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    Paul Sérant, Les Dissidents de l'Action française + Le Romantisme fasciste

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Dim 30 Déc 2018 - 18:11

    "Presque oublié aujourd'hui, Georges Valois fut l'un des écrivains politiques important du début du siècle. Ayant dû abandonner ses études à l'âge de 15, à cause de ses origines populaires, il avait été rapidement attiré par les milieux de gauche. Il commença par fréquenter différents groupes de tendance libertaire: L'Art social, de Charles-Louis Philippe, Les Temps nouveaux, de Jean Grave, L'Humanité nouvelle, de Charles Albert et Hamon. Parmi les collaborateurs de la revue qu'animait L'Humanité nouvelle figurait notamment Georges Sorel, qui devait exercer sur Valois une influence décisive." (p.35)

    "Influencé par Sorel, et aussi par la pensée de Proudhon et de Nietzsche, Georges Valois écrivit son premier livre: L'homme qui vient, philosophie de l'autorité. C'était l’œuvre d'un militant syndicaliste révolté par la corruption démocratique, aspirant à un régime fort. Ce régime, Georges Valois pensait que ce devait être la monarchie: il la concevait "comme un pouvoir réalisant ce que la démocratie n'avait pu faire contre la ploutocratie". Ayant présenté son manuscrit à Paul Bourget, celui-ci le communiqua à Charles Maurras. Telle fut l'origine des relations entre l'ancien socialiste libertaire et le directeur de L'Action française." (p.36)

    "Relatant après sa rupture avec Maurras son premier contact avec celui-ci, Valois écrivait: "C'est sur le problème économique et social que nous nous heurtâmes immédiatement. Dans la suite, Maurras s'abstint de renouveler cette dispute. Sa décision avait été prise ; il avait compris qu'il était préférable de m'associer à son œuvre et de m'utiliser en s'efforçant de m'empêcher de produire toute la partie de mon œuvre qu'il n'acceptait pas". On comprend sans peine que ce que Valois gardait d'esprit socialiste et révolutionnaire n'ait pas convenu à Maurras. Il ne faut pas oublier cependant qu'à cette époque Maurras s'exprimait en termes fort sévères contre le capitalisme, auquel il opposait l'esprit corporatif de l'Ancien Régime. Tout en défendant les principes d'ordre et d'autorité, il n'hésitait pas à défendre les syndicats contre le faux ordre et l'autorité abusive des dirigeants républicains. C'est ainsi qu'il fut le seul grand journaliste de droite à flétrir la sanglante répression organisée par Clemenceau, président du Conseil, contre les grévistes de Draveil, dans les derniers jours de juillet 1908:
    "Cuirassiers, dragons et gendarmes", écrivait Maurras dans
    L'Action française [1er et 4 août 1908], se sont battus comme nos braves troupes savent se battre. A quoi bon ? Pourquoi ? Et pour qui ?
    "Nous le savons. C'est pour le vieillard à peine moins sinistre que Thiers, à peine moins révolutionnaire, puisse venir crier à la tribune qu'il est l'ordre, qu'il est la propriété, qu'il est le salut. Nous ne dirons pas à ce vieillard sanglant qu'il se trompe. Nous lui dirons qu'il ment. Car il a voulu ce carnage. Cette tuerie n'est pas le résultat de la méprise ou de l'erreur. On ne peut l'imputer à une faute de calcul. Il l'a visée... Ce fidèle ministre d'Édouard VII ne mérite pas d'être flétri en langue française. L'épithète qui lui revient, je la lui dirai en anglais, où elle prendra quelque force: Bloody !"
    Les jours suivants, Maurras écrivait encore:
    "La journée de Draveil a été ce qu'on a voulu qu'elle fût. M. Clemenceau n'a pratiqué ni le système du laisser-faire ni le système des justes mesures préventives, parce que dans les deux cas, surtout dans le second, il y avait d'énormes chances d'éviter cette effusion de sang qu'il lui fallait pour motiver les arrestations de vendredi et pour aboutir à l'occupation administrative et à la pénétration officielle de la Confédération générale du travail."
    Il est normal que le Maurras de cette époque ait pu attirer Georges Valois.
    " (p.36-37)

    "Il attira aussi, pendant quelque temps, Georges Sorel lui-même: "Je ne pense pas, écrivait ce dernier à Pierre Lasserre en juin 1909, que personne (sauf probablement Jaurès) confonde l'ardente jeunesse qui s'enrôle dans l'Action française avec les débiles abonnés du Gaulois." (p.38)

    "En 1922, l'idée de rallier les élites du monde du travail à la solution monarchiste plus semblait donc assez vaine. [...]
    Son idée principale était de lancer à travers toute la France une "convocation des états généraux", créant ainsi la représentation réelle avec des forces nationales, par opposition à la représentation artificielle du parlementarisme. Maurras pouvait difficilement être contre un principe aussi conforme à sa doctrine, et notamment à sa fameuse distinction entre le pays réel et le pays légal. Il donna donc son accord pour ce projet. Celui-ci n'eut qu'un commencement de réalisation, l'assassinat par une militante anarchiste du meilleur ami de Valois à l'Action française, Marius Plateau, ayant interrompu le travail en cours. Les autres dirigeants de l'Action française étaient plus ou moins hostiles au projet de Valois, auquel ils préféraient la préparation de leur participation aux élections de 1924. Mais, à ces élections, les candidats de l'Action française furent largement battus.
    C'est alors que Georges Valois songea à mener son combat en marge de l'Action française, sans rompre cependant avec celle-ci. Il prépara notamment "une action en direction des communistes, pour extraire des milieux communistes des éléments qui n'étaient attachés à Moscou que par déception de n'avoir pas trouvé jusque-là un mouvement satisfaisant pour les intérêts ouvriers". Naturellement, l'action comportait une large participation ouvrière à tout le mouvement, par incorporation de militants ouvriers au premier rang du mouvement.
    Pour appuyer cette action, Valois décidait de créer un hebdomadaire,
    Le Nouveau Siècle.
    Dans le premier numéro du journal, paru le 25 février 1925, on peut lire une déclaration que vingt-huit personnalités -parmi lesques Jacques Arthuys, Serge André, René Benjamin, André Rousseaux, Henri Ghéon, Georges Suarez, Jérôme et Jean Tharaud, Henri Massis- ont signée aux côtés de Valois. Le Nouveau siècle, y lit-on notamment, est fondé pour "exprimer l'esprit, les sentiments, la volonté" du siècle nouveau né le 2 août 1914. Il luttera pour les conditions de la victoire, que l'on a volée aux combattants: "Un chef national, la fraternité française, une nation organisée dans ses familles, ses métiers et ses provinces, la foi religieuse maîtresse d'elle-même et de ses œuvres ; la justice de tous et au-dessus de tous".
    "Nous travaillerons, disent encore les signataires, à former ou à reformer les légions de la victoire, légions de combattants, de chefs de famille, de producteurs, de citoyens". On peut penser qu'il s'agit de faire la liaison entre différents mouvements nationaux tels que l'Action française, les Jeunesses patriotes et quelques autres. Mais le 11 novembre de cette même année 1925, Georges Valois annonce la fondation d'un nouveau mouvement, le Faisceau qui sera divisé en quatre sections: Faisceau des combattants, Faisceau des producteurs, Faisceau civique et Faisceau des jeunes.
    " (p.46-47)

