« Mai exauce génialement les vœux du capital, quitte à violer ses tabous et à encourir ses foudres. »
« Mai 68 est le berceau de la nouvelle société bourgeoise. »
"Pouvait-il y avoir concordance de vues entre ceux qui voulaient « être », mieux (les étudiants) et ceux qui voulaient « avoir » plus (les ouvriers), alors que dans les révolutions il s’agit d’abord de « faire » ?"
« La bourgeoisie se trouvait politiquement et idéologiquement en retard sur la logique de son propre développement économique »
-Régis Debray, A modeste contribution, New Left Review, 1979.
"Debray se décida à étudier le phénomène à partir de son issue."
"Mai avait été la lutte engagée contre la bourgeoisie – son idéologie retardataire et sa politique essoufflée – mais pour qu’elle accepte, à son corps défendant, de « satisfaire ses propres intérêts »."
"Disloquée la famille, plus de femmes au foyer, mais bien à corps perdu vers l’usine et les bureaux. Manière pour le féminisme de base de donner un bon coup de main à la féminisation de la main d’œuvre exigée d’en haut."
"La marchandise réclamait de nouveaux débouchés ; on valorisa la différence, et toutes les différences à condition qu’elles multiplient les probabilités de vente."
"La gratitude des dieux de la Trilatérale récompensa largement la jeunesse…
Cette jeunesse du pouvoir, avant de se reclasser dans l’appareil technocratique, fit vraiment de son mieux pour se faire remarquer. En permanence sous les feux de la rampe, elle signa des pétitions par dizaines, inutiles à la cause mais profitables à la renommée. Elle mit la révolte en spectacle et l’amour hors les draps, par épanouissement narcissiste, sous prétexte de la foi en l’absolu (Mai : 95). De l’exhibitionnisme au folklore, comme moyen d’intégration dans une voie normalisée, tout se fit par les mass media, qui choisirent et choyèrent dans les rangs de la contestation les candidats naturels pour diriger cette retraite stratégique qui marqua un point d’arrêt au mouvement collectif et un point de départ à des montées individuelles (Mai : 94-95). Si, recyclés comme pseudo savants, les mutins de Nanterre purent se frayer une carrière dans le show-biz et la jet-society, il avait fallu, outre le culot, qu’en principe 68 ne fut pas une révolution, ni à tout prendre une affaire sérieuse."
"L’heureuse libération sociétale que réclamaient les contestataires s’est enfin réalisée sous forme d’une libéralisation massive du Welfare et des pouvoirs publics. De l’efflorescence des envies individuelles à la privatisation tous azimuts il y eut une cohérence subtile mais continue : la libido, principe destructeur des solidarités sociales qui raya de la devise républicaine tout autre terme limitant la liberté, celle de faire du profit et de le faire par autrui (Mai : 10). Polluée sans arrêt par l’amour fou du fric, de la bringue et du renom, la France peu à peu perdit de son sérieux. Les âmes vénérables de Péguy et de Michelet s’évaporèrent à midi sur les grils de MacDo et leur fumet s’envola vers le ciel des idées mortes (Mai : 12). L’avant-garde française, ayant grimpé d’un bond sur le wagon de queue du convoi américain (Mai : 13), partit allègrement vers la grande frontière qui sépare le business de la civilisation. Le présent liquide se dilua dans l’Océan et tout devint possible, faute de limites."
"68 avait eu 56 et 60 comme ses sinistres préludes, quand la base du Parti n’avait pas suivi les clercs ni dans le désaveu de l’intervention en Hongrie, ni dans le soutien au moudjahiddines de l’ALN."
-Valerio Cordiner, La Curée. Mai 68 selon Régis Debray, L’imaginaire de Mai 68 dans la littérature contemporaine, Publifarum, n. 34, pubblicato il 00/00/2020, consultato il 09/03/2023, url: http://www.farum.it/publifarum/ezine_articles.php?id=476