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    André Gide, Retour de l'U.R.S.S. & autres oeuvres

    Johnathan R. Razorback
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    André Gide, Retour de l'U.R.S.S. & autres oeuvres Empty André Gide, Retour de l'U.R.S.S. & autres oeuvres

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 21 Déc - 13:57

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Gide

    http://www.gutenberg.ca/ebooks/gide-urss/gide-urss-00-h.html

    "C'est témoigner mal son amour que le borner à la louange."

    "Ce qui m'y importe c'est l'homme, les hommes, et ce qu'on en peut faire, et ce qu'on en a fait. La forêt qui m'y attire, affreusement touffue et où je me perds, c'est celle des questions sociales. En U.R.S.S. elles vous sollicitent, et vous pressent, et vous oppressent de toutes parts."

    "Durant les mois d'été presque tout le monde est en blanc. Chacun ressemble à tous. Nulle part, autant que dans les rues de Moscou, n'est sensible le résultat du nivellement social: une société sans classes, dont chaque membre paraît avoir les mêmes besoins. J'exagère un peu; mais à peine. Une extraordinaire uniformité règne dans les mises; sans doute elle paraîtrait également dans les esprits, si seulement on pouvait les voir. Et c'est aussi ce qui permet à chacun d'être et de paraître joyeux."

    "Alors, je pense (en dépit de mon anticapitalisme) à tous ceux de chez nous qui, du grand industriel au petit commerçant, se tourmentent et s'ingénient: qu'inventer qui flatterait le goût du public? Avec quelle subtile astuce chacun d'eux cherche à découvrir par quel raffinement il pourra supplanter un rival! De tout cela, l'Etat n'a cure, car l'Etat n'a pas de rival. La qualité?—«A quoi bon, s'il n'y a pas de concurrence», nous a-t-on dit. Et c'est ainsi que l'on explique trop aisément la mauvaise qualité de tout, en U.R.S.S. et l'absence de goût du public. Eût-il «du goût» il ne pourrait le satisfaire. Non; ce n'est plus d'une rivalité mais bien d'une exigence à venir, développée progressivement par la culture, que dépend ici le progrès. En France, tout irait sans doute plus vite, car l'exigence existe déjà."

    "J'ai visité plusieurs des habitations de ce kolkhoze très prospère... Je voudrais exprimer la bizarre et attristante impression qui se dégage de chacun de ces « intérieurs »: celle d'une complète dépersonnalisation. Dans chacun d'eux les mêmes vilains meubles, le même portrait de Staline, et absolument rien d'autre; pas le moindre objet, le moindre souvenir personnel. Chaque demeure est interchangeable; au point que les kolkhoziens, interchangeables eux-mêmes semble-t-il, déménageraient de l'une à l'autre sans même s'en apercevoir. Le bonheur est ainsi plus facilement obtenu certes! C'est aussi, me dira-t-on, que le kolkhosien prend tous ses plaisirs en commun. Sa chambre n'est plus qu'un gîte pour y dormir; tout l'intérêt de sa vie a passé dans le club, dans le parc de culture, dans tous les lieux de réunion. Que peut-on souhaiter de mieux ? Le bonheur de tous ne s'obtient qu'en désindividualisant chacun. Le bonheur de tous ne s'obtient qu'aux dépens de chacun. Pour être heureux, soyez conformes. [...] Cette dépersonnalisation, à quoi tout, en U.R.S.S., semble tendre, peut-elle être considérée comme un progrès ? Pour ma part, je ne puis le croire."

    "En U.R.S.S. il est admis d'avance et une fois pour toutes que, sur tout et n'importe quoi, il ne saurait y avoir plus d'une opinion. Du reste, les gens ont l'esprit ainsi façonné que ce conformisme leur devient facile, naturel, insensible, au point que je ne pense pas qu'il y entre de l'hypocrisie. Sont-ce vraiment ces gens-là qui ont fait la révolution? Non; ce sont ceux-là qui en profitent. Chaque matin, la Pravda leur enseigne ce qu'il sied de savoir, de penser, de croire. Et il ne fait pas bon sortir de là! De sorte que, chaque fois que l'on converse avec un Russe, c'est comme si l'on conversait avec tous. Non point que chacun obéisse précisément à un mot d'ordre; mais tout est arrangé de manière qu'il ne puisse pas dissembler. Songez que ce façonnement de l'esprit commence dès la plus tendre enfance... De là d'extraordinaires acceptations dont parfois, étranger, tu t'étonnes, et certaines possibilités de bonheur qui te surprennent plus encore.