    "Valois fut bientôt désagréablement surpris de voir que Maurras cherchait à faire subventionner L'Action française par le principal commanditaire de son propre hebdomadaire, qu'il avait lui-même encouragé à aider L'Action française à un moment donné.
    D'autres difficultés surgirent. Maurras reprocha à Valois l'orientation qu'il donnait à sa maison d'édition. Mais Valois eut surtout le sentiment que les campagnes de son hebdomadaire "concernant les finances, la monnaie et la bourgeoisie" déplaisaient souverainement, sinon à l'Action française elle-même, du moins à certaines personnalités politiques ou financières avec lesquelles
    l'Action française ne voulait pas se mettre en mauvais termes. Un incident vint transformer ces difficultés en pure et simple rupture. Tout en animant son hebdomadaire, Valois continuait à donner des articles à L'Action française. Maurras lui écrivit à propos de l'un d'eux, regrettant de ne pas avoir pu supprimer cet article faute de temps, et se livrant à une vive critique de fond:
    "Il suffit de répondre "non" à telle ou telle de vos questions pour laisser en l'air toute votre thèse. Il n'est pas vrai que "la" bourgeoisie soit l'auteur responsable du parlementarisme. Le régime est au contraire né au confluent de l'aristocratie et d'une faible fraction de la bourgeoisie. [...] Les éléments protestants, juifs, maçons, métèques y ont joué un très grand rôle. L'immense, la déjà immense bourgeoisie française n'y était pour rien. Pour rien.
    "Maigre rectification historique ? Je veux bien. Mais voici la politique, et cela est grave. Depuis vingt-six ans, nous nous échinons à circonscrire et à limiter l'ennemi ; à dire: non, la révolution, non le parlementarisme, non, la république, ne sont pas nés de l'effort essentiel et central du peuple français, ni de la plus grande partie de ce peuple, de sa bourgeoisie. Malgré tous mes avis, toutes mes observations et mes adjurations, vous vous obstinez au contraire, à la manœuvre inverse, qui est d'élargir, d'étendre, d'épanouir, de multiplier l'ennemi ; c'est, maintenant, le bourgeois, c'est-à-dire les neuf dixièmes de la France. Eh bien, non et non, vous vous trompez, non seulement sur la théorie, mais sur la méthode et la pratique. Vous obtenez des résultats ? Je le veux bien. On dirait en Provence que vous aurez une sardine en échange d'un thon. Je manquerais à tous mes devoirs si je ne vous le disais pas en toute clarté. Personne ne m'a parlé, je n'ai vu personne depuis que j'ai lu cet article et ai dû le laisser passer, et si je voyais quelqu'un, je le défendrais en l'expliquant, comme il m'est arrivé si souvent ! Mais, en conscience, j'ai le devoir de vous dire que vous vous trompez et que cette politique détaille.
    Je ne puis l'admettre à l'Af."
    Pour Georges Valois, l'explication de l'attitude de Maurras était claire: "Maurras et ses commanditaires avaient toléré ma politique ouvrière, tant qu'ils avaient pu la mener sur le plan de la littérature, mais du jour où je déclarais que nous passions à l'action pratique, on voulait m'arrêter net".
    Entre les deux hommes, une explication décisive eut lieu. Maurras reprocha notamment à Valois de détourner de l'argent de
    L'Action française vers son propre hebdomadaire. Valois contesta bien entendu cette affirmation, et démissionna de l'Action française et des organisations annexes de celle-ci auxquelles il appartenait.
    La rupture était-elle fatale ? Y avait-il réellement incompatibilité totale entre la pensée de Maurras et celle de Valois ? Il est intéressant d'examiner à ce propos les "bonnes feuilles" d'un livre de Valois, parues dans l'
    Almanach de l'Action française de 1925 -c'est-à-dire un peu plus d'un an avant sa rupture avec celle-ci-, livre intitulé: La Révolution nationale. (Notons en passant que c'est probablement à Valois que le gouvernement du Maréchal Pétain emprunta le slogan du nouveau régime de 1940).
    Valois affirme d'abord que l'Etat français a crée une situation révolutionnaire, parce qu'il s'est révélé "totalement incapable d'imaginer et d'appliquer les solutions à tous les problèmes nés de la guerre". Et selon Valois, cette révolution a commencé le 12 août 1914 avec ce que Maurras a appelé la monarchie de la guerre: c'est le moment où l'esprit héroïque s'est substitué à l'esprit mercantile et juridique. Mais après l'armistice, l'esprit bourgeois a repris le dessus, et cet esprit a perdu la victoire. Les patriotes le comprennent, ils se rendent compte qu'ils doivent détruire l'Etat libéral et ses institutions politiques, économiques sociales, et le remplacer par un Etat national.
    " (p.48-50)

    "L’œuvre de la révolution nationale ne se limitera pas à la restauration de l'Etat ; celle-ci étant accomplie, la France prendra l'initiative d'une politique européenne:
    "Alors, sous son inspiration [la France], les peuples formeront le faisceau romain, le faisceau de la chrétienté, qui refoulera la barbarie en Asie ; il y aura de nouveau une grande fraternité européenne, une grande paix romaine et franque, et l'Europe pourra entrer dans le grand siècle européen qu'ont annoncé les combattants, et dont les premières paroles ont été celles que Maurras a prononcées au début de ce siècle, lorsque par l'
    Enquête sur la monarchie, il rendit à l'esprit ses disciplines classiques"." (p.52)

    "A la fin de l'année 1925, le Faisceau bénéficiait de concours assez importants pour que Valois pût décider de transformer Le Nouveau Siècle hebdomadaire en quotidien.
    Mais, pour ses anciens compagnons de l'Action française, Georges Valois devenait ainsi un gêneur et même un traître, dont il fallait au plus vite ruiner l'influence. En décembre 1925, les camelots du roi réussirent à interrompre une réunion du Faisceau. Un peu plus tard, les militants de Valois se vengèrent en organisant une "expédition" dans les locaux de
    L'Action française. Le quotidien de Maurras déclencha une très violente campagne contre Valois, qu'il accusait d'être en rapport avec la police, d'avoir volé les listes d'adresses de l'Action française au profit de son mouvement, d'avoir indûment conservé la Nouvelle Librairie nationale, d'émarger aux fonds secrets, et enfin d'être à la solde d'un gouvernement étranger, le gouvernement italien.
    Après une année de polémiques, Valois intenta un procès à l'Action française. Ce fut l'un des plus importants procès  de presse de cette époque
    ."
    (p.53-54)

    "En 1927, le Faisceau déclinait rapidement ; Le Nouveau Siècle quotidien redevenait hebdomadaire et disparut l'année suivante. Cet échec avait plusieurs causes. La violente campagne de l'Action française contre Valois impressionnait vivement les sympathisants de celle-ci et l'ensemble des "nationaux". Le style paramilitaire, l'uniforme que Valois imposait à ses militants paraissaient ridicules à beaucoup de gens. D'autre part, l'opinion publique se méfiait d'un mouvement s'inspirant trop directement d'un régime politique étranger. Les bailleurs de fonds du mouvement et du journal s'en rendirent compte, et coupèrent les vivres à Valois. Celui-ci fut bientôt mis en accusation par certaines personnalités du mouvement: né d'une dissidence, le Faisceau eut lui-même ses dissidents, entraînés par l'un des fondateurs du mouvement, Philippe Lamour. Valois restait avec quelques milliers de partisans ; ceux-ci se séparèrent finalement de lui, pour former un Parti fasciste révolutionnaire, dont l'existence ne fut pas moins éphémère que celle du Faisceau.
    Valois s'était efforcé de rompre avec les schémas idéologiques de l'Action française, aussitôt après l'avoir quittée. Férocement antisémite au début de son action, il estimait en 1926 que la rénovation économique et sociale qu'il appelait de ses vœux ne pouvait aboutir sans la participation des Juifs.
    " (p.57)

    "D'autant plus qu'à cette ouverture envers Israël, Valois ajoutait quelques mois plus tard un renoncement à l'idéal monarchique au profit de la République:
    "Nous avons tous au Faisceau le grand sentiment de 1789, la grande idée de la Révolution française et que résume le mot de la carrière ouverte aux talents. C'est-à-dire aux possibilités d'accession de tous aux charges publiques. Nous sommes ennemis de tout pouvoir qui fermerait ses propres avenues à certaines catégories de citoyens Là-dessus nous avons tous la fibre républicaine" [
    Le Nouveau Siècle, 21 juin 1926]."

    "En mars 1928, à l'heure où Le Nouveau Siècle disparaît, Valois publie un Manifeste pour la République syndicale. [...] En quoi il ne fait que revenir aux aspirations de sa jeunesse, d'avant la rencontre de Maurras.
    La publication du
    Manifeste est rapidement suivie de la fondation par Valois et son fidèle ami Jacques Arthuys du Parti républicain syndicaliste. Parmi les personnalités qui donnèrent leur adhésion à cette nouvelle formation figure notamment René Capitant, futur ministre du général de Gaulle. Mais, de l'aveu même de Valois, ce parti ne sera en fait qu'un groupes d'études, sans influence comparable à celle du Faisceau.
    Dès lors, Valois s'exprimera surtout à travers plusieurs revues, tout en continuant à publier des essais sur la conjoncture politique de son temps. Les revues qu'il suscitera s'appelleront
    Les Cahiers bleus, puis Les Chantiers coopératifs, et enfin Le Nouvel Age. Parmi leurs collaborateurs, on doit citer notamment Pietro Nenni, le grand leader socialiste italien, Pierre Mendès France, Bertrand de Jouvenel et Jean Luchaire: quatre noms qui suffisent à situer l'importance de l'action intellectuelle de Georges Valois dans les années de l'entre-deux-guerres." (p.59)

    "Vers 1935, Valois tente de se faire réintégrer dans les formations de gauche. Il n'y parvient pas. [...] C'est en vain qu'il écrit à Marceau Pivert pour solliciter son admission au parti socialiste: d'abord acceptée, sa demande sera finalement rejetée par les hautes instances de ce parti. [...]
    Sa pensée devient parfois contradictoire: ancien apologiste des vertus viriles suscitées par la guerre, il se proclame soudain pacifiste devant l'absurdité d'un éventuel conflit mondial, tout en reprochant à Léon Blum de ne pas soutenir militairement l'Espagne républicaine...
    " (p.60)

