http://brouillard-charnel.over-blog.com/article-arendt-et-castoriadis-l-excedence-du-sujet-95930074.html
"L’œuvre est le domaine spécifiquement anthropologique dont la caractéristique principale est de se dégager de la temporalité naturelle. Si cette dernière se développe suivant le modèle de la circularité, comme nous venons de le voir, l’œuvre repose sur une temporalité linéaire. Par l’œuvre, il s’agit d’ériger un monde proprement humain dont la stabilité n’a d’autre fonction que de fournir un point de repère sûr à la fugacité et l’instabilité humaine. L’individu n’est confronté, pour Arendt, qu’à ce monde humain, ce qui est une manière de remettre en cause encore un peu plus la pensée substantialiste qui appuyait son argumentation sur la solidité de la nature. La nature n’est pas le durable, sa temporalité n’est pas celle du temps long contrairement au monde créé par les hommes. C’est en cela que l’œuvre peut apparaître comme spécificité anthropologique dans sa rupture avec le cycle naturel. Néanmoins, rupture n’est pas transcendance radicale car, pour faire émerger ce monde proprement humain, il faut faire violence à la nature en en extrayant sa matière. Si l’animal laborans était en harmonie avec la nature, l’homo faber y est en conflit et fait émerger une temporalité originale. Pour parvenir à l’émergence de ce monde humain, l’œuvre de l’homme repose sur une réification de la nature, c’est-à-dire par cette violence faite à la nature afin d’en extraire le matériau propice à la construction d’objets. [...]
L’œuvre, contrairement au produit du travail, est conceptualisée en amont de la fabrication suivant un modèle présent à toutes les étapes du processus. C’est ce qui fait dire à Arendt que l’œuvre est extérieur au fabricateur, c’est-à-dire en droit atteignable, partageable ou discutable par tous. Pour le dire autrement, l’œuvre est création de formes subsistantes à partir de la matérialité naturelle. Les œuvres peuvent être multipliées, partagées, échangées… et sont à l’origine du monde humain. On voit donc se profiler un dynamisme de la condition humaine : le moment laborieux correspond à l’ancrage vital de l’homme et à son adéquation avec la nature. Mais ce moment est dépassé par l’œuvre qui organise une rupture vis-à-vis de la temporalité naturelle et vitale pour faire émerger un monde proprement humain. Pourtant ce moment est encore ancré dans la nature au sens où il repose sur sa matérialité pour créer les œuvres. Le moment purement subjectif apparaît alors comme celui de l’action."
"Relation et image sont les deux pôles de constitution du vivant dans son rapport au milieu : c’est ce que Castoriadis retient sous l’expression de fonction cognitive du vivant. Ces deux pôles se développent en trois mouvements : puisqu’il y a séparation, il y a forcément représentation de l’extériorité sous une multiplicité de formes possibles. Cette représentation est affectée d’un jugement positif ou négatif ce qui induit une certaine attraction ou répulsion c’est-à-dire une intention envers l’objet imagé. Ces trois temps de l’image et de la relation sont déterminants du pour soi. L’histoire et l’interaction de ces éléments du pour soi sont à l’origine de la création d’un monde s’étayant sur l’être-ainsi d’une couche originaire dont la détermination n’est possible que négativement en tant que rendant possible l’émergence du pour soi."
"Il y a rupture car le psychique excède le biologique, mais en un autre sens il y a continuité car le psychique apparaît comme une des multiples possibilités du biologique. Le biologique est ouvert sur un ensemble de puissances dont l’actualisation n’apparait nécessaire qu’a posteriori. La torsion que donne le psychique au biologique est donc entre la dépendance et l’émancipation. Cette caractéristique du psychique, Castoriadis la retient sous le concept de « défonctionnalisation » qui en est le premier trait horizontal et se donne comme sublimation de la fonctionnalité biologique permettant de dégager une fonctionnalité d’un autre ordre qui se donne principalement dans la production d’image et conduit à la deuxième spécificité psychique qui est « la domination du plaisir représentatif sur le plaisir d’organe ». Le psychique ne peut se comprendre que dans un jeu de productions, altérations, relations d’images dans le rapport entretenu avec le réel."
"Penser le sujet comme dialectique sans synthèse, dialectique qui ne se résout pas dans un ordre supérieur mais qui tente, bon gré mal gré, de conserver un semblant de solidité toujours sur le point de sombrer dans la dilatation intersubjective et sociale. Si autrui et la société sont la condition d’émergence du sujet, le sujet est lui-même condition d’émergence d’autrui et du social si bien qu’entre ces différentes instances se joue un rapport d’engendrement réciproque, une co-naissance faite de brouillard tendant à la cristallisation."