    Tu plains ceux-ci de faire la queue durant des heures; mais eux trouvent tout naturel d'attendre. Le pain, les légumes, les fruits te paraissent mauvais; mais il n'y en a point d'autres. Ces étoffes, ces objets que l'on te présente, tu les trouves laids; mais il n'y a pas le choix. Tout point de comparaison enlevé, sinon avec un passé peu regrettable, tu te contenteras joyeusement de ce qu'on t'offre. L'important ici, c'est de persuader aux gens qu'on est aussi heureux que, en attendant mieux, on peut l'être; de persuader aux gens qu'on est moins heureux qu'eux partout ailleurs. L'on n'y peut arriver qu'en empêchant soigneusement toute communication avec le dehors (j'entends le par delà les frontières)
    ."

    "Nous ne pouvons douter hélas! que les instincts bourgeois, veules, jouisseurs, insoucieux d'autrui, sommeillent au coeur de bien des hommes en dépit de toute révolution. [...] Cet état d'esprit petit-bourgeois qui, je le crains, tend à se développer là-bas, est, à mes yeux, profondément et foncièrement contre-révolutionnaire."

    "La moindre protestation, la moindre critique est passible des pires peines, et du reste aussitôt étouffée. Et je doute qu'en aucun autre pays aujourd'hui, fût-ce sans l'Allemagne de Hitler, l'esprit soit moins libre, plus courbé, plus craintif (terrorisé), plus vassalisé."

    "Staline, dans l'établissement du premier et du second plan quinquennal, fait preuve d'une telle sagesse."

    "Dictature de prolétariat nous promettait-on. Nous sommes loin de compte. Oui: dictature, évidemment; mais celle d'un homme, non plus celle des prolétaires unis, des Soviets. Il importe de ne point se leurrer, et force est de reconnaitre tout net: ce n'est point là ce qu'on voulait. Un pas de plus et nous dirons même: c'est exactement ceci que l'on ne voulait pas."

    "Je crois que la valeur d'un écrivain est liée à la force révolutionnaire qui l'anime, ou plus exactement (car je ne suis pas si fou que de ne reconnaître de valeur artistique qu'aux écrivains de gauche): à sa force d'opposition. Cette force existe aussi bien chez Bossuet, Chateaubriand, ou, de nos jours, Claudel, que chez Molière, Voltaire, Hugo et tant d'autres. Dans notre forme de société, un grand écrivain, un grand artiste, est essentiellement anticonformiste. Il navigue à contre courant."

    "S'il doit répondre à un mot d'ordre, l'esprit peut bien sentir du moins qu'il n'est pas libre. Mais s'il est ainsi préformé qu'il n'attende même plus le mot d'ordre pour y répondre, l'esprit perd jusqu'à la conscience de son asservissement. Je crois que l'on étonnerait beaucoup de jeunes soviétiques, et qu'ils protesteraient, si l'on venait leur dire qu'ils ne pensent pas librement."
    -André Gide, Retour de l'U.R.S.S., 1936.

    "L'ignorance, le déni de l'Evangile et de tout ce qui en a découlé, ne va point sans appauvrir l'humanité, la culture, d'une très lamentable façon. Je ne voudrais point que l'on me suspectât ici et flairât quelque relent d'une éducation et d'une conviction premières. Je parlerais de même à l'égard des mythes grecs que je crois, eux aussi, d'un enseignement profond, permanent. Il me paraît absurde de croire à eux; mais également absurde de ne point reconnaître la part de vérité qui s'y joue et de penser que l'on peut s'acquitter envers eux avec un sourire et un haussement d'épaules."
    -André Gide, Retour de l'U.R.S.S., Annexe IV "La lutte anti-religieuse", 1936.

    "Le sort de la culture est lié dans nos esprits au destin même de l'U.R.S.S.. Nous la défendrons."
    -André Gide, Discours prononcé sur la place rouge à Moscou pour les funérailles de Maxime Gorki, 20 juin 1936.





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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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