"Locke admet la légitimité de l'esclavage (même si ce statut ne saurait, dans sa doctrine, se transmettre aux enfants de l'esclave), et accepte la censure comme outil habituel pour combattre certaines idées « nocives », tel l'athéisme. En économie aussi, Locke est assez loin de prôner le degré de liberté proposé par Smith et Turgot. C'est ainsi qu'Adam Smith le classe avec Colbert, Law, Montesquieu et Mun, parmi les « mercantilistes »." (p.10)
"Le meilleur projet de loi du point de vue de la santé de la population, n'est pas nécessairement le plus favorable à la liberté, car il peut comporter des quarantaines, des restrictions aux déplacements (en cas d'épidémie), des examens médicaux obligatoires (prénuptiaux et autres), des obligations de vaccination, etc. Comment trancher lorsqu'il y a conflit entre ces « biens » ?
Pour certains philosophes il existerait un bien suprême ou souverain bien ou summum bonum auquel on doit toujours donner la préférence lorsqu'un choix doit être fait." (p.18)
"Le critère ultime est le dernier dans la liste, celui face auquel il n'y a plus de recours, celui qui se trouve au plus haut de l'échelle." (p.19)
"Il y a deux manières d'exposer les idées d'une famille de pensée. La première est historique : elle consiste à raconter comment cette pensée s'est peu à peu constituée en décrivant, dans l'ordre chronologique, les apports qui ont été faits par les différents auteurs qui ont contribué à son élaboration. La seconde est analytique: elle consiste à prendre la doctrine déjà formée, telle qu'elle se présente chez un ou plusieurs auteurs représentatifs de sa phase de maturité, et d'étudier sa structure logique, c'est-à-dire la manière dont les différents concepts et postulats élémentaires s'imbriquent et s'articulent pour former un tout cohérent." (p.23-24)
"L'opinion selon laquelle l'explication des actions humaines par le seul amour de soi ou recherche de plaisir serait moderne et qu'elle appartient au corpus de la pensée libérale est un de ces mythes que l'on répète sans réfléchir. Non seulement cette opinion a été très généralement rejetée par les fondateurs du libéralisme, mais ils sont les premiers à rappeler qu'elle est vieille comme le monde." (p.31)
"D'un côté, il y a des auteurs comme Hume, Smith et Ricardo, qui considèrent que certaines parties de la nature (et certaines formes du mécanisme des marchés) peuvent être «admirablement ajustées» aux besoins et intérêts de l'homme, mais qui ont clairement indiqué que ce n'est pas toujours le cas. Ces auteurs ont explicitement écrit que c'est le but du philosophe d'étudier le monde et la société et de découvrir dans quels cas il y a harmonie et dans quels cas il n'yen a pas. De l'autre côté, nous avons l'opinion fort différente, avancée par des auteurs comme Frédéric Bastiat et Herbert Spencer, qui soutiennent que tous les mécanismes spontanés sont « harmonieux » (d'où il s'ensuit que toutes les interventions de l'État perturbent cette harmonie)." (p.36)
"Les devoirs étant considérés comme la réciproque des droits, déductibles à partir d'eux. Il était supposé qu'une fois connus les droits de l'homme on connaissait aussi ses devoirs, ces derniers consistant simplement à respecter soi-même et à assurer, par la force collective, le respect des droits des autres. Ainsi, les documents solennels qui, au XVIIIe siècle, ont cherché à récapituler l'essentiel du Droit naturel ont été appelés « Déclarations des droits de l'homme» et non « Déclaration des droits et devoirs », et l'expression « droits de l'homme» s'est peu à peu substituée à celle plus ancienne de « Droit naturel» et à celle plus longue et encombrante de « droits et devoirs naturels de l'homme »." (p.130)
"Supposons qu'un supermarché s'installe dans cette ville. On peut penser que les petits commerçants vont voir leur revenu diminuer et certains d'entre eux vont faire faillite. Le supermarché est source de déplaisir pour eux mais il ne viole ni n'enfreint aucun de leurs droits, il ne limite aucune de leurs libertés naturelles; ils continuent, avant comme après l'ouverture du supermarché, à être libres d'offrir leurs marchandises à qui ils veulent et aux prix qu'ils veulent.
