https://www.babelio.com/auteur/Jerome-Dunlop/81072
" [Terre]
La surface de la Terre est une interface entre une planète essentiellement minérale, la lithosphère, une enveloppe gazeuse, l'atmosphère, de l'eau sous diverses formes, l'hydrosphère, et des éléments organiques et vivants, la biocénose. Les écosystèmes, emboîtés à diverses échelles, sont le cadre des échanges entre tous ces éléments." (p.3)
" [Territoire]
Un des deux grands types de structures de l'espace géographique, l'autre étant le réseau. On peut alors définir les premiers comme des "systèmes de lieux contigus", et les seconds comme des "systèmes de lieux distants, mais reliés par des axes et des flux"." (p.5)
" [Géographie]
Le géographe met en évidence les particularités de chaque lieu (démarche idiographique) et les récurrences de l'organisation spatiale (démarche nomothétique). La géographie se définit tantôt comme une science de l'espace habité ("science des lieux et non des hommes", écrivait Vidal de La Blache, en 1911), tantôt comme une science sociale, dont le prisme serait l'espace." (p.7)
" [Lieu]
Un lieu est une portion particulière d'espace occupée par un objet, quel qu'il soit et quelles que soient ses dimensions. [...]
Il est défini à la fois par une localisation et par des caractéristiques qui lui sont propres. Ses caractéristiques géographiques sont celles de son milieu: relief, climat, peuplement, culture, paysage... Elles sont aussi celles de sa localisation, qui est relative à d'autres lieux dont il est plus ou moins proche ou distant, et avec lesquels il a des relations plus ou moins importantes." (p.9)
" [Topographie]
La topographie est la forme des lieux, et en particulier celle de la surface du sol. Elle est lue dans une démarche analytique, et peut être exprimée par un discours (description) ou par une carte que l'on appelle alors carte topographique." (p.10)
" [Région]
La notion de région doit être distinguée de celle de territoire en ce que sa délimitation est choisie par le géographe qui la génère comme objet d'étude, après avoir justifié des limites qu'il lui donne par des critères et une problématique. En ce sens, la régionalisation pour les géographes peut être vue comme le pendant de la périodisation pour les historiens.
La géographie française classique délimitait ses régions par l'unité des paysages et des "genres de vie", considérant que l'identité de chacune d'elles résultait d'une association originale entre un milieu physique et une société. D'autres régions peuvent au contraire être très hétérogènes, car définies sur d'autres critères: la langue, la polarisation (la région lyonnaise, par exemple), etc." (p.16)
" [Site et situation]
Le cadre topographique sur lequel s'implante un objet géographique est son site. Il est choisi en fonction des qualités qu'il offre relativement à celles des lieux voisins auxquels il a été préféré. Ces qualités peuvent être l'accessibilité d'une ressource à exploiter (site à gisement), la facilité qu'il offre pour protéger l'objet implanté des convoitises (site défensif), sa bonne insertion dans un réseau de circulation préexistant (site carrefour) ou encore son caractère propice aux échanges avec les divinités ou l'au-delà (site mystique).
L'importance d'un objet géographique tel qu'une ville, une plate-forme multimodale ou un centre commercial s'explique largement par son insertion dans un ou plusieurs systèmes de lieux (territoires, et surtout réseaux), dont les dimensions varient de l'échelle régionale à l'échelle planétaire. Replacer le lieu qu'occupe cet objet dans ces systèmes spatiaux auxquels il participe, c'est définir sa situation." (pp.23-24)
" [Acteur]
Un acteur est un individu, un groupe de personnes ou une institution (publique ou privée) qui s'inscrit de manière autonome dans les processus affectant l'espace géographique. Le terme n'est donc pas synonyme de celui d' "agent" [...] qui désigne une force à l'œuvre dans un processus spatial, que celle-ci soit dotée de conscience ou non. Un cours d'eau est un agent d'érosion. [...]
Il est donc nécessaire, pour comprendre un processus géographique à l'œuvre, d'identifier les acteurs, leurs motivations, et surtout leurs relations. On parle alors de jeu d'acteurs."
(pp.27)
"Un des rapports les plus classiquement mis en évidence entre une société et son territoire est celui de la mise en valeur [...] On montre ainsi que les inégalités du peuplement et de l'anthropisation des milieux ne dépendant pas que des potentialités de ces derniers, mais aussi des sociétés qui les occupent et les exploitent." (p.31)
"Une société est un ensemble d'individus interdépendants, liés les uns aux autres par des rôles et par des fonctions complémentaires." (p.33)
"Alors que l'espace terrestre est la surface de la Terre, l'espace géographique est constituée de lieux et de systèmes de lieux construits par les sociétés." (p.38)
" [Maillage]
L'espace géographique est partagé en entités particulières à l'intérieur desquelles un certain nombre d'individus et d'acteurs exercent tout ou partie de leurs activités et partagent des services et des équipements: les mailles. [...]
Les aires d'influence des villes ou, encore, les "aires de chalandise" des centres commerciaux résultent d'un processus de maillage, mais n'ont pas des limites décidées et établies de manière définitive." (p.39)
" [Polarisation]
La polarisation existe sur la plupart des territoires, mais prend des formes différentes. Elle peut être unipolaire (un lieu central polarise les flux de toutes natures) ou multipolaire (avec plusieurs centres, qui polarisent chacun un type de flux spécifique, ou un sous-ensemble territorial). [...]
Les pôles d'un territoire ou d'une "région polarisée" sont souvent appelés "centres", mais leur situation au sein de l'espace polarisé n'est pas nécessairement centrale au sens géométrique du terme, précisément parce que l'espace réel n'est pas isotropique." (pp.40-41)
"Un nœud aérien, qui prend la forme d'un aéroport, n'est pas situé en coprésence, ni même en contiguïté directe, du pôle territorial qu'il dessert, mais à proximité." (p.42)
" [Interface]
Une interface est un plan ou une ligne de contact et d'interaction entre des entités spatiales distinctes. Elle est située sur une limite d'au moins une de ces entités spatiales, qu'elle met en situation d'interaction avec un ou des espaces tiers, mais non nécessairement contigus. Ainsi, certaines façades océaniques des continents ou de très grands pays sont des interfaces entre ces pays et le reste du monde : la façade pacifique de la Chine, par exemple.
