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    Matière Prométhéenne

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Ven 20 Fév - 21:27

    "La séparation tranchée du capital boursier d'avec l'économie nationale présentait la possibilité d'entrer en lutte contre l'internationalisation de l'économie allemande, sans toutefois menacer en même temps par le combat contre le capital les fondements d'une économie nationale indépendante."
    -Adolf Hitler, Mein Kampf.

    "L'idée du prêt à intérêt est l'invention diabolique du grand capital financier, elle rend à elle seule possible la vie parasitique et nonchalante d'une minorité de ploutocrates sur le dos des peuples créateurs et de leur force de travail, elle a conduit à des antagonismes profonds et irréductibles, à la haine de classe d'où est née la guerre civile et fratricide.

    Le seul remède, le seul moyen radical pour guérir l'humanité, c'est de briser les chaînes de l'usure. [...]

    Celui qui veut combattre le capitalisme doit briser les chaînes de l'usure
    ." (p.2)

    "Il va falloir professer que l'argent n'est rien d'autre et n'a pas le droit d'être autre chose qu'une indication du travail qui a été accompli et fourni." (p.5)

    "Le veau d'or est l'esprit de la rapacité, de l'instinct de domination sans limite, la disposition uniquement appliquée à la rapine, au vol de tous les biens et trésors de ce monde ; c'est au fond la religion d'un type anthropologique qui ne professe que des idées matérialistes et terrestres. Mais le veau d'or est le contraire du socialisme. Socialisme, appréhendé comme l'idée morale la plus haute, comme idée de l'homme qui n'est pas seul au monde pour lui-même, comme idée que chaque homme à des devoirs à l'endroit de sa communauté et de l'humanité tout entière, et qu'il n'est pas seulement responsable du bien-être immédiat de sa famille, des membres de sa parentèle, du bien-être de son peuple, mais aussi qu'il a des responsabilités morales dont il ne peut se départir pour l'avenir de ses enfants, de son peuple." (p.9-10)

    "Les grands ploutocrates sont l'ultime force motrice cachée qui pousse l'impérialisme anglo-américain à la conquête du monde." (p.10)

    "Le taux d'intérêt est immoral." (p.12)

    "Le bolchevisme est un faux moyen pour lutter contre le veau d'or." (p.12)

    "Nous devons opposer [au bolchevisme] une nouvelle idée planificatrice qui, avec une force irénique, unifiera toutes les classes productives." (p.13)

    "Ce n'est pas l'économie capitaliste, ce n'est pas le capital en soi et comme tel qui est le fléau de l'humanité. Le besoin intarissable d'intérêts du grand capital financier est la malédiction de toute l'humanité laborieuse." (p.20)

    "Il est présent tout à fait étonnant de voir comment toute la pensée socialiste, issue de Marx et d'Engels, portée sur les fonds baptismaux avec le Manifeste du parti communiste et le programme d'Erfurt (notamment Kautsky), ainsi que les caciques socialistes actuels, se mettent au garde-à-vous, comme à l'armée sur ordre d'un supérieur, devant les intérêts du capital financier. [...] Alors que la propriété, la noblesse, la sécurité des personnes et des biens, les droits de la couronne, les privilèges, les convictions religieuses, le code d'honneur des officiers, la patrie et la liberté sont peu ou prou réprouvés, l'intérêt, lui, demeure saint et inexpugnable. Les confiscations de fortune, les socialisations sont à l'ordre du jour, par conséquent des violations juridiques manifestes, qu'on peu certes quelque peu minimiser car elle ne sont commises sur l'individu qu'au nom du prétendu intérêt commun. Tout cela est autorisé, mais l'intérêt est le "noli me tangere", le "ne me touche pas"." (p.23)

    "Nous redonnerons de nouveau à l'argent le seul rôle qui peut lui échoir: être un serviteur dans l'énorme et intense fonctionnement de notre économie." (p.47)

    "Droit intime et tacite [pour l'Etat] d'intervenir dans la fixation des loyers." (p.56)

    "Devoir social impératif de soumettre le système financier au contrôle de la collectivité." (p.57)

    "Les employés et les employeurs sont faits pour s'entendre, ils ont le même but, le travail, la production, car sans production, il n'y a pas de travail, pas de vie, pas de culture, pas de progrès et d'ascension." (p.75)

    "Sans intégration et subordination de l'individu à la collectivité, aucun Etat n'est viable." (p.76)

    "Le capital financier dévoreur d'intérêts est le fléau de l'humanité [...] non le capital industriel, créateur et producteur de biens et services." (p77-78)

    "Le bourgeois, pour lequel ne vaut que la tranquillité, devoir du bourgeois, est sûrement épouvanté, comme toujours, par toutes les nouvelles idées, par toutes les nouvelles revendications révolutionnaires, pour lui désordre, troubles, car le voilà obligé de réfléchir à ce sujet ! Tout changement lui répugne, il veut jouir de sa tranquillité et malheur à qui en voudrait à son porte-monnaie. [...] Voilà le bourgeois caricatural -ce type anthropologique dont nous ne pouvons plus rien faire, un rameau sur l'arbre de l'humanité qui, plus tôt il sera coupé, mieux cela vaudra." (p.79)
    -Gottfried Feder, Manifeste pour briser les chaînes de l'usure (1919).

    "Bolchevisme, fascisme, nazisme: en dépit de leurs différences marginales sur tel ou tel sujet, ils furent tous les trois nourris par le même terreau idéologique."

    "Lors des Procès de Nuremberg, Franz von Papen expliquera les choses clairement: "Hitler a toujours souligné que la solution du problème social [...] se trouverait [...] dans un capitalisme où se mêlerait un certain degré de socialisme."

    "La nuit même de son arrivée au pouvoir, Adolf Hitler avait promis un programme "gigantesque" de création d'emplois financés par le gouvernement, et sur ce point, les choses évoluèrent rapidement. Des programmes et mesures établissant un travail obligatoire -et presque jamais rémunéré- furent massivement mis en place. [...] A partir de 1935 [...] le service militaire obligatoire fut réintroduit, ce qui "employa" de nombreux jeunes hommes. Parallèlement, le régime avait également mis en place une "répartition du travail" et certains anciens chômeurs ne travaillèrent qu'un seul jour par semaine -trop peu pour vivre correctement, mais assez pour sortir des statistiques du chômage. Ces "tours de passe-passe" [...] ne contribuèrent en rien à la prospérité allemande. [...] Les Nazis utilisèrent les camps de concentration, d'abord prévus pour les opposants politiques, pour ces hommes et ces femmes qui avaient refusé que l'État leur dicte l'emploi qu'ils devaient occuper, ou qui s'étaient montré trop peu enclins à suivre les ordres. [...] Par ailleurs, ces mesures gouvernementales de réduction artificielles du chômage furent accompagnées de baisses administratives du niveau des salaires [...] Le temps de travail fut aussi graduellement augmenté, ce qui n'empêchera pas, dans un premier temps, une baisse sensible du niveau de vie. ."

    "Un exemple montrera bien la folie bureaucratique du nazisme. Au cours de la guerre, les hauts dirigeants nazis se mirent à réfléchir sur la possibilité d'interdire les courses de chevaux sur lesquelles les gens prenaient des paris. C'étaient une méthode indigne de gagner de l'argent, pensaient-ils, surtout dans des temps difficiles. Ainsi Goebbels, Bormann, et Hitler lui-même travaillèrent sur cette question éminemment importante, en plein milieu d'une guerre mondiale. Ils échangèrent des lettres, se réunirent, prirent des décisions, les amendèrent, échangèrent de nouvelles lettres, se réunirent à nouveau, et ainsi pendant des mois."

    "Dès le second paragraphe du premier chapitre de Mein Kampf, Hitler avait déjà expliqué que si l'État socialiste ne parvenait pas à faire tourner l'économie correctement, alors il aurait le droit d'aller piller les autres nations. [...] En 1938, tandis que l'économie allemande commençait à montrer des signes de déclin prononcé [...] Hitler mis ses vieilles idées en application."

    "Le marxisme [de Marx], fondamentalement, n'était pas une doctrine nationaliste. [...] Chez Lénine déjà, derrière les appels à la Révolution mondiale, on pouvait percevoir un "socialisme à la mode russe", adapté aux conditions nationales, puis un abandon de l'idée de révolution mondiale à mesure que cette perspective semblait de plus en plus incertaine ou improbable."