    "Louis Dimier fut l'une des personnalités intellectuelles qui adhérèrent à l'Action française dès sa fondation. [...] professeur dans l'enseignement libre, et catholique convaincu." (p.65)

    "Au lendemain de la guerre de 14-18, pendant laquelle L'Action française, organe de l'antigermanisme et de l'union sacrée, avait considérablement étendu son influence dans le pays." (p.73)

    "La guerre devait ajourner davantage encore la possibilité de ce "coup de force" que Maurras maintenait en théorie. Dès 1914, l'Action française soutint sans réserve ceux des gouvernants qui lui semblaient les plus résolus à la défense nationale. C'est alors que Maurras déclara:
    "On ne fait pas de révolution devant l'ennemi."
    Et pourquoi ? demandait Louis Dimier.
    " (p.76-77)

    "Ainsi l'Action française, après avoir proclamé sa volonté de mettre fin au régime républicain "par tous les moyens", y compris la pure et simple subversion, prenait-elle de plus en plus l'allure d'un parti conservateur. La décision prise par le mouvement en 1919 de présenter des candidats aux élections accentuait encore un peu plus ce caractère. Elle étendait sans doute son influence, mais c'était au détriment de l'intégrité de sa doctrine." (p.77-78)

    "Louis Dimier accepta de figurer parmi ses candidats. [...] Mais il se rendit compte que le mouvement avait plus de perdre qu'à gagner dans cette entreprise. [...]
    Maurras, pourtant, n'envisageait pas cette participation de l'Action française aux élections comme une occasion parmi d'autres de rappeler les principes essentiels du mouvement. "Nous voulons passer, nous menons l'affaire pour aboutir", déclara-t-il à Louis Dimier. [...]
    Le résultat fut un échec impressionnant, qui donna à Louis Dimier l'envie de se séparer de l'Action française (seul Léon Daudet fut élu)
    ." (p.78-79)
    -Paul Sérant, Les Dissidents de l'Action française, Paris, Éditions Pierre Guillaume de Roux, 2016 (1978 pour la première édition), 417 pages.



    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Lun 28 Jan 2019 - 13:36, édité 3 fois


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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 31 Déc 2018 - 23:46

    « Ce livre n’est pas une étude sur le fascisme en général, ni une étude sur les mouvements politiques français qui s’inspirèrent de Mussolini ou de Hitler. C’est une étude sur la pensée politique de six écrivains français, très différents par leurs personnalités comme par leurs œuvres, mais qui, dès avant la guerre, se rejoignirent par leurs réactions devant les événements français et internationaux : Alphonse de Châteaubriand, Abel Bonnard, Louis-Ferdinand Céline, Pierre Drieu la Rochelle, Robert Brasillach et Lucien Rebatet.
    Drieu la Rochelle, Brasillach et Rebatet se déclarèrent fascistes. Alphonse de Châteaubriand se déclara national-socialiste. Ni Abel Bonnard, ni Céline ne revendiquèrent l’une ou l’autre de ces doctrines. Mais la sympathie d’Abel Bonnard pour le Parti populaire français de Jacques Doriot le situait, dès 1937, dans le courant « pré-fasciste » français. De même, la révolte de l’individualiste absolu qu’est Louis-Ferdinand Céline contre la démocratie libérale et contre le communisme, et sa volonté d’entente franco-allemande devaient le rapprocher, lui aussi, du même courant. On pourra d’ailleurs constater en lisant cette étude qu’en dépit de divergences évidentes, ces six écrivains ont eu les mêmes réactions devant quelques grands problèmes de leur temps. Précisons toutefois que la partie la plus importante de leur œuvre, c’est-à-dire leurs ouvrages proprement littéraires, n’est pas examinée ici. Je n’ai retenu que leurs livres et leurs articles traitant de politique (et de métaphysique), pour en dégager l’essentiel.
    On s’interrogera sans doute sur le titre de cette étude. On fera remarquer que l’attrait de ces écrivains pour le fascisme ne s’explique pas seulement par le romantisme, mais aussi bien par une volonté de réalisme politique. On verra pourtant qu’ils se caractérisent, dans des registres divers, par le lyrisme, et que leur attitude politique se confond en grande partie avec la recherche d’un nouveau style de vie collective, d’une poétisation de l’ordre politique et social. On pouvait être romantique et antifasciste (les exemples n’ont pas manqué) ; mais il était difficile d’être « fasciste » sans être romantique en quelque manière. Le caractère romantique du fascisme a d’ailleurs été souligné aussi bien par certains de ses partisans que par ses adversaires : c’est Drieu qui, en 1944, définira le fascisme comme « le camouflage merveilleusement efficace d’une grande poussée sociale de la petite bourgeoisie (furieusement romantique, comme tout ce qui est sorti et sort encore de la petite bourgeoisie, tant qu’elle n’est pas morte) ».
    On se demandera peut-être pourquoi certains autres écrivains ne sont pas étudiés dans ce livre. Dissipons d’abord une confusion créée par certaines propagandes du lendemain de la guerre. La majorité des écrivains qui prirent parti en faveur de la Révolution nationale de 1940, qu’ils fussent « attentistes » ou « collaborationnistes », germanophobes ou germanophiles, n’étaient pas fascistes. Les « attentistes » Maurras, Béraud, Benjamin, s’ils admiraient Mussolini et Franco, ne souhaitaient pas pour la France un régime semblable aux leurs. Les « collaborationnistes » Georges Suarez, Paul Chack, Abel Hermant, s’étaient prononcés pour une entente franco-allemande sans invoquer le fascisme ou le national-socialisme. A plus forte raison, le cas de nombreux écrivains auxquels on reprochait après la guerre d’avoir collaboré à la presse parisienne de l’Occupation, ou d’avoir fréquenté des personnalités allemandes, n’avait pas à être examiné ici. D’autre part, je n’ai pas abordé le cas des journalistes fascistes (les camarades de Brasillach et Rebatet à
    Je suis partout, Jean-Hérold Paquis, etc.) et me suis limité à ceux qui, tout en ayant une activité journalistique plus ou moins importante, furent avant tous des écrivains. » (p.35-36)

    "Jean Turlais […] engagé à la Libération dans l'armée Leclerc, fut tué à l'ennemi en 1945." (p.37)

    "Si les "fascistes" veulent rénover leur pays, c'est d'abord parce qu'ils ont la nostalgie de ce qu'il a pu être jadis. En étudiant l'ancienne France, ils y découvrent les vertus qui manquent à la France de leur temps." (p.39)