Parce qu'elle est une limite traversée par de multiples flux, l'interface produit des différenciations fortes à l'intérieur des espaces qu'elle met en contact, selon le degré de connexion qu'ils ont avec elle. On distingue ainsi la Chine littorale, la Chine intérieure et la Chine occidentale, très inégalement concernées et transformées par l'ouverture sur le reste du monde." (p.46)
" [Position: centre, périphérie, marge]
Le centre est le lieu le plus accessible et celui depuis lequel on accède le plus vite à chacun des autres. Comme il est exigu [...] il est cher et sélectif, et tend à se spécialiser dans les fonctions de commandements et de conception.
Les périphéries, bien reliées au centre mais mal reliées entre elles, tendent à se spécialiser et à recevoir les activités de production matérielle, d'exécution, ou encore tout simplement celles qui sont les plus consommatrices d'espace.
On appelle "marges" les zones qui sont dans le périmètre théorique du territoire considéré, mais qui sont en réalité mal intégrées et ne participent pas pleinement du système de lieux qu'est un territoire. On peut les considérer comme des réserves d'espace ou de ressources, ou en faire des zones de relégation d'objets et de population que l'on désire mettre "hors-champs", que l'on considère comme générateurs de nuisances. [...]
Ce modèle trouve son origine dans la géographie radicale, d'inspiration marxiste. Pour cette dernière, il est la projection dans l'espace des rapports de production: la propriété du capital et l'accumulation de la plus-value au centre ; le travail et la production matérielle en périphérie ; l'espace et les ressources en réserve d'exploitation à la marge. [...]
Les centres peuvent prélever et exploiter dans les périphéries des facteurs de production (travail, matières premières, épargne), mais ils peuvent aussi y diffuser le développement." (pp.47-48)
"Les processus de concentration spatiale génèrent un accroissement des inégalités dans la distribution des phénomènes qu'ils concernent. Certains d'entre eux sont sources d'inquiétude (la "désertification" de certaines campagnes [...]
Concentration et dispersion désignent à la fois des états et des dynamiques des distributions spatiales. Il faut donc pour l'étude de chacune d'entre elles se demander si elle tend à se concentrer ou à se disperser davantage. Les formes actuelles de l'urbanisation sont caractérisées par des dynamiques inversées entre distribution de l'urbain à l'échelle interurbaine (métropolisation, processus de concentration) et à l'échelle intra-urbaine (périurbanisation, processus de dispersion)." (p.50)
"La ville est un dispositif géographique consacré à l'échange, par la conjonction du carrefour et de la coprésence. De manière à la fois inverse et complémentaire, la campagne se fonde sur une vocation productive et nourricière. [...]
La ville est une grande concentration d'hommes, de bâtiments, de richesses, d'activités. Mais c'est plus par sa diversité que par sa taille qu'elle se distingue du village: par les métiers, les origines spatiales et sociales, les produits, qui y sont infiniment plus variés qu'au village. Le géographe Jacques Lévy la définit d'une manière extraordinairement synthétique: un maximum de diversité dans un minimum d'étendue." (p.55)
"La périurbanisation -forme actuellement dominante de la croissance urbaine- fait naître des espaces particulièrement pauvres en espaces publics et semble plutôt témoigner d'une crise et d'un rejet de la ville." (p.56)
"Si la composition territoriale majoritaire des agglomérations urbaines associe une ville-centre unique à des communes de banlieue, certaines comprennent deux, trois ou plusieurs villes-centres: ce sont les conurbations (Lille-Roubaix-Tourcoing en France ou Rhin-Ruhr en Allemagne). Ces conurbations sont rares, elles sont une anomalie au regard de la théorie des lieux centraux qui s'explique par des spécialisations fortes sur une denrée (par exemple, un minerai) ou une activité particulière (par exemple, le tourisme littoral)." (p.57)
" [Périurbanisation]
La périurbanisation constitue une rupture dans la forme de la croissance urbaine, qui de continue devient discontinue. Des bâtiments nouveaux, construits par des acteurs issus de la ville et qui vont continuer à la fréquenter quotidiennement, sont implantés à proximité d'elle mais de manière non contiguë.
L'originalité de la périurbanisation n'est pas qu'elle se fait au détriment d'espaces agricoles et ruraux (cela est aussi le cas pour les banlieues), mais dans un rapport d'espacement nouveau. Le processus génère un type d'espace inédit et, finalement, un nouveau mode de peuplement. Les auréoles périurbaines qui entourent désormais un très grand nombre de villes ne répondent pas aux définitions statistiques classiques de l'urbanité. Leur urbanisation est cependant tellement active qu'elles sont considérées comme appartenant à un "espace à dominante urbaine" (INSEE, 1997), et constituent une des trois parties de chaque "aire urbaine", avec la ville-centre et les banlieues.
La fonction résidentielle caractérise une très large partie des constructions périurbaines, sous deux formes différentes. Les lotissements sont des ensembles de pavillons construits par des promoteurs immobiliers sur d'anciennes parcelles agricoles. Un réseau viaire y est alors créé pour desservir chacun de ces pavillons. Le mitage est le fait d'acteurs individuels (les ménages) qui construisent des résidences sur des parcelles déjà desservies par les infrastructures. Mais la périurbanisation n'est pas que résidentielle ; elle est désormais aussi très largement industrielle, logistique, récréative et commerciale.
Les facteurs de ce changement de forme de la croissance urbaine varient avec les acteurs, les territoires et les moments. Si les aménités du cadre rural sont souvent évoquées, les conditions du marché foncier jouent également un rôle très important. Selon que l'on privilégie le premier ou le second de ces deux facteurs, les résidents des espaces périurbains sont perçus comme les moteurs du processus ou, au contraire, comme des victimes de relégation.