L'ouverture d'un supermarché est ainsi une activité qui, du point de vue de la classification des actions prônée par le Droit naturel, ne viole le droit de personne; elle relève donc, selon cette doctrine, du domaine de la liberté. Du point de vue de la classification utilitariste, au contraire, elle fait partie des actions qui ont des répercussions sur les autres et peuvent leur occasionner de la peine et de la douleur. Elle relève donc, selon cette autre doctrine, de la catégorie d'actions sur lesquelles la société a un droit de regard, voire de réglementation, si cela lui semble utile. Le domaine privé que prône la doctrine des droits de l'homme est donc différent de celui de l'utilitarisme.
Quant au domaine « non privé », celui des actions qui font « tort » (dans le cas de la première doctrine), ou des actions qui peuvent occasionner « de la peine » (dans le cas de la seconde), il diffère aussi d'une doctrine à l'autre. Dans la doctrine des droits de l'homme les actions « qui font tort aux autres» sont simplement interdites; dans la doctrine utilitariste, les actions qui «ont des répercussions sur les autres et peuvent leur occasionner du mal» ne sont pas systématiquement interdites; elles tombent sous la juridiction de la société qui doit délibérer (en fonction de l'utilité) si elles seront librement autorisées, soumises à un règlement ou interdites." (p.138-139)
"Les devoirs de Justice comprennent donc le respect de la vie, de la liberté et de la propriété des autres, le paiement des dettes, le respect des contrats, etc. De là la définition classique: la Justice consiste à donner à chacun ce à quoi il a droit. Lorsque le droit de chacun est respecté, on peut considérer que la Justice règne.
L'accomplissement des devoirs de Bienfaisance apporte à la société quelque chose de plus que l'ordre paisible, il lui apporte un certain confort et bien-être.
Parmi ces devoirs, il y a l'octroi d'aide à ceux qui en ont besoin, l'exercice de la charité, l'abstention de l'ivrognerie, de la grossièreté et de tous ces autres vices qui, sans être suffisamment graves pour mettre en danger la paix sociale, rendent désagréable la vie en société.
La thèse fondamentale est la suivante: la société a le droit (et le devoir) d'utiliser la force pour contraindre les individus à remplir leurs devoirs de Justice; s'ils se dérobent elle peut les punir par l'amende et la prison. En revanche, elle ne doit jamais contraindre par la force à la Bienfaisance." (p.141)
"Les deux doctrines ne prônent néanmoins pas exactement le même libéralisme et il existe quelques différences entre les politiques que chacune d'elles propose." (p.160)
"Pour Condorcet, c'est une question tellement importante qu'il propose même de l'inclure explicitement dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Ainsi, dans le projet qu'il rédige, on lit: « La puissance législative ne pourra ni accorder, ni se réserver, sous aucun prétexte, ni aucun monopole de denrée ni aucun privilège exclusif de fabrication. » " (p.164)
"Les plus connus des ultralibéraux sont Frédéric Bastiat et Herbert Spencer, au XIXe siècle, et Friedrich Hayek, Milton Friedman, Ludwig von Mises, Jacques Rueff, Fritz Machlup, etc., dans notre siècle." (p.167)
"La méthode de Hayek et celle de Turgot et Condorcet, diffèrent en ce que ces derniers utilisaient toujours le même critère ultime, tandis que Hayek, comme nous venons de le voir, change le sien selon le sujet examiné." (p.170)
"Comme le dit Milton Friedman dans Capitalisme et liberté: « [...] en tant que libéraux, nous prenons la liberté de l'individu, ou peut-être de la famille, comme but ultime permettant de juger les institutions sociales. » Fritz Machlup dit à peu près la même chose; pour lui la liberté est le bien suprême : « [...] un libéral, écrit-il, est quelqu'un qui met la liberté au-dessus de tout autre but social et qui ne consentira jamais à limiter une quelconque liberté - économique, politique ou intellectuelle - sauf comme moyen pour atteindre la réalisation plus complète d'une autre liberté. » " (p.173)
