https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2013-4-page-89.htm
S
avoir/agir : Pourriez-vous rappeler rapidement le cheminement qui vous a conduits, individuellement et collectivement, à rejoindre le Front de gauche ?
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Myriam Martin : Il y a plusieurs causes. La première est liée au NPA [1]
[1]
Liste des sigles utilisés : NPA (Nouveau…
. Le projet initial était de créer un parti largement ouvert. Or, dès les élections régionales de 2010, nous avions l’impression inverse : le NPA semblait devenu un parti plutôt frileux devant le débat politique, qui avait du mal à se confronter à d’autres composantes de la gauche de gauche, notamment au Front de gauche qui venait de naître aux élections européennes de l’année précédente. Dès ce moment-là, une partie de la direction du NPA a été attentive à cette force nouvelle, tout en ne voyant peut-être pas tout de suite que le processus allait au-delà d’une simple alliance électorale. Il se passait en effet quelque chose de plus profond.
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Mais le vrai déclic a eu lieu avec les élections régionales, qui ont été une défaite pour le NPA. Le Front de gauche, par contre, apparaissait plus uni à une échelle de masse, notamment par rapport au PS. Sa stratégie a donc été bien plus efficace.
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Et puis, il faut mesurer aussi l’effet de la crise. Personnellement, je me suis rendue compte assez tôt, bien avant la création du NPA, que la crise ne construit pas automatiquement de l’anticapitalisme, révolutionnaire, avec une conscience de classe et l’idée qu’il faut remplacer le système par autre chose. L’histoire nous a amplement appris que cela ne se passait pas comme cela, y compris chez les personnes qui souffrent le plus de la situation actuelle. En clair, il n’y a pas eu de noyau de fixation autour du NPA, qui aurait pu être le point de reconstruction. C’était en tout cas l’espoir de la majorité du NPA, espoir qui n’était pas forcément partagé par tout le monde à la direction du parti, où toutes les sensibilités sont représentées. Pour moi, le vers était dans le fruit bien avant l’éclatement et le départ de la GA. Nous nous sommes rendus compte que ce qui se construisait ne correspondait pas à ce que nous voulions.
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Certes, la situation était compliquée. Il y a en effet des dangers réels dans la société. L’extrême droite par exemple, et pas seulement en France mais partout en Europe. D’où la nécessité de construire un front social et politique plus large, unitaire et radical, et bien sûr indépendant du PS. Pour nous, cela ne concernait pas le seul NPA. Il fallait donc aussi s’adresser au Front de gauche. C’est ce que nous avons essayé de faire en 2011, alors que nous étions dans une situation difficile après la déclaration d’Olivier Besancenot annonçant son refus de se présenter une nouvelle fois à l’élection présidentielle. Nous, c’est-à-dire une partie de la majorité à laquelle j’appartenais (position 1) alliée à la position 3 [2]
[2]
Au congrès de février 2011 du NPA, quatre « positions » étaient…
, avons donc préparé un texte pour que le NPA s’adresse au Front de gauche et propose une rencontre. Après le congrès, nous avons dans un premier temps pu rassembler une courte majorité au sein du conseil national. Mais cela n’a pas duré. Notre position a finalement été battue de peu deux mois après suite à un renversement d’alliances, la majorité de la position 1 se joignant à la position 2. Nous avons décidé tout de même d’essayer de la mettre en pratique. Mais nous nous sommes trouvés confrontés à une position majoritaire de plus en plus fermée, sectaire, refusant tout discussion en dehors du NPA. Ce qui nous a progressivement convaincus qu’il fallait faire autre chose.
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Savoir/agir : Peut-on dire d’après vous que l’arrivée relativement massive de nouveaux militants, moins politisés, plus revendicatifs, a été une des causes de ce raidissement sectaire du NPA ?
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Myriam Martin : Oui et non. Il faut tenir compte en effet aussi de l’arrivée de divers groupes à la LCR dans les années 2000, avant la création du NPA. Beaucoup de ces petits groupes sont venus avec une vision assez fermée de ce qu’est un parti. Particulièrement ceux qui venaient de Lutte ouvrière et qui avaient une vision très « traditionnelle » de l’action politique radicale : « en dehors du trotskisme, point de salut… les révolutionnaires, c’est nous et seulement nous, etc. » Cela va peser par la suite.
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Mais il est vrai aussi qu’il y de tout chez les nouveaux militants, qui sont venus au NPA sans avoir jamais adhéré à un parti auparavant. Manque de formation politique, rejet des socialistes et du communisme tel qu’il a été, rejet de l’Union de la gauche, vont se conjuguer pour donner une orientation de plus en plus sectaire, particulièrement envers les courants issus de la social-démocratie ou du Parti communiste.
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Mais il faut dire aussi que beaucoup de ces militants ont cependant quitté le NPA parce qu’ils n’y trouvaient pas leur compte. Ce qui est rarement dit ! Ils venaient pour construire un parti anticapitaliste large, capable de construire un autre monde. Ils pouvaient être écolos, plus ou moins radicaux, venir du mouvement syndical ou associatif, etc. Beaucoup d’autres sont tout simplement partis, déroutés par la montée du sectarisme, et la GA n’a pas su non plus les retenir.
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Certains ont malheureusement tout quitté. D’autres ont rejoint une des composantes du Front de gauche. Je suis en contact avec un membre de Solidaires qui travaille dans le Nord et est très actif contre l’expulsion des Roms. Il a été au NPA, il a été déçu et est parti, et bien qu’il soit plutôt proche des positions de la GA, il n’a pas fait le chemin inverse et a donc renoncé au militantisme politique. Tout l’enjeu de la période qui s’ouvre, qui s’est en réalité ouverte avec le Front de gauche, c’est de permettre à des militants de ce type de se retrouver au sein du Front de gauche. Et pas forcément, j’insiste là-dessus, dans une de ses composantes actuelles du Front de gauche. Le Front de gauche a selon moi vocation à proposer un tel cadre.
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À partir du moment où nous ne pouvions faire au sein du NPA qui se sectarisait ce qui était notre objectif, un parti ouvert, nous nous sommes tournés avec conviction vers le Front de gauche, dont nous avions pu apprécier la dynamique à travers l’élection présidentielle. De mon point de vue, cette dynamique n’était pas seulement liée aux élections. Il y avait un vrai engouement militant. On le voyait dans les réunions publiques, dans les articles qu’on lisait, à travers les rencontres militantes. Beaucoup renouaient ainsi avec la politique et l’espoir. Personnellement, j’ai été convaincue dès ce moment-là qu’il fallait entrer au Front de gauche. Avec d’autres, nous avons réussi à convaincre la GA que c’était la bonne solution. Certes, le processus a été un peu long auprès des militants, malgré la dynamique de 2012. Mais un an après, en juillet 2013, nous sommes entrés au Front de gauche après avoir réussi à convaincre nos amis que c’était le choix à faire. Aujourd’hui, c’est clair, nous ne le regrettons pas.
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Savoir/agir : Comment interprétez-vous le fait qu’il y ait eu trois vagues successives à quitter ainsi le NPA, la Gauche unitaire – certes composée à partir d’une opposition ancienne au sein de la LCR – dès la création du Front de gauche, Convergences et Alternatives ensuite et puis enfin, la GA ?