Une condition nécessaire à la périurbanisation est l'équipement de ses acteurs en automobiles. [...] Si dans la sociétés riches la périurbanisation résidentielle peut concerner les catégories sociales populaires, cela n'est pas le cas dans les pays en développement." (pp.57-58)
"Une des caractéristiques essentielles des quartiers de banlieue en crise, les grands ensembles souvent décrits comme des ghettos est la quasi-absence de mobilité. Celle-ci tient aux lacunes des réseaux de transport collectif et à la faiblesse des motifs du mouvement, pour les populations touchées par un chômage de masse." (p.62)
"La citadinité est une modalité de la vie en société propre aux habitants des villes. Elle se caractérise notamment par la confrontation permanente à l'altérité: les citadins croisent au cours de leurs activités et déplacements des personnes qu'ils n'ont jamais rencontrées, qui habitent d'autres quartiers et viennent d'autres régions, qui ont d'autres références culturelles. Les lieux de la citadinité, plus ou moins présents et plus ou moins fréquentés selon les situations et les formes du tissu urbain, sont avant tout ceux de la circulation piétonne: rues, marchés, places, squares et jardins publics. Ce quotidien de densité, de diversité et d'altérité génère des frictions et des frottements qui peuvent alternativement être vécus négativement (promiscuité, peur, violence) ou positivement (rencontres, relations sociales fécondes). La citadinité désigne aussi une culture et un "savoir-vivre" dans la ville qui permettent que l'altérité et les contacts soient féconds.
Or la citadinité n'est pas la culture et le mode de vie qui caractérisent l'ensemble des espaces urbanisés et de leurs habitants, d'où la distinction entre ce concept et celui d'urbanité qui, lui, renvoient à l'ensemble des espaces urbains. La citadinité, et le problème de son rétablissement là où elle fait défaut, est devenue depuis quelques années une des préoccupations des urbanistes." (pp.62-63)
" [Aires d'influence]
La nature même de la ville en fait un espace relatif à des espaces tiers: elle offre des produits et services à des populations qui ne l'habitent pas, elle est structurellement dépendante sur le plan alimentaire. [...]
L'espace au sein duquel les habitants ont recours de manière régulière aux services offerts par une ville donnée est son aire d'influence. C'est un espace que la ville polarise, pour lequel elle est une ressource multiple (commerces, administrations, services publics de santé, d'éducation...).
L'aire d'influence d'une ville est d'autant plus large que celle-ci est grande. Les petites villes, qui sont bien plus nombreuses que les grandes, sont donc elles-mêmes polarisées. Leur aire d'influence, locale, vient des services dont dépendent les populations quotidiennement, ou très régulièrement, et pour lesquels elles effectuent des déplacements de proximité. En revanche, pour des services plus rares, elles ont directement recours à la grande ville. Les aires d'influence sont donc emboîtées les unes dans les autres, à l'instar des autres mailles spatiales. [...]
Plus finement, chaque ville exerce des influences différenciées avec les produits et services qu'elle offre. Une petit ville dotée d'une spécialité rare, peut-être, même si c'est de manière exceptionnelle, un recours sur une aire extrêmement étendue (par exemple, les villes de pèlerinage). On peut dès lors distinguer les aires de recours pour chacun des services offerts: ce sont les aires de chalandise des différents commerces, mais aussi des autres services, publics (hôpital, université...) ou privés (artisans...)." (p.63)
" [Métropolisation]
La métropolisation est un processus de concentration des activités de commandement, de conception et de financement dans un nombre limité de grandes villes, au détriment des autres. [...]
Elle est souvent décrite comme une nouvelle phase du processus multiséculaire de concentration qu'est l'urbanisation. Elle se distingue surtout du processus d'urbanisation qui la précède par son caractère sélectif: les métropoles n'attirent ni toutes les activités ni toutes les populations, mais seulement celles qui se trouvent au sommet des hiérarchies au sein des process productifs.
La métropolisation est donc indissociable des stratégies de multilocalisation des entreprises [...]
Les villes qui se "métropolisent", ne croissent pas nécessairement plus vite qu'auparavant et, inversement, les autres ne connaissent pas nécessairement un déclin ou une stagnation. Toutes les villes des réseaux urbains métropolisés sont transformées par le processus, et pas seulement celles qui sont qualifiés de métropoles. Ces dernières renferment les espaces les plus convoités qui voient leurs valeurs foncières s'élever très rapidement. Cela amène certaines activités et certaines populations à les quitter pour des localisations plus "accessibles", qu'elles ne vont pas trouver seulement dans les périphéries locales des métropoles, mais aussi dans d'autres villes que l'on qualifie désormais de "villes moyennes".
L'exemple des villes du Bassin parisien est explicite à cet égard. La part de l'agglomération parisienne dans la population nationale a cessé de croître depuis le début des années 1980. Elle se désindustrialise et perd ses ouvriers à mesure qu'elle accumule les bureaux, les banques et les centres d'affaires. Le terme "tertiarisation" serait trompeur, car elle perd presque autant d'employés que d'ouvriers. Dans la même temps, les villes moyennes du Bassin parisien qui peinent parfois à faire vivre leurs universités reçoivent de nouveaux établissements industriels et de nouveaux services administratifs et privés. La part des catégories socioprofessionnelles de salariés peu qualifiés dans la population active y croît." (pp.65-66)
" [Mégalopole]
On en a d'abord identifié une, puis trois, qui restent incontestées: la mégalopolis de la façade atlantique de l'Amérique du Nord, la Dorsale européenne qui s'étend de Londres à Milan, la mégalopole de la façade Pacifique du Japon. D'autres semblent émerger, avec des localisations le long des façades actives des continents. La configuration spatiale en isthme de la Dorsale européenne reste une exception.
L'originalité géographique des mégalopoles est la proximité spatiale de très grandes villes de rang équivalent dans les hiérarchies et armatures urbaines, ce qui contredit frontalement la théorie des lieux centraux [...] qui jusque-là restait le modèle essentiel d'explication des distributions des villes. Au sein des mégalopoles, les très grandes villes semblent ne pas souffrir de la concurrence qu'elles sont supposées affronter pour polariser les réseaux de villes de rang inférieur et les territoires. Cela ne signifie pas que cette concurrence n'existe plus, mais que les synergies entre ces métropoles l'emportent sur les concurrences." (p.68)
"Les éléments de l'environnement favorables à la réussite d'une activité sont appelés ressources, alors que ceux qui y sont défavorables sont appelés contraintes." (p.71)
" [Mise en valeur]
La mise en valeur des milieux se distingue de leur exploitation en ce qu'elle est censée les améliorer, les rendre plus favorables aux activités humaines. Cela passe en matière agricole par des défrichements, des travaux de drainage et d'irrigation, ou encore d'amendements des sols. Cela passe aussi par la création d'infrastructures de transports qui permettent la création d'espaces productifs distants des lieux de consommation et de transformation des richesses. [...]