    "Drieu la Rochelle fut également hanté par l'abîme qui sépare la France d'hier de la France contemporaine. Contrairement à Châteaubriand et à Bonnard, il ne refusait pas en bloc la Révolution française. "On nous a répété inlassablement, ce qui m'a beaucoup frappé, que toute la faute était à 1789. Ce 1789, étrange manifestement du diable dans l'histoire, faisait dans la mythologie des "réactionnaires" exactement et stupidement équilibre à un autre 1789, soudaine irruption du Bon Dieu dans le naïf univers des "républicains" athées" [Drieu la Rochelle, "Le sens des contraires, Idées, mars 1942]. Pour Drieu, les combattants de Jemmapes et d'Austerlitz sont dignes des Français des siècles précédents, et il salue dans les Jacobins les précurseurs des régimes totalitaires modernes. Mais il n'en est pas moins sensible à la décadence française. Il va jusqu'à se demander si "quelque chose d'irremplaçable" n'est pas perdu avec le sourire de Reims, si Racine peut nous faire oublier la Chanson de Roland, la légende de Perceval et François Villon. [...] Il préfère le Moyen Age à la Renaissance, ou plutôt, ce qu'il aime dans la Renaissance, "c'est encore le Moyen Age, ce qui lui reste du Moyen Age". Mais surtout, Drieu garde la nostalgie de cette France qui fut virile et joyeuse, qui fut, en fait, tout le contraire du "pays de la mesure" qu'on s'est plu à honorer en elle. Il remarque que la France a plus fourni aux Croisades que toutes les autres nations d'Europe ; que la France a été disponible pour les plus audacieuses aventures historiques, tels le calvinisme et le jacobinisme. Il exalte la démesure française pour l'opposer au mot mesure, dans le sens étriqué qu'on lui a donné en France dans ces dernières années, sous l'influence d'un rationalisme petit-bourgeois. "Si dans la mesure qu'on voit prônée dans les fables de La Fontaine et dans certaines tirades de Molière, c'est toute la France, ajoute-t-il, alors j'en appelle à la démesure qui est non seulement dans la Chanson de Roland et dans la cathédrale de Beauvais, mais aussi dans Corneille, dans Racine, dans Pascal, dans Bossuet -et dans tout le XIXe siècle, non pas tant dans sa première partie romantique et empathique, mais dans sa seconde partie plus aiguë et plus profonde" [Drieu la Rochelle, "La France, pays de la démesure", Nouveau journal, Bruxelles, 25 février 1941].
    Si la France contemporaine est décadente, c'est avant tout parce que les Français n'ont pas su, comme les autres nations d'Europe, accomplir cette révolution des mœurs qui est la redécouverte du corps, la redécouverte des sources profondes de la vie. Les Français qui, dans cette première moitié du XXe siècle, se disent de gauche, se prennent pour des révolutionnaires, ne sont, en réalité, que "des conservateurs petits-bourgeois qui vivent sur l'héritage anachronique du XIXe siècle". Ces instituteurs, ces professeurs, ces intellectuels qui composent "le vieux monde gaga des intellectuels de gauche", ce sont des gens attachés "à une conception intellectualiste et rationaliste de la vie qui est tout à fait périmée". Ces rationalistes ont oublié "que la première règle de la raison, c'est de faire la part large aux forces spontanées de la vie, de la santé, du sang". Ces adversaires du spiritualisme "vivent physiquement comme les moines qu'ils ont tant honnis" ; ils ne veulent considérer que le problème économique de la répartition des biens, ils ne tiennent pas compte de la vie physique, ils ignorent ce besoin de santé, d'épanouissement corporel qui est le besoin capital de l'homme contemporain. "On n'a qu'à les regarder pour s'en rendre compte. Assistez à un congrès socialiste et voyez toutes ces barbes, tous ces ventres, cette tabagie, cette attente anxieuse de l'heure de l'apéro".
    Drieu admet que les communistes sont, à cet égard, supérieurs aux autres partis de gauche. Il leur reproche pourtant de trahir la cause de l'homme européen, qui a besoin de la ville et de la machine, en lui proposant l'exemple de l'homme russe, "en retard d'un siècle, qui en est encore à construire ses machines et à mettre au premier rang le problème de la production" [Drieu la Rochelle, "Le P.P.F., parti du corps vivant",
    L'Émancipation nationale, 20 août 1937].
    Et il dit son horreur de ces rationalistes qui, depuis cinquante ans, enseignent aux Français un idéal de
    petite vie, l'idéal des économies mesquines, de l'absence d'enfants, du chien, de l'apéro, du cinéma et de la pêche à la ligne: "Et la France vieillira avec vous, s'écrie-t-il, la France, réduite à votre petite vie, mourra avec votre petite vie".
    Drieu fait des vœux pour que vienne le temps où la France entrera dans sa maison neuve. Ce sera, dit-il, le temps où les Parisiens auront honte de leurs appartements étroits et iront demander pardon à la terre de l'avoir oubliée. Ce sera aussi le temps où "les Français enfonceront les pieds dans leur province avec satisfaction, sachant que Paris ne peut vivre que par la grâce des quarante provinces... Quand les Français retrouveront les lois si simples de la vie... le rythme de leurs ancêtres, le rythme de la vie large ; quand ils auront honte de ne pas avoir construit quelque chose d'aussi beau que les cathédrales ou les palais du XVIIIe siècle... alors il fera bon vivre en France" [Drieu la Rochelle, "Quand la France...",
    L'Émancipation nationale, 15 avril 1938].
    Il est affligé par la laideur des Français. [...]
    L'érotisme vulgaire des Français ne l'exaspère pas moins. La vie sexuelle n'a de sens que si elle s'inscrit dans une vie physique totale. "Je fais l'amour, donc je suis un homme. Non !" s'écrit Drieu. Bonnard voit, lui aussi, dans l'érotisme un phénomène de décadence [...]
    Autre symptôme de décadence: la presse, telle qu'elle est devenue, ces journaux du soir qui "rivalisent dans la retape du vice à huit sous". A la même époque, Brasillach -qui avait écrit son premier feuilleton littéraire sur un roman de Drieu:
    Blêche- s'indigne contre cette presse pourrie qui prétend imposer son style au peuple français, et Paris-Soir lui inspire la même horreur qu'à Drieu." (p.46-49)

    "Cette nostalgie de l'Ancienne France, ce sentiment de la décadence française nous permettent-ils d'identifier le fascisme français à la réaction classique ? Les plus jeunes des écrivains dont nous nous occupons ici, Brasillach et Rebatet, ont été franchement d' "extrême droite". C'est vers l'Action française que Brasillach, jeune provincial découvrant Paris, fut très vite attiré. Vers les années 1926-1927, dans la cour de Louis-le-Grand, il discutait déjà "des rois de France et du meilleur régime avec José Lupin et Thierry Maulnier". A cette époque, il ne se lançait pas encore dans la lutte politique: "Je n'étais pas assez sûr de moi-même et de mon opinion pour prendre parti". Mais il ajoute aussitôt: "Cependant, mes premières réflexions politiques ont rencontré l'Action française et Maurras, dès ce temps, et ne les ont plus beaucoup quittés depuis lors. Subitement, un monde s'offrait, celui de la raison, celui de la précision, celui de la vérité". Les partis de droite, qui se définissent eux-mêmes comme "nationaux", lui paraissent étroits et vieillots ; et l' "imitation falote" du fascisme italien que constitue le mouvement du Faisceau, fondé par Georges Valois, ne l'intéresse pas. Il a de la sympathie pour les Jeunesses patriotes, mais, dit-il, "nous ne pouvions rien trouver qui représentât mieux que l'A. F. la jeunesse du nationalisme, une sorte de "pré-fascisme" déjà dans l'air, l'union d'une doctrine sociale forte et de l'intelligence nationale, et même les communistes le savaient, et la précision de l'idée fasciste ou national-socialiste a toujours été depuis notre grande recherche".
    Il n'a pourtant jamais donné son adhésion aux formations de militants, à la Ligue d'Action française ou aux Camelots du roi. Cette réserve s'explique pour deux raisons. Il y a d'abord ce tempérament anarchiste qu'il note déjà à propos des années 1926-1927: "Je soupçonne que nous étions avant toute chose anarchistes de tempérament, nous lisions aussi volontiers Le Canard enchaîné que L'Action française… Nous avions dix-huit ans, un peu de confusion d'esprit, pas mal de dégoût du monde moderne -et quelque penchant foncier pour l'anarchie". A l'École normale, ce goût de l'anarchie se confirmera, et Brasillach lui restera toujours fidèle ; il aimera beaucoup, dans les derniers temps de l'Occupation, le mot d'un jeune garçon déçu par l'échec de la Révolution nationale: "Au fond, nous sommes des anarcho-fascistes". Et ses derniers articles seront pour défendre, dans le chaos européen, les exigences du bonheur et de la liberté individuels.
    Cet individualisme foncier de Brasillach, son goût de la légèreté ("la gravité, écrit-il, n'est pas tout dans l'existence, elle est même beaucoup moins importante que la légèreté") nous font comprendre pourquoi il ne pouvait pas se sentir tout à fait à l'aise dans le cadre doctrinal rigide de l'Action française. Le principe monarchique ne semble avoir eu pour lui qu'une valeur symbolique. En 1930, la personnalité du comte de Paris, auquel il est allé rendre visite au manoir d'Anjou, en compagnie de Thierry Maulnier et de Maurice Bardèche, l'a profondément impressionné. […] En 1937, le comte de Paris condamne l'Action française, mais Brasillach ne se laisse pas trop émouvoir […]
    Pour Charles Maurras, Brasillach conservera presque jusqu'au bout la plus grande et la chaleureuse vénération. Il a raconté comment le vieux lutteur l'accueillit un jour "comme il accueillait tous les jeunes gens, avec ce sourire et cette confiance que je n'ai vus qu'à lui". En 1937, il a passé avec lui une journée à la prison de la Santé, où Charles Maurras était interné pour avoir menacé de mort les parlementaires qui voteraient les sanctions contre l'Italie […] En 1938-1939, son admiration pour le vieux maître qui, en dépit de son antigermanisme de toujours, lutte désespérément contre la guerre ne fait que grandir. "Si je n'avais pas été maurrassien à cette date, je pense que je le serais devenu. Partout, toujours, Maurras avait eu raison. Le plus extraordinaire, l'accord des nationaux-socialistes allemands et des bolcheviks russes, il ne s'était pas passé de mois, depuis les débuts de l'hitlérisme, qu'il ne l'eût annoncé. On commençait à le savoir".
    Mais sous l'Occupation, Maurras, qui désapprouve formellement la politique de collaboration (celle du "clan des ya" qu'il réprouve au même titre que le "clan des yes") ne peut plus aimer Brasillach ; lorsque celui-ci se rend à Lyon, devenu la résidence provisoire de l'Action française, il refuse de le recevoir. L'Occupation ne faisait que rendre évidente une divergence déjà sensible avant la guerre. Si Brasillach avait été séduit très jeune par l'A. F., c'est, comme nous l'avons vu, par ce qui, en elle, annonçait un fascisme français. Pour Maurras, l'action de valeur que si elle découle de la pensée. Pour Brasillach, les doctrines ont moins d'importance que l'action qui en découle ; son enthousiasme politique est davantage poétique que froidement logique. L'Espagne de Franco le séduit, comme elle a séduit Maurras: mais c'est surtout par les images qu'elle propose à son jeune enthousiasme. Et les réserves de Maurras à l'égard du fascisme, de ce fascisme qui, malgré tout, ne saurait donner à la nation la même stabilité que la monarchie, n'ont guère d'importance pour lui. Enfin, le spectacle des fêtes grandioses du IIIe Reich, s'il ne l'a pas tout à fait convaincu, a suffi à dissiper en lui l'antigermanisme auquel Maurras ne pourra jamais renoncer.
    Cependant, si Brasillach, refusant de trop s'embarrasser de la doctrine, se sépare sur certains points des principes de l'Action française, il sera toujours fidèle au monde de sentiments et de réflexes qui fut le sien. Et on chercherait vainement, dans ses écrits du temps de l'Occupation, des attaques personnelles contre Maurras, Massis, Thierry Maulnier, et d'une manière générale contre les hommes de l'A. F. Il souhaita, bien entendu, le dépassement du vieux dilemme droite-gauche, mais il ne se départit pas de sa violente hostilité contre l'esprit de gauche ; c'est d'ailleurs sur le caractère "antirépublicain" de ses articles que le procureur Reboul insistera pesamment, le 19 janvier 1945, pour obtenir sa condamnation à mort.
    " (pp.53-57)