    "Ainsi que l'écrira Ludwig von Mises [...]: L'État socialiste doit nécessairement étendre son territoire au maximum. Les avantages qu'il peut accorder à ses citoyens augmentent en proportion de son territoire. Tout ce qu'un État interventionniste peut fournir peut être fourni en quantités pus abondantes par un grand État que par un petit. Plus il prend plus il peut donner. C'est dans l'intérêt de ceux qui le gouvernement désire favoriser que leur État devient aussi grand que possible. La politique d'expansion territoriale devient populaire. Le peuple, comme les gouvernements, devient avide de conquêtes. Tout prétexte d'agression semble bon. Les hommes ne reconnaissent alors qu'un argument en faveur de la paix: que l'adversaire présumé soit assez fort pour briser leur attaque. Malheur au faible.". De par sa nature, le socialisme doit déboucher sur le nationalisme économique et l'autarcie, sous risque de périr. En souhaitant la révolution mondiale, le marxisme ne disait pas autre chose: le socialisme est impossible à l'intérieur d'un monde capitaliste."

    "En août 1939, Hitler précisa à nouveau la nécessité d'une action militaire: "Nous n'avons rien à perdre et tout à gagner. Étant données les contraintes qui pèsent sur nous, notre situation économique ne nous permet pas de tenir plus de quelques années. Göring peut le confirmer. Nous n'avons pas d'autre choix. Nous devons agir."

    "L'expansionnisme militaire du national-socialisme répondait donc d'abord à une exigence économique -retrouver des moyens financiers permettant la survie du Troisième Reich. Les hauts gradés de l'armée savaient bien que les conquêtes militaires n'étaient pas dictées par l'idéologie. Parce que la guerre était d'abord motivée par l'espoir d'un enrichissement, l'Union Soviétique, avec ses matières premières abondantes et ses millions de kilomètres carrés de territoire, était évidemment un "joli morceau." [...] L'attaque du front russe par les Allemands ne peut être expliquée qu'en considérant cette situation. Le pacte germano-soviétique avait été conclu afin de s'assurer des victoires faciles à l'Ouest, mais la situation économique du Reich était trop catastrophique pour qu'Hitler puisse s'arrêter là."

    "Dans son ensemble, le grand patronat restait opposé au national-socialisme, comme à toute autre forme de socialisme. [...] Cela n'empêchait pas, bien évidemment, quelques adhésions et soutiens à titre individuel, souvent en raison des aspects antisémites et nationalistes du programme."
    -Benoit Malbranque, Le Socialisme en Chemise Brune.

    "Nous autres chefs d'entreprise, nous faisons encore des profits suffisants, et parfois mêmes de gros profits, mais nous ne savons jamais ce que nous aurons le droit de garder."
    -Un Chef d'entreprise allemand sous le IIIème Reich.

    "J'arrivais de Paris persuadé que l'hitlérisme était un mouvement "de droite", une dernière tentative pour sauver le capitalisme et les privilèges bourgeois, comme disent les socialistes ; ou encore: un rempart contre le bolchévisme, comme disent les réactionnaires. Je vois beaucoup de bourgeois, professeurs, médecins, commerçants, industriels, avocats, employés, rentiers plus ou moins ruinés. Il me faut bien reconnaître qu'ils sont tous contre le régime. C'est un bolchévisme déguisé, répètent-ils. Drôle de "rempart". Ils se plaignent de ce que toutes les réformes soient en faveur des ouvriers et des paysans ; et que les impôts prennent les proportions d'une confiscation de capital ; et que la vie de famille soit détruite, l'autorité des parents sapée, la religion dénaturée, éliminée de l'éducation, persécutée par mille moyens sournois, méthodiquement."
    -Denis de Rougemont, écrivain suisse.


    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Sam 21 Fév - 23:28, édité 1 fois


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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    Message par Johnathan R. Razorback Dim 22 Fév - 11:49

    "Le racisme est-il moderne ? La plupart des historiens du phénomène, constate Christian Delacampagne, apportent à cette question une réponse positive, et il précise qu'ils situent sa naissance aux environs du XVIIIème siècle, c'est-à-dire au moment où commencent à s'élaborer le projet d'une science moderne de la nature et une réflexion scientifique sur l'espèce humaine, qui débouchera sur l'anthropologie physique." (p.7)

    "Le racisme, sous toute forme de modalités, correspond à un principe d'infériorisation du groupe racisé, il est avant tout inégalitaire. [...] D'autre part, le racisme n'accorde aucune place au groupe racisé, il correspond à une volonté de rejet, de mise à distance, d'exclusion et, dans les situations extrêmes, d'expulsion voire de destruction. Il est alors à dominante différentialiste. La logique inégalitaire renvoie généralement plutôt directement à des attributs naturels du groupe-victime, que ce soit en termes organicistes ou dans les catégories plus contemporaines de la génétique ; la logique différentialiste procède couramment par un détour culturel, elle met l'accent sur les spécificités de la culture du groupe racisé, où elle voit une menace pour la sienne propre, ou une tache, une souillure mettant en cause l'homogénéité du corps social. [...] Ces deux logiques sont distinctes en théorie, mais dans la pratique historique, elles ne sont jamais entièrement séparées l'une de l'autre." (p.11)

    "Depuis un siècle au moins, les Juifs, dans de nombreux pays, personnalisent l'échange, l'argent, l'industrialisation, le capitalisme, les médias corrupteurs de la tradition, ou encore les idées communistes et l'action révolutionnaire ; l'antisémitisme, sans se réduire à cette seule dimension, constitue alors très souvent une expression de la haine ou de la peur de la modernité, ou de l'incapacité à la piloter." (p.14)
    -Michel Wieviorka, Introduction à Racisme et modernité, La Découverte, 1993.

    "La différence extrême suscite la curiosité, le refus du mélange ou, au contraire, la recherche du métissage. Tous types de conduite qui ne peuvent pas être identifiés au racisme. Pour que celui-ci apparaisse, il faut qu'existe le sentiment que le supérieur est menacé par l'inférieur, la qualité par la quantité, la richesse par la pauvreté. Seule l'association de la différence et de l'infériorité produit le racisme." (p.25)

    "Les sociétés dites traditionnelles et plus concrètement les sociétés d'ordre, de status (Stände) qui sont encore si près de nous ne sont pas des sociétés racistes bien qu'elles insistent sur le rôle du sang, du lignage et qu'elles opposent, par exemple, des guerriers d'origines germaniques, Francs, à une population paysanne, d'origine gallo-romaine. Il serait plus inacceptable encore de parler de racisme à propos d'une société de castes, qui pourtant hiérarchise celles-ci au nom de leur pureté ou de leur impureté. Les sociétés "holistes", selon le mot de Louis Dumont, associent critères sociaux et non sociaux de hiérarchisation. Le racisme, la naturalisation de l'infériorité ou de la supériorité des catégories sociales, ne peut apparaître que quand se forme une société "active", c'est-à-dire dont la hiérarchie repose sur le rôle joué dans le changement social. C'est précisément quand les particularismes et les frontières culturelles et sociales s'affaiblissent ou disparaissent, quand tout se mélange et que chacun cesse d'être protégé par sa différence que le racisme apparaît." (p.25)

    "L'antijudaïsme était un racisme de l'autre et plus culturel que biologique, tandis que l'antisémitisme, considéré comme une défense contre l'universalisme abstrait et menaçant, est d'abord un racisme de soi, une définition de soi-même par la race, ce qui entraîne, par un renversement surprenant dans lequel l'antisémitisme puise sa violence principale, la redéfinition de l'agent de l'universalisme par des critères anti-universalistes, biologiques et culturels à la fois. Seul cet antisémitisme conduit à la volonté d'un anéantissement de l'adversaire, alors que l'antisémitisme cherchait le bannissement ou la ségrégation." (p.31)

    "Plus de la moitié des décisions prises par le Parlement français sont des actes de mise en conformité avec les directives européennes." (p.35)
    -Alain Touraine, Le racisme aujourd'hui, in Michel Wieviorka (dir), Racisme et modernité, La Découverte, 1993.

