https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2005-1-page-43.htm
"Le concept de « disparation » développé par Georges Simondon (1964), en s’appuyant sur le fonctionnement de la rétine qui construit une vision qui n’ajoute, ni ne « dépasse » ou subsume la vision de l’œil gauche et de l’œil droit, mais produit la vision binoculaire qui est autre chose que l’addition des deux visions, « fonctionne » d’une façon similaire [à celui du temps comme devenir]. Par coexistence et non par opposition contradictoire. Ou, pour reprendre l’expression de Deleuze et Guattari, « par le milieu » (1980)."
"Affectant des minorités, les mouvements impliquant les forces molaires contribuent déjà à ébranler les rapports de force existants. En effet, ils annoncent, précèdent et anticipent en pointillés la possible libération de forces de vie, de transformation, de créativité par le brouillage des pistes, des lignes, et la redéfinition d’enjeux de pouvoir. Ces mouvements sont potentiellement hantés et illuminés par les forces « moléculaires » qui s’y déploient en quelque sorte déjà, indiquant, « en creux », même de manière provisoire, indécidable et imperceptible, les voies susceptibles de frayer un passage au désir en tant que force de production sociale et politique. Pour le dire autrement, les identités assignées, comme les formes institutionnelles, « fuient » de toutes parts, sont « débordées », submergées par l’exubérance et la multiplicité de ces forces moléculaires qu’elles ne parviennent jamais pleinement et définitivement à juguler."
"Pour « devenir-femme », les femmes doivent emprunter des chemins de traverse, non pour se plier aux arborescences hiérarchisantes, mais ruser et les « fuir » le long de rhizomes qui connectent des univers, des régimes et des registres que rien jusque-là ne prédisposait à se croiser et s’entremêler. Ouvrir des possibles jusque-là impossibles par l’actualisation de modes de subjectivation qui contiennent, trésors tapis au cœur des identitaires injonctions, le joyau des devenirs. Un devenir coexiste en nous qui peut être rendu incandescendant ou vif argent si nous sommes capables d’en guetter, d’en discerner les signes et les affects, et d’en faire un usage émancipateur. Autrement dit, échapper aux partages binaires, c’est passer, comme nous l’écrivions, « entre », c’est inventer ses propres machines singulières d’émancipation et de résistance."
-Liane Mozère, « Devenir-femme chez Deleuze et Guattari. Quelques éléments de présentation », Cahiers du Genre, 2005/1 (n° 38), p. 43-62. DOI : 10.3917/cdge.038.0043. URL : https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2005-1-page-43.htm
"Le concept de « disparation » développé par Georges Simondon (1964), en s’appuyant sur le fonctionnement de la rétine qui construit une vision qui n’ajoute, ni ne « dépasse » ou subsume la vision de l’œil gauche et de l’œil droit, mais produit la vision binoculaire qui est autre chose que l’addition des deux visions, « fonctionne » d’une façon similaire [à celui du temps comme devenir]. Par coexistence et non par opposition contradictoire. Ou, pour reprendre l’expression de Deleuze et Guattari, « par le milieu » (1980)."
"Affectant des minorités, les mouvements impliquant les forces molaires contribuent déjà à ébranler les rapports de force existants. En effet, ils annoncent, précèdent et anticipent en pointillés la possible libération de forces de vie, de transformation, de créativité par le brouillage des pistes, des lignes, et la redéfinition d’enjeux de pouvoir. Ces mouvements sont potentiellement hantés et illuminés par les forces « moléculaires » qui s’y déploient en quelque sorte déjà, indiquant, « en creux », même de manière provisoire, indécidable et imperceptible, les voies susceptibles de frayer un passage au désir en tant que force de production sociale et politique. Pour le dire autrement, les identités assignées, comme les formes institutionnelles, « fuient » de toutes parts, sont « débordées », submergées par l’exubérance et la multiplicité de ces forces moléculaires qu’elles ne parviennent jamais pleinement et définitivement à juguler."
"Pour « devenir-femme », les femmes doivent emprunter des chemins de traverse, non pour se plier aux arborescences hiérarchisantes, mais ruser et les « fuir » le long de rhizomes qui connectent des univers, des régimes et des registres que rien jusque-là ne prédisposait à se croiser et s’entremêler. Ouvrir des possibles jusque-là impossibles par l’actualisation de modes de subjectivation qui contiennent, trésors tapis au cœur des identitaires injonctions, le joyau des devenirs. Un devenir coexiste en nous qui peut être rendu incandescendant ou vif argent si nous sommes capables d’en guetter, d’en discerner les signes et les affects, et d’en faire un usage émancipateur. Autrement dit, échapper aux partages binaires, c’est passer, comme nous l’écrivions, « entre », c’est inventer ses propres machines singulières d’émancipation et de résistance."
-Liane Mozère, « Devenir-femme chez Deleuze et Guattari. Quelques éléments de présentation », Cahiers du Genre, 2005/1 (n° 38), p. 43-62. DOI : 10.3917/cdge.038.0043. URL : https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2005-1-page-43.htm