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    Patrice Vermeren, « 1949 : déclin et mort du bergsonisme ? »

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Patrice Vermeren, « 1949 : déclin et mort du bergsonisme ? » Empty Patrice Vermeren, « 1949 : déclin et mort du bergsonisme ? »

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 12 Juin - 14:28

    "Les enjeux majeurs de la philosophie en 1949 sont centralement le retour à Hegel et l’existentialisme : « La philosophie hégélienne a connu une véritable renaissance, ou mieux, résurrection, et ne le cède qu’à l’existentialisme, avec lequel, d’ailleurs, elle cherche à s’unir » , écrit Alexandre Koyré [Post-scriptum à « Les études hégéliennes en France », Études d’histoire de la pensée scientifique, Armand Colin, 1961], qui y voit trois causes : l’évolution normale, cyclique ou spiraliforme de la pensée scientifique, qui fait réapparaître Hegel après un retour à Kant, à Schelling et à Fichte ; l’accélération de l’histoire, promue – avec Hegel – comme juge suprême de l’homme et de son action ; enfin, − last not least – l’émergence de la Russie soviétique comme puissance mondiale et les victoires des armées et de l’idéologie communiste… [...]

    [Jean Hyppolite] écrit en 1948, dans son Introduction à la « philosophie de l’histoire » de Hegel : « Pour nous, Français, la vision du monde de Hegel, quel que soit le jugement que nous devions porter sur elle, est indispensable à connaître. Selon Hegel, raison et histoire s’interprètent l’une par l’autre… De Descartes à Bergson notre philosophie semble se refuser à l’histoire, elle est plutôt dualiste et cherche la liberté dans la réflexion du sujet sur lui-même. » (p. 94)."

    "Toute la subtilité de l’analyse d’Hyppolite est de cerner le succès de l’existentialisme en le rapportant aux insuffisances de la pensée bergsonienne qui ont généré les critiques portées à son encontre, pour mieux éclairer par le repérage de ses insuffisances les exigences qui sollicitent la pensée existentielle actuelle et la crise de la philosophie actuelle que ces exigences représentent. Tandis que le bergsonisme méconnaissait l’angoisse et dépassait l’existence humaine, les existentialismes en font leur point de départ : Sartre montre ainsi que le projet de l’homme d’être Dieu a la structure d’une impossibilité, et que la réalité humaine ne peut parvenir à cette transcendance (et en ceci il est bien inspiré par la Phénoménologie de l’esprit et la conscience malheureuse hégélienne) ; Jaspers découvre derrière l’échec de l’homme une espérance transcendante révélable par un chiffre, Gabriel Marcel un mystère au seuil duquel nous conduit une réflexion sur la réflexion : « dans les deux cas, la philosophie ne peut aller au-delà de l’existence humaine, elle disparaît dans une action, ou s’achève dans une foi, conséquences qui rendent manifeste une crise de la spéculation philosophique déjà aperçue par Kierkegaard, Marx et Nietzsche »."

    "Le machinisme est indispensable pour nous permettre de dominer la nature, mais ne doit pas devenir source d’asservissement ; la mécanique appelle la mystique, car la libération ne doit ni concerner seulement un petit nombre, ni sombrer dans une organisation de l’humanité pour la production et la consommation. Jean Hyppolite en tire de là une annonce faite chez Bergson, dans cette opposition de la Nature (close) et de l’existence (ouverte), de quelques aspects de la philosophie existentielle actuelle. Sous condition du philosophème : « La philosophie devrait être un effort pour dépasser la condition humaine », Bergson est resté sur le seuil d’une philosophie de l’histoire humaine, allant de l’homme biologique au Surhomme sans s’attarder à l’entre-deux, l’existence humaine. Ici encore, Hyppolite suggère que l’existentialisme commence là où le bergsonisme a laissé les problèmes en suspens.

    On a peut-être une vision rétrospective de Jean Hyppolite, celle qui est portée par ses textes postérieurs, et singulièrement par Logique et existence paru un 1954, qui invalide toute lecture anthropologique ou humaniste de Hegel, et que Gilles Deleuze (qui fut son élève, mais Hyppolite curieusement ne voulut jamais plus en entendre parler, singulièrement pour une charge de cours à l’École Normale Supérieure)."