    "Lorsque qu'Alain de Benoist annonce ainsi la publication prochaine, dans la collection "Révolution Conservatrice", du grand raciologue de l'ère nazie, L. F. Clauss, lorsque son éditeur promet d'offrir "en cadeau" des livres de Günther, "fondateur de la pensée allemande de la race", rien de permet de supposer qu'il s'agit d'éditions historiques, d'études critiques remettant en perspective historique une littérature qui fait partie intégrante d'une époque et d'une société qu'il faut par ailleurs étudier." (p.95)

    "Julius Evola et René Guénon [...] en 1938, faisaient l'éloge, respectivement en Italie et en France, [du caractère authentique] des "Protocoles des sages de Sion"." (p.95)
    -Maurice Olender, Usages "politiques" de la préhistoire indo-européenne, in Michel Wieviorka (dir), Racisme et modernité, La Découverte, 1993.

    "Si la xénophobie n'est pas une idéologie mais une passion, elle est aussi la passion politique par excellence puisqu'elle permet de mobiliser une communauté, autrement dit, comme c'est bien connu, de venir abolir les différences, les conflits existants au sein de cette communauté, pour l'unir en faisceau contre un ennemi extérieur commun. Cette même passion permet d'exiger de cette communauté les plus grands sacrifices, c'est-à-dire d'avoir éventuellement à mourir pour l'idéal, et cela en plus, autre avantage, bien sûr, à très peu de frais, puisque la seule récompense, la seule exaltation, la seule dépense qui est ici effectuée par le pouvoir consiste seulement, exclusivement, à venir exalter le narcissisme de ceux qui viennent se reconnaître dans cette communauté. Nous ne pouvons pas méconnaître cette dimension qui fait de la xénophobie, au moins latente, l'un des moyens possibles pour un pouvoir de s'affirmer, en particulier en période de crise."
    -Charles, Melman, Quelle est la place de la xénophobie dans l'économie psychique ?, in Michel Wieviorka (dir), Racisme et modernité, La Découverte, 1993.

    "L'un des dogmes fondamentaux de l'apartheid était que les individus ne pouvaient réaliser leur potentiel humain qu'à travers l'identification avec leur peuple et au service de celui-ci, et qu'à cette fin la contrainte de l'Etat était légitime." (p.205)
    -Hermann Giliomee, Racisme et apartheid,  in Michel Wieviorka (dir), Racisme et modernité, La Découverte, 1993.

    "En ce qu'il fait fusionner des phénomènes distinct en les intégrant dans une catégorie unique, instrument de démonisation, l'amalgame constitue une arme discursive privilégiée du terrorisme politique." (p.370)

    "La conversion des élites médiatiques et politiques (néo-socialistes, néo-gaullistes et libéraux) à l'européisme en tant qu'unique méthode de salut a parallèlement favorisé la monopolisation, par le mouvement nationaliste xénophobe, des légitimes attachements patriotiques et du modèle de la citoyenneté républicaine à la française, qui suppose le cadre de l'Etat-nation. [...] Il n'est pas excessif de juger dangereux pour l'avenir de la démocratie en France l'abandon de la démagogie nationaliste (qui n'a nulle raison de se fixer exclusivement sur le Front national) des autoreprésentations collectives liées à la nation, ou à la dimension stato-nationale." (387)
    -Pierre-André Taguieff, L'antiracisme en crise. Élément d'une critique réformiste, in Michel Wieviorka (dir), Racisme et modernité, La Découverte, 1993.

    "L'action des victimes ou des cibles du racisme est inscrite nécessairement dans un paradoxe qui lui fait courir certains risques. Il lui faut en effet, pour se construire, assumer les catégories raciales auxquelles l'acteur est confronté, s'approprier une définition de lui-même qui le racise, s'affirmer dans une identité qui est au moins partiellement celle que d'autres ont produite pour lui. Ce qui crée nécessairement en son sein, au minimum, une tension et, souvent, des risques d'éclatement et de dérapages. D'un côté, en effet, l'acteur peut demander un traitement égal conforme aux principes les plus universels, en appeler aux droits de l'homme et du citoyen ; mais d'un autre côté, il trouve sa force de mobilisation dans la référence à une identité collective qui peut devenir une autoracisation à partir de laquelle le stigmate de la race est retourné, l'aliénation renversée, et où se profilent des tendances à la radicalisation, à des conduites de rupture, et à la fermeture communautaire." (p.419)
    -Michel Wieviorka, Antiracisme, démocratie et identité, in Michel Wieviorka (dir), Racisme et modernité, La Découverte, 1993.


    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Ven 15 Juin - 13:31, édité 15 fois


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    Message par Johnathan R. Razorback Dim 8 Mar - 12:57

    "In the Weimar Republic outsiders -democrats, Jews, avant-garde artists, and the like- became insiders, decision makers in muséums, orchestras, theaters, private centers of scholarship. [...] The talents and the énergies that were to make the republic virtually unique in history -certainly in German history- did not emerge from nowhere, virginal and unknown. But not until the disastrous end of empire could they really rise to their full potentialities."

    "In view of the controversies that have swirled around Martin Heidegger in the past two décades, i take some pride in being among the first to point out -in 1968- that his celebrated treatise of 1927, Sein und Zeit, was one the bricks from which the funeral monument of the Weimar would be built."

    "The philosophical irrationalism of Bergson and the brooding poetic irrationalism of Dostoyevsky appealed to sensitive spirits from the extreme left to the extreme right, who could no longer bear the shape of modernity and were sickened by Wilhelminian culture." (p.7)

    "Goethe's politics was apathy, Schiller's tyrannicide ; neitheir was a mode calculated to prepare men for parliamentary compromises ; both, in calling for something higher than politics, helped to pave the way for something lower -barbarism." (p.69)

    "What Heidegger did was to give philosophical seriousness, professorial respectability, to the love affair with unreason and death that dominated so many Germans in this hard time. Thus Heidegger aroused in his readers obscure feeling of assent, of rightness ; the technical meaning Heidegger gave his terms, and the abstract questions he was asking, disappeared before the resonances they awakened. Their general purport seemed plain enough: main is thrown into the world, lost and afraid ; he must learn to face nothingness and death. Reason and intellect are hopelessly inadequate guides to the secret of being ; had Heidegger not said that thinking is the mortal enemy of understanding ? The situation in which men found themselves in the times of the Republic was what Heidegger called an "Umsturzsituation", a revolutionary situation in which men must act ; whether construction or utter destruction followed mattered not at all. And Heidegger's life -his isolation, his peasant-like appearance, his deliberate provincialism, his hatred of the city- seemed to confirm his philosophy, which was a disdainful rejection of modern urbain rationalist civilization, an eruptive nihilism. Whatever the precise philosophical import of Sein und Zeit and of the writings that surrounded it, Heidegger's work amounted to a denigration of Weimar, that creature of reason, and an exaltation of movements like that of the Nazis, who thought with their blood, worshiped the charismatic leader, praised and practiced murder, and hoped to stamp out reason -forever- in the drunken embrace of that life which is death. By no means all who read Heidegger were Nazis, or became Nazis because they read him ; Christian existentialists or philosophers concerned with the supreme question of Being found him interesting and sometimes important. But Heidegger gave no one reasons not to be Nazi, and good reasons for being one." (p.82-83)

    "When the Nazis came to power, Heidegger displayed what many have since thought unfitting servility to his new masters -did he not omit from printings of Sein und Zeit appearing in the Nazi era his dedication to the philosopher Husserl, to whom he owed so much but who was, inconveniently enough, a Jew ?" (p.83)

    "What [Walter] Gropius taught, and what most Germans did not want to learn, was the lesson of Bacon and Descartes and the Enlightenment: that one must confront the world and dominate it, that the cure for the ills of modernity is more, and the right kind of modernity. It should surprise no one that the Bauhaus survived the Weimar Republic by only half a year." (p.101)
    -Peter Gay, Weimar culture. The outsider as insider. W.W. Norton & Company, 2001, first edition 1968, 197 pages.