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Myriam Martin : Le cas de la Gauche unitaire me semble un peu à part. Ce courant n’a jamais été favorable à la création du NPA, même si ce n’était pas toujours affirmé clairement. Il a mis le doigt sur un problème réel que le NPA n’a pas pu surmonter. Nous avons cru en effet qu’il était possible de construire une force politique par en bas. L’expérience nous a montré que ce n’était pas possible et qu’il fallait combiner une construction par le bas avec une construction par le haut.
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Mais il faut avoir les chiffres en tête : la GU n’était pas très nombreuse et son départ n’a pas inquiété la direction du NPA, nous y compris, au moment où nous allions vers les 10 000 adhérents. Les partants avaient raison sur un point, qui allait continuer à alimenter les débats internes du NPA : il fallait débattre avec les autres forces politiques à la gauche du PS. Mais ils sont partis en entretenant un tel climat de polémique que ce message n’a pas été entendu. Ils ont ainsi dressé une majorité écrasante contre eux, à tel point que la direction a dû parfois intervenir pour calmer les choses, comme cela a été le cas au congrès de fondation du NPA en février 2009. Je crois que nous aurions pu nous dispenser de ces affrontements tant il m’apparaissait que le désaccord était profond et que le départ était la moins mauvaise solution. D’autant que les velléités de quitter la LCR n’étaient pas nouvelles au sein de la GU.
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Ce qui a été plus problématiques pour nous, c’est le départ de C & A [3]
[3]
C & A a été créé en mai 2009 comme courant interne du NPA. Ses…
, même s’il s’agit là encore d’un petit groupe. Ces militants s’étaient en effet investis de façon tout à fait sincère dans la construction du NPA. Ils ont pourtant annoncé leur départ en février 2011, ce qui a constitué une vraie perte militante pour le NPA. Nous avons été affectés personnellement et collectivement par ces départs. Certes nous étions convaincus qu’ils se trompaient mais comprenions aussi que leur décision s’expliquait par l’orientation très brouillonne sortie de ce congrès. Elle restait très fermée sur l’extérieur. C & A a aussi entraîné de jeunes militants, souvent issus du mouvement social, La pelle et la pioche, Jeudi Noir, etc.
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D’autres au sein de la direction restaient cependant convaincus que le parti devait se construire en s’épurant. Cela confirmait l’impression qu’en l’absence d’orientation claire, seule la dimension sectaire du NPA subsiste.
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Savoir/agir : Ne pensez-vous pas que, sans sous-estimer les problèmes dont vous parlez, un certain nombre de militants du NPA très implantés dans le mouvement social en avait un peu assez d’être politiquement dans des organisations minoritaires alors qu’ils avaient l’impression, à tort ou à raison, que le Front de gauche aurait davantage prise sur l’histoire ? Ne sont-ils pas alors venus de façon positive vers le Front de gauche, et non par rejet du NPA ?
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Myriam Martin : Ce qui est certain, c’est que le départ de C & A n’était pas de même nature que celui de la GU. C’est d’ailleurs cela qui nous a alertés ! Les liens n’ont d’ailleurs pas été totalement rompus et Stéphanie Treillet a par exemple été invitée à l’université d’été du NPA qui a suivi ce départ.
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Pour nous, il était clair que le parti était en danger après le départ de C&A. Nous avons donc essayé de nous bagarrer à l’intérieur pour une ligne plus ouverte. Nous avons même cru pouvoir gagner au conseil politique national sur la ligne : il faut discuter avec d’autres forces, avec le Front de gauche notamment, et voir comment préparer les élections présidentielle et législatives de 2012. Mais nous avons été battus deux mois après au cours d’une nouvelle réunion. Il en est sorti une ligne médiocre, finalement très peu politique mais peu unitaire et même sectaire. Se battre quand on est un dirigeant politique et qu’on a vingt ans de militantisme derrière soi, passe encore. Mais il faut se mettre à la place des jeunes militants dans nos villes. Quand on leur expliquait ce qui se passait, ils étaient découragés et partaient.
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Savoir/agir : Pouvez-vous dire un mot de la manière dont la GA s’est constitué. Vu de l’extérieur, cela paraît un peu compliqué, avec des proches d’Olivier Besancenot, des habitués anciens de la dissidence, une porte-parole alors que l’autre reste dans la majorité, etc.
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Myriam Martin : Après la conférence nationale de juin 2011 qui a désigné Philippe Poutou comme candidat à la présidentielle, il y a eu un phénomène de : « la coupe est pleine ». La LCR et le NPA avaient certes des défauts mais il n’y avait jamais eu jusque là de gros problèmes de démocratie interne. Là, cela a été moins clair avec la manière dont la candidature de Philippe Poutou a été décidée. Le Rubicon a été franchi quand nous avons eu l’impression qu’on nous imposait quelqu’un avec des qualités humaines certaines mais sans aucune expérience politique. Il y avait quelque chose de démagogique, une sorte d’ouvriérisme dont Lutte ouvrière est coutumière mais que je n’avais jamais décelé à la Ligue. Il a peut-être existé dans les années 1970 mais on s’en était fort heureusement débarrassé. Là, nous avions un candidat qui n’avait sans doute pas les compétences requises et qui n’a pas été aidé par la ligne sectaire qui lui a été imposée. Nous avons senti rapidement que cette candidature ne mordait pas et mettait le NPA dans une position de repli telle que les résultats ne pouvaient être que bien en deçà des résultats de la seule LCR il y a quelques années. Dès ce moment-là, nous sentions bien qu’il y avait une fracture au sein de l’ancienne majorité. Nous avons pensé, avec des membres de l’ancienne P3, que nous avions peut-être un peu surestimé nos divergences et que le moment était venu de travailler ensemble. Personnellement, j’attache beaucoup d’importance à la possibilité d’organiser des tendances au sein des partis mais il faut évidemment éviter de les figer dans la durée. Nous nous sommes rendus compte que nous partagions la même orientation, la même analyse de la situation politique, économique et sociale. Et que le moment était donc venu de proposer quelque chose à ceux qui ne se retrouvaient pas dans l’orientation du NPA. Nous avons donc constitué au sein du NPA un groupe, une fraction publique qui soit en capacité de s’exprimer aussi à l’extérieur vers ceux qui avaient quitté le NPA mais surtout vers les composantes du Front de gauche pour leur dire : « nous sommes d’accord pour faire quelque chose ensemble ».
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Savoir/agir : Pouvez-vous résumer la chronologie de cette démarche ?
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Myriam Martin : La première réunion a eu lieu à l’Université d’été du NPA en 2011. Le courant, d’abord interne au NPA, a été créé en novembre 2011. Nous avons organisé le 11 février 2012 une réunion publique ouverte sur la crise à laquelle ont participé et pris la parole toutes les composantes du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon en tête. Un succès qui a contribué à nous convaincre que nous pouvions mener une autre vie… À partir de là, nous avons mené notre propre politique, y compris vers l’extérieur. Certains d’entre nous ont fait la campagne de Poutou par une sorte de légalisme. D’autres, dont j’étais ont préféré se mettre en congé du parti, pour continuer à travailler, discuter avec les autres groupes et notamment le Front de gauche.
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Savoir/agir : Quelles ont été les étapes de votre entrée dans le Front de gauche ? Qui a été votre interlocuteur ?
