"Dans les années 1990, retrouvant une radicalité insolente et joyeuse, rappelant les années 1970, profitant d'une certaine liberté politique aussi, le courant queer a eu l'immense mérite de faire imploser ces identités, d'appréhender les genres et les sexualités dans leur multiplicité, faisant une place aux pratiques sexuelles réputées minoritaires, voire "déviantes", aux sujets bizarres, "anormaux."
"Avec Foucault, l'autre source majeure de Judith Butler est Monique Wittig, grande figure du féminisme français des années 1970. [...] Butler emprunte à Wittig toute la réflexion qu'elle développe dans le cadre du féminisme matérialiste, c'est-à-dire le féminisme radical, issu d'une analyse marxiste des rapports de domination. Actuellement, on voudrait nous faire croire que la pensée de Butler est totalement centrée sur la dimension symbolique et discursive de la domination, qu'elle déréalise les rapports de pouvoir, alors que le féminisme matérialiste est particulière important dans son œuvre. Dans Trouble dans le genre, suivant Wittig, Judith Butler développe toute une analyse sur la sexualité comme politique de production des corps sexués."
-Elsa Dorlin, "Le queer est un matérialisme", Cahiers de critique communiste, Paris, Syllepse, 2007, pp.47-58.