"Dans certaines parties de son œuvre, Hayek dit que la liberté est le bien suprême: « On ne peut jamais permettre qu'elle soit limitée pour des raisons d'utilité» (The Constitution of Liberty. op. cit., p. 68). A d'autres endroits, il dit le contraire, affirmant qu'il est admissible de limiter la liberté mais seulement par des règles générales applicables à tous (ibid., p. 224)." (p.175)
"Si on découvre ne fût-ce qu'un cas dans lequel il est absolument indispensable qu'une autre valeur soit préférée à la liberté, on peut démontrer que la liberté n'est pas le bien suprême mais simplement un bien parmi d'autres." (p.171)
"Les classiques, comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, incluaient l'éducation du peuple, un minimum de secours pour les démunis et plusieurs autres tâches, parmi les devoirs de Justice que l'État se devait d'accomplir. Les ultra-libéraux vont, au contraire, interpréter le devoir de Justice dans un sens étroit, limitant celui-ci essentiellement aux tâches dites « sécuritaires »." (p.180)
"Le libéralisme classique, comme forme d'organisation de la société humaine, n'a été qu'un moment dans l'histoire de l'Occident, un moment précédé par le dirigisme de type mercantiliste ou despotique, et suivi par une forme d'organisation dans laquelle l'Etat intervient beaucoup plus que ne le prévoyaient les classiques. Il est presque impossible que les Etats modernes fassent marche arrière et reviennent à l'idéal du libéralisme classique. Même au Royaume-Uni où le thatchérisme a duré dix ans, le mouvement vers le passé a été, au cours de cette période, relativement limité. Quant à l'ultra-libéralisme comme forme d'organisation de la société humaine, on ne peut pas dire qu'il ait été un moment dans l'histoire humaine; l'idéal qu'il propose, celui d'un État minimal, n'a jamais existé, même au Royaume-Uni vers 1860. Contrairement au libéralisme classique, l'ultra-libéralisme est une pure utopie." (p.206)
-Francisco Vergara, Les fondements philosophiques du libéralisme. Libéralisme et éthique, Paris, La Découverte, 2002 (1992 pour la première édition), 220 pages.
"Le meilleur projet de loi du point de vue de la santé de la population, n'est pas nécessairement le plus favorable à la liberté, car il peut comporter des quarantaines, des restrictions aux déplacements (en cas d'épidémie), des examens médicaux obligatoires (prénuptiaux et autres), des obligations de vaccination, etc. Comment trancher lorsqu'il y a conflit entre ces « biens » ?
Pour certains philosophes il existerait un bien suprême ou souverain bien ou summum bonum auquel on doit toujours donner la préférence lorsqu'un choix doit être fait." (p.18)
"Le critère ultime est le dernier dans la liste, celui face auquel il n'y a plus de recours, celui qui se trouve au plus haut de l'échelle." (p.19)
"Il y a deux manières d'exposer les idées d'une famille de pensée. La première est historique : elle consiste à raconter comment cette pensée s'est peu à peu constituée en décrivant, dans l'ordre chronologique, les apports qui ont été faits par les différents auteurs qui ont contribué à son élaboration. La seconde est analytique: elle consiste à prendre la doctrine déjà formée, telle qu'elle se présente chez un ou plusieurs auteurs représentatifs de sa phase de maturité, et d'étudier sa structure logique, c'est-à-dire la manière dont les différents concepts et postulats élémentaires s'imbriquent et s'articulent pour former un tout cohérent." (p.23-24)
"L'opinion selon laquelle l'explication des actions humaines par le seul amour de soi ou recherche de plaisir serait moderne et qu'elle appartient au corpus de la pensée libérale est un de ces mythes que l'on répète sans réfléchir. Non seulement cette opinion a été très généralement rejetée par les fondateurs du libéralisme, mais ils sont les premiers à rappeler qu'elle est vieille comme le monde." (p.31)