    "Louis Althusser fustigeant sous la signature pseudonyme de La commission critique du cercle des philosophes communistes dans la revue La Nouvelle Critique « un retour à Hegel qui n’est qu’un avatar de la philosophie bourgeoise en France et un recours désespéré contre Marx dans la forme spécifique que prend le révisionnisme dans la crise finale de l’impérialisme : un révisionnisme de caractère fasciste » [« Le retour à Hegel, dernier mot du révisionnisme universitaire », La Nouvelle Critique, n° 20, nov. 1950, réédité dans Ecrits philosophiques et politiques, Stock/Imec, 1994, 2e éd. Le livre de poche, 1999, t. 1.] [...] Ce jugement radical est porté par un philosophe qui a soutenu son diplôme d’études supérieures devant Bachelard avec un mémoire intitulé Du contenu dans le pensée de G. W. F. Hegel en 1947, et qui nomme et décrit comme la bévue de Jean Hyppolite (dans une lettre à Jean Lacroix datée du 25 décembre 1949, mais son biographe François Matheron dit qu’elle fut plutôt écrite entre le 25 décembre 1950 et le 21 janvier 1951), la prétention d’attribuer à Marx l’idée d’une fin de l’histoire. Pour Althusser au contraire, on ne peut trouver dans ses écrits ni le mot, ni le concept, tandis qu’elle est bien présente dans les écrits de 1807 chez Hegel, à cause de sa conception de l’histoire comme Aliénation de la conscience de soi."

    "Quel est l’argument de l’exécution philosophique de Bergson par Auguste Cornu ? Il est intéressant de remarquer qu’il s’agit encore de penser ensemble Bergsonisme et Existentialisme, mais cette fois-ci dans une forme spécifique de continuité : celle d’être deux philosophies de la réaction, constitutives de la philosophie idéaliste français contemporaine, expressions idéologiques du déclin de la bourgeoisie, tendant non plus à transformer ou à justifier le réel, mais à s’en évader 1) Le rationalisme classique avait été l’idéologie de la bourgeoisie ascendante, rejetant la notion d’un ordre préétabli, immuable, éternel, ce qui lui avait permis de combattre au nom de la raison le régime féodal, en affirmant le primat de l’être sur la conscience et en réinventant la notion de progrès. 2) Après la Révolution française, la bourgeoisie passe de la révolution à la conservation, et le positivisme – évolutionnisme et déterminisme mécaniste non-dialectique – est l’idéologie de la bourgeoisie dominante. 3) Avec Lachelier et Boutroux, on passe à l’idéalisme subjectif, qui pose le primat de la conscience sur l’être et signe le détachement de la bourgeoisie de la réalité concrète. Lachelier fait de l’esprit la réalité essentielle et l’élément créateur du monde, désormais dirigé par une raison consciente des finalités, mais il n’insère pas l’esprit dans le monde comme Hegel, il dissocie au contraire l’idée et le réel concret, comme Boutroux, lui-même ennemi du mécanisme et du déterminisme, montrant que plus on s’éloigne de la matière inorganique pour se rapprocher de la vie et de la pensée, plus la finalité qui oriente le monde vers la liberté remplace la nécessité et la causalité. Cornu voit cependant dans l’idéalisme objectif une limitation fatale : en restant à un esprit personnel, il ne parvient pas à rendre compte du caractère individuel de la conscience humaine. Et conformément à la substructure marxiste qui fonde sa pensée, il montre que parce que les contradictions du capitalisme portent la bourgeoisie décadente à s’isoler de plus en plus du réel, il y a traduction de cette tendance au plan idéologique par l’opposition entre l’esprit et la réalité concrète. Le néokantisme va dépasser la phénoménologie de Kant, pour qui la connaissance, fût-elle relative, répondait aux lois universelles du monde, en l’utilisant pour réduire la réalité essentielle au sujet pensant, et les Blondel, Hamelin, Brunschvicg feront appel à Hegel pour résoudre le problème du temps : mais ils sont infidèles à Hegel, historiquement et dialectiquement, ils vont vers une métaphysique de l’absolu. 4) On passe alors de l’idéalisme objectif au spiritualisme subjectif, et ce processus, c’est Bergson qui l’achèvera. Bergson vient donc au terme d’un parcours qui va du rationalisme au positivisme et de l’idéalisme subjectif au spiritualisme objectif. L’idéologie de la bourgeoisie ascendante, après s’être transformée en idéologie de la bourgeoisie dominante, doit désormais s’adapter à la nouvelle conjoncture historique : le déclin de la bourgeoisie. Bergson en est le personnage philosophique central.