Il est [...] difficile d'affirmer qu'un milieu physique transformé pour mieux répondre aux besoins d'aujourd'hui l'est aussi pour répondre à ceux de demain, la réversibilité des transformations étant souvent très difficile, voire impossible. De plus, la complexité des écosystèmes et des géosystèmes est telle que l'on ne peut pas anticiper tous les effets de l'anthropisation des milieux. Dès lors, la "mise en valeur" comporte toujours des risques dont la maîtrise est elle-même difficile." (pp.73-74)
"Les sociétés humaines [...] se distinguent des autres espèces par un comportement infiniment plus variable, que ce soit dans le temps ou dans l'espace." (p.76)
" Le terme "développement" renvoie à trois concepts distincts: un processus, le développement économique et social ; un état, le développement humain ; et un principe, le développement durable.
Le développement économique et social est celui qui est désigné par le vocable "développement" sans autre qualificatif. Il désigne un processus d'amélioration générale des conditions de vie de la population, tel qu'il s'est produit dans les pays désormais "développés". Ce processus implique une augmentation des ressources disponibles par habitant, et donc une croissance économique supérieure à la croissance démographique. Ses facteurs immédiats les plus fréquemment cités sont les progrès de la productivité du travail (agricole notamment) et la réduction des inégalités sociales. Ses causes profondes font l'objet de controverses anciennes et renouvelées. On peut néanmoins citer l'innovation, l'éducation, ou encore l'élargissement des marchés.
Le développement humain est un état de bien-être de la population d'un pays. La notion est justifiée par l'idée selon laquelle le bien-être n'est pas réductible à la richesse monétaire. Elle est en fait surtout le corollaire de l'indice de développement humain (IDH), né en 1990 du constat de l'insuffisance d'une mesure strictement économétrique du bien-être et de son évolution. L'IDH est calculé à partir de mesures de la santé, de la longévité, du niveau d'éducation et du niveau de vie de la population concernée.
Le développement durable est un principe éthique applicable tant par les acteurs publics que par les acteurs privés, exprimé par la formule "répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs". Il se pose simultanément dans les champs économique, social et environnemental." (pp.82-83)
" [Sous-développement]
Processus de dégradation du bien-être général de la population ou insuffisance du niveau de vie moyen.
Certains pays cumulent aujourd'hui des niveaux de développement encore faibles (mesurés par l'IDH) et des processus de progrès économique et social sensibles." (p.83)
"La mobilité résidentielle désigne la plus ou moins grande propension d'une population à migrer dans un territoire donné." (p.85)
" [Système-monde, concept d'Olivier Dollfus, 1984]
Le système-monde est la résultante et le corollaire du processus de mondialisation des échanges et de l'économie. Il est constitué d'un ensemble de centres (mégalopoles, villes mondiales, métropoles), de réseaux (aérien, maritime, satellitaire...) et de flux (hommes, marchandises, informations et capitaux) qui articulent à l'échelle planétaire des territoires situés sur tous les continents.
Parler de système-monde revient à considérer qu'il existe un espace géographique d'échelle planétaire (territoire ? réseau ? ou encore archipel ?), dont les composantes sont fortement interdépendantes." (p.88)
" [Compétitivité territoriale]
La compétitivité territoriale désigne la capacité d'un territoire à faire fructifier plus que d'autres le capital qui y serait investi par des entreprises. Elle est devenue, avec l'attractivité, un des objectifs premiers de l'aménagement et de la gouvernance des territoires, prenant le pas sur les objectifs premiers et historiques de ces derniers: la cohésion et l'équilibre. [...] C'est l'intérêt particulier du territoire qui est désormais explicitement défendu face à ceux des territoires tiers, désormais concurrents, du fait de la mobilité du capital productif. [...]
Alors que le capitalisme des XIXe et XXe siècle était fondé sur la mise en concurrence des entreprises au sein de territoires dont les institutions n'étaient pas concurrentielles mais au contraire régulatrices, ce sont aujourd'hui les entreprises qui mettent les territoires et les acteurs politiques ancrés en concurrence pour obtenir la localisation de leurs capitaux, mobiles." (pp.90-91)
"On appelle reconversion l'ensemble des actions de renouvellement du tissu économique d'un territoire." (p.91)
" [Relégation]
Est reléguée une activité ou une population qui subit un déplacement que l'on interprète comme une mise à l'écart. Les lieux, par nature immobiles, ne peuvent donc être relégués, mais ils peuvent être, ou devenir, des espaces de relégation. [...]
Les lieux de relégation rassemblent ceux qui sont privés de mobilité sociale (ascendante, du moins) et ceux qui sont le moins bien dotés en termes de mobilité spatiale." (p.92)
"Genre, religion, classe sociale, nation, génération, ethnie ou race génèrent des sentiments d'appartenance qui sont autant de composantes possibles de l'identité sociale d'un individu. Celle-ci est dynamique: elle se construit et se transforme tout au long de la vie. Elle se fonde sur une identification à d'autres individus, s'acquiert avec leur reconnaissance." (p.96)
"Une nation est une communauté culturelle constituée en corps politique [...]
Les nations sont de constitution récente. Elles sont une marque de la modernité. La première du genre, en Europe du moins, est la France. Elle fait irruption sur la scène politique et géopolitique en 1789 (Assemblée "nationale")." (p.98)
"Le "marketing territorial" pratiqué par les gestionnaires de certaines territoires se compose d'actions de communication médiatique et d'urbanisme, qui visent à infléchir les représentations qui les concernent et, ainsi, à les rendre plus attractifs." (p.101)
"A priori, chaque circonscription doit avoir le même nombre d'électeurs pour que chaque voix ait le même poids. Mais [...] la population légale de la 2e circonscription législative des Hautes-Alpes est de 66 203 habitants ; celle de la 5e circonscription législative de Loire-Atlantique de 155 447 ! Les électeurs ruraux sont ainsi sur-représentés au parlement."(pp.108-109)
-Jérôme Dunlop, Les 100 mots de la géographie, PUF / Humensis Que sais-je ?, 2021 (2009 pour la première édition), 128 pages.
schéma p.42.
