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    Jean-Hugues Barthélémy, Penser l'individuation. Simondon et la philosophie de la nature

    Johnathan R. Razorback
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    Simondon - Jean-Hugues Barthélémy, Penser l'individuation. Simondon et la philosophie de la nature Empty Jean-Hugues Barthélémy, Penser l'individuation. Simondon et la philosophie de la nature

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 2 Déc 2020 - 8:50



    "Simondon lui-même s'est opposé à la quasi-totalité des traditions intellectuelles: ontologie statique, monisme, pluralisme, idéalisme, réalisme, empirisme, innéisme, mécanisme, vitalisme, positivisme, dialectique et même phénoménologie. [...] Simondon est, à la lettre, un penseur révolutionnaire."
    -Préface de Jean-Claude Beaune à Jean-Hugues Barthélémy, Penser l'individuation. Simondon et la philosophie de la nature, L'Harmattan, 2005, 260 pages.

    "Ce fil directeur ou cette priorité est la sl/bversion des
    alternotives classiques et donc d'abord du sol que constitue, pour ces
    alternatives classiques, l'opposition du s1fiet et de l'oo/et. La philosophie
    doit pour Simondon se faire autre qu'une connaissance
    proprement dite, et cette altérité seule la légitimera dans son
    rapport aux sciences, lesquelles en effet n'en finissent pas de
    reprendre à la philosophie des objets que cette dernière avait un
    moment cru pouvoir se réserver en tant que science à part - donc
    encore, et naïvement, science à part. Au lieu de se réserver un objet,
    la philosophie doit se définir par un autre rapport à ce que les
    sciences ont déjà connu. Elle doit« voir» le non-ob-jet au sein des
    ob-jets eux-mêmes.
    Pour Simondon, ce non-ob-jet est le « processus
    d'individuation », nouveau nom du devenir dont procède 10
    connaissance eUe-même, qui ne fait donc pas face à son objet. Or, la
    subversion de l'opposition du sujet et de l'objet, ainsi que des
    alternatives classiques dont cette opposition fournit le sol, était
    déjà d'une part le fil directeur, bien connu désormais, de la
    phénoménologie geonano-françaiset • Cette subversion défmissait
    d'autre part un mot d'ordre central pour la «philosophie de Ja
    nature» conçue comme philosophie du devenir, dont le
    représentant pour Simondon était par excellence Bergson, ainsi
    que pour ce qu'il est convenu d'appeler «l'épistémologie
    française », dont Bachelard reste le grand nom et le fut aussi pour Simondon1• Cllest pourquoi ce demier, dont Gilles Châtelet
    rappelle à juste titre qu'il voulait J'abord subvertir les alternatives
    dassiques2, se situe à la croisée de trois grandes pensées, qui par
    ailleurs participent sans doute toutes de son écoute des sciences:
    les pensées de Bergson, Bachelard et Merleau-Ponty, ces deux
    derniers ayant été pour lui les enseignants - plus que les maîtres, il,
    est vrai - dont l'enseignement fructifie jusqu'à se faire oublier:;,
    tandis que le nom du premier apparaît certes, mais toujours dans
    l'adversité."
    (pp.18-19)

    "Bachelard est le seul auteur dont Simondon conseille de lire l'« ensemble des œuvres »." (note 1 p.19)

    "Simondon, dans sa volonté novatrice, n'a même pas cité ceux
    qui pourtant restaient des ,fOllTCes incontestables. Ainsi en est-il de
    Bergson pour le thème récurrent de la« priorité de l'ontogenèse»,
    comme pensée du devenir ou de l'opération génétique des êtres, sur
    «la critique et l'ontologie »\ ordonnées, elles, aux J/mc/uYes
    llniriqms de ces êtres. Cet emprunt à Bergson motivera en retour
    des ruptures avec le bergsonisme, notamment dans les modalités
    du dépassement de l'alternative opposant mécanisme et vitalisme,
    ou encore en ce qui conceme le statut théorico-pratique de la
    technique et, par ce biais, de la science. A Merleau-Ponty
    Simondon dédie L'individu et Ja genèse physico-bi%gique, mais surtout
    il reprend les trois « ordreS» physique, vital et humain de La
    sl'l'1lctJln tht comportement, tout en les problématisant plus
    radicalement en tant que «régimes d'individuation» physique,
    vital et «ttansindividuel ». Merleau-Ponty est également une source essentielle de l'attribution simondoruenne d'un statut de
    paradigme méthodologique à la physique quantique, statut qui va
    croissant de La stnlcture du comportement au Visible et l'invisible en
    passant par le Cours de 1956-57 au Collège de France sur La
    nature. Enfin, la critique de r I!Jlémotphisme - dont est encore
    emp:runte la théorie kantienne de la connaissance comme union
    d'une (<. matière» et d'une «fonne» - doit beaucoup à La
    phénoménologie de la perception et à sa critique de 1'« intellectualisme ».
    Quant à Bachelard, il est certain que Simondon lui doit une
    part de son épistémologie du « réalisme des relations ». Mais cette
    épistémologie, telle que S imondon la conçoit, n'est repérable chez
    Bachelard qu'à certaines conditions, dont celle de montrer en quoi
    la «dialectique» bachelardienne n'est plus une dialectique au sens
    propre, mais tend à devenir déjà ce qu'elle sera pleinement chez
    Simondon: une «transduction» par « déphasage» à partit d'un
    centre. On pourra alors dire que l' « ontogenèse» de
    l'individuation n'est ni une cosmogenèse proprement I/Jétaphysique comme chez Bergson, ni une ontologie phénoménologique
    comme chez Merleau-Ponty, mais une « philosophie de la nature»
    comme devenir, dont Bachelard avait d'autant moins exclu la
    possibilité qu'il appelait à une « révolution einsteinienne»l en
    philosophie pour laquelle le réalisme des relations s1mondonien
    fait écho à la « valeur inductive de la relativité» - en tant que portée
    philosophique de la relativité einsteinienne. Ajoutons que Simondon
    fut marqué par les enseignements de Desanti et de Hyppolite.
    Mais ses grandes lectures, dont on trouve la présence au moins
    thématique dans son œuvre, furent, après Bergson, Bachelard et
    Merleau-Ponty, les œuvres de Louis de Broglie et ceUes de
    Raymond Ruyer." (pp.-19-20)

    "
    (pp.237-238)
    -Jean-Hugues Barthélémy, Penser l'individuation. Simondon et la philosophie de la nature, L'Harmattan, 2005, 260 pages.




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