"«que feront les gens s'ils ne sont pas obligés de travailler pour gagner leur vie ?», s'interroge l'économiste Daniel Susskind, professeur à Oxford et au King's College, dans son passionnant essai Un monde sans travail (éd. Flammarion). «Feront», et non pas «feraient» car – il le démontre — à force d'avancées technologiques, le travail va se raréfier. Remplacés dans toujours plus de tâches et de métiers, les actifs vont se retrouver poussés vers la sortie.
Reste à savoir de quoi ils vivront, pendant que d'autres verront leur fortune croître grâce aux machines. C'est bien le nœud du problème. D'après Daniel Susskind, ces richesses à venir, accrues, seront concentrées entre les mains de quelques privilégiés. Lui prône un État fort, capable de redistribuer ces richesses via un revenu de base conditionnel - et non pas universel - qui permettrait donc à chacun d'être rémunéré pour son engagement au service de la société. «La menace technologique est réelle, écrit-il : le lien entre travail et revenu risque de rompre. Mais le travail n'est pas seulement une question économique, un job ne se réduit pas à un salaire. II y va du sens de la vie, de son but et de l'épanouissement de chacun.»
notre besoin intrinsèque de travailler, répondent de grands esprits des derniers siècles, jusqu'à Sigmund Freud. Le labeur permet de réguler nos pulsions, de nous épanouir ou de nous transcender, affirment-ils. Mieux : il nous protège de la perdition, à en croire la psychologue sociale autrichienne Marie Jahoda, auteure d'une longue enquête sur des villageois mis au chômage par la fermeture d'une usine dans les années 1930. Résultat ? «Une apathie accrue, une perte de sens de la vie et une malveillance croissante les uns vis-à-vis des autres», rapporte Daniel Susskind. Sans emploi, les habitants errent, marchent lentement, s'arrêtent, désorientés. [...]
Partisan de ce fameux revenu de base conditionnel, Daniel Susskind défend une nouvelle donne collective, plus seulement nourrie du travail mais aussi d'autres activités, utiles à tous, que l'État encouragerait et pour lesquelles il nous rétribuerait. Reste à définir lesquelles. «Des sociétés différentes seront amenées à des conclusions différentes. Mais toutes seront obligées d'expliciter ce qu'elles jugent de valeur ou sans valeur», souligne-t-il. Les unes encourageront peut-être la pratique des arts, comme les Grecs anciens, l'engagement politique, le bénévolat ou la création d'associations. D'autres encore, espère Susskind, revaloriseront les activités et métiers du soin et de l'éducation - parents au foyer, proches aidants, infirmières, enseignants… - si précieux et pourtant peu, ou pas, rémunérés. Comme si la toute-puissante logique de marché était trop étroite pour reconnaître leur valeur."
-Sofiane Zaizoune, "« Nous devrons réfléchir sérieusement aux loisirs » : Daniel Susskind, l'économiste qui prédit un monde sans travail", Madame Figaro, 09/02/2023: https://madame.lefigaro.fr/business/nous-devrons-reflechir-plus-serieusement-aux-loisirs-daniel-susskind-l-economiste-qui-predit-un-monde-sans-travail-20230209
Citer Aristote, Marx prône la réduction de la journée de travail comme Lafargue, Arendt, Anders, Simone Weil, Jeremy Ruskin,