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Myriam Martin : Nous avons tout naturellement commencé à discuter avec ceux qui étaient sortis récemment du NPA, et plus particulièrement les anciens de la Ligue. Le paradoxe, c’est que nous n’avons pas pu le faire tout de suite avec la GU. Autour de Christian Picquet, beaucoup n’étaient pas très contents de nous voir arriver. Mais cela a mieux fonctionné avec d’autres que nous avons rencontrés en diverses occasions, comprenant ainsi qu’il n’y avait aucun problème pour discuter ensemble. Nous avons commencé par des réunions bilatérales pour finir par inviter toutes les forces du Front de gauche. Nous nous retrouvons ainsi au coude à coude avec d’autres composantes, la FASE, Convergences et alternatives, etc. Nous étions toujours membres du NPA, qui est invité à ces réunions. En pleine campagne présidentielle, il y a un vrai rapprochement entre ces forces. Ce qui a un effet pédagogique à la fois sur notre groupe et sur les autres composantes du Front de gauche avec lesquelles nous discutons. En même temps, cela fait comprendre à la direction du NPA que le processus est proche de son terme. Certains, Christine Poupin par exemple, aimeraient que nous restions mais la plupart des dirigeants ont compris que c’est terminé.
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Un de nos problèmes a été le fait que nos réunions et autres activités pour convaincre autour de nous les membres du NPA se sont déroulées en même temps que les élections présidentielles, au cours de laquelle beaucoup d’entre nous ont été très actifs dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Ce qui nous paralyse un peu car nous ne pouvions pas dire officiellement que la GA faisait la campagne de Mélenchon alors que certains d’entre nous la faisaient sur le terrain. Pour en sortir, nous avons franchi le pas en diffusant en mars 2012 un appel à voter Mélenchon, en nous mettant en congé du parti, moi-même quittant le porte-parolat. Nous avons mis en avant trois « historiques » de la Ligue (Hélène Adam, Pierre-François Grond et moi-même) et non la GA, pour ne pas gêner des camarades qui pouvaient ne pas être d’accord avec la démarche.
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Savoir/agir : Et depuis les élections de 2012 ?
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Myriam Martin : Les contacts ont ensuite continué avec la Fase, C & A et une partie de la GU, mais aussi avec les Alternatifs, avec qui nous avons toujours eu des relations suivies. Ce qui nous surprenait à l’époque, c’est qu’ils avaient fait en quelque sorte le chemin inverse du nôtre : bien qu’ayant fait la campagne de Mélenchon, ils n’avaient toujours pas décidé d’adhérer au Front de gauche alors que nous nous préparions à le faire. Ils ne franchiront le pas qu’en novembre 2012.
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Il existe donc une offre politique vaste au sein du Front de gauche. Le problème, en tout cas pour les simples citoyens voire pour les militants, c’est qu’il existe les divers groupes qui sont parfois difficiles à distinguer les uns des autres et devraient par conséquent se rassembler. C’est l’objet de la réunion des 23 et 24 novembre à Paris, qui verra la création d’une nouvelle organisation.
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Savoir/agir : Vous avez parlé à plusieurs occasions de travail ensemble. Selon quelles modalités cela s’est-il fait ?
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Myriam Martin : Il y en a eu plusieurs. J’ai évoqué les réunions bilatérales. Il y a eu aussi la constitution d’un groupe, Tous ensemble, qui réunit des militants du Front de gauche, parfois membres de son Conseil national, et qui n’appartiennent à aucune des composantes du Front de gauche. L’idée, c’est que le Front de gauche doit être non seulement un front social et politique qui accueille des organisations mais aussi des militants individuels. Cela fait l’accord. Pour y travailler, nous organisons des rencontres régulières, avec des textes mis en discussion, textes de conjoncture, textes plus stratégiques, textes sur la situation économique, sociale et politique. Tout cela est formalisé à travers un journal électronique, Trait d’union, diffusé dans tous les groupes, partout en France. Nous avons également des structures locales communes, avec parfois des assemblées générales locales, etc. Là où des assemblées citoyennes continuent d’exister, ces groupes contribuent à leur animation. Dans la campagne anti-austérité menée par le Front de gauche, nous avons par exemple initié un processus consistant à faire intervenir une seule personne au nom de notre groupe. L’expérience a été plutôt positive. Pour ce qui concerne la GA, nous participons à ce travail mais en avons engagé aussi un spécifique en direction du PG. Globalement, nous partageons certains éléments de nos orientations politiques respectives (municipales, écosocialisme…).
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En résumé : nous avons continué à organiser nos propres rencontres nationales et celles, hebdomadaires, de notre comité d’animation. Nous travaillons dans le regroupement que j’ai évoqué. En même temps, nous continuons à échanger avec le Parti de gauche, avec lequel nous avons commencé à discuter à partir de ce qui nous semblait constituer des points de vue communs. Ce sont les directions que nous voulons continuer à explorer. La réunion des 23-24 novembre ne peut pas constituer selon nous, en effet, le nec plus ultra de la recomposition. Aucun parti ne peut dire aujourd’hui qu’il a achevé sa réflexion à ce sujet. Il y a aussi d’autres rapprochements à faire.
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Savoir/agir : Qui sera partie prenante les 23 et 24 ?
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Myriam Martin : Une partie de la GU, les Alternatifs, la FASE, C & A et la GA. Il faut ajouter le groupe de non-affiliés que j’ai évoqué, groupe dont nous n’avons pas encore arrêté le nom. Il y aura une fusion, c’est certain, mais le nom final du regroupement reste à trouver. Cette réunion a été préparée par des AG communes là où cela a été possible. La GA pour sa part participe de plain pied à ce processus tout en insistant sur le fait que nous ne nous construisons contre personne.
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Savoir/agir : Ce ne sera pas un troisième pilier du Front de gauche, par conséquent ?
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Myriam Martin : Cette formule est commode mais elle n’est pas bonne. Le but en soi n’est en effet pas de créer une troisième force, à côté du PC et du PG. Ce regroupement participe de la nécessaire recomposition politique mais nous ne nous arrêtons pas là. Il faudra en effet réfléchir à l’objet politique qu’est le Front de gauche lui-même. De toute manière, il faudra faire avec le PG comme avec le PC.
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Comment structurer notre regroupement ? Ce sera une structure intégrée. Nous avons des histoires et des parcours différents et nous pouvons cependant nous retrouver sur l’essentiel à un moment donné. C’est le côté positif de la démonstration que nous faisons d’ores et déjà.
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Une des choses qui nous réunit aussi et à laquelle je tiens beaucoup personnellement est que le Front de gauche doit trouver les modalités concrètes pour accueillir les personnes qui n’appartiennent à aucun parti, des « militants Front de gauche » en quelque sorte. Un exemple possible est le Bloco portugais qui a su intégrer des militants non-membres des partis constitutifs en même temps que ceux-ci. Ce n’est pas simple. C’est une discussion que nous avons avec le PC et le PG, les positions respectives n’étant pas forcément les mêmes. Nous avons déjà discuté par exemple avec le PC à ce sujet et il ne nous a pas semblé qu’ils étaient opposés au principe, les modalités concrètes étant bien sûr à trouver. Il n’est pas possible, cela fait l’accord, que le Front de gauche ne soit qu’un cartel électoral. Pour ceux qui s’y sont retrouvés, il est plus que cela. Il faut donner de l’espace politique et militant à ceux qui ne veulent pas rejoindre une des composantes. L’expérience a été faite avec succès dans d’autres pays et nous devrions donc y arriver aussi.