" [Terre]
La surface de la Terre est une interface entre une planète essentiellement minérale, la lithosphère, une enveloppe gazeuse, l'atmosphère, de l'eau sous diverses formes, l'hydrosphère, et des éléments organiques et vivants, la biocénose. Les écosystèmes, emboîtés à diverses échelles, sont le cadre des échanges entre tous ces éléments." (p.3)
" [Territoire]
Un des deux grands types de structures de l'espace géographique, l'autre étant le réseau. On peut alors définir les premiers comme des "systèmes de lieux contigus", et les seconds comme des "systèmes de lieux distants, mais reliés par des axes et des flux"." (p.5)
" [Géographie]
Le géographe met en évidence les particularités de chaque lieu (démarche idiographique) et les récurrences de l'organisation spatiale (démarche nomothétique). La géographie se définit tantôt comme une science de l'espace habité ("science des lieux et non des hommes", écrivait Vidal de La Blache, en 1911), tantôt comme une science sociale, dont le prisme serait l'espace." (p.7)
" [Lieu]
Un lieu est une portion particulière d'espace occupée par un objet, quel qu'il soit et quelles que soient ses dimensions. [...]
Il est défini à la fois par une localisation et par des caractéristiques qui lui sont propres. Ses caractéristiques géographiques sont celles de son milieu: relief, climat, peuplement, culture, paysage... Elles sont aussi celles de sa localisation, qui est relative à d'autres lieux dont il est plus ou moins proche ou distant, et avec lesquels il a des relations plus ou moins importantes." (p.9)
" [Topographie]
La topographie est la forme des lieux, et en particulier celle de la surface du sol. Elle est lue dans une démarche analytique, et peut être exprimée par un discours (description) ou par une carte que l'on appelle alors carte topographique." (p.10)
" [Région]
La notion de région doit être distinguée de celle de territoire en ce que sa délimitation est choisie par le géographe qui la génère comme objet d'étude, après avoir justifié des limites qu'il lui donne par des critères et une problématique. En ce sens, la régionalisation pour les géographes peut être vue comme le pendant de la périodisation pour les historiens.
La géographie française classique délimitait ses régions par l'unité des paysages et des "genres de vie", considérant que l'identité de chacune d'elles résultait d'une association originale entre un milieu physique et une société. D'autres régions peuvent au contraire être très hétérogènes, car définies sur d'autres critères: la langue, la polarisation (la région lyonnaise, par exemple), etc." (p.16)
" [Site et situation]
Le cadre topographique sur lequel s'implante un objet géographique est son site. Il est choisi en fonction des qualités qu'il offre relativement à celles des lieux voisins auxquels il a été préféré. Ces qualités peuvent être l'accessibilité d'une ressource à exploiter (site à gisement), la facilité qu'il offre pour protéger l'objet implanté des convoitises (site défensif), sa bonne insertion dans un réseau de circulation préexistant (site carrefour) ou encore son caractère propice aux échanges avec les divinités ou l'au-delà (site mystique).
L'importance d'un objet géographique tel qu'une ville, une plate-forme multimodale ou un centre commercial s'explique largement par son insertion dans un ou plusieurs systèmes de lieux (territoires, et surtout réseaux), dont les dimensions varient de l'échelle régionale à l'échelle planétaire. Replacer le lieu qu'occupe cet objet dans ces systèmes spatiaux auxquels il participe, c'est définir sa situation." (pp.23-24)
" [Acteur]
Un acteur est un individu, un groupe de personnes ou une institution (publique ou privée) qui s'inscrit de manière autonome dans les processus affectant l'espace géographique. Le terme n'est donc pas synonyme de celui d' "agent" [...] qui désigne une force à l'œuvre dans un processus spatial, que celle-ci soit dotée de conscience ou non. Un cours d'eau est un agent d'érosion. [...]
Il est donc nécessaire, pour comprendre un processus géographique à l'œuvre, d'identifier les acteurs, leurs motivations, et surtout leurs relations. On parle alors de jeu d'acteurs."
(pp.27)
"Un des rapports les plus classiquement mis en évidence entre une société et son territoire est celui de la mise en valeur [...] On montre ainsi que les inégalités du peuplement et de l'anthropisation des milieux ne dépendant pas que des potentialités de ces derniers, mais aussi des sociétés qui les occupent et les exploitent." (p.31)
"Une société est un ensemble d'individus interdépendants, liés les uns aux autres par des rôles et par des fonctions complémentaires." (p.33)
"Alors que l'espace terrestre est la surface de la Terre, l'espace géographique est constituée de lieux et de systèmes de lieux construits par les sociétés." (p.38)
" [Maillage]
L'espace géographique est partagé en entités particulières à l'intérieur desquelles un certain nombre d'individus et d'acteurs exercent tout ou partie de leurs activités et partagent des services et des équipements: les mailles. [...]
Les aires d'influence des villes ou, encore, les "aires de chalandise" des centres commerciaux résultent d'un processus de maillage, mais n'ont pas des limites décidées et établies de manière définitive." (p.39)
" [Polarisation]
La polarisation existe sur la plupart des territoires, mais prend des formes différentes. Elle peut être unipolaire (un lieu central polarise les flux de toutes natures) ou multipolaire (avec plusieurs centres, qui polarisent chacun un type de flux spécifique, ou un sous-ensemble territorial). [...]
Les pôles d'un territoire ou d'une "région polarisée" sont souvent appelés "centres", mais leur situation au sein de l'espace polarisé n'est pas nécessairement centrale au sens géométrique du terme, précisément parce que l'espace réel n'est pas isotropique." (pp.40-41)
"Un nœud aérien, qui prend la forme d'un aéroport, n'est pas situé en coprésence, ni même en contiguïté directe, du pôle territorial qu'il dessert, mais à proximité." (p.42)
" [Interface]
Une interface est un plan ou une ligne de contact et d'interaction entre des entités spatiales distinctes. Elle est située sur une limite d'au moins une de ces entités spatiales, qu'elle met en situation d'interaction avec un ou des espaces tiers, mais non nécessairement contigus. Ainsi, certaines façades océaniques des continents ou de très grands pays sont des interfaces entre ces pays et le reste du monde : la façade pacifique de la Chine, par exemple.