    "La condamnation portée par les dirigeants de l'Action française contre les "cagoulards" qui tentèrent, en 1937, de renverser par la force le régime républicain, lui parut particulièrement symptomatique de cette incapacité dans l'action. "Le lâche empressement de la droite, des maurrassiens tout les premiers, à renier et accabler les cagoulards lorsqu'ils furent découverts, en apprenait davantage que cinquante années d'études politiques sur les espoirs de réaction qui subsistaient pour notre pays". [Rebatet, Les Décombres].

    "Certes, Rebatet garde tous les réflexes de la droite la plus extrême: il veut l'abolition des derniers vestiges de la démocratie, une solution rigoureuse à la question juive, la promotion des "communautés naturelles", la création d'un parti unique rassemblant l'élite de la nation. Mais ce totalitarisme répugne à l'ancienne droite, ou l'épouvante. Les hommes de droite veulent sans doute un "Etat fort", mais ils le conçoivent sous la forme d'une restauration monarchique, ou simplement par la création d'un pouvoir exécutif plus stable. Ici apparaît le point de rupture entre les voeux de l'ensemble de la droite et les exigences du polémiste fasciste. [...]
    Rebatet veut en finir avec les ennemis de la nation, mais aussi avec les "antifascistes" de tout poil: Juif, prêtres, généraux, "comitards", affairistes, bourgeois. Il veut la suppression des "vieilles institutions" -l'Académie, Polytechnique, le Conseil d'Etat- aussi bien que du Parlement. C'est qu'en portant les idées réactionnaires à leur extrémité, il est devenu révolutionnaire. Non pas certes au sens où la gauche l'entend. La révolution qu'il réclame devra s'accomplir contre la gauche. Mais aussi contre la droite. Les anciens partis doivent être écrasés -ceux de droite comme ceux de gauche. Il faut en finir avec les syndicats -mais aussi avec les trusts. Il faut abattre les Juifs -mais aussi l'Église. Il ne faut plus de communistes, mais ni davantage de maurrassiens, de Croix-de-Feu et de "dévots tricolores". Il est bien difficile de situer la révolte des
    Décombres dans l'éventail ouvert de la droite à la gauche." (p.61)

    "En 1936, [Brasillach] trouve difficile de choisir entre le conservatisme social et le marxisme: "Les triomphes de 1936 révélaient des injustices abominables, aidaient à comprendre certaines situations, faisaient espérer des réformes nécessaires et justes. Toutes les grèves, surtout celles du début, où il y eut parfois une joie, une liberté, une tension charmante vers la délivrance, vers l'espoir, n'étaient pas injustifiées. Nous savions bien qu'aucune conquête ouvrière n'a jamais été obtenue de bon gré, que les patrons ont gémi qu'ils allaient à la ruine lorsqu'on établit, sous Louis-Philippe, la journée de onze heures et l'interdiction pour les enfants de moins de douze ans de travailler la nuit". Il se réjouit même que le Front populaire ait provoqué dans la jeunesse le goût du grand air et de la nature: "Les jeunes bourgeois, les jeunes ouvriers étaient saisis du même appétit. Rien ne fut plus charmant, à cette époque, que les trains de neige, emplis de la seule jeunesse. Là au moins le snobisme du Front populaire ne fut pas malsain, et il rejoignait, pour nous autres fascistes, les exaltations offertes aux jeunesses de chez eux par les régimes totalitaires. Il y avait bien quelques grincheux conservateurs: ils prouvaient par là qu'ils n'entendaient rien à l'esprit fasciste".
    Toutefois, Brasillach éprouve une violente hostilité contre le Front populaire. Il lui reproche d'avoir entrepris les réformes sociales "dans une atmosphère de gabegie, de démagogie et de bassesse inimaginable". L'époque de 1936 lui paraît une des plus folles qu'ait vécues la France
    ." (pp.83-84)

    "Sous l'Occupation, l'anticommunisme de Brasillach fut renforcé par les attentats organisés par le Parti communiste devenu clandestin." (p.85)

    "Puis ce fut le voyage à Katyn, auquel Brasillach participa en 1943 pour Je suis partout. […]
    "Si la barrière de l'Occident venait à crever, les abbés rouges dormiraient à côté des riches gaullistes aussi bien que des collaborationnistes tièdes ou convaincus. Et l'odeur de Katyn monterait alors de Fontainebleau ou de la Loire" [Brasillach, Journal d'un homme occupé, 1955, p223]." (p.86-87)

    "Si les "fascistes" sont hostiles au bolchevisme, ils ne veulent pas, ou ne veulent plus être des "réactionnaires" ou des "hommes de droite". S'ils refusent le communisme parce qu'ils sont nationaux, ils refusent le capitalisme parce qu'ils sont socialistes.
    De quel socialisme s'agit-il ? Ce n'est évidemment pas celui du Parti socialiste S.F.I.O., allié au communisme dans la coalition du Front populaire. Et précisément, le Parti socialiste dénoncera toujours avec énergie le prétendu "socialisme fasciste" dans lequel il ne verra qu'un artifice démagogique, ingénieuse parade d'un capitalisme aux abois contre le socialisme orthodoxe. Mais les "fascistes" retournent l'accusation et affirment que le Parti socialiste, prisonnier du régime parlementaire, est incapable d'opérer une véritable révolution sociale.
    Au terme de son analyse sur les impuissances du prolétariat à faire la révolution, Drieu s'écrie: "Notre conclusion est-elle donc réactionnaire ? Nullement. La réaction croit que les révolutions sont inutiles. Nous croyons joyeusement qu'elles sont nécessaires. La réaction s'oppose à de nouvelles révolutions, du moins qui prolongeraient pour quelque côté les précédentes. Nous les voyons en train et nous en réjouissons."
    De son côté, Brasillach, rappelant les sentiments de ses amis et de lui-même, écrit à la fin de
    Notre avant-guerre: "Nous ne voulions pas être les gladiateurs de la bourgeoisie et du conservatisme, nous aimions la liberté de notre vie". Il avait apprécié le caractère fort peu bourgeois de la Révolution nationale espagnole, la manière dont la Phalange victorieuse obligeait les riches, dont elle avait sauvé la vie, à donner une partie de leurs biens pour soulager la communauté. Il avait été profondément séduit par la doctrine sociale de José Antonio Primo de Rivera, fondateur de la Phalange. "Le fascisme, rappelle-t-il en 1941, n'est pas le marxisme, mais les injustices contre lesquelles le marxisme s'est élevé et contre lesquelles il propose ses mauvais remèdes, le fascisme les combat, lui aussi, et les exècre. Fils de dictateur, héritier d'un grand nom, élevé dans une tradition seigneuriale et monarchiste, José Antonio déclarait que le socialisme était juste dans ses aspirations. C'est l'esprit de José Antonio que nous avons toujours salué ici, et que nous voulons maintenir, à notre mode, pour nous"." (pp.92-93)

    "Sans doute ne doit-on parler de l'influence politique de Nietzsche qu'avec beaucoup de prudence: "Nietzsche est un poète, un artiste. Son enseignement est multiple, sibyllin comme celui de tous les artistes. Cet enseignement se dérobera toujours à toute prise de possession définitive par les gens d'un parti et d'un moment, et il sera toujours ouvert par quelque côté à la quête d'un autre parti dans un autre moment". [Pierre Drieu la Rochelle, Socialisme fasciste, Paris, Gallimard, 1934, p.69]
    […] " [Nietzsche ayant posé] l'autonomie de l'homme au milieu d'univers, et l'autonomie de l'action de l'homme, indique par voie de conséquence que la cellule de l'énergie humaine, du mouvement social, c'est l'individu capable du maximum d'action, l'individu d'élite, le maître. Il pose ainsi de façon implicite le double élément social sur quoi se fonde le fascisme: le chef et le groupe qui entoure le chef." [ibid, p.71] (pp.99-100)