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Savoir/agir : Les comparaisons sont cependant difficiles. Pour le Bloco, par exemple, les quatre composantes de départ ont en effet décidé de se dissoudre et il y a eu accord pour que dans l’organe de direction du nouvel ensemble, les personnes n’ayant appartenu à aucune de ses composantes soient majoritaires. Ce qui a sans doute contribué à rajeunir l’organisation. Est-ce pensable en France ?
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Myriam Martin : Non, les choses ne se passeront peut-être pas de cette façon dans le contexte français. L’outil politique qui émergera finalement sera différent. Mais il faut avancer, même si cela prend du temps, car l’espoir politique est aujourd’hui dans le Front de gauche. Si nous n’arrivons pas à construire un outil qui s’adresse à tout le monde, aux jeunes et aux moins jeunes, aux syndicalistes qui en ont assez aujourd’hui de la situation qu’ils vivent, nous allons nous retrouver en difficulté. À mon avis, il faut que les deux « grands » partis du Front de gauche prennent conscience de cela. Aucun d’entre eux ne peut prétendre aujourd’hui devenir le parti-creuset. Il faut donc travailler avec le PG, avec les militants communistes, ce qui se révèle un peu plus difficile selon mon expérience. Mais ce débat doit devenir le ciment du regroupement.
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Savoir/agir : La GA est arrivée au moment où le Front de gauche est en difficulté, notamment à propos de la stratégie pour les élections municipales. Comment la GA se situe-t-elle dans ce débat interne et comment compte-t-elle intervenir pour une issue positive ?
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Myriam Martin : Nous ne sommes pas dupes : la situation est difficile pour le Front de gauche. Pour nous, le choix politique du Parti communiste de constituer des listes avec le Parti socialiste à Paris et dans d’autres grandes ville est un gros problème. C’est un obstacle sur le chemin qui, pour nous, devrait être celui du Front de gauche : constituer une alternative au système capitaliste mais aussi au social-libéralisme. Si nous n’arrivons pas à nous débarrasser de l’image qui nous situe à la traîne de Hollande, pour le dire vite, cela ne va pas simplifier les choses. De toute façon, montrer deux attitudes différentes – des listes autonomes et, à Paris et sans doute, je le crains en tout cas à Toulouse – sera un handicap pour l’avenir, notamment pour les élections européennes deux mois après.
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Certes, je crois qu’on peut dire aujourd’hui qu’il y aura des listes autonomes dans la grande majorité des cas. Mais le PC aura à faire face à des situations compliquées dans quelques villes, comme à Lyon ou à Carcassonne, avec des candidats étiquetés communistes sur la liste socialiste et le Parti lui-même participant à des listes autonomes du Front de gauche.
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Pour la GA, nous sommes favorables à ce que les militants communistes qui, quel que soit le résultat du vote, se sont prononcés pour des listes autonomes au cours des divers scrutins, soient sollicités pour participer à la campagne du Front de gauche. En revanche, nous sommes plutôt rebelles à l’utilisation de formules à l’emporte-pièce. Je pense que le PG a eu raison de vouloir bousculer le calendrier en appelant à trancher rapidement la question des listes. Mais dire par exemple que le PC est en train de sortir du Front de gauche me paraît contre-productif. Mais il ne faut pas nous cacher l’ampleur des difficultés et leur retentissement possible sur les européennes. C’est d’autant plus regrettable que nous pouvions espérer que la clarté de nos positions nous assure une bonne campagne et un bon score. Pour moi, c’est quand même la responsabilité du PC qui sera engagée au premier chef si nous n’y arrivons pas.
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Savoir/agir : Est-ce qu’il ne faut pas noter aussi que, un peu partout en Europe – les exceptions sont rares – la gauche de gauche ne profite pas vraiment de la crise et de ses conséquences souvent dramatiques sur les populations ? Le mal n’est-il pas plus profond que les divergences actuelles sur les élections municipales ? Et que penser du fait que les grands mouvements populaires, les mouvements en cours en Bretagne et ailleurs en sont un exemple récent, se font en marge des forces politiques, des syndicats et du mouvement social tel qu’il est constitué ?
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Myriam Martin : C’est vrai qu’il y a une atonie sociale. Pour gagner, il faut mettre la barre tellement haut que cela suscite du découragement. Par ailleurs, le Front de gauche n’est pas encore un outil crédible en termes de propositions. C’est un problème. On le reprochait au NPA mais le Front de gauche est confronté à la même situation. Pour beaucoup de gens, ce que nous proposons suscite la sympathie mais aussi le sentiment que cela ne peut pas être mis en place. C’est vrai plus généralement au niveau européen, malgré quelques succès ici ou là. Une de nos forces peut se révéler en même temps une faiblesse : nous avons avec Jean-Luc Mélenchon un porte-parole très médiatique, ce qu’il dit est considéré comme l’expression du Front de gauche. Mais l’idée que tout se passerait très vite, que nous pouvions rapidement gagner les élections, a fait long feu, ce qui a suscité du découragement. C’est vrai particulièrement au Parti de gauche, dont la composition est très diverse, avec des militants souvent très jeunes. Les élections ne sont pas tout et nous devons les articuler avec une résistance sociale. C’est précisément là que se manifeste l’atonie sociale, ce qui nous gêne pour agir et pour proposer.
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Savoir/agir : Que propose concrètement la GA, qui est une force nouvelle mais composée de militants généralement aguerris, pour que le Front de gauche sorte par le haut de la crise mise en lumière par la question des municipales ? Comment intervenez-vous au sein de la coordination nationale, par exemple ?
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Myriam Martin : Les moments de crispation ne sont jamais bons pour nous, surtout lorsqu’ils sont médiatisés, comme c’est le cas aujourd’hui. Notre premier souci est donc de peser dans le sens de l’apaisement. Localement, les militants de la GA mais plus généralement ceux du regroupement en cours, essaient de travailler à la constitution de listes ouvertes aussi largement que possible à toutes les composantes du Front de gauche. Mais il faut tenir compte aussi du fait que nous ne sommes pas des mille et des cents, nos effectifs sont modestes.
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Savoir/agir : Vous pouvez préciser ?
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Myriam Martin : À la GA, nous sommes actuellement 700 à 800 cotisants réguliers, à côté de sympathisants dont l’activité est plus aléatoire. Une des motivations pour le regroupement est d’ailleurs l’espoir de constituer quelque chose d’un « peu plus gros ». Beaucoup d’entre nous souhaitent en effet sortir du système des « petits groupes ». Il existe un seuil rendant le militantisme plus efficace, permettant de sortir des tracts, etc., surtout dans les petites villes. C’est aussi un passage obligé pour peser davantage au sein de la Coordination, où les discussions ne sont pas toujours très faciles, avec les deux mastodontes, comparativement, que sont le PC et le PG. De façon plus générale, la question de la démocratie reste à travailler au sein du Front de gauche. Le Conseil national, par exemple, ne s’est plus réuni depuis des mois.
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Savoir/agir : Si on ajoute le fait que beaucoup de fronts thématiques ne sont plus très actifs, ne peut-on pas dire que deux des principales innovations du Front de gauche ont du mal à fonctionner ? Est-ce un effet collatéral des tensions au sommet ou seulement le signe que l’entreprise est difficile ?
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Myriam Martin : Il y a peut-être aussi la méfiance des vieux partis, qui voient facilement du danger, en tout cas de la concurrence, devant des structures qui ont été des lieux de confrontation, mais aussi d’élaboration et qui ont donc enrichi le patrimoine commun. Je trouve cela dommage et pense qu’il faut se bagarrer sur ces questions.