Parce qu'elle est une limite traversée par de multiples flux, l'interface produit des différenciations fortes à l'intérieur des espaces qu'elle met en contact, selon le degré de connexion qu'ils ont avec elle. On distingue ainsi la Chine littorale, la Chine intérieure et la Chine occidentale, très inégalement concernées et transformées par l'ouverture sur le reste du monde." (p.46)
" [Position: centre, périphérie, marge]
Le centre est le lieu le plus accessible et celui depuis lequel on accède le plus vite à chacun des autres. Comme il est exigu [...] il est cher et sélectif, et tend à se spécialiser dans les fonctions de commandements et de conception.
Les périphéries, bien reliées au centre mais mal reliées entre elles, tendent à se spécialiser et à recevoir les activités de production matérielle, d'exécution, ou encore tout simplement celles qui sont les plus consommatrices d'espace.
On appelle "marges" les zones qui sont dans le périmètre théorique du territoire considéré, mais qui sont en réalité mal intégrées et ne participent pas pleinement du système de lieux qu'est un territoire. On peut les considérer comme des réserves d'espace ou de ressources, ou en faire des zones de relégation d'objets et de population que l'on désire mettre "hors-champs", que l'on considère comme générateurs de nuisances. [...]
Ce modèle trouve son origine dans la géographie radicale, d'inspiration marxiste. Pour cette dernière, il est la projection dans l'espace des rapports de production: la propriété du capital et l'accumulation de la plus-value au centre ; le travail et la production matérielle en périphérie ; l'espace et les ressources en réserve d'exploitation à la marge. [...]
Les centres peuvent prélever et exploiter dans les périphéries des facteurs de production (travail, matières premières, épargne), mais ils peuvent aussi y diffuser le développement." (pp.47-48)
"Les processus de concentration spatiale génèrent un accroissement des inégalités dans la distribution des phénomènes qu'ils concernent. Certains d'entre eux sont sources d'inquiétude (la "désertification" de certaines campagnes [...]
Concentration et dispersion désignent à la fois des états et des dynamiques des distributions spatiales. Il faut donc pour l'étude de chacune d'entre elles se demander si elle tend à se concentrer ou à se disperser davantage. Les formes actuelles de l'urbanisation sont caractérisées par des dynamiques inversées entre distribution de l'urbain à l'échelle interurbaine (métropolisation, processus de concentration) et à l'échelle intra-urbaine (périurbanisation, processus de dispersion)." (p.50)
"La ville est un dispositif géographique consacré à l'échange, par la conjonction du carrefour et de la coprésence. De manière à la fois inverse et complémentaire, la campagne se fonde sur une vocation productive et nourricière. [...]
La ville est une grande concentration d'hommes, de bâtiments, de richesses, d'activités. Mais c'est plus par sa diversité que par sa taille qu'elle se distingue du village: par les métiers, les origines spatiales et sociales, les produits, qui y sont infiniment plus variés qu'au village. Le géographe Jacques Lévy la définit d'une manière extraordinairement synthétique: un maximum de diversité dans un minimum d'étendue." (p.55)
"La périurbanisation -forme actuellement dominante de la croissance urbaine- fait naître des espaces particulièrement pauvres en espaces publics et semble plutôt témoigner d'une crise et d'un rejet de la ville." (p.56)
"Si la composition territoriale majoritaire des agglomérations urbaines associe une ville-centre unique à des communes de banlieue, certaines comprennent deux, trois ou plusieurs villes-centres: ce sont les conurbations (Lille-Roubaix-Tourcoing en France ou Rhin-Ruhr en Allemagne). Ces conurbations sont rares, elles sont une anomalie au regard de la théorie des lieux centraux qui s'explique par des spécialisations fortes sur une denrée (par exemple, un minerai) ou une activité particulière (par exemple, le tourisme littoral)." (p.57)
" [Périurbanisation]
La périurbanisation constitue une rupture dans la forme de la croissance urbaine, qui de continue devient discontinue. Des bâtiments nouveaux, construits par des acteurs issus de la ville et qui vont continuer à la fréquenter quotidiennement, sont implantés à proximité d'elle mais de manière non contiguë.
L'originalité de la périurbanisation n'est pas qu'elle se fait au détriment d'espaces agricoles et ruraux (cela est aussi le cas pour les banlieues), mais dans un rapport d'espacement nouveau. Le processus génère un type d'espace inédit et, finalement, un nouveau mode de peuplement. Les auréoles périurbaines qui entourent désormais un très grand nombre de villes ne répondent pas aux définitions statistiques classiques de l'urbanité. Leur urbanisation est cependant tellement active qu'elles sont considérées comme appartenant à un "espace à dominante urbaine" (INSEE, 1997), et constituent une des trois parties de chaque "aire urbaine", avec la ville-centre et les banlieues.
La fonction résidentielle caractérise une très large partie des constructions périurbaines, sous deux formes différentes. Les lotissements sont des ensembles de pavillons construits par des promoteurs immobiliers sur d'anciennes parcelles agricoles. Un réseau viaire y est alors créé pour desservir chacun de ces pavillons. Le mitage est le fait d'acteurs individuels (les ménages) qui construisent des résidences sur des parcelles déjà desservies par les infrastructures. Mais la périurbanisation n'est pas que résidentielle ; elle est désormais aussi très largement industrielle, logistique, récréative et commerciale.
Les facteurs de ce changement de forme de la croissance urbaine varient avec les acteurs, les territoires et les moments. Si les aménités du cadre rural sont souvent évoquées, les conditions du marché foncier jouent également un rôle très important. Selon que l'on privilégie le premier ou le second de ces deux facteurs, les résidents des espaces périurbains sont perçus comme les moteurs du processus ou, au contraire, comme des victimes de relégation.