    Quels sont les habits de ce personnage, comment décrire le dispositif spéculatif qui le mène à incarner la réaction ? Cornu procède en cinq temps. 1) Bergson est un philosophe idéaliste, il est l’héritier de ceux qui l’ont précédé, il dissocie le sujet de son objet, le réel se réduit pour lui aux états de conscience, et c’est là la fonction de son concept d’élan vital. 2) Dissociant la vie humaine de la réalité et de l’activité concrète, il substitue à la raison connaissante qui se donne pour objet le monde, la perception directe du déroulement continu de la vie intérieure : soit l’intuition directe du vécu. 3) Rejetant le rationalisme déterministe, incapable de rendre compte de l’irréductibilité de la vie aux abstractions de la pensée et aux mécanismes physiques, il procède d’une critique radicale de l’intelligence et de la science. 4) Dans un emprunt peu explicite au romantisme réactionnaire allemand, Bergson développe une conception vitaliste du monde où l’essentiel du réel est réduit à la vie de l’esprit  5) Cette dernière, en tant qu’elle est pur jaillissement de l’élan vital, du Moi profond, n’est pas du coté du temps objectif ou dans l’espace, mais dans le temps subjectif, vécu, qui n’est autre chose que la durée des états de conscience. Bergson, héritier de la philosophie romantique allemande et singulièrement de Schelling, adhère à une conception vitaliste du monde et achève la critique du rationalisme déterministe. La philosophie de Bergson a le défaut de se centrer sur le qualitatif et le subjectif jusqu’à en faire l’élément essentiel de la vie humaine, il réduit le rationnel et hypertrophie l’irrationnel, il promeut l’intuition contre l’intelligence qu’il disqualifie, et l’analyse intérieure contre l’activité concrète, il va donc à l’encontre du développement général de l’histoire, qui tend à une rationalisation de plus en plus grande du réel concret et de la vie humaine par l’action : « Le caractère réactionnaire, écrit Cornu, détermine les traits essentiels de sa philosophie ».

    Le hégélianisme et le marxisme avaient fondé leur critique du rationalisme mécaniste sur la notion d’action, en conséquence de quoi la liaison du temps et de l’espace que celle-ci implique autorisait l’appropriation de la réalité concrète dans son développement dialectique et l’adaptation à cette conception du monde d’un certain type de pensée. Bergson fonde quant à lui sa critique sur un dispositif spéculatif qui oppose le temps objectif, cadre du développement du réel concret, et le temps subjectif, temps vécu ou durée, qui opère une réduction de la vie humaine au déroulement des états de conscience et discrédite l’intelligence et la raison au bénéfice de l’instinct et du vécu. Le surgissement de la vie devient la loi du monde, et la philosophie de la vie, de l’élan vital, légitime une conception de la liberté qui ne met pas en scène celle-ci dialectiquement dans son rapport avec le déterminisme des relations de l’homme avec son milieu naturel et social, mais métaphysiquement, en soi. Cornu puise ici directement dans Politzer et dans Lukacs, pour établir que, en tant que la morale de Bergson concerne l’activité pure du Moi, et donc la plus éloignée de l’activité pratique dirigée par une volonté rationnelle, cette morale n’a pas pour fin la libération effective de l’homme, mais une autonomie totale et irréelle du Moi considéré dans l’absolu, elle peut être en accord avec le pire esclavage dans la mesure où la conscience l’accepte, et elle justifie indirectement l’ordre établi. La raisonnement de Cornu conduit donc à l’assignation d’une place charnière de Bergson entre l’idéalisme objectif et le spiritualisme subjectif, dans une histoire de la philosophie bourgeoise aboutissant à un irrationalisme fondamental, tant sur le plan conceptuel que sur le plan moral. Bergson sert de prélude à l’existentialisme auquel il ouvre la voie par la substitution du sujet individuel au sujet transcendantal de l’idéalisme objectif, comme expression de la réalité essentielle.