S
avoir/agir : Pourriez-vous rappeler rapidement le cheminement qui vous a conduits, individuellement et collectivement, à rejoindre le Front de gauche ?
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Myriam Martin : Il y a plusieurs causes. La première est liée au NPA [1]
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Liste des sigles utilisés : NPA (Nouveau…
. Le projet initial était de créer un parti largement ouvert. Or, dès les élections régionales de 2010, nous avions l’impression inverse : le NPA semblait devenu un parti plutôt frileux devant le débat politique, qui avait du mal à se confronter à d’autres composantes de la gauche de gauche, notamment au Front de gauche qui venait de naître aux élections européennes de l’année précédente. Dès ce moment-là, une partie de la direction du NPA a été attentive à cette force nouvelle, tout en ne voyant peut-être pas tout de suite que le processus allait au-delà d’une simple alliance électorale. Il se passait en effet quelque chose de plus profond.
3
Mais le vrai déclic a eu lieu avec les élections régionales, qui ont été une défaite pour le NPA. Le Front de gauche, par contre, apparaissait plus uni à une échelle de masse, notamment par rapport au PS. Sa stratégie a donc été bien plus efficace.
4
Et puis, il faut mesurer aussi l’effet de la crise. Personnellement, je me suis rendue compte assez tôt, bien avant la création du NPA, que la crise ne construit pas automatiquement de l’anticapitalisme, révolutionnaire, avec une conscience de classe et l’idée qu’il faut remplacer le système par autre chose. L’histoire nous a amplement appris que cela ne se passait pas comme cela, y compris chez les personnes qui souffrent le plus de la situation actuelle. En clair, il n’y a pas eu de noyau de fixation autour du NPA, qui aurait pu être le point de reconstruction. C’était en tout cas l’espoir de la majorité du NPA, espoir qui n’était pas forcément partagé par tout le monde à la direction du parti, où toutes les sensibilités sont représentées. Pour moi, le vers était dans le fruit bien avant l’éclatement et le départ de la GA. Nous nous sommes rendus compte que ce qui se construisait ne correspondait pas à ce que nous voulions.
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Certes, la situation était compliquée. Il y a en effet des dangers réels dans la société. L’extrême droite par exemple, et pas seulement en France mais partout en Europe. D’où la nécessité de construire un front social et politique plus large, unitaire et radical, et bien sûr indépendant du PS. Pour nous, cela ne concernait pas le seul NPA. Il fallait donc aussi s’adresser au Front de gauche. C’est ce que nous avons essayé de faire en 2011, alors que nous étions dans une situation difficile après la déclaration d’Olivier Besancenot annonçant son refus de se présenter une nouvelle fois à l’élection présidentielle. Nous, c’est-à-dire une partie de la majorité à laquelle j’appartenais (position 1) alliée à la position 3 [2]
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Au congrès de février 2011 du NPA, quatre « positions » étaient…
, avons donc préparé un texte pour que le NPA s’adresse au Front de gauche et propose une rencontre. Après le congrès, nous avons dans un premier temps pu rassembler une courte majorité au sein du conseil national. Mais cela n’a pas duré. Notre position a finalement été battue de peu deux mois après suite à un renversement d’alliances, la majorité de la position 1 se joignant à la position 2. Nous avons décidé tout de même d’essayer de la mettre en pratique. Mais nous nous sommes trouvés confrontés à une position majoritaire de plus en plus fermée, sectaire, refusant tout discussion en dehors du NPA. Ce qui nous a progressivement convaincus qu’il fallait faire autre chose.
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Savoir/agir : Peut-on dire d’après vous que l’arrivée relativement massive de nouveaux militants, moins politisés, plus revendicatifs, a été une des causes de ce raidissement sectaire du NPA ?
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Myriam Martin : Oui et non. Il faut tenir compte en effet aussi de l’arrivée de divers groupes à la LCR dans les années 2000, avant la création du NPA. Beaucoup de ces petits groupes sont venus avec une vision assez fermée de ce qu’est un parti. Particulièrement ceux qui venaient de Lutte ouvrière et qui avaient une vision très « traditionnelle » de l’action politique radicale : « en dehors du trotskisme, point de salut… les révolutionnaires, c’est nous et seulement nous, etc. » Cela va peser par la suite.
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Mais il est vrai aussi qu’il y de tout chez les nouveaux militants, qui sont venus au NPA sans avoir jamais adhéré à un parti auparavant. Manque de formation politique, rejet des socialistes et du communisme tel qu’il a été, rejet de l’Union de la gauche, vont se conjuguer pour donner une orientation de plus en plus sectaire, particulièrement envers les courants issus de la social-démocratie ou du Parti communiste.
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Mais il faut dire aussi que beaucoup de ces militants ont cependant quitté le NPA parce qu’ils n’y trouvaient pas leur compte. Ce qui est rarement dit ! Ils venaient pour construire un parti anticapitaliste large, capable de construire un autre monde. Ils pouvaient être écolos, plus ou moins radicaux, venir du mouvement syndical ou associatif, etc. Beaucoup d’autres sont tout simplement partis, déroutés par la montée du sectarisme, et la GA n’a pas su non plus les retenir.
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Certains ont malheureusement tout quitté. D’autres ont rejoint une des composantes du Front de gauche. Je suis en contact avec un membre de Solidaires qui travaille dans le Nord et est très actif contre l’expulsion des Roms. Il a été au NPA, il a été déçu et est parti, et bien qu’il soit plutôt proche des positions de la GA, il n’a pas fait le chemin inverse et a donc renoncé au militantisme politique. Tout l’enjeu de la période qui s’ouvre, qui s’est en réalité ouverte avec le Front de gauche, c’est de permettre à des militants de ce type de se retrouver au sein du Front de gauche. Et pas forcément, j’insiste là-dessus, dans une de ses composantes actuelles du Front de gauche. Le Front de gauche a selon moi vocation à proposer un tel cadre.
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À partir du moment où nous ne pouvions faire au sein du NPA qui se sectarisait ce qui était notre objectif, un parti ouvert, nous nous sommes tournés avec conviction vers le Front de gauche, dont nous avions pu apprécier la dynamique à travers l’élection présidentielle. De mon point de vue, cette dynamique n’était pas seulement liée aux élections. Il y avait un vrai engouement militant. On le voyait dans les réunions publiques, dans les articles qu’on lisait, à travers les rencontres militantes. Beaucoup renouaient ainsi avec la politique et l’espoir. Personnellement, j’ai été convaincue dès ce moment-là qu’il fallait entrer au Front de gauche. Avec d’autres, nous avons réussi à convaincre la GA que c’était la bonne solution. Certes, le processus a été un peu long auprès des militants, malgré la dynamique de 2012. Mais un an après, en juillet 2013, nous sommes entrés au Front de gauche après avoir réussi à convaincre nos amis que c’était le choix à faire. Aujourd’hui, c’est clair, nous ne le regrettons pas.
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Savoir/agir : Comment interprétez-vous le fait qu’il y ait eu trois vagues successives à quitter ainsi le NPA, la Gauche unitaire – certes composée à partir d’une opposition ancienne au sein de la LCR – dès la création du Front de gauche, Convergences et Alternatives ensuite et puis enfin, la GA ?