-Brouillard charnel, "Arendt et Castoriadis : L'excédence du sujet", 2 janvier 2012: http://brouillard-charnel.over-blog.com/article-arendt-et-castoriadis-l-excedence-du-sujet-95930074.html
"L’œuvre est le domaine spécifiquement anthropologique dont la caractéristique principale est de se dégager de la temporalité naturelle. Si cette dernière se développe suivant le modèle de la circularité, comme nous venons de le voir, l’œuvre repose sur une temporalité linéaire. Par l’œuvre, il s’agit d’ériger un monde proprement humain dont la stabilité n’a d’autre fonction que de fournir un point de repère sûr à la fugacité et l’instabilité humaine. L’individu n’est confronté, pour Arendt, qu’à ce monde humain, ce qui est une manière de remettre en cause encore un peu plus la pensée substantialiste qui appuyait son argumentation sur la solidité de la nature. La nature n’est pas le durable, sa temporalité n’est pas celle du temps long contrairement au monde créé par les hommes. C’est en cela que l’œuvre peut apparaître comme spécificité anthropologique dans sa rupture avec le cycle naturel. Néanmoins, rupture n’est pas transcendance radicale car, pour faire émerger ce monde proprement humain, il faut faire violence à la nature en en extrayant sa matière. Si l’animal laborans était en harmonie avec la nature, l’homo faber y est en conflit et fait émerger une temporalité originale. Pour parvenir à l’émergence de ce monde humain, l’œuvre de l’homme repose sur une réification de la nature, c’est-à-dire par cette violence faite à la nature afin d’en extraire le matériau propice à la construction d’objets. [...]
L’œuvre, contrairement au produit du travail, est conceptualisée en amont de la fabrication suivant un modèle présent à toutes les étapes du processus. C’est ce qui fait dire à Arendt que l’œuvre est extérieur au fabricateur, c’est-à-dire en droit atteignable, partageable ou discutable par tous. Pour le dire autrement, l’œuvre est création de formes subsistantes à partir de la matérialité naturelle. Les œuvres peuvent être multipliées, partagées, échangées… et sont à l’origine du monde humain. On voit donc se profiler un dynamisme de la condition humaine : le moment laborieux correspond à l’ancrage vital de l’homme et à son adéquation avec la nature. Mais ce moment est dépassé par l’œuvre qui organise une rupture vis-à-vis de la temporalité naturelle et vitale pour faire émerger un monde proprement humain. Pourtant ce moment est encore ancré dans la nature au sens où il repose sur sa matérialité pour créer les œuvres. Le moment purement subjectif apparaît alors comme celui de l’action."
"Relation et image sont les deux pôles de constitution du vivant dans son rapport au milieu : c’est ce que Castoriadis retient sous l’expression de fonction cognitive du vivant. Ces deux pôles se développent en trois mouvements : puisqu’il y a séparation, il y a forcément représentation de l’extériorité sous une multiplicité de formes possibles. Cette représentation est affectée d’un jugement positif ou négatif ce qui induit une certaine attraction ou répulsion c’est-à-dire une intention envers l’objet imagé. Ces trois temps de l’image et de la relation sont déterminants du pour soi. L’histoire et l’interaction de ces éléments du pour soi sont à l’origine de la création d’un monde s’étayant sur l’être-ainsi d’une couche originaire dont la détermination n’est possible que négativement en tant que rendant possible l’émergence du pour soi."
"Il y a rupture car le psychique excède le biologique, mais en un autre sens il y a continuité car le psychique apparaît comme une des multiples possibilités du biologique. Le biologique est ouvert sur un ensemble de puissances dont l’actualisation n’apparait nécessaire qu’a posteriori. La torsion que donne le psychique au biologique est donc entre la dépendance et l’émancipation. Cette caractéristique du psychique, Castoriadis la retient sous le concept de « défonctionnalisation » qui en est le premier trait horizontal et se donne comme sublimation de la fonctionnalité biologique permettant de dégager une fonctionnalité d’un autre ordre qui se donne principalement dans la production d’image et conduit à la deuxième spécificité psychique qui est « la domination du plaisir représentatif sur le plaisir d’organe ». Le psychique ne peut se comprendre que dans un jeu de productions, altérations, relations d’images dans le rapport entretenu avec le réel."
"Penser le sujet comme dialectique sans synthèse, dialectique qui ne se résout pas dans un ordre supérieur mais qui tente, bon gré mal gré, de conserver un semblant de solidité toujours sur le point de sombrer dans la dilatation intersubjective et sociale. Si autrui et la société sont la condition d’émergence du sujet, le sujet est lui-même condition d’émergence d’autrui et du social si bien qu’entre ces différentes instances se joue un rapport d’engendrement réciproque, une co-naissance faite de brouillard tendant à la cristallisation."
-Brouillard charnel, "Arendt et Castoriadis : L'excédence du sujet", 2 janvier 2012: http://brouillard-charnel.over-blog.com/article-arendt-et-castoriadis-l-excedence-du-sujet-95930074.html