    L’existentialisme, quant à lui, traduira dans l’idéologie la faillite de la bourgeoisie après la seconde guerre mondiale, et Jean-Paul Sartre, enlevant à la fois au monde intérieur et au Moi toute réalité substantielle, les réduit tous deux à l’absurde et au Néant. Ecrivant ceci, Cornu ne peut ignorer d’autres écrits antérieurs, comme le livre posthume de Henri Mougin : La Sainte Famille existentialiste, dédié à Georges Politzer et paru aux éditions sociales en 1947 avec une préface de Jean Kanapa à partir d’un manuscrit inédit et retouché, comme le sera la réécriture stalinienne des Principes élémentaires de philosophie de Politzer par Guy Besse et Maurice Caveing en 1954. Il s’agit d’une variante sur fond commun : là où Sartre prétend produire une philosophie qui dépasserait le marxisme, un existentialisme qui serait « une description vraie de la nature et des relations humaines », les communistes répondent que l’existentialisme, loin de le compléter, contredit le marxisme (Roger Garaudy), que Sartre avec ses objections démontre seulement qu’il est incapable de comprendre celui-ci (Lukacs), et que l’existentialisme n’a comme ambition que de l’attaquer pour lui substituer une idéologie débilitante et abstraite (Jean Kanapa). Idéalisme déguisé, l’existentialisme est subjectiviste et ne peut penser la spécificité du social. Sartre optant pour un individualisme méthodologique est condamné à ne pouvoir décrire que la société individualiste et bourgeoise, et développant une conception idéaliste de la matière, il est aussi anti-scientifique et méconnaît la dialectique de la nature, en conséquence de quoi l’existentialisme, par son absence de méthode scientifique, par sa dérive idéaliste, métaphysique et subjectiviste de la réalité, a pour nature, structure et fonction idéologique d’être antimarxiste et de s’opposer objectivement à toute transformation de la société. Soit un dispositif argumentatif qui fait de Sartre, malgré lui, l’héritier de Bergson. Pour Mougin (qui a consacré un ouvrage à l’utopiste Pierre Leroux, « un grand doctrinaire des classes moyennes »), la philosophie française de la première moitié du XXe siècle a remplacé l’effort hégélien − élaborer un nouveau type de démarche rationnelle adapté à l’objet temps, comme la raison cartésienne l’était à l’espace cartésien – par le bergsonisme, système philosophique monopolistique du problème du temps qui l’a enfermé dans un système irrationaliste −. Jean Kanapa, extrapole : « Devant la vanité et l’impuissance du spiritualisme traditionnel à s’assimiler les nouvelles dimensions philosophiques : − temps, histoire, dialectique, action – l’idéalisme va devoir tenter une nouvelle manœuvre. Cette manœuvre sera l’existentialisme. Manœuvre aisée en fin et compte, bien que périlleuse, car l’idéalisme français est gros de l’existentialisme ».