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Myriam Martin : Le cas de la Gauche unitaire me semble un peu à part. Ce courant n’a jamais été favorable à la création du NPA, même si ce n’était pas toujours affirmé clairement. Il a mis le doigt sur un problème réel que le NPA n’a pas pu surmonter. Nous avons cru en effet qu’il était possible de construire une force politique par en bas. L’expérience nous a montré que ce n’était pas possible et qu’il fallait combiner une construction par le bas avec une construction par le haut.
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Mais il faut avoir les chiffres en tête : la GU n’était pas très nombreuse et son départ n’a pas inquiété la direction du NPA, nous y compris, au moment où nous allions vers les 10 000 adhérents. Les partants avaient raison sur un point, qui allait continuer à alimenter les débats internes du NPA : il fallait débattre avec les autres forces politiques à la gauche du PS. Mais ils sont partis en entretenant un tel climat de polémique que ce message n’a pas été entendu. Ils ont ainsi dressé une majorité écrasante contre eux, à tel point que la direction a dû parfois intervenir pour calmer les choses, comme cela a été le cas au congrès de fondation du NPA en février 2009. Je crois que nous aurions pu nous dispenser de ces affrontements tant il m’apparaissait que le désaccord était profond et que le départ était la moins mauvaise solution. D’autant que les velléités de quitter la LCR n’étaient pas nouvelles au sein de la GU.
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Ce qui a été plus problématiques pour nous, c’est le départ de C & A [3]
[3]
C & A a été créé en mai 2009 comme courant interne du NPA. Ses…
, même s’il s’agit là encore d’un petit groupe. Ces militants s’étaient en effet investis de façon tout à fait sincère dans la construction du NPA. Ils ont pourtant annoncé leur départ en février 2011, ce qui a constitué une vraie perte militante pour le NPA. Nous avons été affectés personnellement et collectivement par ces départs. Certes nous étions convaincus qu’ils se trompaient mais comprenions aussi que leur décision s’expliquait par l’orientation très brouillonne sortie de ce congrès. Elle restait très fermée sur l’extérieur. C & A a aussi entraîné de jeunes militants, souvent issus du mouvement social, La pelle et la pioche, Jeudi Noir, etc.
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D’autres au sein de la direction restaient cependant convaincus que le parti devait se construire en s’épurant. Cela confirmait l’impression qu’en l’absence d’orientation claire, seule la dimension sectaire du NPA subsiste.
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Savoir/agir : Ne pensez-vous pas que, sans sous-estimer les problèmes dont vous parlez, un certain nombre de militants du NPA très implantés dans le mouvement social en avait un peu assez d’être politiquement dans des organisations minoritaires alors qu’ils avaient l’impression, à tort ou à raison, que le Front de gauche aurait davantage prise sur l’histoire ? Ne sont-ils pas alors venus de façon positive vers le Front de gauche, et non par rejet du NPA ?
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Myriam Martin : Ce qui est certain, c’est que le départ de C & A n’était pas de même nature que celui de la GU. C’est d’ailleurs cela qui nous a alertés ! Les liens n’ont d’ailleurs pas été totalement rompus et Stéphanie Treillet a par exemple été invitée à l’université d’été du NPA qui a suivi ce départ.
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Pour nous, il était clair que le parti était en danger après le départ de C&A. Nous avons donc essayé de nous bagarrer à l’intérieur pour une ligne plus ouverte. Nous avons même cru pouvoir gagner au conseil politique national sur la ligne : il faut discuter avec d’autres forces, avec le Front de gauche notamment, et voir comment préparer les élections présidentielle et législatives de 2012. Mais nous avons été battus deux mois après au cours d’une nouvelle réunion. Il en est sorti une ligne médiocre, finalement très peu politique mais peu unitaire et même sectaire. Se battre quand on est un dirigeant politique et qu’on a vingt ans de militantisme derrière soi, passe encore. Mais il faut se mettre à la place des jeunes militants dans nos villes. Quand on leur expliquait ce qui se passait, ils étaient découragés et partaient.
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Savoir/agir : Pouvez-vous dire un mot de la manière dont la GA s’est constitué. Vu de l’extérieur, cela paraît un peu compliqué, avec des proches d’Olivier Besancenot, des habitués anciens de la dissidence, une porte-parole alors que l’autre reste dans la majorité, etc.
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Myriam Martin : Après la conférence nationale de juin 2011 qui a désigné Philippe Poutou comme candidat à la présidentielle, il y a eu un phénomène de : « la coupe est pleine ». La LCR et le NPA avaient certes des défauts mais il n’y avait jamais eu jusque là de gros problèmes de démocratie interne. Là, cela a été moins clair avec la manière dont la candidature de Philippe Poutou a été décidée. Le Rubicon a été franchi quand nous avons eu l’impression qu’on nous imposait quelqu’un avec des qualités humaines certaines mais sans aucune expérience politique. Il y avait quelque chose de démagogique, une sorte d’ouvriérisme dont Lutte ouvrière est coutumière mais que je n’avais jamais décelé à la Ligue. Il a peut-être existé dans les années 1970 mais on s’en était fort heureusement débarrassé. Là, nous avions un candidat qui n’avait sans doute pas les compétences requises et qui n’a pas été aidé par la ligne sectaire qui lui a été imposée. Nous avons senti rapidement que cette candidature ne mordait pas et mettait le NPA dans une position de repli telle que les résultats ne pouvaient être que bien en deçà des résultats de la seule LCR il y a quelques années. Dès ce moment-là, nous sentions bien qu’il y avait une fracture au sein de l’ancienne majorité. Nous avons pensé, avec des membres de l’ancienne P3, que nous avions peut-être un peu surestimé nos divergences et que le moment était venu de travailler ensemble. Personnellement, j’attache beaucoup d’importance à la possibilité d’organiser des tendances au sein des partis mais il faut évidemment éviter de les figer dans la durée. Nous nous sommes rendus compte que nous partagions la même orientation, la même analyse de la situation politique, économique et sociale. Et que le moment était donc venu de proposer quelque chose à ceux qui ne se retrouvaient pas dans l’orientation du NPA. Nous avons donc constitué au sein du NPA un groupe, une fraction publique qui soit en capacité de s’exprimer aussi à l’extérieur vers ceux qui avaient quitté le NPA mais surtout vers les composantes du Front de gauche pour leur dire : « nous sommes d’accord pour faire quelque chose ensemble ».
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Savoir/agir : Pouvez-vous résumer la chronologie de cette démarche ?
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Myriam Martin : La première réunion a eu lieu à l’Université d’été du NPA en 2011. Le courant, d’abord interne au NPA, a été créé en novembre 2011. Nous avons organisé le 11 février 2012 une réunion publique ouverte sur la crise à laquelle ont participé et pris la parole toutes les composantes du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon en tête. Un succès qui a contribué à nous convaincre que nous pouvions mener une autre vie… À partir de là, nous avons mené notre propre politique, y compris vers l’extérieur. Certains d’entre nous ont fait la campagne de Poutou par une sorte de légalisme. D’autres, dont j’étais ont préféré se mettre en congé du parti, pour continuer à travailler, discuter avec les autres groupes et notamment le Front de gauche.
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Savoir/agir : Quelles ont été les étapes de votre entrée dans le Front de gauche ? Qui a été votre interlocuteur ?