    "How could such a banal personality attain such a historically unique position of power ?" (p.24)

    "Solidly conservative, monarchist, Catholic, economically secure and culturally traditional, the Himmlers lived in a milieu that stood in stark contrast to the widespread reputation enjoyed by turn-of-the-century Munich as being the metropolis of a self-consciously modern culture, an art loving, tolerant, and lively city. In fact cultural modernism and political liberalism in Munich had been in retreat since 1900. From the turn of the century the liberal city administration and Bavarian state ministry had found themselves increasingly under pressure from the Catholic-conservative Centre Party, which protested in particular against ‘immorality’ and against unconventional cultural trends, and specifically against the bohemian artistic world of the Schwabing district." (p.15)

    "As he was 14 at the outbreak of war Himmler was part of the so-called war youth generation: too young to be sent to the front as soldiers and yet old enough to follow the military and political events closely from the start, and also marked by the experience of having endured all the phases of the war as a collective national effort." (p.22)

    "The fact that he neither saw action at the front nor became an officer was to him a serious failure. Throughout his life he was to hold to the view that he had been prevented from following his true calling, that of an officer." (p.26)

    "As a military career in the Reichswehr seemed increasingly improbable, he made the surprising decision to study agriculture at the Technical University in Munich." (p.28)

    "[In 1919, Heinrich Himmler] read a polemic against the Freemasons that was widely read in its day, written by Friedrich Wichtl, a member of the Austrian National Assembly, who set about creating an ethnic (völkisch) stereotype out of the negative image of the Freemasons prevalent above all in Catholic circles during the First World War.15 Wichtl claimed that, among other things, Freemasonry was strongly influenced by the Jews, was aiming for world revolution, and was overwhelmingly to blame for the World War." (p.30)

    "While conducting this social life Himmler continued to be a practising Catholic, who went to mass and confession and took communion." (p.31)

    "On 16 January he learned that Count Arco, the former lieutenant who, on 21 February 1919, had murdered the serving Bavarian Prime Minister Kurt Eisner in the street, had been condemned to death. The death sentence provoked outrage among those on the political Right. The students at the Technical University took part in the protests—but they did not want to stop there. With support from military circles an initiative was planned to free the prisoner and possibly begin a putsch. Himmler already had a part to play in this." (p.32)

    "Himmler belonged to a cohort of middle-class young men who experienced the military defeat and revolution as the decisive events of their lives. For them the events of 1918/19 represented an existential challenge, demanding the response of a fundamentally new orientation geared to overcoming the defeat as an internal and external reality: this was to be achieved by a changed attitude to life and new way of living." (p.40)

    "The repression of the subject of sexuality through the invocation of masculinity, heroism, and violence, and his self-imposed conviction that, predestined to be a solitary fighter and hero, he could not enter into any emotional commitments, form a constant refrain in his diary entries." (p.51)

    "At the beginning of 1922 his reading-list once more contained two anti- Semitic works. Himmler found confirmation of his anti-Jewish attitude above all in The Register of Judah’s Guilt, the work by Wilhelm Meister already referred to. He found Houston Stewart Chamberlain’s Race and Nation, which he read shortly afterwards, convincing above all because its anti-Semitism was ‘objective and not full of hate’. This indicates that he saw the ‘mob’ anti-Semitism, which was relatively widespread during the post-war years and found expression in insults and acts of violence against Jews, as unacceptably vulgar. Instead, Himmler preferred ‘objective’ reasons for his anti-Semitic attitude and, unlike during the arguments about whether Jewish fellow students were eligible to duel, he was increasingly adopting racial theory, which appeared to provide the intellectual basis for such an approach." (p.59)

    "Himmler’s radicalization must have been encouraged by the fact that, as will have become clear to him in the course of these months, his plans for the future were built on sand. His hopes of a career as an officer were misplaced, and the alternative of completing a degree in politics (Staatswissenschaften) was to prove equally illusory." (p.64)

    "After the unsuccessful putsch attempt Himmler was facing personal and political bankruptcy. Five years after the end of the war he was neither an officer nor a colonial settler in a faraway land, but instead an unemployed agronomist unsuccessfully looking for a job.1 His hopes of securing political change by force had been dashed by the crushing of the putsch. The more the economic and political situation stabilized, the more hopeless the völkisch cause appeared.
    Nevertheless, Himmler continued to work for the banned Nazi Party, which had gone underground
    ." (p.70)

    "Himmler’s reading from the period 1923–4 shows that he was trying to find a ‘world-view’ in the broadest sense that would provide him with a solid foundation for his life. It is striking that he tried to integrate the most important elements of radical right-wing ideology, which are increasingly apparent in his thinking—anti-Semitism, extreme nationalism, racism, hostility to democracy—into a far more comprehensive world-view, cobbled together from the most varied sources.
    He distanced himself more and more from Roman Catholicism. Instead, he became increasingly preoccupied with works that, in his view, dealt with occult phenomena in a serious ‘scholarly’ way; for example, a book about ‘Astrology, Hypnosis, Spiritualism, Telepathy’, topics which, at the peak of the inflation and during the subsequent period of upheaval, were generally in vogue. In 1925 he was to read a book about the power of pendulums, and in the same year he approached an astrologer with a request for four horoscopes
    ." (p.77)

    "The Handbook on the Jewish Question published by Theodor Fritsch, who since the 1880s had been one of the most important German anti-Semites, met with his approval: ‘it shocks even someone who knows the score.’ Shortly afterwards [Himmler] read The False God: Evidence against Jehovah, by the same author." (p.78)

    "Hans Günther’s treatment of ‘the heroic ideal’, which appeared under the title Knight, Death, and Devil, also had a crucial influence on Himmler’s notion of ‘Germanic heroism’." (p.80)

    "The development of Himmler’s ideas for a ‘vo¨ lkisch peasant policy’ was directly linked to his involvement with the ‘Artamanen’, which can be traced from 1928. The Artamanen movement had been in existence since 1924; in 1928 it became more organized and from then onwards called itself the Artam League. It was a vo¨ lkisch youth league, which had initially seen its main task as being to send groups of young people (‘Artamanen groups’) to estates in eastern Germany, in order to replace Polish seasonal workers. The idea behind the project was to reconnect urban young people with the soil through hard work on the land, and thereby, at the same time, help to secure the ‘ethnic German [vo¨lkisch] frontier’. According to the league, at the end of the 1920s there were 2,000 young people involved in this agricultural project. This badly paid and self-sacrificial work, regarded as voluntary labour service, was regarded by the league as its first step towards playing an active role in the ‘internal colonization’ of eastern Germany; for this purpose it organized its own settlement projects. In addition, within its ranks the league encouraged the idea of the ‘Ostlandfahrt’, the ‘journey to the East Land’; in other words, these settlement activities were by no means to be confined to German territory.
    The league, which was a strong supporter of the ideology of ‘blood and soil’, was also anti-Slav, anti-urban, and anti-Semitic. Thus, from the start there was a close ideological affinity with Nazism, and a large number of Artamanen were in fact members of the Nazi Party
    ." (p.101)

    "Looking at Himmler’s role as the NSDAP’s agrarian expert during these years, it is clear that, while on the one hand his views on agriculture were imbued with vo¨lkisch ideology, on the other, he did not allow himself to be carried away by agrarian notions that were romantically inspired. In his view, what was decisive for solving Germany’s agricultural problems was the question of power: so long as the Nazi Party was not in control of Germany there was no point in trying to provide Germany with a new agrarian structure through settlement. Thus, to begin with, all efforts in this direction must be integrated into the party’s propaganda." (p.103)

    "Whereas the SA recruited its members above all from the lower-middle and working classes, the SS mainly recruited from the ‘better class of person’." (p.121)

    "The marriage order was not simply a fad of Himmler’s but an integral part of the SS’s attempts to distinguish itself from the plebeian SA. The marriage order was meant to express the fact that within the SS there was a fundamentally different attitude to masculinity and the relationship between the sexes to that prevalent in the SA. The image of itself projected by the SA was of a bunch of tough-guys, who liked on occasion to get drunk, were not averse to a punch-up, had a relaxed attitude to sex (which included tolerating homosexuality in their own ranks), and in general lived without ties.40 The SS man, on the other hand, was expected to be disciplined, to be reserved in manner, to be ‘Aryan’, and through his marriage to contribute to the improvement of the ‘racial quality’ of the German people." (p.127)
    -Peter Longerich, Heinrich Himmler: A Life. Oxford: University Press. 2011.