    Auguste Cornu argumente : « Contre l’anti-hégélianisme marxiste : Bergson exploite le monopole du temps. Mais justement, pour traiter du temps, il faut d’abord nier le temps de la science et retrouver le temps vécu, la durée, le temps de la conscience, il faut un idéalisme du temps […]. L’idéalisme du temps présente les relations temporelles comme intelligibles. Il ne prétend rejoindre que l’expérience vécue du subjectivisme existentialiste. Il y a détermination subjectiviste de la « structure hégélienne du temps ». Il y a en même temps affirmation de l’irrationnel existentialiste, c’est-à-dire d’un irrationalisme absolu, qui résiste à toute dialectique rationalisante. S’il faut mourir à l’intelligence et lui tourner le dos pour retrouver l’élan vital, installé dans l’évolutionnisme biologique pour le neutraliser et dans le subjectivisme pour neutraliser la voie scientifique, Bergson tord cet évolutionnisme pour en tirer une doctrine antinaturaliste du vécu : le fidéisme : au bout de l’élan vital, il y a la place de Dieu ». Guy Besse et Maurice Caveing, écrivent quant à eux quatre ans plus tard que le chef de file des idéologues bourgeois de 1900 à 1914 et au-delà, Henri Bergson, affirme que le monde est fait d’images, lesquelles n’ont d’existence que dans notre conscience ; que le cerveau, n’étant lui-même qu’une image, n’existerait pas sans la conscience ; la conscience est une réalité indépendante servie par le cerveau, et préexiste à lui ; en conséquence de quoi la mémoire peut subsister, si le cerveau est atteint, dans l’inconscient. Et les auteurs de rappeler que Politzer, dans La fin d’une parade philosophique : le bergsonisme, rappelle la signification historique très matérielle de cette philosophie de l’esprit : Bergson se mettant en 1914 au service des intérêts des impérialistes français et présentant le peuple allemand comme la matière vidée d’esprit. Tandis que le machinisme est donné comme la cause des maux de la civilisation, et non le capitalisme : « On reconnaît là encore la vieille calomnie du matérialisme, Bergson joue ainsi son rôle d’idéologue chevronné de la réaction pour détourner les gens des véritables questions et déconsidérer la science ». Sur le même mode, sera bientôt établie la filiation Ravaisson/Bergson/Merleau-Ponty, dont l’origine est assignée à l’idéalisme et l’irrationalisme allemands, celle d’une pensée illusoirement indépendante de la bourgeoisie, dans la société bourgeoise."

    "Pour Jean Hyppolite, le succès de l’existentialisme est à rapporter aux insuffisances du bergsonisme et n’est pas incompatible avec le hégélianisme. Pour les marxistes, Bergson est l’ennemi de Hegel, et dans le projet de sortir de Hegel, il prépare le terrain à l’existentialisme. Déclin et mort du bergsonisme en 1949 ? Au même moment, deux autres voix se font entendre, qui ouvrent pour l’époque des voies d’avenir au bergsonisme. Il y aurait d’abord celle de Henri Gouhier, resituant le bergsonisme dans l’histoire de la philosophie française en 1950 et assignant à cette philosophie d’avoir été un scientisme, essentiellement une philosophie de la nature et de demeurer comme une philosophie de l’acte créateur. Un scientisme contre le scientisme du xixe siècle, un évolutionnisme « vrai » où ne manque pas l’évolution, comme chez Spencer, une métaphysique « positive »."

    "Jean Wahl l’a fortement perçu et exprimé : « Quelques philosophes partis de l’intellectualisme comme Ruyer ou Canguilhem », écrit-il en 1950, « quand ils arrivent à affirmer l’irréductibilité des phénomènes vitaux aux phénomènes mécanistes, se trouvent en accord avec les théories de Bergson » [...] Montrant que la fabrication de l’outil était un prolongement de l’élan vital, et que la technique est une fonction du vivant, Bergson a permis de penser que la vie exige l’exploitation de la matière et que les outils sont des organes artificiels qui prolongent les organes du vivant : il n’y a pas rupture entre biologique et technologique, et Canguilhem présente la technique, dans la filiation bergsonienne, comme un continuation de l’effet des normes vitales."

    "On peut comprendre comment un retour à Bergson est possible, qui le situe à l’origine de l’une des deux traditions philosophiques françaises, qu’Alain Badiou donne comme philosophie de la vie et du devenir, postulant une identité de l’être et du changement, et qui aurait été d’abord une philosophie de l’intériorité vitale, un mysticisme vitaliste, de Bergson à Deleuze, en passant par Canguilhem, Foucault et Simondon, et qu’il oppose à une philosophie du concept appuyée sur les mathématiques, une philosophie de la pensée et du symbolique dont l’origine serait Brunschvicg (idéalisme mathématisant), passant par Cavaillès, Lautman, Desanti, et les figures contemporaines de Lévi-Strauss, Althusser, Lacan et Badiou lui-même."
    -Patrice Vermeren, « 1949 : déclin et mort du bergsonisme ? », Cahiers critiques de philosophie, 2009/1 (n°7), p. 95-111.



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