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Myriam Martin : Nous avons tout naturellement commencé à discuter avec ceux qui étaient sortis récemment du NPA, et plus particulièrement les anciens de la Ligue. Le paradoxe, c’est que nous n’avons pas pu le faire tout de suite avec la GU. Autour de Christian Picquet, beaucoup n’étaient pas très contents de nous voir arriver. Mais cela a mieux fonctionné avec d’autres que nous avons rencontrés en diverses occasions, comprenant ainsi qu’il n’y avait aucun problème pour discuter ensemble. Nous avons commencé par des réunions bilatérales pour finir par inviter toutes les forces du Front de gauche. Nous nous retrouvons ainsi au coude à coude avec d’autres composantes, la FASE, Convergences et alternatives, etc. Nous étions toujours membres du NPA, qui est invité à ces réunions. En pleine campagne présidentielle, il y a un vrai rapprochement entre ces forces. Ce qui a un effet pédagogique à la fois sur notre groupe et sur les autres composantes du Front de gauche avec lesquelles nous discutons. En même temps, cela fait comprendre à la direction du NPA que le processus est proche de son terme. Certains, Christine Poupin par exemple, aimeraient que nous restions mais la plupart des dirigeants ont compris que c’est terminé.
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Un de nos problèmes a été le fait que nos réunions et autres activités pour convaincre autour de nous les membres du NPA se sont déroulées en même temps que les élections présidentielles, au cours de laquelle beaucoup d’entre nous ont été très actifs dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Ce qui nous paralyse un peu car nous ne pouvions pas dire officiellement que la GA faisait la campagne de Mélenchon alors que certains d’entre nous la faisaient sur le terrain. Pour en sortir, nous avons franchi le pas en diffusant en mars 2012 un appel à voter Mélenchon, en nous mettant en congé du parti, moi-même quittant le porte-parolat. Nous avons mis en avant trois « historiques » de la Ligue (Hélène Adam, Pierre-François Grond et moi-même) et non la GA, pour ne pas gêner des camarades qui pouvaient ne pas être d’accord avec la démarche.
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Savoir/agir : Et depuis les élections de 2012 ?
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Myriam Martin : Les contacts ont ensuite continué avec la Fase, C & A et une partie de la GU, mais aussi avec les Alternatifs, avec qui nous avons toujours eu des relations suivies. Ce qui nous surprenait à l’époque, c’est qu’ils avaient fait en quelque sorte le chemin inverse du nôtre : bien qu’ayant fait la campagne de Mélenchon, ils n’avaient toujours pas décidé d’adhérer au Front de gauche alors que nous nous préparions à le faire. Ils ne franchiront le pas qu’en novembre 2012.
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Il existe donc une offre politique vaste au sein du Front de gauche. Le problème, en tout cas pour les simples citoyens voire pour les militants, c’est qu’il existe les divers groupes qui sont parfois difficiles à distinguer les uns des autres et devraient par conséquent se rassembler. C’est l’objet de la réunion des 23 et 24 novembre à Paris, qui verra la création d’une nouvelle organisation.
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Savoir/agir : Vous avez parlé à plusieurs occasions de travail ensemble. Selon quelles modalités cela s’est-il fait ?
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Myriam Martin : Il y en a eu plusieurs. J’ai évoqué les réunions bilatérales. Il y a eu aussi la constitution d’un groupe, Tous ensemble, qui réunit des militants du Front de gauche, parfois membres de son Conseil national, et qui n’appartiennent à aucune des composantes du Front de gauche. L’idée, c’est que le Front de gauche doit être non seulement un front social et politique qui accueille des organisations mais aussi des militants individuels. Cela fait l’accord. Pour y travailler, nous organisons des rencontres régulières, avec des textes mis en discussion, textes de conjoncture, textes plus stratégiques, textes sur la situation économique, sociale et politique. Tout cela est formalisé à travers un journal électronique, Trait d’union, diffusé dans tous les groupes, partout en France. Nous avons également des structures locales communes, avec parfois des assemblées générales locales, etc. Là où des assemblées citoyennes continuent d’exister, ces groupes contribuent à leur animation. Dans la campagne anti-austérité menée par le Front de gauche, nous avons par exemple initié un processus consistant à faire intervenir une seule personne au nom de notre groupe. L’expérience a été plutôt positive. Pour ce qui concerne la GA, nous participons à ce travail mais en avons engagé aussi un spécifique en direction du PG. Globalement, nous partageons certains éléments de nos orientations politiques respectives (municipales, écosocialisme…).
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En résumé : nous avons continué à organiser nos propres rencontres nationales et celles, hebdomadaires, de notre comité d’animation. Nous travaillons dans le regroupement que j’ai évoqué. En même temps, nous continuons à échanger avec le Parti de gauche, avec lequel nous avons commencé à discuter à partir de ce qui nous semblait constituer des points de vue communs. Ce sont les directions que nous voulons continuer à explorer. La réunion des 23-24 novembre ne peut pas constituer selon nous, en effet, le nec plus ultra de la recomposition. Aucun parti ne peut dire aujourd’hui qu’il a achevé sa réflexion à ce sujet. Il y a aussi d’autres rapprochements à faire.
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Savoir/agir : Qui sera partie prenante les 23 et 24 ?
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Myriam Martin : Une partie de la GU, les Alternatifs, la FASE, C & A et la GA. Il faut ajouter le groupe de non-affiliés que j’ai évoqué, groupe dont nous n’avons pas encore arrêté le nom. Il y aura une fusion, c’est certain, mais le nom final du regroupement reste à trouver. Cette réunion a été préparée par des AG communes là où cela a été possible. La GA pour sa part participe de plain pied à ce processus tout en insistant sur le fait que nous ne nous construisons contre personne.
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Savoir/agir : Ce ne sera pas un troisième pilier du Front de gauche, par conséquent ?
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Myriam Martin : Cette formule est commode mais elle n’est pas bonne. Le but en soi n’est en effet pas de créer une troisième force, à côté du PC et du PG. Ce regroupement participe de la nécessaire recomposition politique mais nous ne nous arrêtons pas là. Il faudra en effet réfléchir à l’objet politique qu’est le Front de gauche lui-même. De toute manière, il faudra faire avec le PG comme avec le PC.
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Comment structurer notre regroupement ? Ce sera une structure intégrée. Nous avons des histoires et des parcours différents et nous pouvons cependant nous retrouver sur l’essentiel à un moment donné. C’est le côté positif de la démonstration que nous faisons d’ores et déjà.
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Une des choses qui nous réunit aussi et à laquelle je tiens beaucoup personnellement est que le Front de gauche doit trouver les modalités concrètes pour accueillir les personnes qui n’appartiennent à aucun parti, des « militants Front de gauche » en quelque sorte. Un exemple possible est le Bloco portugais qui a su intégrer des militants non-membres des partis constitutifs en même temps que ceux-ci. Ce n’est pas simple. C’est une discussion que nous avons avec le PC et le PG, les positions respectives n’étant pas forcément les mêmes. Nous avons déjà discuté par exemple avec le PC à ce sujet et il ne nous a pas semblé qu’ils étaient opposés au principe, les modalités concrètes étant bien sûr à trouver. Il n’est pas possible, cela fait l’accord, que le Front de gauche ne soit qu’un cartel électoral. Pour ceux qui s’y sont retrouvés, il est plus que cela. Il faut donner de l’espace politique et militant à ceux qui ne veulent pas rejoindre une des composantes. L’expérience a été faite avec succès dans d’autres pays et nous devrions donc y arriver aussi.