    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Mar 24 Mar - 17:35, édité 22 fois


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    Matière Prométhéenne  - Page 5 Empty Re: Matière Prométhéenne

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 31 Juil - 11:53

    "Tous les témoignages convergent. Les humanistes sont unanimes pour condamner le latin universitaire de leur temps comme barbare, grossier, rugueux, immonde -aucun qualificatif n'est suffisamment injurieux à leurs yeux. S'agit-il d'un fantasme, ou d'une facilité de langage ? L'affaire est très bien connue, bien qu'elle n'ait jamais été étudiée spécifiquement. Elle remonte au milieu du XIIIème siècle, aux jours de gloire des universités médiévales, lorsque les maîtres en théologie ont obtenu de réduire drastiquement les enseignements littéraires des facultés des Arts au profit des enseignements philosophiques.
    Le souci de rationaliser les doctrines et de les systématiser entraîna une méfiance de plus en plus ouverte vis-à-vis des "poètes", suspectés par surcroît de sympathies pour les mythologies païennes. Les maîtres thomistes (dominicains) ou scotistes (franciscains) n'eurent de cesse de faire du latin universitaire la langue la plus univoque possible, éliminant autant que pouvait se faire, les ambiguïtés de la syntaxe latine (qui sont considérables). Au total, la scholastique provoqua un appauvrissement radical de la langue savante, comme on peut s'en convaincre aisément en feuilletant n'importe quel traité théologique médiéval -à commencer par la fameuse
    Somme théologique de Thomas d'Aquin- ou n'importe quel Commentaire des sentences de Pierre Lombard. Les humanistes ont beau jeu de dénoncer cette dérive, à laquelle échappaient naturellement les productions mystiques, nécessairement fort teintées de poésie et de lyrisme." (p.13)

    "Constantinople est assiégée et les princes catholiques, occupés par la guerre de Cent Ans, ont d'autres soucis en tête que de secourir leurs frères dans le Christ. L'Église Romaine, pour sa par, ne serait sans doute pas contrariée outre mesure si Constantinople, éternelle et insupportable rivale, était rayée de la carte politique par les Ottomans. Après un siècle et demi de négociations, les papes de Rome s'apprêtent à organiser à Ferrare un concile de réunification avec l'Église grecque, à la condition que les "orthodoxes" fassent leur entière soumission à Rome. Si l'affaire aboutit, on envisagera de leur envoyer une armée de secours." (p.74)

    "[Après la Chute de Constantinople en 1453] De nombreux intellectuels grecs viennent chercher refuge en Italie. Parmi les plus célèbres, Constantin Lascaris, qui ouvre une école de grec à Messine. A la génération suivante, Jean Argyropoulos est professeur au Studio de Florence et Jean Lascaris y fait imprimer le premier livre grec, avant de suivre la cour du roi de France. Il deviendra ambassadeur de Louis XII et bibliothécaire de François Ier. Venise attire aussi les émigrés grecs. Les plus érudits d'entre eux (autour de Marc Mousouros) formeront au tournant du siècle la Néakadémia de l'imprimeur Alde Manuce, cette société où l'on avait pas le droit de parler une autre langue que le grec, sous peine d'amende." (p.75)
    -Jean-Christophe Saladin, Bibliothèque humaniste idéale, Les Belles Lettres, 2008, 467 pages.

    "Les hommes anciens qui érigèrent sur l'Etna un magnifique temps de Cérès agirent sagement, aussi bien pour cela que pour d'autres choses. Où le culte de la reine des moissons aurait-il trouvé une meilleure place que dans ce lieu où se récoltent les plus riches moissons ?"
    -Pietro Bembo, L'Etna, in Bibliothèque humaniste idéale, Les Belles Lettres, 2008, 467 pages, p. 143.

    "Etre père, ce n'est pas seulement engendrer son enfant, c'est surtout bien élever ce que a engendré."

    "Que peut-on attendre d'un maître ignorant, dis-moi, qu'un élève plus ignorant encore ?"

    "Qui ne serait fatigué de vivre au milieu de ces monstres ? Qui ne "désirerait fuir au-delà des Sarmates et du glacial Océan", si seulement il comparait la modestie et la culture des Anciens à l'arrogance et l'ignorance de notre siècle ?"

    "Seul face à tant de monstres je n'ai cependant pas cédé, non, j'ai remporté une victoire complète: j'ai persuadé les plus raisonnables, confondu les autres par un raisonnement très clair et traité les quelques derniers par le mépris."
    -Érasme, Les Antibarbares.

    « Paul, qui ne sait pas mentir, m’[…] a enseigné qui ni les putains ni leurs clients n’hériteront du royaume du Ciel. »
    -Érasme, Conversations.

    "Heureux mortels chez qui ni la religion, quelle qu'elle soit, ni le fanatisme n'introduisent point la discorde sanglante et meurtrière."

    "On ne doit inquiéter ni molester aucun habitant pour sa croyance et pour son culte."
    -Thomas More, L'Utopie.

    "La lumière de la raison est tout autant référable aux autorités arbitraires des Anciens que nous préférons le soleil à la lune et le jour à la nuit ; personne, s'il est savant, ne peut en douter."
    -Charles de Bovelles, De l'immortalité de l'âme, 1551.

    "Mère des Romains, charme des dieux et des hommes, bienfaisante Vénus [...] Fais cependant que les fureurs de la guerre s'assoupissent, et laissent en repos la terre et l'onde. Toi seule peux rendre les mortels aux doux loisirs de la paix, puisque Mars gouverne les batailles, et que souvent, las de son farouche ministère, il se rejette dans tes bras, et là, vaincu par la blessure d'un éternel amour, il te contemple, la tête renversée sur ton sein; son regard, attaché sur ton visage, se repaît avidement de tes charmes; et son âme demeure suspendue à tes lèvres. Alors, ô déesse, quand il repose sur tes membres sacrés, et que, penchée sur lui, tu l'enveloppes de tes caresses, laisse tomber à son oreille quelques douces paroles, et demande-lui pour les Romains une paix tranquille. Car le malheureux état de la patrie nous ôte le calme que demande ce travail."

    "Jadis, quand on voyait les hommes traîner une vie rampante sous le faix honteux de la superstition, et que la tête du monstre leur apparaissant à la cime des nues, les accablait de son regard épouvantable, un Grec, un simple mortel osa enfin lever les yeux, osa enfin lui résister en face. Rien ne l'arrête, ni la renommée des dieux, ni la foudre, ni les menaces du ciel qui gronde; loin d'ébranler son courage, les obstacles l'irritent, et il n'en est que plus ardent à rompre les barrières étroites de la nature. Aussi en vient-il à bout par son infatigable génie: il s'élance loin des bornes enflammées du monde, il parcourt l'infini sur les ailes de la pensée, il triomphe, et revient nous apprendre ce qui peut ou ne peut pas naître, et d'où vient que la puissance des corps est bornée et qu'il y a pour tous un terme infranchissable. La superstition fut donc abattue et foulée aux pieds à son tour, et sa défaite nous égala aux dieux."

    "Je sais que dans un poème latin il est difficile de mettre bien en lumière les découvertes obscures des Grecs, et que j'aurai souvent des termes à créer, tant la langue est pauvre et la matière nouvelle."

    "Pour dissiper les terreurs et la nuit des âmes, c'est trop peu des rayons du soleil ou des traits éblouissants du jour; il faut la raison, et un examen lumineux de la nature. Voici donc le premier axiome qui nous servira de base: Rien ne sort du néant, fût-ce même sous une main divine.  

    Ce qui rend les hommes esclaves de la peur, c'est que, témoins de mille faits accomplis dans le ciel et sur la terre, mais incapables d'en apercevoir les causes, ils les imputent à une puissance divine
    ."

    "Si tout était périssable, tant de siècles écoulés jusqu'à nous devraient avoir tout dévoré; mais puisque dans l'immense durée des âges, il y a toujours eu de quoi réparer les pertes de la nature, il faut que la matière soit immortelle, et que rien ne tombe dans le néant."

    "Il existe donc un espace sans matière, qui échappe au toucher, et qu'on nomme le vide. Si le vide n'existait pas, le mouvement serait impossible; car, comme le propre des corps est de résister, ils se feraient continuellement obstacle, de sorte que nul ne pourrait avancer, puisque nul autre ne commencerait par lui céder la place. Cependant, sur la terre et dans l'onde, et dans les hauteurs du ciel, on voit mille corps se mouvoir de mille façons et par mille causes diverses; au lieu que, sans le vide, non seulement ils seraient privés du mouvement qui les agite, mais ils n'auraient pas même pu être créés, parce que la matière, formant une masse compacte, eût demeuré dans un repos stérile."

    "Si deux corps plats et larges, qui se touchent, se séparent tout à coup, il se fait entre ces deux corps un vide qui doit être nécessairement comblé par l'air. Mais quoique l'air enveloppe rapidement et inonde cet espace, tout ne peut se remplir à la fois; car il faut que l'air envahisse d'abord les extrémités, et ensuite le reste."

    "Quelques détours que tu cherches pour échapper à l'évidence, tu es obligé enfin de reconnaître que la matière renferme du vide."