"D'un côté, il y a des auteurs comme Hume, Smith et Ricardo, qui considèrent que certaines parties de la nature (et certaines formes du mécanisme des marchés) peuvent être «admirablement ajustées» aux besoins et intérêts de l'homme, mais qui ont clairement indiqué que ce n'est pas toujours le cas. Ces auteurs ont explicitement écrit que c'est le but du philosophe d'étudier le monde et la société et de découvrir dans quels cas il y a harmonie et dans quels cas il n'yen a pas. De l'autre côté, nous avons l'opinion fort différente, avancée par des auteurs comme Frédéric Bastiat et Herbert Spencer, qui soutiennent que tous les mécanismes spontanés sont « harmonieux » (d'où il s'ensuit que toutes les interventions de l'État perturbent cette harmonie)." (p.36)
"Les devoirs étant considérés comme la réciproque des droits, déductibles à partir d'eux. Il était supposé qu'une fois connus les droits de l'homme on connaissait aussi ses devoirs, ces derniers consistant simplement à respecter soi-même et à assurer, par la force collective, le respect des droits des autres. Ainsi, les documents solennels qui, au XVIIIe siècle, ont cherché à récapituler l'essentiel du Droit naturel ont été appelés « Déclarations des droits de l'homme» et non « Déclaration des droits et devoirs », et l'expression « droits de l'homme» s'est peu à peu substituée à celle plus ancienne de « Droit naturel» et à celle plus longue et encombrante de « droits et devoirs naturels de l'homme »." (p.130)
"Supposons qu'un supermarché s'installe dans cette ville. On peut penser que les petits commerçants vont voir leur revenu diminuer et certains d'entre eux vont faire faillite. Le supermarché est source de déplaisir pour eux mais il ne viole ni n'enfreint aucun de leurs droits, il ne limite aucune de leurs libertés naturelles; ils continuent, avant comme après l'ouverture du supermarché, à être libres d'offrir leurs marchandises à qui ils veulent et aux prix qu'ils veulent.
L'ouverture d'un supermarché est ainsi une activité qui, du point de vue de la classification des actions prônée par le Droit naturel, ne viole le droit de personne; elle relève donc, selon cette doctrine, du domaine de la liberté. Du point de vue de la classification utilitariste, au contraire, elle fait partie des actions qui ont des répercussions sur les autres et peuvent leur occasionner de la peine et de la douleur. Elle relève donc, selon cette autre doctrine, de la catégorie d'actions sur lesquelles la société a un droit de regard, voire de réglementation, si cela lui semble utile. Le domaine privé que prône la doctrine des droits de l'homme est donc différent de celui de l'utilitarisme.
Quant au domaine « non privé », celui des actions qui font « tort » (dans le cas de la première doctrine), ou des actions qui peuvent occasionner « de la peine » (dans le cas de la seconde), il diffère aussi d'une doctrine à l'autre. Dans la doctrine des droits de l'homme les actions « qui font tort aux autres» sont simplement interdites; dans la doctrine utilitariste, les actions qui «ont des répercussions sur les autres et peuvent leur occasionner du mal» ne sont pas systématiquement interdites; elles tombent sous la juridiction de la société qui doit délibérer (en fonction de l'utilité) si elles seront librement autorisées, soumises à un règlement ou interdites." (p.138-139)
"Les devoirs de Justice comprennent donc le respect de la vie, de la liberté et de la propriété des autres, le paiement des dettes, le respect des contrats, etc. De là la définition classique: la Justice consiste à donner à chacun ce à quoi il a droit. Lorsque le droit de chacun est respecté, on peut considérer que la Justice règne.
L'accomplissement des devoirs de Bienfaisance apporte à la société quelque chose de plus que l'ordre paisible, il lui apporte un certain confort et bien-être.
Parmi ces devoirs, il y a l'octroi d'aide à ceux qui en ont besoin, l'exercice de la charité, l'abstention de l'ivrognerie, de la grossièreté et de tous ces autres vices qui, sans être suffisamment graves pour mettre en danger la paix sociale, rendent désagréable la vie en société.