Une condition nécessaire à la périurbanisation est l'équipement de ses acteurs en automobiles. [...] Si dans la sociétés riches la périurbanisation résidentielle peut concerner les catégories sociales populaires, cela n'est pas le cas dans les pays en développement." (pp.57-58)
"Une des caractéristiques essentielles des quartiers de banlieue en crise, les grands ensembles souvent décrits comme des ghettos est la quasi-absence de mobilité. Celle-ci tient aux lacunes des réseaux de transport collectif et à la faiblesse des motifs du mouvement, pour les populations touchées par un chômage de masse." (p.62)
"La citadinité est une modalité de la vie en société propre aux habitants des villes. Elle se caractérise notamment par la confrontation permanente à l'altérité: les citadins croisent au cours de leurs activités et déplacements des personnes qu'ils n'ont jamais rencontrées, qui habitent d'autres quartiers et viennent d'autres régions, qui ont d'autres références culturelles. Les lieux de la citadinité, plus ou moins présents et plus ou moins fréquentés selon les situations et les formes du tissu urbain, sont avant tout ceux de la circulation piétonne: rues, marchés, places, squares et jardins publics. Ce quotidien de densité, de diversité et d'altérité génère des frictions et des frottements qui peuvent alternativement être vécus négativement (promiscuité, peur, violence) ou positivement (rencontres, relations sociales fécondes). La citadinité désigne aussi une culture et un "savoir-vivre" dans la ville qui permettent que l'altérité et les contacts soient féconds.
Or la citadinité n'est pas la culture et le mode de vie qui caractérisent l'ensemble des espaces urbanisés et de leurs habitants, d'où la distinction entre ce concept et celui d'urbanité qui, lui, renvoient à l'ensemble des espaces urbains. La citadinité, et le problème de son rétablissement là où elle fait défaut, est devenue depuis quelques années une des préoccupations des urbanistes." (pp.62-63)
" [Aires d'influence]
La nature même de la ville en fait un espace relatif à des espaces tiers: elle offre des produits et services à des populations qui ne l'habitent pas, elle est structurellement dépendante sur le plan alimentaire. [...]
L'espace au sein duquel les habitants ont recours de manière régulière aux services offerts par une ville donnée est son aire d'influence. C'est un espace que la ville polarise, pour lequel elle est une ressource multiple (commerces, administrations, services publics de santé, d'éducation...).
L'aire d'influence d'une ville est d'autant plus large que celle-ci est grande. Les petites villes, qui sont bien plus nombreuses que les grandes, sont donc elles-mêmes polarisées. Leur aire d'influence, locale, vient des services dont dépendent les populations quotidiennement, ou très régulièrement, et pour lesquels elles effectuent des déplacements de proximité. En revanche, pour des services plus rares, elles ont directement recours à la grande ville. Les aires d'influence sont donc emboîtées les unes dans les autres, à l'instar des autres mailles spatiales. [...]
Plus finement, chaque ville exerce des influences différenciées avec les produits et services qu'elle offre. Une petit ville dotée d'une spécialité rare, peut-être, même si c'est de manière exceptionnelle, un recours sur une aire extrêmement étendue (par exemple, les villes de pèlerinage). On peut dès lors distinguer les aires de recours pour chacun des services offerts: ce sont les aires de chalandise des différents commerces, mais aussi des autres services, publics (hôpital, université...) ou privés (artisans...)." (p.63)
" [Métropolisation]
La métropolisation est un processus de concentration des activités de commandement, de conception et de financement dans un nombre limité de grandes villes, au détriment des autres. [...]
Elle est souvent décrite comme une nouvelle phase du processus multiséculaire de concentration qu'est l'urbanisation. Elle se distingue surtout du processus d'urbanisation qui la précède par son caractère sélectif: les métropoles n'attirent ni toutes les activités ni toutes les populations, mais seulement celles qui se trouvent au sommet des hiérarchies au sein des process productifs.
La métropolisation est donc indissociable des stratégies de multilocalisation des entreprises [...]
Les villes qui se "métropolisent", ne croissent pas nécessairement plus vite qu'auparavant et, inversement, les autres ne connaissent pas nécessairement un déclin ou une stagnation. Toutes les villes des réseaux urbains métropolisés sont transformées par le processus, et pas seulement celles qui sont qualifiés de métropoles. Ces dernières renferment les espaces les plus convoités qui voient leurs valeurs foncières s'élever très rapidement. Cela amène certaines activités et certaines populations à les quitter pour des localisations plus "accessibles", qu'elles ne vont pas trouver seulement dans les périphéries locales des métropoles, mais aussi dans d'autres villes que l'on qualifie désormais de "villes moyennes".
L'exemple des villes du Bassin parisien est explicite à cet égard. La part de l'agglomération parisienne dans la population nationale a cessé de croître depuis le début des années 1980. Elle se désindustrialise et perd ses ouvriers à mesure qu'elle accumule les bureaux, les banques et les centres d'affaires. Le terme "tertiarisation" serait trompeur, car elle perd presque autant d'employés que d'ouvriers. Dans la même temps, les villes moyennes du Bassin parisien qui peinent parfois à faire vivre leurs universités reçoivent de nouveaux établissements industriels et de nouveaux services administratifs et privés. La part des catégories socioprofessionnelles de salariés peu qualifiés dans la population active y croît." (pp.65-66)
" [Mégalopole]
On en a d'abord identifié une, puis trois, qui restent incontestées: la mégalopolis de la façade atlantique de l'Amérique du Nord, la Dorsale européenne qui s'étend de Londres à Milan, la mégalopole de la façade Pacifique du Japon. D'autres semblent émerger, avec des localisations le long des façades actives des continents. La configuration spatiale en isthme de la Dorsale européenne reste une exception.
L'originalité géographique des mégalopoles est la proximité spatiale de très grandes villes de rang équivalent dans les hiérarchies et armatures urbaines, ce qui contredit frontalement la théorie des lieux centraux [...] qui jusque-là restait le modèle essentiel d'explication des distributions des villes. Au sein des mégalopoles, les très grandes villes semblent ne pas souffrir de la concurrence qu'elles sont supposées affronter pour polariser les réseaux de villes de rang inférieur et les territoires. Cela ne signifie pas que cette concurrence n'existe plus, mais que les synergies entre ces métropoles l'emportent sur les concurrences." (p.68)
"Les éléments de l'environnement favorables à la réussite d'une activité sont appelés ressources, alors que ceux qui y sont défavorables sont appelés contraintes." (p.71)
" [Mise en valeur]
La mise en valeur des milieux se distingue de leur exploitation en ce qu'elle est censée les améliorer, les rendre plus favorables aux activités humaines. Cela passe en matière agricole par des défrichements, des travaux de drainage et d'irrigation, ou encore d'amendements des sols. Cela passe aussi par la création d'infrastructures de transports qui permettent la création d'espaces productifs distants des lieux de consommation et de transformation des richesses. [...]