    "Une propriété est ce qui ne peut s'arracher et fuir des corps, sans que leur perte suive ce divorce: comme la pesanteur de la pierre, la chaleur du feu; le cours fluide des eaux, la nature tactile des êtres, et la subtilité impalpable du vide. Au contraire, la liberté, la servitude, la richesse, la pauvreté, la guerre, la paix et toutes les choses de ce genre, se joignent aux êtres ou les quittent sans altérer leur nature, et nous avons coutume de les appeler à juste titre des accidents."

    "Le temps n'existe pas non plus par lui-même: c'est la durée des choses qui nous donne le sentiment de ce qui est passé, de ce qui se fait encore, de ce qui se fera ensuite; et il faut avouer que personne ne peut concevoir le temps à part, et isolé du mouvement et du repos des corps."

    "Animé de leur feu, soutenu par mon génie, je parcours des sentiers du Piérus qui ne sont point encore battus; et que nul pied ne foule. J'aime à m'approcher des sources vierges, et à y boire; j'aime à cueillir des fleurs nouvelles, et à me tresser une couronne brillante là où jamais une Muse ne couronna un front humain: d'abord, parce que mes enseignements touchent à de grandes choses, et que je vais affranchissant les cœurs du joug étroit de la superstition; ensuite, parce que je fais étinceler un vers lumineux sur des matières obscures, et que je revêts toute chose des grâces poétiques."

    "La plus grande douceur est d'occuper les hauts lieux fortifiés par la pensée des sages, ces régions sereines d'où s'aperçoit au loin le reste des hommes, qui errent çà et là en cherchant au hasard le chemin de la vie, qui luttent de génie ou se disputent la gloire de la naissance, qui s'épuisent en efforts de jour et de nuit pour s'élever au faîte des richesses ou s'emparer du pouvoir.

    ô misérables esprits des hommes, ô cœurs aveugles ! Dans quelles ténèbres, parmi quels dangers, se consume ce peu d'instants qu'est la vie ! Comment ne pas entendre le cri de la nature, qui ne réclame rien d'autre qu'un corps exempt de douleur, un esprit heureux, libre d'inquiétude et de crainte ?
    "

    "La matière, assurément, ne forme pas une masse étroitement cohérente, puisque les corps s'usent, nous le voyons, et qu'ils semblent se fondre pour ainsi dire à la longue, jusqu'à dérober leur vieillesse à nos yeux, cependant que le grand tout demeure intact : c'est qu'en effet les particules qui se détachent des corps diminuent celui qu'elles quittent pour accroître celui qu'elles vont enrichir ; ainsi forcent-elles l'un à vieillir, l'autre à prospérer Encore ne s'en tiennent-elles pas là : l'ensemble des choses se renouvelle sans fin, et les mortels se prennent mutuellement de quoi vivre. Certaines espèces se développent, d'autres s'épuisent ; en peu de temps se remplacent les générations qui, tels les coureurs de la fête athénienne, se passent le flambeau de la vie."

    "De tous les êtres dont nous apparaît la substance, il n'en est aucun qui soit formé d'une seule espèce d'atomes, aucun qui ne résulte d'un mélange d'atomes divers."

    "Les dieux, en effet, doivent à leur nature même la jouissance de l'immortalité dans une paix absolue ; éloignés de nos affaires, ils en sont complètement détachés. Exempts de toute douleur, exempts de tout danger, forts de leurs propres ressources, indépendants de nous, ils ne sont ni sensibles à nos mérites, ni accessibles à la colère."

    "Ne va pas croire pourtant que tous les atomes puissent se combiner de toutes les façons : car alors on verrait communément des monstres dans la nature ; des êtres mi-hommes mi-bêtes viendraient au monde, de hautes branches s'élanceraient du corps d'un animal vivant, des membres d'animaux terrestres s'uniraient à des parties d'animaux marins et des chimères soufflant la flamme par leur gueule effroyable seraient nourries par la nature sur la terre, mère de toutes choses. Aucun de ces prodiges n'apparaît ; c'est que tous les corps proviennent de semences définies, ont une mère déterminée et croissent avec la faculté de conserver chacun son espèce."

    "La mort en détruisant les corps n'anéantit pas leurs éléments ; elle se borne à dissoudre leurs unions, puis à en combiner d'autres."

    "Ainsi le tour viendra pour les murailles du vaste monde qui, succombant aux assauts du temps, ne laisseront plus que décombres et poussière de ruines."

    "C'est dans les dangers qu'il faut observer l'homme, c'est dans l'adversité qu'il se révèle : alors seulement la vérité jaillit de son cœur ; le masque tombe, le visage réel apparaît."

    "L'esprit et l'âme sont de nature corporelle : car s'ils portent nos membres en avant, arrachent notre corps au sommeil, nous font changer de visage, dirigent et gouvernent tout le corps humain, comme rien de tout cela ne peut se produire sans contact, ni le contact s'effectuer sans corps, ne devons-nous pas reconnaître la nature corporelle de l'esprit et de l'âme ?"

    "La substance de l'esprit et de l'âme ne saurait être soustraite au corps sans que l'ensemble se dissolve. Leurs principes se trouvent dés l'origine si enchevêtrés entre eux qu'ils leur font un destin commun. Il ne semble pas que chacun puisse se passer du secours de l'autre."

    "Parlant de l'âme, j'enseigne qu'elle est mortelle."

    "Si le corps contracte de terribles maladies, des douleurs cruelles, l'âme a aussi à redouter les soucis cuisants du chagrin, de la crainte : comment n'aurait-elle pas sa part de la mort ?"

    "Lorsqu'un homme se trouve en puissance d'un vin généreux, dont la chaleur se répand partout dans ses veines, on voit ses membres s'alourdir, l'embarras de ses jambes qui vacillent ; sa langue est engourdie, son intelligence est noyée, ses yeux flottants ; voici des cris, des hoquets, des injures, enfin toutes les tristes suites de l'ivresse. Pourquoi tout cela ? sinon parce que l'ardente force du vin est capable de troubler l'âme à l'intérieur même du corps ? Or tout être susceptible de trouble et de paralysie laisse assez voir que si une cause plus puissante l'atteignait, il devrait périr et renoncer à l'existence."

    "Pour un être immortel le danger n'est point."

    "Personne ne se réveille pour se relever, une fois que la glace de la mort est venue l'endormir."

    "Supposons enfin que prenant soudain la parole, la Nature adresse à l'un de nous ces reproches : « Qu'est-ce donc qui te tient si à cœur, ô mortel, pour que tu t'abandonnes à tant de douleur et de plaintes ? Pourquoi la mort te fait-elle gémir et pleurer ? Si la vie jusqu'à ce jour t'a été douce, si tous tes plaisirs n'ont pas été s'entassant dans un vase sans fond et si donc ils ne se sont pas écoulés et perdus, que ne te retires-tu de la vie en convive rassasié ? Es-tu sot de ne pas prendre de bonne grâce un repos qui ne sera plus troublé ! Mais si toutes tes jouissances se sont consumées en pure perte et si la vie n'est plus pour toi que blessure, quelle idée de vouloir la prolonger d'un moment, lequel à son tour finirait tristement et tomberait tout entier inutile. Ne vaut-il pas mieux mettre un terme à ta vie et à ta souffrance ? Car des nouveautés pour te plaire, je ne puis en inventer désormais : le monde se ressemble toujours. Si ton corps n'est plus abîmé par les ans, si tes membres ne tombent pas de langueur, tu ne verras cependant jamais que les mêmes choses, même si ta vie durait jusqu'à tromper les âges ou même si tu ne devais jamais mourir. »

    Qu'aurions-nous à répondre, sinon que la Nature nous fait un juste procès et qu'elle plaide la cause de la vérité. Mais si un malheureux plongé dans la misère se lamente sans mesure parce qu'il lui faut mourir, la Nature n'aurait-elle pas raison d'élever la voix pour l'accabler de reproches plus sévères ? « Chasse ces larmes, fou que tu es, et arrête tes plaintes. » Et si c'est un vieillard chargé d'ans : « Toutes les joies de la vie, tu les as goûtées avant d'en venir à cet épuisement. Mais tu désires toujours ce que tu n'as pas ; tu méprises ce que tu as, ta vie s'est donc écoulée sans plénitude et sans charme ; et puis soudain la mort s'est dressée debout à ton chevet avant que tu puisses te sentir prêt à partir content et rassasié. Maintenant il faut quitter tous ces biens qui ne sont plus de ton âge. Allons, point de regret, laisse jouir les autres ; il le faut. ».
    "

    "Rechercher le pouvoir qui n'est que vanité et que l'on n'obtient point, et dans cette poursuite s'atteler à un dur travail incessant, c'est bien pousser avec effort au flanc d'une montagne le rocher qui à peine hissé au sommet retombe et va rouler en bas dans la plaine."