La thèse fondamentale est la suivante: la société a le droit (et le devoir) d'utiliser la force pour contraindre les individus à remplir leurs devoirs de Justice; s'ils se dérobent elle peut les punir par l'amende et la prison. En revanche, elle ne doit jamais contraindre par la force à la Bienfaisance." (p.141)
"Les deux doctrines ne prônent néanmoins pas exactement le même libéralisme et il existe quelques différences entre les politiques que chacune d'elles propose." (p.160)
"Pour Condorcet, c'est une question tellement importante qu'il propose même de l'inclure explicitement dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Ainsi, dans le projet qu'il rédige, on lit: « La puissance législative ne pourra ni accorder, ni se réserver, sous aucun prétexte, ni aucun monopole de denrée ni aucun privilège exclusif de fabrication. » " (p.164)
"Les plus connus des ultralibéraux sont Frédéric Bastiat et Herbert Spencer, au XIXe siècle, et Friedrich Hayek, Milton Friedman, Ludwig von Mises, Jacques Rueff, Fritz Machlup, etc., dans notre siècle." (p.167)
"La méthode de Hayek et celle de Turgot et Condorcet, diffèrent en ce que ces derniers utilisaient toujours le même critère ultime, tandis que Hayek, comme nous venons de le voir, change le sien selon le sujet examiné." (p.170)
"Comme le dit Milton Friedman dans Capitalisme et liberté: « [...] en tant que libéraux, nous prenons la liberté de l'individu, ou peut-être de la famille, comme but ultime permettant de juger les institutions sociales. » Fritz Machlup dit à peu près la même chose; pour lui la liberté est le bien suprême : « [...] un libéral, écrit-il, est quelqu'un qui met la liberté au-dessus de tout autre but social et qui ne consentira jamais à limiter une quelconque liberté - économique, politique ou intellectuelle - sauf comme moyen pour atteindre la réalisation plus complète d'une autre liberté. » " (p.173)
"Dans certaines parties de son œuvre, Hayek dit que la liberté est le bien suprême: « On ne peut jamais permettre qu'elle soit limitée pour des raisons d'utilité» (The Constitution of Liberty. op. cit., p. 68). A d'autres endroits, il dit le contraire, affirmant qu'il est admissible de limiter la liberté mais seulement par des règles générales applicables à tous (ibid., p. 224)." (p.175)
"Si on découvre ne fût-ce qu'un cas dans lequel il est absolument indispensable qu'une autre valeur soit préférée à la liberté, on peut démontrer que la liberté n'est pas le bien suprême mais simplement un bien parmi d'autres." (p.171)
"Les classiques, comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, incluaient l'éducation du peuple, un minimum de secours pour les démunis et plusieurs autres tâches, parmi les devoirs de Justice que l'État se devait d'accomplir. Les ultra-libéraux vont, au contraire, interpréter le devoir de Justice dans un sens étroit, limitant celui-ci essentiellement aux tâches dites « sécuritaires »." (p.180)
"Le libéralisme classique, comme forme d'organisation de la société humaine, n'a été qu'un moment dans l'histoire de l'Occident, un moment précédé par le dirigisme de type mercantiliste ou despotique, et suivi par une forme d'organisation dans laquelle l'Etat intervient beaucoup plus que ne le prévoyaient les classiques. Il est presque impossible que les Etats modernes fassent marche arrière et reviennent à l'idéal du libéralisme classique. Même au Royaume-Uni où le thatchérisme a duré dix ans, le mouvement vers le passé a été, au cours de cette période, relativement limité. Quant à l'ultra-libéralisme comme forme d'organisation de la société humaine, on ne peut pas dire qu'il ait été un moment dans l'histoire humaine; l'idéal qu'il propose, celui d'un État minimal, n'a jamais existé, même au Royaume-Uni vers 1860. Contrairement au libéralisme classique, l'ultra-libéralisme est une pure utopie." (p.206)
-Francisco Vergara, Les fondements philosophiques du libéralisme. Libéralisme et éthique, Paris, La Découverte, 2002 (1992 pour la première édition), 220 pages.