Déat, car celui-ci a écrit sur l’armée et la marine des articles qui ont profondément irrité le maréchal Pétain. » (p.199)
« Mais le 25 juin [1944], [Brasillach] reprend du service et redevient le journaliste engagé et violent qu’il avait été […]
A ses yeux, les soldats qui meurent par dizaines de milliers sur les plages du Calvados ne sont pas des libérateurs. » (pp.205-206)
« Brasillach ne souhaite pas vivre dans un « monde sans âme ». Alors, quand il voit poindre la bannière étoilée, il craint que cette armée de « philistins », n’ayant selon lui qu’une devise : « produire plus », n’ébranle les valeurs fondamentales de la vieille Europe chrétienne. […]
En insinuant, le 25 juin 1944, que les Américains bombardent les villes françaises afin de détruire quelques trésors architecturaux qu’ils n’auraient jamais chez eux, Brasillach ne peut qu’inciter ses jeunes lecteurs à prendre les armes contre les forces alliées, même s’ils ne le désirent pas réellement. » (p.207)
« Le 1er septembre 1944, Brasillach apprend l’arrestation de son beau-frère, Maurice Bardèche. La Résistance ne le trouvant point, elle tente d’exercer une pression morale sur lui, en arrêtant ses proches. Aussitôt, il décide de se constituer prisonnier. » (p.213)
-Pascal Louvrier, Brasillach. L’illusion fasciste, Paris, Librairie Académique Perrin, 1989, 279 pages.
Il n’y a pas d’entrée « Nietzsche ».
Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Mer 8 Avr - 13:55, édité 1 fois