    "Parmi les formations "fascistes françaises" nées avant la guerre de 1939, le P.P.F est la seule qui ait exercé quelque attraction sur un certain nombre d'intellectuels: Jean Fontenoy, Pierre Pucheu, Paul Marion, Ramon Fernandez, Bertrand de Jouvenel, entre autres. C'est sous les auspices de ce nouveau parti qu'Abel Bonnard fit ses premières conférences à un public populaire. Les jeunes hommes de l'Action française étaient, eux aussi, attirés par Doriot. "Nous avions à Je suis partout des camarades P.P.F., écrit Brasillach. Tous nous avions beaucoup de sympathie pour le mouvement"." (p.101)

    "Le fascisme français a donc eu cette particularité d'être un fascisme sans chef -ce qui signifie qu'il n'a jamais existé que dans l'esprit d'un certain nombre d'individus." (p.102)

    "La mystique du "chef" dans l'univers fasciste se confond étroitement avec celle de la "race": le Chef est celui qui va purifier la Race. "Doriot sauvera le sang de la France", écrit Drieu. Sauver le sang, c'est évidemment redonner un style de vie dynamique à un peuple oublieux de la vie physique. Mais c'est aussi purifier la communauté de certains éléments inassimilables.
    C'est ainsi que l'antisémitisme fut l'un des éléments de la pensée fasciste
    ." (p.103)

    "L'invective contre Israël éclate fréquemment dans Les Décombres. Rebatet y réclame l'adoption d'une législation sévère, bannissant les Juifs des principales activités nationales, et la constitution de colonies juives "dans les immenses empires russe et anglais"." (p.107)

    "Drieu la Rochelle, qui avait dénoncé le racisme dans ses premiers écrits ("Qu'est-ce qu'un Juif ? Nul ne le sait", écrivait-il dans La Comédie de Charleroi) fut cependant gagné par l'antisémitisme vers 1938. "Ce que je reproche avant tout aux Juifs, écrivait-il dans un article consacré au mouvement ouvrier, c'est d'être des bourgeois qui embourgeoisent tout ce qu'ils touchent. Ce sont eux qui ont embourgeoisé le socialisme, ce sont eux qui ont fait de la IIe Internationale, de la S.F.I.O., du Populaire ces pétaudières remplies de bavards, d'argumentateurs et d'impuissants". […]
    D'autre part, il faut, selon Dieu, "expulser tout Juif marxiste, c'est-à-dire tout Juif qui professe la destruction de la société dans laquelle il vit" [Drieu la Rochelle, "A propos du racisme", L'Émancipation nationale, 29 juillet 1938]." (pp.108-109)

    "L'irrespect des valeurs bourgeoises est en lui-même, pour Brasillach, une valeur fasciste. Évoquant les bourgeois qui, en 1936, protestaient contre l'apparition de l'auto-stop, il ajoute "Ils n'avaient évidemment pas l'esprit fasciste". L'esprit fasciste, c'est donc, pour lui, l'esprit à la fois dynamique et frondeur de la jeunesse, qui se refuse à trop respecter les conventions, l'ordre établi, les habitudes d'une société trop prudente et des bourgeois trop timorés. C'est aussi et surtout le besoin d'action et l'aspiration à la grandeur." (p.113-114)

    "Ceci nous amène à nous interroger sur un aspect du "fascisme" des jeunes écrivains français. De toute évidence, celui-ci ne tirait pas seulement sa force de l'esprit d'équipe, mais aussi du plaisir d'être dans l'opposition. […] Que serait devenu le non-conformisme "fasciste" dans un pays où le fascisme se serait stabilisé pour de longues années ?" (p.116)

    "Drieu était profondément sensible à la décadence de la société chrétienne occidentale. Il oppose volontiers le christianisme du Moyen Age, le christianisme "qui joignait les valeurs du héros et du saint, du croisé et du martyr, les complexités de la métaphysique et les simplicités de la charité", au christianisme contemporain qui, "du fait de beaucoup d'esprits ignorants ou timorés, entre en coquetterie avec les philosophies ou les politiques les plus molles et les plus louches"." (p.120)

    "Aussi Drieu reprochera-t-il à Montherlant d'avoir, dans Le Solstice de juin, paru en 1940, opposé à l'Allemagne païenne triomphante à la France chrétienne décadente." (p.122)

    "Jamais les fascistes français n'auront le sentiment de se "dénationaliser" en se proclamant fascistes." (p.150)

    "Dans L'Europe contre les patries (1931), [Drieu] […] réaffirme à la fois son horreur d'une nouvelle guerre et ses convictions européennes." (p.153)

    "A partir de l'invasion de la Tchécoslovaquie, en mars 1939, par les troupes allemandes, la position du "pacifisme fasciste" devint presque intenable. Pierre Gaxotte, rédacteur en chef de Je suis partout, et qui s'était signalé depuis deux ans par des articles anticommunistes, anglophobes et pro-fascistes non moins véhéments que ceux de ses collaborateurs, se mit à adopter une position résolument anti-allemande. Lucien Rebatet, Robert Brasillach et Pierre-Antoine Cousteau virent aussi certains de leurs camarades jusqu'alors fascistes comme eux, affirmer que les positions fascistes françaises devaient être révisées. Thierry Maulnier, qui ne collaborait pas régulièrement à Je suis partout, mais dont la position avait été assez proche de celle de Brasillach, écrivit de remarquables articles dans la revue Combat pour montrer que, dans la nouvelle situation internationale, il était aussi dangereux pour les Français d'être "fasciste" que d'être antifasciste. […] De son côté, Jean-Pierre Maxence, qui avait dirigé pendant deux ans avec Thierry Maulnier un hebdomadaire "fascisant", L'Insurgé, soutenait un point de vue analogue dans la conclusion d'un gros volume qu'il venait de publier, Histoire de dix ans.
    […] Au reste, ces divergences furent bientôt dépassées par le pacte germano-soviétique, et par la déclaration de guerre anglo-française à l'Allemagne. Je suis partout fut bientôt privé de Pierre Gaxotte, qui ne voulait plus écrire, et des trois quarts de ses rédacteurs, appelés aux armées. Alain Laubreaux et Charles Lesca s'efforcèrent de donner au journal une ligne aussi "pacifiste" que pouvait le permettre la censure. Brasillach écrivit cependant des articles dans lesquels, se ralliant à la position de Maurras dans L'Action française, il déclarait que tout devait être mis en œuvre à la fois pour gagner la guerre et pour éviter ensuite de commettre les erreurs d'après 1918." (pp.188-189)

    "Succédant à Candide et Gringoire, repliés en zone libre, et à Marianne et Vendredi, qui ne reparurent pas, La Gerbe fut ainsi, pendant quelques mois, le seul "grand hebdomadaire parisien". Mais le 7 février 1941, Je suis partout reparut, avec Lucien Rebatet et aussi Alain Laubreaux et Charles Lesca, arrêtés en mai 1940 par Mandel et libérés peu après l'armistice par le Maréchal. Quelques semaines plus tard, Robert Brasillach, fait prisonnier en juin 1940 par Robert Brasillach, fait prisonnier en juin 1940 par les Allemands, rentrait de captivité et reprit sa collaboration au journal, dont les camarades lui proposèrent la rédaction en chef.
    […] Entre l'armistice et le renvoi de Pierre Laval par le Maréchal, les écrivains "fascistes" soutiennent vigoureusement le nouveau gouvernement: ils approuvent -tout en les jugeant insuffisants- les principes de la Révolution nationale tels que les définit le Maréchal ; ils se réjouissent de la rupture des relations diplomatiques avec Londres après le massacre de quinze cents marins français par la marine britannique, et la résistance opposée par les forces françaises d'Afrique du Nord contre l'expédition "anglo-gaulliste" à Dakar, en septembre 1940. Enfin, ils se félicitent hautement de l'entrevue de Montoire, où, après avoir vu le chancelier Hitler, le Maréchal déclare: "
    C'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer. Je n'ai subi, de sa part, aucun dictat, aucune pression. Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement… C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen, que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourrait être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire…" " (pp.204-205)

    "Les dissentiments politiques n'empêchaient pas, dans bien des cas, le maintien des rapports personnels. Rappelons seulement que Brasillach sauva une première fois Cavaillès de la mort, et que Drieu réussit à empêcher l'arrestation de Jean Paulhan, fondateur des Lettres françaises clandestines." (p.213)