Il est [...] difficile d'affirmer qu'un milieu physique transformé pour mieux répondre aux besoins d'aujourd'hui l'est aussi pour répondre à ceux de demain, la réversibilité des transformations étant souvent très difficile, voire impossible. De plus, la complexité des écosystèmes et des géosystèmes est telle que l'on ne peut pas anticiper tous les effets de l'anthropisation des milieux. Dès lors, la "mise en valeur" comporte toujours des risques dont la maîtrise est elle-même difficile." (pp.73-74)
"Les sociétés humaines [...] se distinguent des autres espèces par un comportement infiniment plus variable, que ce soit dans le temps ou dans l'espace." (p.76)
" Le terme "développement" renvoie à trois concepts distincts: un processus, le développement économique et social ; un état, le développement humain ; et un principe, le développement durable.
Le développement économique et social est celui qui est désigné par le vocable "développement" sans autre qualificatif. Il désigne un processus d'amélioration générale des conditions de vie de la population, tel qu'il s'est produit dans les pays désormais "développés". Ce processus implique une augmentation des ressources disponibles par habitant, et donc une croissance économique supérieure à la croissance démographique. Ses facteurs immédiats les plus fréquemment cités sont les progrès de la productivité du travail (agricole notamment) et la réduction des inégalités sociales. Ses causes profondes font l'objet de controverses anciennes et renouvelées. On peut néanmoins citer l'innovation, l'éducation, ou encore l'élargissement des marchés.
Le développement humain est un état de bien-être de la population d'un pays. La notion est justifiée par l'idée selon laquelle le bien-être n'est pas réductible à la richesse monétaire. Elle est en fait surtout le corollaire de l'indice de développement humain (IDH), né en 1990 du constat de l'insuffisance d'une mesure strictement économétrique du bien-être et de son évolution. L'IDH est calculé à partir de mesures de la santé, de la longévité, du niveau d'éducation et du niveau de vie de la population concernée.
Le développement durable est un principe éthique applicable tant par les acteurs publics que par les acteurs privés, exprimé par la formule "répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs". Il se pose simultanément dans les champs économique, social et environnemental." (pp.82-83)
" [Sous-développement]
Processus de dégradation du bien-être général de la population ou insuffisance du niveau de vie moyen.
Certains pays cumulent aujourd'hui des niveaux de développement encore faibles (mesurés par l'IDH) et des processus de progrès économique et social sensibles." (p.83)
"La mobilité résidentielle désigne la plus ou moins grande propension d'une population à migrer dans un territoire donné." (p.85)
" [Système-monde, concept d'Olivier Dollfus, 1984]
Le système-monde est la résultante et le corollaire du processus de mondialisation des échanges et de l'économie. Il est constitué d'un ensemble de centres (mégalopoles, villes mondiales, métropoles), de réseaux (aérien, maritime, satellitaire...) et de flux (hommes, marchandises, informations et capitaux) qui articulent à l'échelle planétaire des territoires situés sur tous les continents.
Parler de système-monde revient à considérer qu'il existe un espace géographique d'échelle planétaire (territoire ? réseau ? ou encore archipel ?), dont les composantes sont fortement interdépendantes." (p.88)
" [Compétitivité territoriale]
La compétitivité territoriale désigne la capacité d'un territoire à faire fructifier plus que d'autres le capital qui y serait investi par des entreprises. Elle est devenue, avec l'attractivité, un des objectifs premiers de l'aménagement et de la gouvernance des territoires, prenant le pas sur les objectifs premiers et historiques de ces derniers: la cohésion et l'équilibre. [...] C'est l'intérêt particulier du territoire qui est désormais explicitement défendu face à ceux des territoires tiers, désormais concurrents, du fait de la mobilité du capital productif. [...]
Alors que le capitalisme des XIXe et XXe siècle était fondé sur la mise en concurrence des entreprises au sein de territoires dont les institutions n'étaient pas concurrentielles mais au contraire régulatrices, ce sont aujourd'hui les entreprises qui mettent les territoires et les acteurs politiques ancrés en concurrence pour obtenir la localisation de leurs capitaux, mobiles." (pp.90-91)
"On appelle reconversion l'ensemble des actions de renouvellement du tissu économique d'un territoire." (p.91)
" [Relégation]
Est reléguée une activité ou une population qui subit un déplacement que l'on interprète comme une mise à l'écart. Les lieux, par nature immobiles, ne peuvent donc être relégués, mais ils peuvent être, ou devenir, des espaces de relégation. [...]
Les lieux de relégation rassemblent ceux qui sont privés de mobilité sociale (ascendante, du moins) et ceux qui sont le moins bien dotés en termes de mobilité spatiale." (p.92)
"Genre, religion, classe sociale, nation, génération, ethnie ou race génèrent des sentiments d'appartenance qui sont autant de composantes possibles de l'identité sociale d'un individu. Celle-ci est dynamique: elle se construit et se transforme tout au long de la vie. Elle se fonde sur une identification à d'autres individus, s'acquiert avec leur reconnaissance." (p.96)
"Une nation est une communauté culturelle constituée en corps politique [...]
Les nations sont de constitution récente. Elles sont une marque de la modernité. La première du genre, en Europe du moins, est la France. Elle fait irruption sur la scène politique et géopolitique en 1789 (Assemblée "nationale")." (p.98)
"Le "marketing territorial" pratiqué par les gestionnaires de certaines territoires se compose d'actions de communication médiatique et d'urbanisme, qui visent à infléchir les représentations qui les concernent et, ainsi, à les rendre plus attractifs." (p.101)
"A priori, chaque circonscription doit avoir le même nombre d'électeurs pour que chaque voix ait le même poids. Mais [...] la population légale de la 2e circonscription législative des Hautes-Alpes est de 66 203 habitants ; celle de la 5e circonscription législative de Loire-Atlantique de 155 447 ! Les électeurs ruraux sont ainsi sur-représentés au parlement."(pp.108-109)
-Jérôme Dunlop, Les 100 mots de la géographie, PUF / Humensis Que sais-je ?, 2021 (2009 pour la première édition), 128 pages.
schéma p.42.