    "Cerbère et les Furies et l'Enfer privé de lumière, le Tartare dont les gouffres vomissent des flammes terrifiantes, tout cela n'existe nulle part et ne peut exister."

    "Tu verras que les sens sont les premiers à nous avoir donné la notion du vrai et qu'ils ne peuvent être convaincus d'erreur. Car le plus haut degré de confiance doit aller à ce qui a le pouvoir de faire triompher le vrai du faux. Or quel témoignage a plus de valeur que celui des sens ? Dira-t-on que s'ils nous trompent, c'est la raison qui aura mission de les contredire, elle qui est sortie d'eux tout entière ? Nous trompent-ils, alors la raison tout entière est mensonge. Dira-t-on que les oreilles peuvent corriger les yeux, et être corrigées elles-mêmes par le toucher ? et le toucher, sera-t-il sous le contrôle du goût ? Est-ce l'odorat qui confondra les autres sens ? Est-ce la vue ? Rien de tout cela selon moi, car chaque sens a son pouvoir propre et ses fonctions à part. Que la mollesse ou la dureté, le froid ou le chaud intéressent un sens spécial, ainsi que les couleurs et les qualités relatives aux couleurs ; qu'à des sens spéciaux correspondent aussi les saveurs, les odeurs et les sons : voilà qui est nécessaire. Par conséquent les sens n'ont pas le moyen de se contrôler mutuellement. Ils ne peuvent davantage se corriger eux-mêmes, puisqu'ils réclameront toujours le même degré de confiance. J'en conclus que leurs témoignages en tout temps sont vrais.

    La raison ne peut-elle expliquer pourquoi des objets carrés de près semblent ronds de loin ? Il vaut mieux, dans cette carence de la raison, donner une explication fausse de la double apparence, que laisser échapper des vérités manifestes, rejeter la première des certitudes et ruiner les bases mêmes sur lesquelles reposent notre vie et notre salut. Car ce n'est pas seulement la raison qui risquerait de s'écrouler tout entière, mais la vie elle-même périrait, si perdant confiance en nos sens nous renoncions à éviter les précipices et tous les autres périls, ou à suivre ce qu'il est bon de suivre. Ainsi donc, il n'y a qu'un flot de vaines paroles dans tout ce qu'on reproche aux sens
    ."

    "Tu n'ignores pas d'ailleurs quelles forces nous perdons et à quel point nos nerfs défaillent, lorsqu'il a fallu soutenir une conversation depuis la brillante naissance de l'aurore jusqu'aux ombres de la nuit noire, surtout si l'on s'est répandu en éclats de voix. La voix est donc nécessairement de nature corporelle, puisque parler beaucoup nous cause une perte de substance."

    "Le genre humain est avide de fables captivantes."

    "Enfin voilà deux jeunes corps enlacés qui jouissent de leur jeunesse en fleur ; déjà ils pressentent les joies de la volupté et Vénus va ensemencer le champ de la jeune femme. Les amants se pressent avidement, mêlent leur salive et confondent leur souffle en entrechoquant leurs dents. Vains efforts, puisque aucun des deux ne peut rien détacher du corps de l'autre, non plus qu'y pénétrer et s'y fondre tout entier. Car tel est quelquefois le but de leur lutte, on le voit à la passion qu'ils mettent à serrer étroitement les liens de Vénus, quand tout l'être se pâme de volupté. Enfin quand le désir concentré dans les veines a fait irruption, un court moment d'apaisement succède à l'ardeur violente ; puis c'est un nouvel accès de rage, une nouvelle frénésie. Car savent-ils ce qu'ils désirent, ces insensés ? Ils ne peuvent trouver le remède capable de vaincre leur mal, ils souffrent d'une blessure secrète et inconnaissable.

    Ce n'est pas tout : les forces s'épuisent et succombent à la peine. Ce n'est pas tout encore : la vie de l'amant est vouée à l'esclavage. Il voit son bien se fondre, s'en aller en tapis de Babylone, il néglige ses devoirs ; sa réputation s'altère et chancelle. Tout cela pour des parfums, pour de belles chaussures de Sicyone qui rient aux pieds d'une maîtresse, pour d'énormes émeraudes dont la transparence s'enchâsse dans l'or ; pour de la pourpre sans cesse pressée et qui boit sans répit la sueur de Vénus. L'héritage des pères se convertit en bandeaux, en diadèmes, en robes, en tissus d'Alindes et de Céos. Tout s'en va en étoffes rares, en festins, en jeux ; ce ne sont que coupes pleines, parfums, couronnes, guirlandes . . . mais à quoi bon tout cela ? De la source même du plaisir on ne sait quelle amertume jaillit qui verse l'angoisse à l'amant jusque dans les fleurs. Tantôt c'est la conscience qui inspire le remords d'une oisiveté traînée dans la débauche ; tantôt c'est un mot équivoque laissé par la maîtresse à la minute du départ et qui s'enfonce dans un cœur comme un feu qui le consumera ; tantôt encore c'est le jeu des regards qui fait soupçonner un rival ou bien c'est sur le visage aimé une trace de sourire.

    Encore est-ce là le triste spectacle d'un amour heureux ; mais les maux d'un amour malheureux et sans espoir apparaîtraient aux yeux fermés ; ils sont innombrables.  La sagesse est donc de se tenir sur ses gardes, comme je l'ai enseigné, pour échapper au piège. Car éviter les filets de l'amour est plus aisé que d'en sortir une fois pris : les nœuds puissants de Vénus tiennent bien leur proie
    ."

    "De légers coups fréquemment répétés finissent par venir à bout de toutes choses : ne vois-tu pas que de pauvres gouttes d'eau, à force de tomber sur une roche, la percent à la longue ?"

    "Il faut, semble-t-il, pour se plaire au changement, souffrir de son état. Mais pour qui n'a pas eu de malheurs, pour qui le passé n'a été qu'un courant de beaux jours, quelle raison de s'enflammer d'amour pour la nouveauté ?"

    "L'évolution du monde entier est le fruit du temps, les choses passent nécessairement d'un état à un autre, aucune ne reste semblable à soi, tout s'en va, tout change, tout se métamorphose par la volonté de la nature. Telle existence tombe en poussière ou languit de vieillesse, tandis qu'une autre croît à sa place, sortie de la fange. C'est donc ainsi que le monde entier évolue dans le temps et que d'état en état passe la terre."

    "Si l'on se conduisait par les conseils de la sagesse, l'homme trouverait la suprême richesse à vivre content de peu : car de ce peu jamais il n'y a disette. Mais les hommes ont voulu se rendre illustres et puissants pour donner une base solide à leur destinée et mener une vie paisible au sein de l'opulence : vaine ambition, car pour arriver au faîte des honneurs ils soutiennent des luttes qui en font la route périlleuse. Y arrivent-ils pourtant ? Une véritable foudre, l'envie, les frappe et les précipite honteusement dans l'horrible Tartare. Qu'il vaut mieux vivre dans l'obéissance et la paix que de vouloir régenter le monde et être roi ! Que les hommes donc suent le sang et s'épuisent en vains combats sur le chemin étroit de l'ambition. Tant pis pour eux s'ils ne voient pas que l'envie comme la foudre concentre ses feux sur les hauteurs, sur tout ce qui dépasse le commun niveau ! tant pis s'ils ne jugent que sur autorité d'autrui, s'ils règlent leurs goûts sur les opinions reçues plutôt que sur leur sentiment personnel. Hélas, ce que les hommes sont aujourd'hui, ce qu'ils seront demain, ils l'ont toujours été."

    "Le genre humain se donne de la peine sans profit et toujours consume ses jours en vains soucis. Faut-il s'en étonner ? il ne connaît pas la borne légitime du désir, il ne sait les limites où s'arrête le véritable plaisir."