    "Vichy, dit encore Rebatet, a dépassé en stupidité et en vilenie le Front populaire lui-même, il a "multiplié les gendarmes pour aboutir à l'anarchie pure", créé un étatisme "plus écrasant encore que celui des marxistes", il s'est "acoquiné avec un superpatronat, une dictature de l'argent"." (p.224)

    "Quelques jours plus tard [août 1943], Brasillach donnait sa démission de Je suis partout, en compagnie de ses camarades Georges Blond et Henri Poulain. Les démissionnaires reprochaient notamment aux autres membres de l'équipe de faire à propos de la guerre allemande le bourrage de crâne qu'ils reprochaient à la presse française, pendant la "drôle de guerre" de 1939-1940. A la suite de cette démission, une campagne fut menée contre Brasillach dans les milieux de la collaboration "ultra": on l'accusa de défaitisme, on fit même courir le bruit qu'il s'apprêtait à rejoindre "la dissidence".
    Brasillach, qui était en fait dégoûté de la politique, et qui aspirait à se consacrer à des travaux littéraires, crut devoir préciser qu'il n'avait pas changé d'avis sur l'essentiel, et notamment sur la nécessité de la réconciliation franco-allemande. Il le fit dans l'hebdomadaire
    Révolution nationale, auquel Drieu collaborait depuis déjà plusieurs mois." (p.241)

    "Il y la contradiction essentielle qui consiste, pour des fascistes, à plaider la cause d'une puissance occupante. Mussolini et Hitler se sont imposés à leurs peuples en s'affirmant comme libérateurs de la tutelle étrangère: ils n'eussent pas triomphé s'ils ne l'avaient pas fait. Qu'est-ce qu'une Révolution nationale qui est obligée de composer avec la présence d'un ennemi vainqueur ? En 1940, il est vrai, les fascistes ont leur heure de popularité lorsqu'ils disent que leur politique peut rapidement effacer les conséquences de l'occupation. Mais il suffit de quelques mois pour que la population perde confiance. On lui explique alors qu'on la libère des Anglais, de la démocratie, des Juifs ; puis on tentera de la dresser contre le péril soviétique. Or les Anglais paraissent irréprochables depuis qu'ils ne sont plus là, le mot démocratie évoque l'heureuse époque d'avant-guerre, l'inhumanité de la persécution excite la pitié à l'égard des Juifs, et le péril soviétique paraît tout de même secondaire quand les Russes sont à un millier de kilomètres et que les Allemands sont là. Avec le tournant de novembre 1942, il n'est plus, pour les fascistes français, que deux solutions. La première consiste à opposer à la détermination de l'adversaire une détermination non moins violente que la sienne, à réclamer le combat d'un contre-terrorisme, la mobilisation totale des travailleurs et la collaboration militaire avec l'Axe. Quand l'Allemagne continue à occuper le territoire national, quand elle l'occupe même tout entier, quand elle multiplie les arrestations et les exécutions d'otages, une telle solution entraîne ceux qui l'adoptent vers la dénationalisation. Drieu, Brasillach, Combelle le sentent et le disent, et c'est une autre solution qu'ils adoptent: puisque la pression allemande n'est pas l'expression d'une volonté proprement nationale-socialiste, mais celle d'un impérialisme classique, alors il convient de défendre un gouvernement qui, malgré ses insuffisances, est le gouvernement du pays, la couronne de France. Mais si les adeptes de la première solution renonçaient pratiquement au fascisme, au profit de l'empirisme et de la sagesse politique classique. On a remarqué dans les articles que nous citions que le moment vient où Brasillach et Drieu parlent du fascisme au passé." (pp.309-310)

    "Ce n'est point seulement le romantisme fasciste que l'évolution contemporaine condamne, mais le romantisme politique en général, qu'il prenne la forme fasciste, libérale, jacobine ou marxiste." (p.337)
    -Paul Sérant, Le Romantisme fasciste, Paris, Éditions Pierre Guillaume de Roux, 2017 (1959 pour la première édition), 355 pages.



    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Jeu 5 Mar 2020 - 17:53, édité 1 fois


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    Paul Sérant, Les Dissidents de l'Action française + Le Romantisme fasciste Empty Re: Paul Sérant, Les Dissidents de l'Action française + Le Romantisme fasciste

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 27 Jan 2020 - 13:06

    "Brasillach n'est pas et ne sera pas un doctrinaire." (p.234)

    "Qui peut démêler la part consentie aux idées et celle consentie aux personnes dans la vie, dans les admirations d'un écrivain ?" (p.235)

    "Si les mouvements politiques ont besoin de doctrinaires, ils n'ont pas moins besoin de chroniqueurs, de romanciers et de poètes." (p.238)

    "Si une partie de l'équipe de Je suis partout appartenait à l'Action française, d'autres collaborateurs du journal -dont certains venaient de l'extrême gauche- souhaitaient la naissance d'un fascisme français, et appartenaient au parti de Jacques Doriot." (p.244)

    "[Brasillach] demeurait méfiant vis-à-vis de l'hitlérisme, et refusait de lui accorder la même sympathie qu'au fascisme italien et au phalangisme espagnol. […]
    Les contacts de Brasillach avec les milieux parisiens germanophiles d'avant-guerre furent peu nombreux.
    " (pp.246-247)

    "Les quelques articles qu'il envoya à Je suis partout -il avait été mobilisé dès le début de la guerre- en apportent la preuve: tout comme Maurras dans L'Action française, il voit dans le germanisme l'ennemi numéro un, et reprend la thèse bainvillienne sur la nécessité de démembrer l'Allemagne." (p.250-251)

    "A l'égal de Maurras, Brasillach exècre la Maçonnerie, le judaïsme, le parlementarisme, et, en politique extérieure, les Anglo-Saxons et le communisme: il entre dans la voie de la Collaboration pour sauver les idées de Maurras." (p.255)

    "Brasillach a réclamé à plusieurs reprises que la peine de mort fût appliquée aux chefs communistes, responsables des attentats contre les militaires allemands et des représailles suscitées par ces attentats. […]
    Brasillach fut d'un antigaullisme absolu. Il qualifia de Gaulle de "traître fort légalement condamné à mort", et les gaullistes et certains hommes politiques gaullistes d' "émigrés ignobles".
    " (p.258)

    "Thierry Maulnier n'a jamais rompu brutalement avec son maître ; cessant d'écrire des articles politiques dans L'Action française après novembre 1942, entrant au Figaro à la Libération, il n'a pas jugé nécessaire, en ces deux circonstances, de définir sa nouvelle attitude par rapport à son attitude précédente, ni de dire en quoi la pensée ou l'action de Maurras ne correspondait plus à ses propres vues. Il reste toutefois qu'après avoir été clairement "maurrassien", et après avoir milité dans les formations maurrassiennes, Thierry Maulnier s'est progressivement engagé dans une autre voie, et que son évolution est d'autant plus importante qu'il fut considéré à une certaine époque comme le successeur possible de Charles Maurras dans le domaine doctrinal." (p.283)

    "[Les collaborateurs de L'Insurgé] entendaient défendre aussi nettement que possible la possibilité et la nécessité d'un accord entre le nationalisme, d'une part, et un socialisme dégagé des internationales marxistes, d'autre part." (p.284)

    "Dans cet article [d'hommage à Maurras, dans la Revue universelle] […] Thierry Maulnier s'emploie d'abord à dissiper les malentendus concernant les idées sociales de Maurras. […]
    "Ceux qui connaissent tant soit peu la pensée maurrassienne, écrit Maulnier, savent qu'elle fut orientée dès ses débuts contre ce qu'elle considérait comme le principal adversaire -on pourrait dire le seul adversaire: le libéralisme. Or le libéralisme a deux faces: l'une politique, l'autre économique. Ces deux faces, l'analyse maurrassienne ne pouvait les séparer. Si l'action, si l'intérêt portaient de préférence Charles Maurras vers l'aspect proprement politique du problème libéral: la critique de la démocratie, les terribles désordres provoquées dans l'économie par le libéralisme capitaliste ne pouvaient lui échapper. Si le libre jeu des volontés individuelles ne produit pas naturellement, en politique, le bien de la cité, il n'y a aucune raison pour que le libre jeu des volontés individuelles produise davantage, en économie, le bien de la cité".
    De ce fait, remarque Maulnier, la pensée maurrassienne a rejoint la pensée socialiste à la fois sur l'idée d'un intérêt général qui est autre chose et plus que la somme des intérêts particuliers, et aussi sur l'idée que la société où les individus sont livrés à eux-mêmes est une société barbare, vouée à l'anarchie ou à la tyrannie des plus forts. Et pour en apporter la preuve, Maulnier se réfère au Dictionnaire politique et critique de Maurras. Il y a trouvé une sévère condamnation de l'attitude bourgeoise en face du monde ouvrier: "L'histoire de la grande industrie en témoigne, écrit notamment Maurras ; si le prolétariat résiste, si cette résistance a pris la forme d'une offensive violente, ce n'est pas lui qui a commencé ; l'oppression ou l'exploitation capitaliste est la première en date". Dans d'autres textes, Maurras a montré que la condition du prolétaire moderne était pire que celle du serf et de l'esclave de jadis, il a également souligné que les revendications ouvrières procédaient non seulement de besoins matériels, mais d'une exigence de dignité.
    On a prétendu que, pour Maurras, le problème social était secondaire. Thierry Maulnier réfute cette affirmation en citant les lignes suivantes de Maurras sur l'économie:

    "L'économie étant la science et l'art de nourrir les citoyens et les familles, de les convier au banquet d'une vie prospère et féconde, est une des fins nécessaires de toute politique. Elle est plus importante que la politique. Elle doit donc venir après la politique, comme la fin vient après les moyens, comme le terme est placé au bout du chemin, car c'est le chemin que l'on prend si l'on veut atteindre le terme".
    Bien mieux: Maurras a lui-même employé le mot de socialisme pour désigner l'organisation sociale qui lui paraît souhaitable. "Il y a opposition, contradiction à angle droit, entre le marxisme, égalitaire, international, et la protection de la nation et de la patrie, a-t-il écrit. Mais un socialisme libéré de l'élément démocratique et cosmopolite peut aller au nationalisme comme un gant bien fait à une belle main."
    Thierry Maulnier a également retrouvé un vieil article de Maurras sur Renan dans lequel il prédisait "de curieuses formes de contre-révolution" le jour où le nationalisme s'allierait à un mot populaire, "celui de socialisme, par exemple". Et Thierry Maulnier ajoute à ce sujet: "On ne force nullement la pensée de Charles Maurras en disant que, le premier en Europe, et bien avant la guerre, il avait songé à la formule de ce "national-socialisme" qui devait connaître en Europe, sous des formes d'ailleurs différentes, une fortune si singulière." (pp.286-257)

    "Ce double refus [du fascisme et de l'antifascisme] […] s'accorde, pour l'essentiel, avec les données du nationalisme maurrassien -Thierry Maulnier ne cessera pas de le réaffirmer jusqu'à l'heure de la déclaration de guerre de septembre 1939. Il ne songe pas à dissimuler ce que la situation de la France a de dramatique, et, à la limite, de désespérant. Si le régime républicain continue tel qu'il est, le pays s'enlise. S'il essaye de se réformer, il ne parviendra pas à donner aux Français un état d'âme comparable à celui de leurs voisins. Une union sacrée, comme celle de 1914, serait un remède momentané: remède dangereux, car il aurait pour conséquence de maintenir les causes du mal. Alors ? La révolution ? Mais la révolution communiste est maintenant exclue: elle aurait pour résultat de provoquer immédiatement l'invasion de la France par les puissances fascistes. Et la révolution fasciste ? Thierry Maulnier ne croit pas non plus à ses chances […]
    Son opposition de principe à tout fascisme français […] exaspère l'équipe de
    Je suis partout." (p.291)

    "C'est L'Action française repliée à Lyon, en zone non occupée, que Maulnier rejoignit." (p.296)

    "Le débarquement allié en Afrique et l'invasion de la zone libre feront apparaître plus nettement encore les préférences de Thierry Maulnier. Il restera à L'Action française, mais, contrairement à Maurras et à d'autres, il n'y écrira plus d'articles politiques." (p.300)
    -Paul Sérant, Les Dissidents de l'Action française, Paris, Éditions Pierre Guillaume de Roux, 2016 (1978 pour la première édition), 417 pages.

    "Pascal ne pensait-il pas que la vertu des grandes doctrines était d'accorder les contraintes ?" -Robert Brasillach, Portraits, Plon, 1935, pp.32-33.

    "Soyons logiques avec nous-mêmes: en 38, nous criions que nous n'allions pas monter sur le vaisseau qui sombre des Tchèques, en 39, Déat se moquait de ceux qui voulaient mourir pour Dantzig. Faudrait-il aujourd'hui mourir, nous, pour que Dantzig devienne allemand ? Je réponds non. Je suis contre le bolchevisme parce que c'est la mort totale. Pour le reste, je suis germanophile et Français. Français plus que national-socialiste, pour le dire. En cas de danger, c'est à sa nation qu'il faut se rattacher. Elle seule ne trompe point… En tout cas, je ne prêterai la main à aucune dénationalisation. Plusieurs de nos amis, consciemment ou non, y versent, il faut bien le dire. Alors que notre journal passait, même parmi des adversaires, pour être resté "le plus grand hebdomadaire français", on veut en faire maintenant l'organe à devise: "Le fascisme, le fascisme seul". C'est du maurrassisme à l'envers…" -Robert Brasillach, Lettre à Lucien Rebatet, in Journal d'un homme occupé, Les Sept Couleurs, 1956, pp.248-249.

    "J'ai contracté, me semble-t-il, une liaison avec le génie allemand, je ne l'oublierai jamais. Qu'on le veuille ou non, nous aurons cohabité ensemble. Les Français de quelque réflexion durant ces années auront plus ou moins couché avec l'Allemagne, et le souvenir leur en restera doux. Oui, je connais les erreurs, et les fautes, les conséquences aussi, qui sont inévitables, d'une guerre prolongée. Je m'étonne du destin d'un peuple qui, deux fois en vingt-cinq ans, a vu se liguer contre lui le monde. Pourtant je sais aussi que non seulement ma raison me dit qu'il faudra tout faire pour s'entendre avec l'Allemagne, mais encore que mon cœur s'émerveille des trésors qui sont éternellement sous la garde de ce peuple."
    -Robert Brasillach, Révolution nationale, janvier 1944.

    "Dans la Révolution fasciste, on m'accordera que la nation a eu sa place plus violente, plus marquée, et c'est aussi une poésie que la nation. Tout cela peut être vaincu par le libéralisme apparent, le capitalisme anglo-saxon, cela ne mourra pas plus que la Révolution de 89 n'est morte au XIXe siècle malgré le retour des rois."
    -Robert Brasillach, Lettre à un soldat de la classe soixante (2e édition), Les Sept Couleurs, 1960, p.31.

    "Il nous est également impossible d'accepter une forme de lutte pour l'intérêt français qui n'est en fin de compte qu'une lutte antifasciste, et une forme de lutte anti-marxiste ou antidémocratique qui tend en fin de compte à affaiblir les positions et à mettre en péril la vie de la France." (pp.19-20)

    "Les expériences des partis qui ont tenté de conquérir l'opinion française et de se faire porter au pouvoir par des millions d'hommes unanimes ont échoué en France ; et une insurrection "nationale" du modèle espagnol aboutirait presque nécessairement, comme la révolution marxiste, à l'intervention étrangère." (p.24)

    "Le relèvement de la nation française doit apparaître à tous les Français comme devant se faire selon des voies proprement françaises et originales: relèvement "fasciste", certes, si l'on entend par là qu'il comporte la restitution de la puissance et de l'efficacité à l'Etat politique, la cohésion nationale, une nouvelle organisation sociale et économique ; relèvement "antifasciste", si l'on entend par là qu'il aura pour but essentiel de mettre la France à l'abri de la contagion idéologique, de l'invasion militaire et de la suprématie politique des "fascismes" étrangers. Mais avant tout, relèvement français, conforme au caractère historique d'un peuple et aux valeurs fondamentales d'un type de civilisation qu'il s'agit de perpétuer." (p.32-33)
    (articles publiés en 1939)

    "Une révolution nationale reçue de l'étranger est contradiction dans les termes." (p.120)

    "Liberté et autorité, coordination de tous les efforts au service de la communauté et indépendance des personnes, souveraineté de l'Etat et droits des individus, capital et travail ; droit et force, recherche du bien-être et acceptation du sacrifice, tradition et progrès, statisme et dynamisme, stabilité des institutions et libre développement des énergies vivantes, technique et culture, bonheur et courage, les antagonismes du monde moderne ne sont que les antagonismes de vérités incomplètes. Chacun de ces termes renferme une part de vérité mais chacun n'atteint à sa vérité complète qu'en se composant dans une union intime et un difficile équilibre avec le terme antagoniste." (p.298)

    "Soyons-en-sûrs: ceux qui nous conseillent aujourd'hui de renoncer à ce qui a fait au cours des siècles non seulement notre grandeur mais notre raison d'être, de prendre à l'étranger je ne sais quelles leçons de mysticisme et d'irrationalisme et de renier Descartes, ceux-là conspirent la perte de la France." (p.299)
    -Thierry Maulnier, La France, la guerre et la paix, Lardanchet, Lyon, 1942.

    "Nietzsche aussi fut un intempestif, ce Nietzsche que Maurras détestait." -Thierry Maulnier, "Charles Maurras est mort", La Table Ronde, n°61, janvier 1953.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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