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Savoir/agir : Les comparaisons sont cependant difficiles. Pour le Bloco, par exemple, les quatre composantes de départ ont en effet décidé de se dissoudre et il y a eu accord pour que dans l’organe de direction du nouvel ensemble, les personnes n’ayant appartenu à aucune de ses composantes soient majoritaires. Ce qui a sans doute contribué à rajeunir l’organisation. Est-ce pensable en France ?
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Myriam Martin : Non, les choses ne se passeront peut-être pas de cette façon dans le contexte français. L’outil politique qui émergera finalement sera différent. Mais il faut avancer, même si cela prend du temps, car l’espoir politique est aujourd’hui dans le Front de gauche. Si nous n’arrivons pas à construire un outil qui s’adresse à tout le monde, aux jeunes et aux moins jeunes, aux syndicalistes qui en ont assez aujourd’hui de la situation qu’ils vivent, nous allons nous retrouver en difficulté. À mon avis, il faut que les deux « grands » partis du Front de gauche prennent conscience de cela. Aucun d’entre eux ne peut prétendre aujourd’hui devenir le parti-creuset. Il faut donc travailler avec le PG, avec les militants communistes, ce qui se révèle un peu plus difficile selon mon expérience. Mais ce débat doit devenir le ciment du regroupement.
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Savoir/agir : La GA est arrivée au moment où le Front de gauche est en difficulté, notamment à propos de la stratégie pour les élections municipales. Comment la GA se situe-t-elle dans ce débat interne et comment compte-t-elle intervenir pour une issue positive ?
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Myriam Martin : Nous ne sommes pas dupes : la situation est difficile pour le Front de gauche. Pour nous, le choix politique du Parti communiste de constituer des listes avec le Parti socialiste à Paris et dans d’autres grandes ville est un gros problème. C’est un obstacle sur le chemin qui, pour nous, devrait être celui du Front de gauche : constituer une alternative au système capitaliste mais aussi au social-libéralisme. Si nous n’arrivons pas à nous débarrasser de l’image qui nous situe à la traîne de Hollande, pour le dire vite, cela ne va pas simplifier les choses. De toute façon, montrer deux attitudes différentes – des listes autonomes et, à Paris et sans doute, je le crains en tout cas à Toulouse – sera un handicap pour l’avenir, notamment pour les élections européennes deux mois après.
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Certes, je crois qu’on peut dire aujourd’hui qu’il y aura des listes autonomes dans la grande majorité des cas. Mais le PC aura à faire face à des situations compliquées dans quelques villes, comme à Lyon ou à Carcassonne, avec des candidats étiquetés communistes sur la liste socialiste et le Parti lui-même participant à des listes autonomes du Front de gauche.
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Pour la GA, nous sommes favorables à ce que les militants communistes qui, quel que soit le résultat du vote, se sont prononcés pour des listes autonomes au cours des divers scrutins, soient sollicités pour participer à la campagne du Front de gauche. En revanche, nous sommes plutôt rebelles à l’utilisation de formules à l’emporte-pièce. Je pense que le PG a eu raison de vouloir bousculer le calendrier en appelant à trancher rapidement la question des listes. Mais dire par exemple que le PC est en train de sortir du Front de gauche me paraît contre-productif. Mais il ne faut pas nous cacher l’ampleur des difficultés et leur retentissement possible sur les européennes. C’est d’autant plus regrettable que nous pouvions espérer que la clarté de nos positions nous assure une bonne campagne et un bon score. Pour moi, c’est quand même la responsabilité du PC qui sera engagée au premier chef si nous n’y arrivons pas.
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Savoir/agir : Est-ce qu’il ne faut pas noter aussi que, un peu partout en Europe – les exceptions sont rares – la gauche de gauche ne profite pas vraiment de la crise et de ses conséquences souvent dramatiques sur les populations ? Le mal n’est-il pas plus profond que les divergences actuelles sur les élections municipales ? Et que penser du fait que les grands mouvements populaires, les mouvements en cours en Bretagne et ailleurs en sont un exemple récent, se font en marge des forces politiques, des syndicats et du mouvement social tel qu’il est constitué ?
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Myriam Martin : C’est vrai qu’il y a une atonie sociale. Pour gagner, il faut mettre la barre tellement haut que cela suscite du découragement. Par ailleurs, le Front de gauche n’est pas encore un outil crédible en termes de propositions. C’est un problème. On le reprochait au NPA mais le Front de gauche est confronté à la même situation. Pour beaucoup de gens, ce que nous proposons suscite la sympathie mais aussi le sentiment que cela ne peut pas être mis en place. C’est vrai plus généralement au niveau européen, malgré quelques succès ici ou là. Une de nos forces peut se révéler en même temps une faiblesse : nous avons avec Jean-Luc Mélenchon un porte-parole très médiatique, ce qu’il dit est considéré comme l’expression du Front de gauche. Mais l’idée que tout se passerait très vite, que nous pouvions rapidement gagner les élections, a fait long feu, ce qui a suscité du découragement. C’est vrai particulièrement au Parti de gauche, dont la composition est très diverse, avec des militants souvent très jeunes. Les élections ne sont pas tout et nous devons les articuler avec une résistance sociale. C’est précisément là que se manifeste l’atonie sociale, ce qui nous gêne pour agir et pour proposer.
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Savoir/agir : Que propose concrètement la GA, qui est une force nouvelle mais composée de militants généralement aguerris, pour que le Front de gauche sorte par le haut de la crise mise en lumière par la question des municipales ? Comment intervenez-vous au sein de la coordination nationale, par exemple ?
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Myriam Martin : Les moments de crispation ne sont jamais bons pour nous, surtout lorsqu’ils sont médiatisés, comme c’est le cas aujourd’hui. Notre premier souci est donc de peser dans le sens de l’apaisement. Localement, les militants de la GA mais plus généralement ceux du regroupement en cours, essaient de travailler à la constitution de listes ouvertes aussi largement que possible à toutes les composantes du Front de gauche. Mais il faut tenir compte aussi du fait que nous ne sommes pas des mille et des cents, nos effectifs sont modestes.
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Savoir/agir : Vous pouvez préciser ?
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Myriam Martin : À la GA, nous sommes actuellement 700 à 800 cotisants réguliers, à côté de sympathisants dont l’activité est plus aléatoire. Une des motivations pour le regroupement est d’ailleurs l’espoir de constituer quelque chose d’un « peu plus gros ». Beaucoup d’entre nous souhaitent en effet sortir du système des « petits groupes ». Il existe un seuil rendant le militantisme plus efficace, permettant de sortir des tracts, etc., surtout dans les petites villes. C’est aussi un passage obligé pour peser davantage au sein de la Coordination, où les discussions ne sont pas toujours très faciles, avec les deux mastodontes, comparativement, que sont le PC et le PG. De façon plus générale, la question de la démocratie reste à travailler au sein du Front de gauche. Le Conseil national, par exemple, ne s’est plus réuni depuis des mois.
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Savoir/agir : Si on ajoute le fait que beaucoup de fronts thématiques ne sont plus très actifs, ne peut-on pas dire que deux des principales innovations du Front de gauche ont du mal à fonctionner ? Est-ce un effet collatéral des tensions au sommet ou seulement le signe que l’entreprise est difficile ?
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Myriam Martin : Il y a peut-être aussi la méfiance des vieux partis, qui voient facilement du danger, en tout cas de la concurrence, devant des structures qui ont été des lieux de confrontation, mais aussi d’élaboration et qui ont donc enrichi le patrimoine commun. Je trouve cela dommage et pense qu’il faut se bagarrer sur ces questions.