    "Navigation, culture des champs, architecture, lois, armes, routes, vêtements et toutes les autres inventions de ce genre, et celles mêmes qui donnent à la vie du prix et des plaisirs délicats, poèmes, peintures, statues parfaites, tout cela a été le fruit du besoin, de l'effort et de l'expérience ; l'esprit l'a peu à peu enseigné aux hommes dans une lente marche du progrès. C'est ainsi que le temps donne naissance pas à pas aux différentes découvertes qu'ensuite l'industrie humaine porte en pleine lumière. Les hommes voyaient en effet les arts éclairés d'âge en âge par des génies nouveaux, puis atteindre un jour leur plus haute perfection."
    -Lucrèce, De Natura rerum.

    "Personne ne tombe dans l'erreur en ne se nuisant qu'à soi-même. On est la cause, on est responsable des errements d'autrui."

    "Toutes ces choses que l'on contemple, devant lesquelles on s'arrête, qu'on se montre les uns aux autres avec admiration sont brillantes à l'extérieur mais, à l'intérieur, misérable.

    "Je ne m'enchaîne pas à l'un des quelconque des maîtres stoïciens: j'ai moi aussi le droit d'émettre un avis."

    "Conformément à ce qui rassemble tous les stoïciens, je me règle sur la nature ; ne pas s'éloigner d'elle, se plier à sa loi et à son exemple, voilà la sagesse. La vie heureuse, c'est donc celle qui est en accord avec sa propre nature."

    "L'homme heureux est celui pour qui il n'est rien de bon ou de mauvais hormis une âme bonne ou mauvaise: l'homme qui cultive les valeurs d'honnêteté, qui trouve son contentement dans la vertu, que les caprices de la fortune n'exaltent ni n'abattent, qui ne connaît de plus grand bien que celui qu'il se peut donner à soi-même, pour qui le plaisir véritable est le mépris des plaisirs [...] alors l'homme met sa joie dans ce qu'il possède et ne désire rien de plus que ce qu'il a en soi."

    "Le jour où l'on devient esclave de la volupté, on l'est aussi de la douleur ; tu vois à quelle triste et désastreuse sujétion sera soumis celui que possèderont tour à tour les plaisirs et les douleurs -les plus imprévisibles et les plus despotiques de tous les maîtres: il faut donc trouver une issue vers la liberté. Or rien ne la procure excepté l’indifférence aux caprices de la fortune."

    "On peut appeler heureux celui qui est exempt de désirs et de craintes grâce aux bienfaits de la raison. […] Nul ne peut être déclaré heureux s’il est en dehors de la vérité."

    "Si volupté et vertu étaient confondues, nous ne discernerions pas ce qui est agréable sans être honnête de ce qui au contraire est honnête mais pénible et demande à être recherché au milieu des douleurs."

    "Dirai-je que la volupté existe aussi bien chez les bons que chez les mauvais et que les âmes indignes ne trouvent pas moins de plaisir à leur dégradation que les âmes honnêtes à leur conduite élevée ? C'est pour cette raison que les anciens ont recommandé de choisir la vie la meilleure, et non la plus agréable, afin qu'à une volonté bonne et droite la volupté serve de compagne, non de guide."

    "Que l'homme ne se laisse ni corrompre, ni dominer par les choses extérieures et ne place son admiration qu'en lui-même ; qu'il se fie à son courage et, préparé à toutes les éventualités, soit l'artisan de sa vie."

    "Le plaisir n'est ni le prix ni la cause de la vertu, mais quelque chose qui vient en surplus. On ne la pratique pas pour s'en délecter, mais en la pratiquant, on s'en délecte aussi."

    "Ils ne considèrent pas [les débauchés] ce que la volupté selon Épicure a (du moins à mon sentiment) de sobre et de sec, mais son nom seul les fait voler à la recherche d'un défenseur de leurs débordements, et d'un voile qu'ils puissent jeter sur eux."

    "Je suis pour ma part d'avis (je l'avoue en dépit de ceux qui partagent par ailleurs ma philosophie) que les enseignements d'Épicure sont vénérables et justes, et, si l'on y regarde de plus près, austères ; car la volupté y est réduite à un rôle minime et insignifiant."

    "On ne sera même pas un bon défenseur de la patrie ni un garant de sa liberté, pas davantage un bon soutien pour ses amis, si l'on penche du côté de la volupté."

    "Quand je blâme les vices, ce sont les miens que je blâme en premier."

    "Il n'y a pas de raison de mépriser les propos vertueux et les cœurs pleins de bonnes intentions. Les méditations salutaires, fussent-elles sans résultat immédiat, sont une occupation louable. Quoi d'étonnant si l'on ne parvient pas au sommet lorsqu'on s'engage sur des pentes escarpées ? L'homme véritable se doit d'admirer, même lorsqu'ils chutent, ceux qui entreprennent de grands efforts. La noblesse, c'est de se mesurer non aux forces qu'on sent en soi, mais à celles que comporte sa nature, d'essayer de monter au plus haut et de viser à des accomplissements impossibles même aux âmes les plus grandes."

    "Je ne ferai rien pour l'opinion, tout selon ma conscience."

    "Gémissez, exercez votre triste langue à insulter les hommes de bien ! Montrez les crocs, mordez: vous vous briserez les dents bien avant de laisser une empreinte."

    "Le sage ne se sent pas indigne des dons du sort. Il n'est pas épris des richesses, mais il préfère en avoir. Il ne les accueille pas dans son âme, mais dans sa maison. Il ne rejette pas celle qu'il possède, mais en est le maître et veut qu'elles procurent à sa vertu une plus grande manière de s'exercer.
    Car peut-on douter que le sage n'ait plus d'occasions de déployer les qualités de son âme dans la richesse que dans la pauvreté ? Dans celle-ci, il n'y a qu'un genre de vertu à pratiquer: ne pas fléchir ni tomber dans l'accablement ; parmi les richesses, la tempérance, la générosité, le discernement, l'économie, la libéralité ont le champ libre pour s'exercer
    ."

    "Si de chez moi les richesses disparaissent, elles n'emporteront qu'elles-mêmes ; si toi, tu perdais tes richesses, tu resterais stupéfait et il te semblerait que tu t'es perdu toi-même. Chez moi, les richesses occupent une certaine place ; chez toi, la plus haute. En un mot, mes richesses m'appartiennent, toi, tu appartiens à tes richesses.
    Cesse donc d'interdire aux philosophes d'avoir de l'argent: personne n'a condamné la sagesse à la pauvreté. Le philosophe pourra posséder une fortune considérable ; mais elle n'aura été enlevée à personne ni souillée du sang d'autrui ; elle sera acquise sans qu'aucune injustice ait été commise envers quiconque et sans profits sordides. Elle sera léguée aussi honorablement qu'elle aura été gagnée et personne ne se plaindra qu'elle existe, hormis les malveillants. Tu peux l'accroître autant que tu voudras: elle est parfaitement honorable.
    "
    -Sénèque, De Vita Beata (La Vie heureuse).

    "Si des richesses immenses, royales, échoient à un mauvais maître, elles seront dilapidées en un moment ; en revanche, même si elles sont modestes, lorsqu'un bon dépositaire les reçoit, elles s'accroissent à l'usage. De même, pour celui qui sait l'employer, la vie couvre une longue distance."

    "Combien ces gloires qui resplendissent par toute la terre coûtent de sueur, combien elles cachent de tourments ignorés."

    "Et Cicéron, balloté entre les Catilina, les Clodius, les Pompée, les Crassus, les uns ennemis déclarés, les autres amis douteux, pris dans la tempête de la République qu'il retient au bord du précipice pour la suivre finalement dans sa chute, inquiet dans la prospérité et incapable de supporter l'adversité, combien de fois n'a-t-il pas déclaré son aversion pour ce consulat qu'il exerçait, qu'il louait pourtant, non pas sans raison mais sans objectif !"

    "Tout ce qui est censé arriver relève de l'incertain: vis tout de suite."

    "Quand viendra le dernier jour, le sage n'hésitera pas à marcher vers la mort d'un pas assuré."

    "Nous reconnaîtrons que les illustres fondateurs des saintes doctrines sont nés pour nous, qu'ils ont préparé notre vie. Progresser vers les vérités suprêmes tirées des ténèbres, vers la lumière, c'est être guidé par le labeur d'un autre. Aucun siècle ne nous est interdit: ils nous sont tous ouverts, et si par la grandeur de nos aspirations nous tendons au-delà des petitesses humaines, un grand espace de temps est à notre disposition."

    "La raison ne peut rien face à un peuple qui a faim."
    -Sénèque, De Brevitate vitae (La Brièveté de la vie).


    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Jeu 6 Aoû - 13:57, édité 14 fois


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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